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26/03/1992 | FRANCE | N°91-80452

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 1992, 91-80452


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CARLIOZ, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Gilles,

HABIB Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 17 décembre 1990, qui les a condamnés pour le délit de coups o

u violences volontaires commis avec préméditation et à l'aide d'une arme ainsi que, X..., pou...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CARLIOZ, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Gilles,

HABIB Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 12ème chambre, en date du 17 décembre 1990, qui les a condamnés pour le délit de coups ou violences volontaires commis avec préméditation et à l'aide d'une arme ainsi que, X..., pour port illégal d'une arme de la 6° catégorie, et Y..., pour rébellion, chacun à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les réparations civiles ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; d

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Gilles X... et pris de la violation des articles 297 et 309 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles X... coupable, après disqualification, de violences volontaires avec arme et préméditation ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail personnel supérieure à huit jours pour les victime énumérées à la prévention et inférieure à huit jours pour Liliane Pillas ;

"aux motifs que Gilles X... est prévenu de complicité de coups et blessures volontaires ; que le rapport dressé le 8 mai 1988 par 3 brigadiers établit que, de passage sur la place Saint-Augustin, ils ont été invités par les membres d'un "attrouppement composé d'individus très excités" à poursuivre "un groupe de jeunes, qui s'enfuyaient vers la gare Saint-Lazare après avoir commis des agressions" ; qu'ils se sont immédiatement lancés à leur poursuite précédés d'un véhicule de leur service ; qu'arrivés cour de Rome, alors que les individus se séparaient, ils ont "néanmoins réussi à en interpeller un" ; qu'il en résulte que Gilles X... faisait partie du groupe des agresseurs, puisque ces trois brigadiers ont suivi ce groupe depuis le lieu de l'agression jusqu'au lieu de l'interpellation ; que Gilles X... était vêtu d'un pantalon de jean, d'une paire de chaussures de sport, d'un blouson en tissu de couleur noir, d'une paire de gants en cuir noir et d'un morceau de tissu gris foncé rectangulaire en écharpe (D 84 et 86) ; que cette tenue est celle des membres du groupe des agresseurs ; que M. X... soutient que volontairement, il avait pris le "look" des adhérents aux mouvements d'extrême droite bien qu'étant lui-même de confession israélite et opposé à leurs idées, afin de pouvoir les observer sans difficultés ; que, toutefois, il résulte des huit photographies versées au dossier que les victimes dont la plupart étaient adhérentes ou sympathisantes de l'Oeuvre Française, mouvement d'extrême droite, ne portait aucunement de tels vêtements et que seuls leurs agresseurs les avaient perfidement revêtus ; que le demandeur a toujours affirmé n'avoir aucune activité politique, même devant les premiers juges ;

"qu'il a été néanmoins trouvé à son domicile un auto-collant du "front des étudiants juifs combat d sioniste" ; qu'en outre il s'est déclaré prêt à participer éventuellement à une contre-manifestation ; que cette volonté délibérée de cacher son militantisme à pour but de faire paraître impossible sa présence parmi les agresseurs ;

"que le prévenu a toujours affirmé avoir suivi son frère Norbert jusqu'à ce que tous deux prennent la fuite ; que Norbert X... a été définitivement condamné pour avoir frappé à l'aide d'une barre de fer un manifestant de la place Saint-Augustin bien qu'il ait nié ces faits ; qu'ils en résulte que Gilles X... se trouvait à ses côtés lorsqu'il frappait et que lui-même portait des coups, comme chacun des membres du groupe ;

"que, si Gilles X... n'a pu être reconnu par les victimes, c'est que toutes s'accordent à dire que l'agression a été rapide et que les agresseurs dissimulaient presque tous leur visage sous un foulard ; qu'en effet, le prévenu a été trouvé porteur d'un tel foulard ; que Gilles X..., membre d'un groupe armé qui s'est livré en un temps très bref à une agression violente et concertée où chaque membre frappait avec l'une des nombreuses armes abandonnées sur place, s'est rendu coupable de coups et blessures volontaires avec une arme et préméditation ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail personnel supérieure à 8 jours pour les victimes énumérées à la prévention et de moins de huit jours pour Ludovic Pillas, étant observé que cette co-action a nécessairement aidé et assisté les autres coupables, et que Gilles X... est donc devenu par la force des choses leur complice (cass. 10.01.1952), l'ensemble des violences exercées contre toutes les victimes constituant un fait unique auquel chaque membre du groupe a participé ;

"alors que, d'une part, ne caractérise pas le délit visé par l'article 309 du Code pénal, l'arrêt qui se borne à reproduire les termes de la loi sans préciser aucun des faits qui en justifient l'application et sans indiquer, notamment, en quoi a consisté la préméditation retenue et la nature de l'arme utilisée ;

