La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/1993 | FRANCE | N°91-85612

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 mars 1993, 91-85612


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Bernard, contre l'arrêt de la cour appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 8 août 1991, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation

protectrice de la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnem...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux mars mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Z... Bernard, contre l'arrêt de la cour appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 8 août 1991, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 15 000 francs, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué mentionne, d'une part, que la cause a été appelée et entendue à l'audience publique du 20 juin 1991 et, qu'à cette audience, la Cour se trouvait composée de M. Marzi, président, Mlle A... et Mme Debuisson, conseillers et, d'autre part, que l'arrêt a été jugé et prononcé par M. Marzi, président, qui a donné lecture de l'arrêt en l'absence de Mme Debuisson, et, par Mlle A... et M. Mahieux conseillers ;

"alors que les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions de jugement sont déclarées nulles lorsqu'elles ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences au cours desquelles la cause a été instruite, plaidée ou jugée ; qu'il ressort des mentions de l'arrêt M. Mahieux conseiller, n'a pas assisté à l'audience du 20 juin 1991 au cours de laquelle la cause a été appelée et entendue ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt que les débats aient été réouverts en présence de M. Mahieux conseiller ; qu'ainsi, la cour a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les débats se sont déroulés le 20 juin 1991 et qu'à cette audience la cour d'appel était composée de "M. Marzi, président, Mlle A... et Mme Debuisson, conseillers" ; qu'à l'issue des débats le président a averti les parties que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait prononcé le 8 août 1991 ; que la décision a été rendue à cette date ;

Qu'enfin, selon les mentions finales de l'arrêt, il en a été donné lecture par "M. Marzi, président, en application des articles 485 et 398 du Code de procédure pénale" ;

Attendu qu'en cet état, et abstraction faite de toutes autres énonciations surabondantes, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du moyen, lequel ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 320 du Code pénal, L. 263-2, L. 263-6, R. 233-4 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmatif par adoption de motifs, a déclaré Z... coupable de n'avoir pas déposé, protégé, commandé ou utilisé la presse litigieuse de façon telle que l'opérateur, M. Y... ne puisse, de son poste, atteindre, même volontairement les organes de travail en mouvement ;

"aux motifs qu'il est constant que la presse hydraulique litigieuse est à mouvement alternatif et mue mécaniquement ; que le fait de positionner une pièce sur la matrice d'une presse à embouter ne nécessite l'acquisition d'aucune habileté particulière ; que, dès lors, la presse litigieuse était donc bien utilisée pour l'exécution de travaux automatiques et était donc soumise aux prescriptions de l'article R. 233-4 du Code du travail ;

"aux motifs propres que la presse devant laquelle la victime était postée fonctionne selon un mouvement composé par la descente du coulisseau, la phase de pliage, la phase de remontée, dont le distributeur est commandé par une double pédale électrique ; que la victime a, dès lors que la pièce a glissé, aussitôt enlevé son pied de la pédale que commande la presse, espérant ainsi pouvoir arrêter la machine, mais que celle-ci a cependant continué à descendre ; que la machine n'a pu stopper que grâce à l'intervention d'un autre ouvrier qui a manoeuvré le bouton d'arrêt ; qu'ainsi, est établi que cette machine est mue mécaniquement par une énergie autre que la force musculaire ; que les premiers juges ont à juste titre considéré que le fait de positionner une pièce sur la matrice d'une presse à emboutir ne nécessite pas une habileté technique, qu'en conséquence, même si la machine fonctionnait au "coup par coup", il convient, en conséquence, de déduire qu'elle était utilisée à des travaux de série automatiques, indépendants de l'habileté manuelle de l'opérateur ;

