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11/10/1995 | FRANCE | N°94-10190

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 octobre 1995, 94-10190


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Bernard Y..., demeurant ..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lutèce compagnie bâtiment, en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1993 par la cour d'appel de Paris (19e chambre A), au profit :

1 / de M. Maxime Z..., demeurant ...,

2 / de la compagnie d'assurances La Préservatrice Foncière, dont le siège est 1, cours Michelet, La Défense 10, 92800 Puteaux, prise en la personne de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège,

3 / de M. Marcel X..., demeurant ...,

4 / d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Bernard Y..., demeurant ..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Lutèce compagnie bâtiment, en cassation d'un arrêt rendu le 18 octobre 1993 par la cour d'appel de Paris (19e chambre A), au profit :

1 / de M. Maxime Z..., demeurant ...,

2 / de la compagnie d'assurances La Préservatrice Foncière, dont le siège est 1, cours Michelet, La Défense 10, 92800 Puteaux, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

3 / de M. Marcel X..., demeurant ...,

4 / de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est ..., prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

5 / de la société civile immobilière Villa Thérèse, SCI dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 juillet 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Chapron, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, conseillers, M. Weber, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Chapron, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de M. Z... et de la compagnie d'assurances La Préservatrice Foncière, de Me Boulloche, avocat de M. X..., de Me Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat de la SCI Villa Thérèse, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 1993), qu'en 1986-1987, la société civile immobilière Villa Thérèse (SCI), qui avait décidé la construction de plusieurs maisons d'habitation sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, a chargé la société Lutèce cité bâtiment (LCB), assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, du lot gros oeuvre ;

que cet entrepreneur a sous-traité une partie des travaux nécessaires à l'implantation des bâtiments à M. Z..., géomètre-expert ;

qu'au cours des travaux, une erreur d'implantation est apparue, le chantier étant arrêté et des modifications devant être réalisées ;

que la SCI a assigné en réparation MM. X... et Z... ainsi que la société LCB ;

que cette dernière, soutenant que l'arrêt du chantier avait entraîné son dépôt de bilan, a demandé réparation de son préjudice ;

Attendu que la société LCB fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable du préjudice subi par la SCI, alors, selon le moyen, "1 ) qu'il n'était pas contesté, comme le faisait valoir la société LCB, qu'à la date de la signature du marché, la chargeant de l'obligation d'avoir recours à un géomètre pour effectuer l'intégralité des travaux d'implantation, et obtenir un certificat de conformité, non seulement l'erreur d'implantation était déjà commise par M. Z..., mais de surcroît, les travaux d'implantation étaient terminés puisque le compte-rendu de chantier dressé la veille de cette signature mentionnait que les fondations étaient presque achevées ;

que, dès lors, la société LCB ne pouvait avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne chargeant pas, en application des stipulations tardives du marché, le géomètre d'un travail déjà effectué et qu'il n'était matériellement plus possible de recommencer ;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que l'erreur d'implantation commise par le géomètre Z... étant antérieure au manquement reproché à la société LCB, celle-ci n'a nullement provoqué cette erreur ;

que l'obligation mise à la charge de la société LCB l'ayant été après achèvement des fondations, n'était plus de nature à empêcher la réalisation qui s'était d'ores et déjà réalisé ;

que, dès lors, le manquement reproché à la société LCB n'avait aucun lien de causalité avec le préjudice résultant pour le maître de l'ouvrage de l'erreur commise par M. Z..., et la société LCB ne pouvait en être déclarée responsable ;

qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société LCB avait, avant la signature du marché conclu avec la SCI, sous-traité des travaux d'implantation des ouvrages à M. Z..., la cour d'appel, qui a exactement retenu que, l'erreur d'implantation ayant été découverte avant réception, la responsabilité devait être recherchée sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, a légalement justifié sa décision de ce chef en relevant que la société LCB était seule responsable à l'égard du maître de l'ouvrage de la bonne exécution des travaux par le géomètre et que le fait que l'erreur ait été commise antérieurement à la signature du marché ne permettait pas d'en déduire que cet entrepreneur n'avait pas engagé sa responsabilité contractuelle dès lors qu'il était établi que les parties étaient en relations contractuelles avant la mise au point du document écrit ;

