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16/01/1991 | FRANCE | N°90-82427

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 1991, 90-82427


CASSATION PARTIELLE, CASSATION et règlement de juges sur les pourvois formés par :
- X... Bernard,
contre :
1°) l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 19 janvier 1988, qui, sur renvoi de cassation, a annulé certains actes de la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de vol avec port d'arme et de complicité de tentative de vol avec port d'arme ;
2°) l'arrêt de la même chambre d'accusation en date du 27 mars 1990 qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département de l'Aude sous l'accusation de complicité de vol

avec port d'arme, complicité de tentative de vol avec port d'arme.
LA C...

CASSATION PARTIELLE, CASSATION et règlement de juges sur les pourvois formés par :
- X... Bernard,
contre :
1°) l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 19 janvier 1988, qui, sur renvoi de cassation, a annulé certains actes de la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de vol avec port d'arme et de complicité de tentative de vol avec port d'arme ;
2°) l'arrêt de la même chambre d'accusation en date du 27 mars 1990 qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département de l'Aude sous l'accusation de complicité de vol avec port d'arme, complicité de tentative de vol avec port d'arme.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 118, 170, 206, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation, en son arrêt du 19 janvier 1988, après avoir constaté que l'interrogatoire de l'inculpé en date du 26 mars 1984 avait été effectué en violation des dispositions de l'article 118, alinéas 2 et 3, du Code de procédure pénale, et qu'en cet état, " la nullité prévue par l'article 170 du Code de procédure pénale est caractérisée ", a cependant refusé de prononcer la nullité de cet interrogatoire et de toute la procédure subséquente ;
" aux motifs que Me Lamouroux, le premier des conseils de l'inculpé, était présent et n'a pas élevé la moindre protestation concernant l'absence du second conseil désigné, Me Juramy, qui n'a pas davantage protesté contre l'inobservation des délais de l'article 118 du Code de procédure pénale ; qu'il n'est en rien établi que les irrégularités commises ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou aux intérêts de Bernard X... ;
" alors, d'une part, que la chambre d'accusation ne pouvait, sans une contradiction de motifs flagrante, constater que la nullité prévue par l'article 170 du Code de procédure pénale était caractérisée mais refuser d'en tirer les conséquences légales, tant au regard de l'interrogatoire lui-même que de toute la procédure subséquente ;
" alors, d'autre part, que la violation flagrante des droits de la défense de l'inculpé, résultant de la méconnaissance des prescriptions impératives des articles 117 et 118 du Code de procédure pénale interdit que soit fait application des dispositions de l'article 802 de ce Code ; que l'absence de Me Juramy a en effet nécessairement nui aux intérêts de la défense de l'inculpé lequel avait, ainsi que la loi l'y autorise, désigné deux conseils pour l'assister lors de l'instruction préparatoire ; qu'en outre, aucune protestation ne pouvait être élevée par l'inculpé ou Me Lamouroux durant cet interrogatoire puisqu'ils ignoraient que Me Juramy n'avait pas été convoqué dans les délais prévus par la loi et que, de surcroît, ce dernier était irrecevable à se prévaloir de cette nullité avant la clôture de l'instruction ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en vue de l'interrogatoire auquel devait être soumis Bernard X..., les convocations adressées aux deux conseils qu'il avait choisis et qui appartenaient à deux barreaux différents l'ont été sans que soit observé le délai prescrit par l'article 118 du Code de procédure pénale et alors que le dossier de la procédure n'avait été mis à leur disposition que 24 heures à l'avance ; que néanmoins l'un des deux avocats choisis était présent lors dudit interrogatoire et qu'aucune réserve n'a été formulée ;
Attendu en cet état que c'est à bon droit que la chambre d'accusation a, pour écarter la demande d'annulation de la procédure, fait application de l'article 802 du Code de procédure pénale dès lors qu'il n'est pas établi que les irrégularités invoquées par l'inculpé aient eu pour effet de porter atteinte à ses intérêts ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 92, 106, 107, 118, 121, 170 et 172 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'interrogatoire en date du 28 mars 1984 (pièce cotée D. 258) et de toute la procédure subséquente ;
" alors que, lorsque le juge d'instruction se transporte hors de son cabinet pour procéder à des actes d'instruction, il est toujours assisté d'un greffier et doit dresser un procès-verbal de ses opérations ; que, par ailleurs, l'inculpé ne peut être entendu qu'en présence de ses conseils ou eux dûment appelés, à moins qu'il n'y renonce expressément, préalablement à l'interrogatoire ; qu'en l'espèce, il résulte de différentes pièces de la procédure que, suite à l'appel téléphonique d'un policier qui, bien que dessaisi de l'affaire, avait procédé à de multiples interrogatoires de l'inculpé dans son lieu de détention, le juge d'instruction s'est rendu, le 28 mars 1984 de 14 heures 50 à 15 heures 35, à la maison d'arrêt pour entendre l'inculpé sur le fond des poursuites, sans en avoir préalablement avisé ses conseils et sans être accompagné d'un greffier afin de dresser un procès-verbal de cette audition ; qu'une heure plus tard, l'inculpé a été extrait pour être une nouvelle fois entendu au cabinet du juge d'instruction, hors la présence de ses conseils à laquelle il n'a renoncé que pour