LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme GAN incendie accidents, dont le siège social est ... (9e),
en cassation d'un arrêt rendu le 12 octobre 1990 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section B), au profit de M. Pierre X..., demeurant ... (8e),
défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 décembre 1992, où étaient présents :
M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Ridé, conseiller rapporteur, M. Le Roux-Cocheril, conseiller, Mlle Sant, conseiller référendaire, M. Kessous, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Ridé, les observations de Me Delvolvé, avocat de la société GAN incendie accidents, de la SCP Peignot etarreau, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 1990), que M. Pierre X..., engagé en 1961 par la sociétéroupe des assurances nationales (GAN) incendie accidents, y a occupé successivement les fonctions de fondé de pouvoir, secrétaire général adjoint et sous-directeur ; qu'après avoir été détaché pendant plusieurs années auprès d'organismes de réassurance-construction, il a demandé, par lettre du 16 juin 1983, à être mis en disponibilité pour occuper un poste au sein d'une société allemande ; qu'il a été accédé à sa demande à compter du 1er avril 1984 et pour une période de deux ans ; qu'en soutenant que leAN avait refusé de le réintégrer à l'expiration de ce délai, et qu'il était ainsi responsable de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, préjudice moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à la cour d'appel d'avoir, pour la condamner à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugé qu'il résultait de la correspondance échangée entre les parties que leAN avait contracté l'obligation de réintégrer M. X... dans un poste de direction à l'expiration du délai de deux ans ou de le maintenir en disponibilité jusqu'à ce qu'un tel poste soit disponible au sein de l'entreprise, alors, d'une part, que, pour statuer ainsi, la cour d'appel a, en violation de l'article 1134 du Code civil, dénaturé les termes clairs et précis de la lettre du président de la société en date du 21 juillet 1983, qui écrivait :
"Vous seriez réintégré... dans un poste de direction disponible... à la suite d'un entretien où il serait procédé à un examen de la
situation", ce dont il résultait clairement que la réintégration en fin de
période de mise en disponibilité n'était envisagée par le président qu'à titre d'éventualité ; alors, d'autre part, que, en violation du même texte, la cour d'appel a refusé de se référer aux termes de la lettre du président du 2 avril 1984 -donc postérieure à l'échange de correspondance de septembreoctobre 1983- où celui-ci acceptait la mise en disponibilité et où il se référait exclusivement à sa lettre du 21 juillet 1983, laquelle ne stipulait pas le maintien en disponibilité à la fin de la période de deux ans jusqu'à ce qu'un poste de direction soit disponible ; Mais attendu que c'est après avoir procédé à l'analyse des lettres échangées entre les parties, dont elle a reproduit les termes sans les dénaturer, que la cour d'appel a constaté que le contrat de travail de M. X... n'avait été que suspendu et que la société GAN avait contracté l'obligation de réintégrer son salarié à l'expiration de la période de mise en disponibilité ou de prolonger cette mise en disponibilité jusqu'à libération, dans l'entreprise, d'un poste de direction conforme à sa qualification ; Que le moyen est donc mal fondé ; Sur le second moyen :
Attendu que la société fait encore grief à la cour d'appel d'avoir prononcé condamnation à son encontre au motif qu'elle avait manqué à son obligation de réintégrer M. X... dans un poste disponible, alors que, d'une part, l'existence de postes disponibles devait être appréciée à la date de la fin de la disponibilité et qu'en prenant en considération l'ensemble des postes qui auraient été disponibles entre mars 1984 et avril 1986, et non à cette dernière date, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en considérant que le contrat faisait obligation à l'employeur de proposer au salarié les postes devenus disponibles pendant cette période, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, qu'en omettant de rechercher s'il existait des postes disponibles en avril 1986, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de base légale au regard des articles L. 122-4, L. 122-9 et L. 122-14-4 du Code du
travail ; alors, de plus, qu'en affirmant qu'il apparaissait peu vraisemblable qu'entre mars 1984 et avril 1986, il n'ait existé aucun poste de direction pouvant convenir à M. X..., la cour d'appel a statué par un motif dubitatif et hypothétique, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin que, en violation du même texte, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions suivant lesquelles l'absence de postes disponibles avait été reconnue par M. X... dans une lettre du 14 janvier 1986, et dans le projet de réponse joint, sollicitant une prolongation de sa mise en disponibilité, ainsi que par une lettre du ministre des Finances au président duAN en date du 4 mars 1986 ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par une appréciation souveraine de l'ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que leAN ne rapportait pas la preuve de l'absence de postes disponibles susceptibles d'être offerts à M. X... à l'issue de la suspension de son contrat de travail ; Qu'ainsi, abstraction faite de tous autres motifs surabondants, la cour d'appel a justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;