"alors, d'une part, que la Cour ne pouvait considérer que la presse litigieuse était mue mécaniquement, dès lors qu'il ressort tant du carnet d'instructions que des conclusions délaissées que le cycle n'est interrompu qu'après une rotation totale du plateau départ point mort haut, passage point mort bas, fin du cycle, et ce même si l'opérateur retire son pied de la commande ; qu'ainsi, lorsque M. Y... a retiré son pied de la pédale commande, la machine s'était bien arrêtée même si, conformément à son fonctionnement, il lui restait à achever son cycle ; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le fait que la machine soit munie d'un dispositif hydraulique n'impliquait pas qu'elle soit mue mécaniquement, dès lors que ce système ne se met en mouvement et n'est continu que si une opération manuelle est diligentée par l'opérateur et ce, à chaque fois qu'il met en place une nouvelle pièce à ouvrager ; que la nécessité d'une manoeuvre manuelle de l'opérateur exclut nécessairement le caractère automatique de la machine litigieuse ; pour avoir décidé le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que sont considérés comme automatiques les travaux dont la réalisation et le fini sont indépendants de l'habileté manuelle de l'opérateur ; que si le positionnement d'une pièce à usiner sur le chassis ne nécessite aucune habileté particulière, il n'en n'est pas de même de la réalisation de la pièce qui nécessite une habileté particulière afin tant de maintenir la pièce que de la façonner aux fins de lui donner les formes souhaitées ; que les juges du fond qui n'ont pas recherché, comme les y invitaient les conclusions d'appel de Z..., si la réalisation de la pièce nécessitait une habilité manuelle particulière de l'opérateur, n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, qu'un salarié de l'entreprise Z..., occupé à des travaux de découpage de tôles sur une presse à mouvement alternatif commandée par une pédale, a eu les deux mains écrasées par la presse ; que l'employeur, Pierre Z..., a été poursuivi pour blessures involontaires et pour infraction à l'article R. 233-4 du Code du travail qui prescrit que ces presses, si elles sont "mues mécaniquement et utilisées à des travaux automatiques", doivent être protégées "de façon telle que les opérateurs ne puissent, de leur poste, atteindre, même volontairement, les organes de travail en mouvement" ; Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui faisait valoir que la presse n'était pas "mue mécaniquement" et qu'elle ne permettait pas de faire des "travaux automatiques", la cour d'appel, sur le premier point, énonce que, "bien que la victime ait enlevé le pied de la pédale qui commande le fonctionnement de la presse, cette dernière a continué à descendre, lui écrasant les deux mains", que "la machine n'a pu être stoppée que grâce à l'intervention d'un autre ouvrier, qui a manoeuvré le bouton d'arrêt" et qu'il est ainsi établi que cette machine est "mue mécaniquement, par une énergie autre que la force musculaire" ; qu'en réponse au second point de l'argumentation, la cour d'appel, après avoir énoncé, par motifs adoptés des premiers juges, que "sont considérés comme automatiques les travaux dont la réalisation et le fini sont indépendants de l'habileté manuelle de l'opérateur", relève que "le fait, comme en l'espèce, de positionner une pièce sur la matrice d'une presse ne nécessite pas une habileté technique particulière" et en déduit que "cette machine, même si elle fonctionnait au coup par coup, était utilisée à des travaux de série indépendants de l'habileté manuelle de l'opérateur", donc "automatiques" ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments matériels, l'infractions à l'article R. 233-4 du Code du travail retenue contre le prévenu, et a ainsi donné une base légale à sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 236-6 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt définitif attaqué a reconnu Z... entièrement responsable des conséquences de l'accident et, a, par conséquent, écarté le caractère fautif du comportement de la victime ;

"aux motifs qu'il n'est pas contesté que M. François Y... avait été mis au courant du fonctionnement de la presse le jour de son embauche pendant une quinzaine de minutes seulement par le chef d'équipe ; qu'il ne saurait être reproché à la victime d'avoir commis une faute alors qu'elle a pris soin d'ôter son pied de la pédale lorsqu'elle a tendu les mains pour rattraper la pièce à usiner ;

"alors que la Cour ne pouvait statuer ainsi sans rechercher si, au cours de la formation reçue, M. Y... n'avait pas été averti de ce que, même s'il retirait son pied de la pédale, tout mouvement lancé ne s'arrêtait qu'après avoir accompli un cycle complet ; qu'à défaut d'avoir procédé à cette recherche la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

0 Attendu que, pour écarter l'existence d'une faute de la victime, la cour d'appel énonce que, lorsque cette victime a, par réflexe, tendu les mains pour rattraper la pièce à usiner, elle a pris soin d'ôter le pied de la pédale et qu'en tout état de cause, son geste "n'aurait pas pu être exécuté si la machine avait été dotée d'un système de commande bi-manuelle" ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui procèdent d'une appréciation souveraine des faits, les juges ont justifié légalement leur décision sans encourir les griefs du moyen, lequel ne peut dès lors qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Milleville conseiller rapporteur, MM. Zambeaux, Dardel, Dumont, Fontaine, Alphand, Guerder, Roman conseillers de la chambre, Mmes X..., Verdun conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-85612
Date de la décision : 02/03/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour appel de REIMS, chambre correctionnelle, 08 août 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 mar. 1993, pourvoi n°91-85612


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.85612
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award