cette seconde audition ; que, par cette action personnelle et arbitraire, le juge d'instruction a gravement méconnu les droits de la défense en procédant à un acte d'instruction hors les formes légales qui constituent des garanties essentielles aux droits de l'inculpé ; que la chambre d'accusation devait par conséquent prononcer la nullité de toute la procédure qui a suivi cette audition irrégulière " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X..., après avoir été inculpé de complicité de vol avec port d'arme et de complicité de tentative de vol avec port d'arme, a été entendu comme témoin au sujet d'une escroquerie par un officier de police judiciaire ; qu'à cette occasion il a déclaré à celui-ci qu'il avait des révélations importantes à faire au juge d'instruction sur les faits, objet de son inculpation mais qu'il refusait d'être extrait de la maison d'arrêt ; qu'informé de ces propos, le magistrat instructeur s'est rendu dans cet établissement d'où, après un entretien avec le détenu, celui-ci a été conduit au cabinet du juge d'instruction ; que X... a, en présence du greffier et après avoir renoncé expressément à l'assistance de son conseil, fait " de la manière la plus franche et la plus utile " des déclarations qui ont été consignées dans le procès-verbal du 28 mars 1984 ; que, pour répondre aux allégations de l'inculpé selon lesquelles ledit interrogatoire aurait été précédé " de manoeuvres violatrices des droits de la défense " tant de la part de l'officier de police judiciaire que de celle du magistrat instructeur, la chambre d'accusation énonce que la réalité des pressions n'est en rien établie ; qu'au contraire c'est X... qui a demandé de lui-même à voir le magistrat instructeur ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, d'où il résulte que le déplacement du juge d'instruction à la maison d'arrêt ne présentait pas les caractères d'un acte d'instruction, la chambre d'accusation a justifié sa décision ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 118, 170, 206, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que la chambre d'accusation, par son arrêt du 19 janvier 1988, constatant la nullité de l'interrogatoire de l'inculpé en date du 18 décembre 1984 (D. 292) pour violation des droits de la défense et des dispositions de l'article 118 du Code de procédure pénale, a refusé de l'étendre aux actes subséquents de la procédure ;
" aux motifs que ces actes ne découlent pas directement de cet interrogatoire ;
" alors que selon l'article 170 du Code de procédure pénale, lorsque la chambre d'accusation prononce l'annulation d'un procès-verbal d'interrogatoire de l'inculpé pour violation des dispositions des articles 114 ou 118 du même Code, la nullité s'étend à la procédure ultérieure, les dispositions de l'article 170 n'autorisant pas les juges à apprécier si l'annulation doit être limitée à l'acte vicié ; qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 170 du Code de procédure pénale, les dispositions prescrites aux articles 114 et 118 dudit Code doivent être observées à peine de nullité tant de l'acte lui-même que de la procédure ultérieure ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué du 19 janvier 1988 que, pour l'interrogatoire de X... prévu pour le 18 décembre 1984, les convocations n'ont été adressées à ses conseils que le 13 décembre 1984 alors que le 16 décembre était un dimanche ; qu'ainsi le délai de 4 jours ouvrables prescrit par l'article 118 du Code de procédure pénale n'a pas été respecté ; que dès lors l'interrogatoire, auquel il a été procédé en l'absence de tout conseil et sans que l'inculpé ait expressément renoncé à se prévaloir de cette irrégularité, est entaché de nullité ;
Que les juges énoncent encore que ladite nullité affecte également la saisie et la jonction, au dossier de la procédure, de la correspondance adressée par l'inculpé aux époux Y... ainsi que du document dactylographié y annexé ; qu'elle ne saurait cependant s'étendre aux actes subséquents ne découlant pas directement de l'interrogatoire ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu les dispositions de l'article 170 susvisé en application desquelles elle devait prononcer, dans l'intérêt de X..., la nullité de l'interrogatoire du 18 décembre 1984 et des actes subséquents ;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt du 19 janvier 1988 encourt la cassation laquelle doit, par voie de conséquence, être étendue à l'arrêt du 27 mars 1990 portant renvoi du demandeur devant la juridiction de jugement ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE :
1°) l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, du 19 janvier 1988, mais seulement en celles de ses dispositions refusant d'annuler les actes de l'information suivie contre le seul X... à partir du 18 décembre 1984, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
2°) l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse du 27 mars 1990 renvoyant X... devant la cour d'assises du département de l'Aude en toutes ses dispositions, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bordeaux ;
Et pour le cas où ladite chambre d'accusation déclarerait qu'il existe contre le demandeur des charges suffisantes à l'égard des chefs de la poursuite,
Vu l'article 611 du Code de procédure pénale ;
Réglant de juges par avance,
DIT que la chambre d'accusation renverra l'accusé devant la cour d'assises du département de l'Aude pour y être jugé.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-82427
Date de la décision : 16/01/1991
Sens de l'arrêt : Cassation partielle, cassation et règlement de juges
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Interrogatoire - Convocation et communication de la procédure au conseil - Pluralité de conseils - Délai - Inobservation - Effet.