"alors d'autre part, que la cour d'appel n'a pu, sans contradiction, après avoir disqualifié les faits retenus à la prévention sous l'incrimination de complicité de coups et blessures volontaires avec arme et préméditation en coups et blessures avec arme et préméditation, retenir que le prévenu a aidé et assisté les autres coupables et qu'il est devenu leur complice ; qu'ainsi, le fondement de la condamnation est d incertain" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Meyer Y... et pris de la violation des articles 297 et 309 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable, après disqualification, de violences volontaires avec arme et préméditation ayant entraîné une incapacité temporaire totale de travail personnel supérieure à huit jours pour les victimes énumérées à la prévention et inférieure à huit jours pour Liliane Pillas ;

"aux motifs qu'il résulte du procès-verbal du 8 mai 1988 que les policiers ont assisté à l'agression par une trentaine d'individus en tenu quasi-uniforme d'une dizaine de personnes ; qu'immédiatemment,

ils ont mis leur brassard "police" et se sont interposés entre "les victimes à terre baignant dans leur sang et les agresseurs qui continuaient à les frapper sauvagement" ; que le gardien Mediouni a suivi deux individus qui s'étaient réfugiés dans le hall d'un immeuble ; qu'il les a sommés de s'arrêter en criant "halte police" ; que brusquement ceux-ci ont fait volte face ; que le gardien Mediouni a réussi à les retenir malgré les nombreux coups que lui portaient les individus" ; que les vêtements portés par Y... correspondaient à ceux portés uniformément par le groupe des agresseurs ; qu'Y... a déclaré qu'il avait appris par un tract qu'il y avait une manifestation de nazis ; qu'il était "de confession israélite et donc contre tout ce qui touche à ce système ; qu'Y... a admis qu'il était membre du mouvement sioniste de France ; que sa volonté délibérée de minimiser ses activités de militant avait pour seul but de rendre invraisemblable sa participation au groupe des agresseurs ; qu'ainsi le prévenu, membre d'un groupe armé qui s'est livré en un temps très bref à une agression violente et concertée ou chaque membre frappait à l'aide d'une des nombreuses armes retrouvées sur place, s'est rendu coupable de coups et blessures volontaires avec arme et préméditation ;

"alors que, d'une part, ne caractérise pas le délit incriminé par l'article 309 du Code pénal, l'arrêt qui se borne à reproduire les termes de la loi, sans préciser aucun des faits qui en justifient l'application et sans indiquer, notamment, en quoi a consisté la préméditation retenue et la nature de l'arme utilisée ; d

"alors d'autre part, que la cour d'appel n'a pu, sans contradiction, après avoir disqualifié les faits retenus à la prévention sous l'incrimination de complicité et de coups et blessures volontaires avec arme et préméditation retenir que ce prévenu a aidé et assisté les autres coupables et qu'il est devenu leur complice ; qu'ainsi, le fondement de la condamnation est incertain" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, abstraction faite d'un motif surabondant, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, y compris en ce qui concerne les circonstances aggravantes, le délit de coups ou violences volontaires commis avec préméditation et à l'aide d'une arme dont, après requalification, elle a déclaré Gilles X... et Meyer Y... coupables ;

Que les moyens qui, sous le couvert de défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause et de la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, ne sauraient être accueillis ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Gilles X... et pris de la violation des articles 32 du décret-loi du 18 avril 1939 modifié, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Allouche coupable de port d'arme de la 6ème catégorie sans motif légitime ;

"aux motifs que le prévenu n'a jamais contesté avoir été trouvé porteur d'une arme appelée "Etoile de Ninja", objet en métal acéré susceptible de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique et entrant dans la sixième catégorie des armes dites armes blanches ; qu'il doit donc être déclaré coupable de port d'arme de la 6ème catégorie sans motif légitime ;

"alors que le délit de port d'arme prohibé d suppose qu'un individu soit trouvé, hors de chez lui, porteur d'une arme de sixième catégorie ; qu'en l'espèce, le prévenu n'a jamais reconnu les faits ; que, par suite, la cour d'appel qui se borne, pour entrer en voie de condamnation, à retenir que celui-ci n'a jamais contesté les faits, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que pour déclarer Gilles X... coupable du délit de port illégal d'une arme de la sixième catégorie, les juges du second degré relèvent, par motifs propres et adoptés, que trois policiers lancés à la poursuite d'un "groupe de personnes qui s'enfuyaient vers la gare Saint-Lazare après avoir commis des agressions" sont parvenus à interpeller, cour de Rome, un membre du groupe, en l'espèce le prévenu ; que celui-ci a été trouvé en possession d'une étoile dite de Ninja, objet en métal acéré à ses six extrémités, "susceptible de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique et entrant dans la sixième catégorie des armes dites armes blanches" ;

