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06/03/1991 | FRANCE | N°90-84990

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 mars 1991, 90-84990


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Rolf,
contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, en sa composition prévue par l'article 698-6 du Code de procédure pénale, en date du 15 juin 1990, qui, pour entretien avec des agents d'une puissance étrangère d'intelligences de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de la France ou à ses intérêts économiques essentiels, l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 6.1 et 6.3 de la Convention europ

éenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemb...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Rolf,
contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, en sa composition prévue par l'article 698-6 du Code de procédure pénale, en date du 15 juin 1990, qui, pour entretien avec des agents d'une puissance étrangère d'intelligences de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de la France ou à ses intérêts économiques essentiels, l'a condamné à 12 ans de réclusion criminelle.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 6.1 et 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense, du principe de l'oralité des débats, et de l'autorité de la chose jugée :
" en ce que, par arrêt incident du 14 juin 1990, la cour d'assises a rejeté la demande de X... tendant à la comparution personnelle de M. Y..., témoin cité par l'accusation ;
" aux motifs que l'audition de ce témoin n'apparaît pas utile à la manifestation de la vérité ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6.3 d de la Convention précitée, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge ; qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en cas d'impossibilité absolue de convoquer le témoin ou de le faire entendre, ou en cas de force majeure dûment explicitée ; que Werner Y..., selon l'arrêt de renvoi aux Assises, était un transfuge des services de renseignements qui aurait révélé les activités de X... auprès des services secrets de la RDA ; que X... n'a jamais été confronté et n'a jamais pu interroger ni faire interroger M. Y... ; que, faute de constater que la comparution de ce témoin en cour d'assises eût été impossible et de justifier de cette impossibilité, la cour d'assises a privé sa décision de tout fondement juridique et violé le texte et les principes visés ci-dessus ;
" alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que dès lors que, sur demande expresse de l'accusé, la cour d'assises, par arrêt incident, a refusé d'ordonner la comparution et la confrontation d'un témoin au motif que ces formalités ne sont pas nécessaires à la manifestation de la vérité, cette renonciation à l'audition du témoin emporte renonciation à l'ensemble de ses déclarations précédentes et interdit toute lecture de ces déclarations, fût-ce dans le cadre du pouvoir discrétionnaire du président ; qu'il résulte du procès-verbal des débats que, après l'arrêt incident, le président a donné lecture des déclarations et dépositions faites par M. Y... ; que cette façon de procéder :
" - viole l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt incident dès lors que celui-ci avait jugé que les déclarations de M. Y... n'étaient pas utiles à la manifestation de la vérité ;
" - viole l'article 6.3 d précité, dès lors que l'accusé se trouve privé de son droit fondamental au contre-interrogatoire du témoin ;
" - viole le principe de l'oralité des débats " ;
Vu ledit article, ensemble l'article 315 du Code de procédure pénale ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte de ce dernier texte que, tenue de statuer sur les conclusions régulièrement déposées devant elle, la cour d'assises est dans l'obligation de répondre aux chefs péremptoires qu'elles comportent ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6.3 d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit, notamment, à interroger ou faire interroger les témoins à charge ; qu'il s'ensuit que, sauf impossibilité dont il leur appartient de préciser les causes, les juges sont tenus, lorsqu'ils en sont légalement requis, d'ordonner l'audition contradictoire des témoins à charge qui n'ont, à aucun stade de la procédure, été confrontés avec l'accusé ;
Attendu qu'il appert du procès-verbal des débats que, dès l'ouverture de ceux-ci, la défense a déposé des conclusions tendant à ce que soit ordonnée la comparution du témoin Y..., régulièrement cité et dénoncé par le ministère public mais absent, et à " surseoir au déroulement de la présente audience " jusqu'à ce qu'il ait pu être entendu ;
Qu'au soutien de cette demande, le conseil de X... faisait valoir que les déclarations de Y... constituent " les éléments essentiels de l'accusation " et que l'accusé, qui a constamment demandé à être confronté avec lui, n'a jamais pu obtenir cette confrontation ;
Attendu que la Cour, qui avait rendu un premier arrêt de sursis à statuer sur ces conclusions jusqu'à ce que l'instruction à l'audience fût achevée, a, après l'audition de tous les témoins présents, décidé de passer outre aux débats aux seuls motifs que l'audition du témoin Y... " n'apparaît pas utile à la manifestation de la vérité " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et sans notamment rechercher s'il était ou non possible d'assurer la comparution du témoin, la cour d'assises a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que, manquant de base légale, l'arrêt attaqué encourt la cassation ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'assises de Paris, en date du 15 juin 1990, ensemble la déclaration de ladite Cour et les débats qui l'ont précédée, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Paris, constituée conformément à l'article 698-6 du Code de procédure pénale, mais autrement composée.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Débats - Témoins - Témoin défaillant - Passé outre aux débats - Motifs - Défaut de réponse aux conclusions déposées par la défense

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Cour d'assises - Droit de l'accusé d'interroger ou de faire interroger des témoins - Témoin défaillant - Témoin non confronté antérieurement avec l'accusé

COUR D'ASSISES - Débats - Incident contentieux - Conclusions déposées par la défense - Chef péremptoire - Défaut de réponse

Encourt la cassation l'arrêt de condamnation rendu par une cour d'assises après que la Cour eut décidé de passer outre à l'absence d'un témoin cité et dénoncé, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions de la défense qui, pour réclamer sa comparution, soutenaient que l'accusé n'avait, à aucun stade de la procédure, été confronté avec ce témoin dont les déclarations constituaient, selon elle, la principale charge sur laquelle reposait l'accusation (1).


Références :

Code de procédure pénale 315
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6

Décision attaquée : Cour d'assises de Paris, 15 juin 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. A rapprocher : Chambre criminelle, 1989-01-12 , Bulletin criminel 1989, n° 13, p. 35 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1989-11-29 , Bulletin criminel 1989, n° 457, p. 1112 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1990-06-27 , Bulletin criminel 1990, n° 264, p. 676 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1991-01-23 , Bulletin criminel 1991, n° 40, p. 102 (rejet).


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 06 mar. 1991, pourvoi n°90-84990, Bull. crim. criminel 1991 N° 115 p. 293
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 115 p. 293
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Composition du Tribunal
Président : Président :M. Angevin, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Pelletier
Avocat(s) : Avocat :la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 06/03/1991
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 90-84990
Numéro NOR : JURITEXT000007066911 ?
Numéro d'affaire : 90-84990
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1991-03-06;90.84990 ?
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