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02/03/1993 | FRANCE | N°92-80875

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 1993, 92-80875


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le deux mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Claude, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PRO

VENCE, 7ème chambre, en date du 13 janvier 1992, qui, pour dénonciation calom...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le deux mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Claude, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 13 janvier 1992, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamné à 10 000 francs d'amende dont 5 000 francs avec sursis, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 373 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude X... coupable d'avoir fait une dénonciation calomnieuse contre des inspecteurs de police à des autorités ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, ladite dénonciation se rapportant à l'interpellation et à la mise en garde à vue prétendument arbitraires du nommé Didier Y... et à la disparition, démentie, d'une pièce de 10 francs pendant sa présence dans les locaux du commissariat de police ;

"aux motifs, propres et adoptés des premiers juges, qu'il est constant que Didier Y..., identifié comme étant l'individu désigné par la caissière d'une station-service Total comme susceptible d'avoir commis un vol à main armée, le 29 août 1989, a été interpellé et arrêté sur son lieu de travail par les policiers du commissariat de Martigues, le 30 août 1989, et a été placé en garde à vue par l'inspecteur Gibert de 11 h 45 à 19 h 30 puis relâché par le même inspecteur, sur instructions du parquet, après plusieurs auditions, notamment celle de la caissière qui se révélait être hésitante sur sa reconnaissance, une perquisition négative effectuée au domicile de Didier Y... et la vérification de son alibi ; que, dans sa lettre intégralement reproduite, X... reproche aux inspecteurs du commissariat de police de Martigues d'avoir interpellé, sur son lieu de travail, le jeune Didier pour ce vol à main armée, alors qu'aucun élément matériel n'existait contre lui ; qu'il insinue une arrestation et une séquestration arbitraires et laisse entrevoir la possibilité d'un vol ; qu'il a, ainsi, spontanément dénoncé des faits susceptibles d'entraîner des poursuites pénales ou disciplinaires à l'autorité compétente pour y donner suite ; que la fausseté des faits résulte suffisamment du classement de la dénonciation par l'autorité compétente ; que le fait que le procureur de la République ait pris l'initiative des poursuites pour dénonciation calomnieuse implique nécessairement de sa part une décision de classement de la dénonciation ; que, s'il est exact que, lorsqu'X... a téléphoné vers 17 h 30 au

substitut de permanence au tribunal de grande instance, celui-ci n'était pas informé des faits, dans la mesure où l'inspecteur Gibert en avait rendu compte à l'une de ses collègues, l'attitude, peu amène, manifestée par lui a sans doute conduit le magistrat à se contenter d'indiquer que, pour l'instant, Y... ne quittait pas le commissariat, démontrant par là-même que le parquet suivait cette affaire ; qu'il est constant qu'X... a été informé des conditions de la garde à vue par le jeune Y... lui-même ; que l'inspecteur Gibert a déclaré, à l'audience de la Cour, qu'à aucun moment il n'avait cru à l'implication de Y... dans cette affaire ; que Y... s'était contenté d'indiquer à plusieurs reprises avoir été humilié et avoir présenté depuis un diabète réactionnel ; que les termes employés par X... dans sa dénonciation constituent manifestement une dénaturation complète des faits afin de leur donner un caractère répréhensible dans le but de nuire aux services de police ; que la mauvaise foi du prévenu est suffisamment caractérisée ;

"alors que la mauvaise foi consiste dans la connaissance par le prévenu de la fausseté du fait dénoncé au moment de la dénonciation litigieuse ; qu'il résulte, en l'espèce, des constatations de l'arrêt attaqué que le substitut de permanence, auquel avait téléphoné le demandeur, n'était pas informé des faits ; que l'inspecteur de police considéré avait lui-même déclaré n'avoir pas cru à l'implication de Y... dans cette affaire ; qu'une pièce de 10 francs avait bien disparu et été remise par l'inspecteur de police Gibert à Y... lors de sa remise en liberté ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer sans autre précision que le demandeur avait procédé à une dénaturation complète des faits dénoncés ;

"alors, en outre, que, faute d'avoir précisé en quoi consistait cette dénaturation reprochable des faits, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, qu'il résulte encore des constatations de l'arrêt attaqué que Y... avait été interpellé et arrêté sur son lieu de travail, maintenu en garde à vue, traité en suspect, que son domicile avait été perquisitionné et qu'il affirmait avoir été humilié et présenter, depuis, un diabète réactionnel, l'inspecteur de police, pour sa part, déclarant qu'à aucun moment il n'avait cru à son implication dans cette affaire ; que le commissaire Baby avait présenté X... comme toujours très vigilant pour tout ce qui concerne les droits de l'homme et de la démocratie ; qu'en l'état de ces dénonciations, qui établissent, tout à la fois, la sincérité du demandeur et la recherche de la défense des intérêts généraux des individus, les juges du fond ne pouvaient écarter la bonne foi de celui-ci" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Jean-Claude X... a adressé spontanément une lettre au procureur

général, ainsi qu'au préfet, dénonçant les conditions et le déroulement de la garde à vue dont un tiers avait fait l'objet dans les locaux d'un commissariat de police ; qu'il a été cité directement par le procureur de la République devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse contre des fonctionnaires dudit commissariat ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, la cour d'appel énonce que la fausseté des faits dénoncés est établie par le classement sans suite de la dénonciation, qui se déduit de la décision de poursuivre l'auteur de celle-ci devant la juridiction répressive ; qu'elle précise que le demandeur avait eu connaissance du déroulement réel de la procédure, tant par son dernier appel téléphonique au substitut de permanence que par les informations obtenues de la personne gardée à vue le soir même de sa sortie du commissariat ; que cette dernière, refusant de cosigner la lettre de dénonciation, n'avait à aucun moment mis en cause les services de police ; que les termes employés par le prévenu constituent une dénaturation complète des faits qui lui est entièrement imputable, réalisée dans l'intention de nuire aux policiers ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, et qui procèdent de l'appréciation souveraine par les juges du fond de l'existence de la mauvaise foi chez le dénonciateur, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués au moyen, lequel ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Dumont, Fontaine, Milleville, Alphand, Guerder, Roman conseillers de la chambre, Mme Verdun conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-80875
Date de la décision : 02/03/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Connaissance de la fausseté des faits dénoncés - Appréciation souveraine des juges du fond.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 373

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 janvier 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 1993, pourvoi n°92-80875


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.80875
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