Attendu qu'en cet état, contrairement aux griefs allégués, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Meyer Y... et pris de la violation des article 209 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de rébellion ;

"au seul motif qu'il résulte d'un rapport précis et circonstancié et de certificat médical produit par le gardien Mediouni, attestant de contusions et d'hématomes sur sa cuisse gauche et au mollet gauche que Y... s'est rebellé au moment de son interpellation ;

"alors que le délit de rébellion consiste dans le fait de s'opposer avec violence aux agents de l'autorité agissant pour l'exécution des lois ou des ordres de l'autorité publique ; que le délit incriminé suppose la réunion des conditions visées par la loi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui se borne à faire état de contusions et d'hématomes sur la cuisse gauche du gardien Mediouni, n'a aucunement caractérisé les éléments de la rébellion visés par la loi" ; d

Attendu que les juges du fond relèvent notamment qu'au moment d'être interpellé dans l'immeuble où il s'était réfugié, Meyer Y... a fait face au policier qui l'avait poursuivi, l'a bousculé et que ce dernier n'a pu le maîtriser qu'avec l'aide d'un autre gardien de la paix accouru en renfort ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de rébellion dont, après requalification de la poursuite, elle a déclaré le prévenu coupable ;

Que dès lors, le moyen ne saurait être admis ;

Et sur le cinquième moyen de cassation commun aux deux demandeurs et pris de la violation des articles L 422-1 et suivants du Code des

assurances, 593 et 706-3, 706-2, 706-16 du Code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi du 9 septembre 1986, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reçu l'intervention du Fonds de garantie contre les actes de terrorisme et a rejeté l'exception d'irrecevabilité ;

"aux motifs que le Fonds est doté de la personnalité civile, que l'article 9-2 de la loi du 9 septembre 1986 modifiée affirme qu'il est subrogé dans les droits que possède les victimes contre les personnes tenues à un titre quelconque d'assurer la réparation des dommages et que l'article 9-IV bis lui donne le pouvoir d'intervenir devant les juridictions de jugement en matière répressive en cas de constitution de partie civile de la victime, intervention à titre principal ; que l'intervention du Fonds répond parfaitement à ces conditions ; qu'il n'y a pas lieu de rechercher si l'agression perpétrée constituait ou non un acte de terrorisme, cet argument étant inopérant dans la procédure actuelle et n'ayant pas été soulevé devant les premiers juges ; qu'enfin, à l'évidence le fonds n'a pu intervenir que lorsque les prévenus ont été traduits devant la juridiction de jugement le 13 mars 1990 ; qu'auparavant il a du verser des indemnités en application des articles L 422-1 et suivants du Code des assurances, les auteurs des faits lui étant alors inconnus ; que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée ; que les premiers juges ont justement limité l'intervention du fonds de garantie aux seules victimes s'étant constituées parties civiles et en conséquence ne d lui ont été allouées que les sommes versées auxdites victimes, soit 201 533,90 francs ;

"alors que la loi du 9 septembre 1986 applicable en la cause, a institué en faveur des victimes d'actes de terrorisme un mode de réparation autonome répondant à des règles propres ; qu'en particulier, il doit s'agir de réparer les conséquences d'actes de terrorisme et que le préjudice subi ne peut être indemnisé que s'il a entrainé un trouble grave dans les conditions de vie de la victime ; que le Fonds de garantie n'est subrogé dans les droits de la victime qu'à cette double condition ; que faute d'avoir caractérisé à la lois la perpétration d'un acte de terrorisme au sens de la loi et l'existence d'une trouble grave, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le Fonds de garantie contre les actes de terrorisme a indemnisé, en application de l'article L 422-1 du Code des assurances, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, les victimes qui se sont constituées parties civiles dans l'instance ; que dès lors, en application de l'alinéa 3 du même texte, il s'est trouvé subrogé dans les droits desdites parties civiles à l'encontre des auteurs des faits qui avaient causé les dommages, indépendamment de la qualification sous laquelle ces derniers ont, en définitive, été condamnés ;

Attendu que par ces motifs, substitués à ceux, erronés, critiqués au moyen, l'arrêt attaqué se trouve justifié ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Carlioz conseiller rapporteur, MM. de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin, Jorda conseillers de la chambre ; MM. Louise, Maron, Mme Batut, M. Echappé d conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-80452
Date de la décision : 26/03/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12ème chambre, 17 décembre 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mar. 1992, pourvoi n°91-80452


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.80452
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