CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Impôts,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 1991, qui, sur renvoi après cassation, dans les poursuites par elles exercées contre Roger X... et Jean-Paul Y... du chef d'infraction à la législation sur les contributions indirectes, n'a pas entièrement fait droit à ses demandes.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 443 à 446, 1791, 1799, 1804 B du Code général des impôts, des articles 54 à 54 K, 54 decies et 54 undecies de l'annexe IV au même Code, de l'article 60 du Code pénal, du principe de la matérialité des infractions en matière de contributions indirectes, ensemble violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le destinataire de boissons introduites sous couvert de titres de mouvement inapplicables ;
" aux motifs, notamment, que la double livraison d'alcool suite aux manipulations effectuées sur les factures-congés litigieuses n'est pas démontrée et que, n'étant pas maître de l'émission des factures-congés, il ne pouvait être déclaré coupable des erreurs commises ;
" alors que l'enlèvement, le transport et la réception d'alcool sous le couvert de titres de mouvement inapplicables constituent une même infraction à la charge de l'expéditeur, du transporteur et du destinataire, dès lors que ce dernier a pris possession de la marchandise ; que cette infraction, purement matérielle, se caractérise par la participation indivisible de ses auteurs à un fait unique entraînant leur responsabilité solidaire et ne peut être excusée qu'en cas de force majeure, nullement établi en l'espèce et qu'ainsi, même dans l'hypothèse où le destinataire n'aurait pas participé à la fraude, il devait nécessairement être jugé responsable de l'infraction poursuivie " ;
Vu les articles cités ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Roger X... et Jean-Paul Y... sont poursuivis, le premier en qualité de représentant légal de la SA X... et Fils négociant en gros de vins et spiritueux, le second en tant qu'exploitant de discothèques destinataires des boissons vendues, pour expédition, transport, réception et détention d'alcool sans titre de mouvement ou sous le couvert de titres de mouvement inapplicables ;
Attendu que, pour relaxer Jean-Paul Y... des fins de la poursuite, seules dispositions de l'arrêt remises en cause par la demanderesse, la cour d'appel, après avoir constaté que des boissons alcoolisées ont été expédiées par la SA X... et Fils aux établissements Y... sous le couvert de factures-congés incomplètes, surchargées et pour des quantités d'alcool supérieures aux limites autorisées, faits dont Roger X... a été déclaré coupable, relève qu'aucun acte de complicité dans la réalisation des erreurs matérielles commises ne peut être retenu à l'encontre de Jean-Paul Y..., destinataire des alcools vendus, ce dernier étant dispensé des formalités mises à la charge de la société X... ; que les juges ajoutent que n'est d'ailleurs pas démontrée en l'espèce la double livraison d'alcools consécutive aux manipulations effectuées sur les factures-congés dont l'émission n'est pas le fait du prévenu Y..., lequel ne peut donc être tenu pour responsable des irrégularités commises par la société X... ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que l'infraction purement matérielle dont s'agit résulte pour le destinataire de la marchandise du seul fait de la prise de possession d'alcools accompagnés d'un titre de mouvement irrégulier, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, ni relevé l'existence d'un cas de force majeure, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 18 avril 1991, mais en ses seules dispositions portant relaxe de Jean-Paul Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.