CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Maurice,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 28 février 1990 qui, dans une procédure suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les sociétés, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel et le mémoire ampliatif produits ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 427 de la loi du 24 juillet 1966, des articles 2, 3, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Z... recevable en sa constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne la procédure ainsi que les faits de la cause, la Cour se rapporte, sur ces points, aux énonciations du jugement attaqué desquelles il résulte notamment que Zakia Y..., épouse Z..., a acquis 160 parts sociales de la SARL Hôtel Paix, le 26 janvier 1984, pour le prix de 16 000 francs, que les faits reprochés à X..., gérant de cette société, sont antérieurs à cette date et que lesdits faits ont été découverts seulement postérieurement à l'acquisition des parts par la partie civile ; qu'il suffit, comme c'est le cas dans la présente espèce, pour que la demande de constitution de partie civile soit recevable devant une juridiction, que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence d'un préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'aucun texte n'exige, d'un porteur de parts d'une société à responsabilité limitée qui se constitue partie civile en raison du préjudice qu'il aurait subi du fait d'infractions pénales commises par le dirigeant de la société, qu'il prouve avoir été détenteur de ses titres à la date des faits frauduleux allégués, alors que le porteur de parts appuie sa prétention sur le dommage résultant de la dépréciation de la valeur de ses parts trouvant sa cause dans lesdits agissements frauduleux ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce le délit de défaut de soumission à l'assemblée générale des associés d'une société à responsabilité limitée des documents sociaux obligatoires dont a été reconnu coupable X..., a pour objet la protection des seuls détenteurs des parts sociales de ladite société ; que, dès lors, en énonçant qu'aucun texte n'exige, d'un porteur de parts d'une société à responsabilité limitée qui se constitue partie civile devant une juridiction en raison du préjudice qu'il aurait subi du fait d'infractions pénales commises par le dirigeant de la société, qu'il prouve avoir été détenteur de ses titres à la date des faits frauduleux allégués, la Cour a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que, si même il suffit aux parties civiles au stade de l'information de démontrer que le préjudice allégué et son lien direct avec l'infraction soient possibles, il appartenait à la Cour, pour déclarer recevable la constitution de partie civile en cause, de caractériser ce lien de filiation causale ; qu'en se bornant à énoncer que le porteur de parts appuie sa prétention sur le dommage résultant de la dépréciation de la valeur de ses parts trouvant sa cause dans lesdits agissements frauduleux, en l'occurrence, le délit de défaut de soumission à l'assemblée générale des associés d'une société à responsabilité limitée des documents sociaux obligatoires, sans rechercher si cette dépréciation était la conséquence directe du délit dont avait été reconnu coupable X..., la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions visées au moyen ;
" alors, enfin que l'arrêt incriminé énonce que les faits reprochés à X..., gérant de cette société, sont antérieurs à cette date (de la cession des parts) et que lesdits faits ont été découverts seulement postérieurement à l'acquisition des parts par la partie civile ; qu'il ressort en réalité que Mme Z... qui est la belle-fille des époux B..., associés majoritaires au sein de la société, était parfaitement au courant des faits imputés à faute à X... ; qu'il résulte, notamment, de l'audition de A..., comptable de la société, (cotes D. 156 à D. 159) que cette dernière savait que la tenue des documents sociaux n'était pas à jour et ne pouvait en aucun cas ignorer la véritable situation de la société Hôtel Paix ; qu'ainsi l'arrêt de la Cour en fondant sa décision sur une constatation qu'elle déclare puiser dans les pièces de la procédure et qui est contredite par ces mêmes pièces, manque de base légale par contradiction de motifs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que par jugement du 10 novembre 1989 le tribunal correctionnel de Paris a déclaré d'une part, Maurice X..., gérant de la société Hôtel Paix, coupable d'avoir de 1981 à 1984, omis de réunir l'assemblée des associés dans les 6 mois de la clôture de l'exercice et de soumettre à son approbation les comptes annuels et d'autre part, irrecevable la constitution de partie civile de Zakia Y..., épouse Z... ; qu'infirmant cette décision la cour d'appel a déclaré recevable la constitution de partie civile de Zakia Z... et lui a alloué des dommages-intérêts ;
Attendu que, pour écarter l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile soulevée par X... qui soutenait que Zakia Z... ayant acquis la qualité d'associée seulement le 25 janvier 1984 ne pouvait invoquer aucun préjudice résultant des faits commis avant cette date, la cour d'appel relève qu'aucun texte n'exige d'un porteur de parts d'une société à responsabilité limitée qui se constitue partie civile contre le dirigeant de la société qu'il prouve avoir été détenteur de ses titres à la date des faits incriminés et qu'il suffit, comme c'est le cas en l'espèce, que les circonstances sur lesquelles s'appuie la partie civile permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec l'infraction retenue ; qu'elle ajoute que l'omission par X..., pendant plusieurs exercices, de réunir l'assemblée des associés et de soumettre à son approbation les comptes annuels constitue " de graves atteintes aux règles de la gestion et de l'administration d'une société, susceptibles de nuire à celle-ci et plus particulièrement aux associés " ;
Mais attendu que, s'il est vrai qu'aucun texte n'exige des associés qui se constituent partie civile contre le dirigeant de la société qu'ils aient été détenteurs de leurs titres à la date des faits délictueux, il reste que les juges devaient constater que le préjudice subi personnellement par cette partie civile, est la conséquence directe et certaine de l'infraction mise à la charge du prévenu ;
Qu'en se bornant à déclarer que le défaut de réunion de l'assemblée générale des associés pour l'approbation des comptes annuels était susceptible de nuire à la société et aux associés mais sans rechercher si la dépréciation des titres, dont se plaignait la partie civile constituait un préjudice certain et personnel et était la conséquence directe de l'infraction retenue, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, du 28 février 1990 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.