1° INSTRUCTION - Interrogatoire - Communication de la procédure au conseil - Pluralité de conseils - Délai - Inobservation - Effet 1° INSTRUCTION - Interrogatoire - Convocation du conseil - Pluralité de conseils - Délai - Inobservation - Effet 1° INSTRUCTION - Droits de la défense - Interrogatoire - Communication de la procédure au conseil - Pluralité de conseils - Délai - Inobservation - Effet 1° INSTRUCTION - Droits de la défense - Interrogatoire - Convocation du conseil - Pluralité de conseils - Délai - Inobservation - Effet.

1° Fait l'exacte application de l'article 802 du Code de procédure pénale l'arrêt qui écarte la demande d'annulation de la procédure, nonobstant les irrégularités commises lors de la convocation des deux conseils choisis par l'inculpé, dès lors qu'un de ceux-ci ayant assisté à l'interrogatoire et aucune réserve n'ayant été formulée, il n'est pas établi que lesdites irrégularités aient eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de l'inculpé

2° INSTRUCTION - Interrogatoire - Procès-verbal - Nullité - Formalités des articles 114 ou 118 du Code de procédure pénale - Inobservation - Portée.

2° INSTRUCTION - Nullités - Etendue - Procès-verbal d'interrogatoire - Formalités des articles 114 ou 118 du Code de procédure pénale - Inobservation 2° INSTRUCTION - Interrogatoire - Convocation du conseil - Délai - Inobservation - Portée.

2° Méconnaît la portée de l'article 170 du Code de procédure pénale, la chambre d'accusation qui, constatant que pour un autre interrogatoire, les conseils de l'inculpé ont été irrégulièrement convoqués, qu'aucun d'eux n'a assisté à cet interrogatoire, qu'aucune renonciation expresse n'a été formulée, se borne à annuler cet acte, ainsi que quelques autres, sans étendre, à l'égard du demandeur en cassation, l'annulation à l'ensemble de la procédure subséquente (1).


Références :

Code de procédure pénale 118, 170
Code de procédure pénale 118, 802

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre d'accusation), 27 mars 1990

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1967-02-21 , Bulletin criminel 1967, n° 72, p. 165 (cassation)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1989-07-19 , Bulletin criminel 1989, n° 293, p. 717 (cassation et règlement de juges).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 1991, pourvoi n°90-82427, Bull. crim. criminel 1991 N° 27 p. 72
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 27 p. 72

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocat :la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.82427
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