Sur le deuxième et le troisième moyens, réunis :

Attendu que la société LCB fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en réparation de ses divers préjudices dirigées contre MM. Z... et X..., alors, selon le moyen, "1 ) que l'erreur de tracé originaire du géomètre a provoqué l'implantation erronée de l'immeuble et, partant, l'arrêt du chantier préjudiciable pour la société LCB ;

qu'en écartant ce lien de causalité, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

2 ) que ne commet aucune faute le constructeur qui, avant d'être informé par le maître de l'ouvrage de son désir de faire appel à un géomètre pour l'intégralité de la mission d'implantation, procède sans commettre la moindre erreur lui-même à l'implantation de l'immeuble dont la non-conformité ne résulte que d'une erreur de tracé initial du géomètre qui ne s'est pas donné la peine de vérifier son travail ;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ; 3 ) que le géomètre tenu, au demeurant, d'une obligation de résultat, devait, en sa qualité de spécialiste intervenant dès avant la signature de marché, signaler à la société LCB la nécessité de lui confier l'intégralité de la mission d'implantation, dès lors qu'il estimait que seule l'exécution de l'intégralité de cette mission lui permettait de découvrir une éventuelle erreur de tracé ; que, dès lors, le géomètre ne pouvait se prévaloir de la limitation de sa mission, fait non fautif du constructeur et circonstance qui n'était pour lui ni imprévisible, ni irrésistible, mais qu'il était tenu, au contraire, de lui dénoncer dans le cadre de ses obligations contractuelles pour s'exonérer de sa responsabilité ;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1147 du Code civil ;

4 ) que la faute de l'architecte, M. X..., qui n'a pas veillé à ce que la réalisation des travaux soit conforme aux pièces contractuelles, a également contribué à l'implantation erronée de l'immeuble et, partant, à l'arrêt du chantier préjudiciable pour la société LCB ;

qu'en écartant ce lien de causalité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

5 ) que ne commet pas de faute le constructeur qui, avant d'avoir été informé du désir du maître de l'ouvrage de confier l'intégralité de la mission d'implantation à un géomètre, procède, sans commettre la moindre erreur, lui-même à cette implantation dont la non-conformité ne résulte que de l'erreur de tracé initial du géomètre qui ne s'est pas donné la peine de vérifier son travail, ni de signaler l'insuffisance de sa mission ;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 1382 du Code civil ;

6 ) que le fait de la société LCB qui n'était ni imprévisible ni insurmontable pour l'architecte qui devait, au contraire, lui aussi, le conseiller sur le bon déroulement du chantier, ne pouvait être de nature à exonérer celui-ci de toute responsabilité ;

que l'arrêt attaqué a donc encore violé l'article 1382 du Code civil" ;

Mais attendu que la société LCB n'ayant pas soutenu que M. Z... devait appeler son attention sur le caractère trop limité de sa mission, mais ayant seulement prétendu lui avoir donné une mission complète, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que le déroulement peu satisfaisant du chantier avait pour origine la faute de la société LCB qui, en contravention avec les stipulations du marché, n'avait confié qu'une mission limitée au géomètre-expert, et que cette société ne rapportait pas la preuve que les fautes imputables à MM. Z... et X... aient directement concouru à son dépôt de bilan, la brièveté du laps de temps séparant le début du chantier de celui-ci démontrant une situation financière précaire préexistante ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société LCB, à payer à M. X... la somme de 8 000 francs application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne M. Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société LCB, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

1953


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 94-10190
Date de la décision : 11/10/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Faute de l'entrepreneur - Erreur d'implantation - Erreur découverte avant réception - Responsabilité de nature contractuelle de droit commun.


Références :

Code civil 1147

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (19e chambre A), 18 octobre 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 oct. 1995, pourvoi n°94-10190


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.10190
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