LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Compagnie générale de parfumerie (COGEPAR), société Beautérama, dont le siège est ... (1er) (Bouches-du-Rhône),
en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e Chambre, Section A), au profit :
1°) du Centre hospitalier régional universitaire de Nice (CHRUN), dont le siège est ... (Alpes maritimes),
2°) de M. le directeur général des Impôts, agissant comme chef du service des Domaines, ès qualités de curateur de la succession vacante de Mme I... veuve C..., ministère de l'Economie, des Finances et du Budget, ... (12e),
3°) de la Société nouvelle des parfumeries niçoises, dont le nom commercial est Beauté club, dont le siège est 41, rue d'Estienne-d'Orves à Marseille (1er) (Bouches-du-Rhône), pour l'exploitation d'un établissement secondaire à l'enseigne Beauté club Elysée G..., dont le siège est ... (Alpes-Maritimes),
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 17 décembre 1991, où étaient présents :
M. Senselme, président, M. Chevreau, conseiller rapporteur, MM. L..., A..., N..., Z..., X..., E..., D..., K...
H..., J...
F..., MM. Chemin, Boscheron, conseillers, Mme B..., MM. Chapron, Pronier, conseillers référendaires, M. Mourier, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Chevreau, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société COGEPAR, de la SCP Célice et Blancpain, avocat du CHRUN, de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Donne acte à la Compagnie générale de parfumerie de son désistement de pourvoi, en tant que dirigé contre la Société nouvelle des parfumeries niçoises ; Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 1990), que M. Y..., locataire, en vertu d'un bail emphytéotique d'une durée de cinquante ans ayant commencé à courir le ler avril 1932, de terrains appartenant à l'Hôpital Saint-Roch, à Nice, aux droits duquel se trouve le Centre hospitalier régional universitaire de Nice (CHRUN), y a fait construire des immeubles qui devaient, en fin de bail, revenir sans indemnité à l'hôpital et les a sous-loués à
M. C... par acte du 15 mai 1943 ; que Mme C..., poursuivant la location après le décès de son mari, a donné à bail à Mme M..., par acte du ler février 1973, des locaux à usage commercial dépendant de l'un de ces immeubles ; que ce bail a été cédé le 14 juin 1976 à la Société nouvelle des parfumeries niçoises et, après signature d'un avenant par Mme C... le ler octobre 1979, transféré à la Compagnie générale de parfumerie (COGEPAR) à la suite d'une fusion des sociétés, en décembre 1980 ; que le CHRUN ayant donné
congé pour le ler avril 1982, terme du bail emphytéotique, tant à Mme C... qu'à la COGEPAR, cette dernière a demandé le bénéfice du statut des baux commerciaux et le paiement d'une indemnité d'éviction, en faisant valoir qu'elle avait été victime de l'apparence et croyait tenir son bail du propriétaire ; Attendu que la COGEPAR fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, "1°) que dans ses conclusions d'appel, la COGEPAR avait invoqué le caractère caché, à l'égard des sous-contractants, de la nature emphytéotique du bail initial consenti par le CHRUN, que ne mentionnaient ni le contrat de sous-location du ler février 1973 intervenu entre Mme C... et leur auteur, ni l'acte du 14 juin 1976 par lequel le sous-contractant a acquis le fonds de commerce exploité dans l'immeuble loué, ni l'avenant du ler octobre 1979 intervenu entre Mme C... et le sous-contractant ; qu'un tel silence des divers actes définissant la situation locative du sous-contractant était de nature à engendrer dans l'esprit de ce dernier une croyance légitime en l'applicabilité du statut des baux commerciaux, de sorte que, en se bornant à considérer, pour écarter le jeu de l'apparence, que le sous-locataire n'avait pu croire à la qualité de propriétaire de son cocontractant, sans rechercher l'erreur commise dans l'ignorance, par le sous-locataire, de la nature emphytéotique du bail principal, comme l'y invitaient les conclusions de la société COGEPAR, la cour d'appel n'a pas répondu à ces dernières, violant ainsi les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que l'existence d'une erreur légitime et commune de la part des sous-locataires devait s'apprécier au moment de la constitution des rapports locatifs, de sorte que la brusque révélation, à la fin du bail, de la réalité cachée n'était pas de nature à faire disparaître l'apparence créée ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de la maxime error communis facit jus ; 3°) que la nature emphytéotique du bail initial, ainsi que les conséquences qu'elle entraînait quant à l'étendue des droits des sous-locataires successifs, ne figuraient dans aucun des contrats liant la Société nouvelle des parfumeries niçoises ou son auteur à Mme C..., de sorte qu'en l'absence d'information claire relative à la situation
locative particulière des sous-contractants, ceux-ci pouvaient légitimement croire à l'applicabilité aux rapports locatifs du statut
des baux commerciaux ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé derechef la maxime error communis facit jus ; 4°) qu'il ne suffit pas que certains sous-contractants aient pu être à même de connaître la qualité de sous-locataire de Mme C... pour qu'apparaisse à leur égard la réalité concernant la nature emphytéotique du bail principal, demeurée cachée ; qu'il ne suffit pas non plus qu'une fraction des sous-locataires aient pu être à même de connaître la réalité cachée pour que disparaisse le caractère commun de l'erreur commise, lequel suppose une appréciation d'ordre qualitatif, si bien que la cour d'appel, en refusant de tenir compte de l'existence, lors de la constitution du rapport de sous-location auquel était partie la société COGEPAR, d'une erreur légitime, commune à l'ensemble des sous-contractants, quant à la nature juridique du bail principal, a privé sa décision de toute base légale au regard des principes régissant l'application, en matière d'actes juridiques, de la théorie de l'apparence" ; Mais attendu que la cour d'appel a répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision en retenant, par motifs propres et adoptés, que lors de la cession du bail à la COGEPAR, au mois de décembre 1980, la Société nouvelle des parfumeries niçoises connaissait la nature emphytéotique du bail par une lettre du CHRUN du 6 juin 1978 et par les termes de l'avenant au bail du ler octobre 1979, relatant que ce bail avait été fait pour une durée de cinquante ans, ayant commencé à courir le ler avril 1932 pour finir le ler avril 1982 ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;