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09/12/1992 | FRANCE | N°91-86967

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 décembre 1992, 91-86967


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le neuf décembre mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ; Statuant sur le pourvoi formé par :

A... Bernard, K

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 16 avril 1991, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a prononcé la

confiscation des substances saisies ; Vu le mémoire produit en demande et le m...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le neuf décembre mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ; Statuant sur le pourvoi formé par :

A... Bernard, K

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 16 avril 1991, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a prononcé la confiscation des substances saisies ; Vu le mémoire produit en demande et le mémoire additionnel ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 372 du Code de la santé publique, 80, 81, 151, 385, 593 et 802 du Code de la procédure d pénale, et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure tirée de l'illégalité des écoutes téléphoniques pratiquées au cours de l'instruction pour déclarer le prévenu coupable d'exercice illégal de la médecine en se fondant sur le contenu des conversations téléphoniques litigieuses ; "aux motifs adoptés des premiers juges qu'une jurisprudence constante de la chambre criminelle a disposé que le juge d'instruction tenait des articles 81 et 151 du Code de procédure pénale, le pouvoir de faire procéder à des écoutes téléphoniques par les services de police sous son contrôle à condition d'agir sans artifice ni stratagème et que le procédé n'ait pas eu pour résultat de compromettre les droits de la défense ; qu'une information contre personne non dénommée a été ouverte le 7 novembre 1986 des chefs d'infraction à la législation sur les stimulants utilisés à l'occasion de compétitions sportives et d'infraction à la législation sur les stupéfiants ; qu'une commission rogatoire était délivrée aux fonctionnaires de la brigade des stupéfiants à l'effet d'une part de procéder à toutes investigations aux fins d'identification et d'interpellation des auteurs, d'autre part d'assurer les surveillances techniques des conversations émises ou reçues par trois postes téléphoniques correspondant au domicile et à un magasin appartenant à Bernard A..., que l'enquête alors diligentée conduisait à l'interpellation de A... et de ses co-prévenus ; que par ailleurs, les écoutes téléphoniques ont fait apparaître à l'encontre de A... des présomptions de commissions d'infractions nouvelles, escroquerie et exercice illégal de la médecine ; qu'au vu des ces indices, le juge d'instruction a régulièrement

communiqué son dossier au parquet, lequel a, par réquisitions supplétives, prescrit au juge d'instruction d'informer sur ces faits nouveaux ; que les écoutes diligentées sur une très courte durée du 10 au 26 novembre 1986, ont été placées sous scellés, qu'ont été transcrites les seules conversations pouvant laisser apparaître des présomptions de commission des délits, que les transcriptions intégrales de ces conversations ont été communiquées aux parties qui ont pu en discuter contradictoirement les termes dans leur argumentation ; qu'il apparaît qu'aucun stratagème ni aucune atteinte aux droits de la défense n'ont été commis ; qu'en effet l'on ne saurait voir un stratagème dans le fait que des d indices de commission de délits, différents de deux originairement poursuivis, étant apparus lors des conversations légalement enregistrées, leur exploitation ait été requise et poursuivie par le parquet dont c'est précisément la fonction ; qu'il n'est pas sérieux de soulever que les délits d'escroquerie et d'exercice illégal de la médecine ne constitueraient pas une atteinte suffisante à l'ordre public, s'agissant de délits susceptibles d'être recherchés par la voie d'une information judiciaire ; "alors que, d'une part, en application du principe de la saisine "in rem" du juge d'instruction qui résulte de l'article 80 du Code de procédure pénale, celui-ci ne peut informer et donc délivrer de commission rogatoire , que pour rechercher les faits dont il a été préalablement saisi par un réquisitoire du procureur de la République ; que dès lors en l'espèce où il résulte des constatations du jugement comme de l'examen du dossier, que le magistrat instructeur avait, lorsque les écoutes litigieuses ont été effectuées, été exclusivement saisi de poursuites visant des infractions à la législation sur les stimulants utilisés à l'occasion de compétitions sportives et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, les éléments recueillis au cours des écoutes téléphoniques qui ont été pratiquées sur les lignes de l'exposant conformément à la commission rogatoire qu'il avait délivrée, ne pouvaient servir de base à des poursuites exercées ultérieurement contre ce dernier des seuls chefs d'escroquerie et d'exercice illégal de la médecine et pouvaient encore moins entraîner sa condamnation sur ce dernier chef de poursuite ; qu'en effet, dans la mesure où les écoutes portaient sur des faits distincts de ceux pour lesquels le juge d'instruction avait été saisi, ce dernier ne pouvait décerner de commission rogatoire valable concernant ces faits en sorte que les écoutes téléphoniques étaient illégales, en ce qu'elles tendaient à recueillir des indices concernant des infractions d'escroquerie et d'exercice illégal de la médecine non visées par le réquisitoire introductif ; "alors, d'autre part, que si la Cour de Cassation admet que la mise sur écoute d'une ligne téléphonique ne constitue pas une transgression de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, quand

elle a été ordonné par un magistrat instructeur, encore faut-il, en outre, qu'elle soit justifiée par la nécessité d'établir la preuve d'un crime ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre d public, ce qui ne peut pas être le cas du délit d'exercice illégal de la médecine dont le prévenu a été déclaré coupable et qui est susceptible de bénéficier d'une amnistie ; "et, enfin, que dans son arrêt du 24 avril 1990, la Cour européenne des droits de l'homme, ayant condamné la France pour violation des dispositions de l'article 8, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'insuffisance des garanties offertes aux individus par les conditions juridiques dans lesquelles les écoutes téléphoniques sont pratiquées en France, la Cour de Cassation ne pourra qu'annuler l'arrêt attaqué en ce qu'il a admis la licéité d'écoutes téléphoniques pratiquées en exécution d'une commission rogatoire décernée dans le cadre de poursuites portant sur les faits totalement distincts des infractions concernées par ces écoutes" ; Attendu qu'en refusant par les motifs reproduits au moyen de prononcer l'annulation des écoutes téléphoniques effectuées la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'en effet, effectués antérieurement à la loi du 10 juillet 1991 les écoutes et enregistrements téléphoniques trouvent leur base légale dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale ; que, s'ils peuvent être effectués à l'insu des personnes intéressées, ce ne peut être que sur l'ordre d'un juge et sous son contrôle, en vue d'établir la preuve d'un crime, ou de toute autre infraction portant gravement atteinte à l'ordre public, et d'en identifier les auteurs ; qu'il faut en outre que l'écoute soit obtenue sans artifice ni stratagème et que sa transcription puisse être contradictoirement discutée par les parties concernées, le tout dans le respect des droits de la défense ; Que ces prescriptions auxquelles il n'a pas été dérogé en l'espèce, répondent aux exigences de l'article 8 alinéa 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Mais sur le moyen additionnel pris de la violation des articles 4 du Code pénal, L. 376 du Code b de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à la peine de 50 000 francs d'amende du chef d'exercice illégal de la médecine ; "alors que l'infraction reprochée au prévenu par la prévention et retenue à son encontre ne permettait pas le prononcé d'une peine d'amende supérieure à 30 000 francs, les faits incriminés étant antérieurs à la loi n° 87 588 du 30 juillet 1987 qui a modifié la peine encourue" ; Vu lesdits articles ; Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine d'amende d'un montant supérieur à celui que fixe la loi, à l'époque où les faits

ont été commis ; Attendu que l'article L. 376 du Code de la santé publique, en sa rédaction antérieure à la loi du 30 juillet 1987, punit d'une amende de 3 600 francs à 30 000 francs le délit d'exercice illégal de la médecine ; Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a déclaré Bernard A... coupable de ce délit pour des faits commis courant 1984, 1985 et jusqu'au 15 novembre 1986 et l'a condamné à 50 000 francs d'amende ; Mais attendu qu'en prononçant à l'encontre du prévenu, en l'absence de toute constatation d'un état de récidive légale, d'ailleurs non visé à la prévention, une peine d'amende supérieur au maximum prévu par la loi à l'époque des faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ; Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en ses dispositions concernant Bernard A..., l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 avril 1991 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; b RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

M. Le Gunehec président, M. Jean Simon conseiller rapporteur, MM. Souppe, Blin, Carlioz, Jorda, Mme Baillot conseillers de la chambre, M. Y..., Mmes Z..., X..., Verdun conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-86967
Date de la décision : 09/12/1992
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le moyen additionnel) PEINES - Légalité - Peine supérieure au maximum légal - Exercice illégal de la médecine - Absence de récidive - Loi applicable.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 avril 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 déc. 1992, pourvoi n°91-86967


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.86967
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