LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-huit mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GUTH, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Jean-Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 8 juin 1989 qui, pour proxénétisme et pour détention d'arme de la 4ème catégorie, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement, 100 000 francs d'amende, aux peines de l'interdiction de séjour et de l'interdiction des droits de l'article 42 du Code pénal pendant 5 ans, et a ordonné la confiscation de l'arme ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 334 du Code pénal, des articles 53, 56, 59, 76 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal d'interpellation de X... en date du 14 mai 1987, le procès-verbal de perquisition du véhicule lui appartenant et la procédure subséquente ;
" alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'avant l'ouverture de l'enquête de délit flagrant, l'existence d'un délit imputable au prévenu n'était révélée par aucun indice apparent répondant à la définition de l'article 53 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité régulièrement soulevée par X..., l'arrêt attaqué énonce que Chantal Y... se prostituait de manière habituelle, qu'elle était en relation avec le demandeur, que tous deux se rencontraient dans différents débits de boissons, comme le démontraient les constatations des policiers en surveillance ; que les juges du second degré ajoutent que la voiture de X... a été remarquée à plusieurs reprises stationnée à proximité du lieu où Chantal Y... se prostituait et que celle-ci louait un appartement à ce dernier ; que X... " adoptait un mode de vie particulier et suspect, à la fois tapageur et voyant dans le quartier chaud de la prostitution à Toulouse ", tout en prenant des mesures pour déjouer les filatures, en ne passant notamment des appels téléphoniques que dans des lieux publics très fréquentés et en " camouflant son domicile sous des noms d'emprunt quant aux abonnements d'électricité et de téléphone " ; que la cour d'appel relève en outre que le jour même de l'interpellation la conduite de X... fait présumé l'actualité " de l'infraction de proxénétisme, en analysant ses déplacements entre 20 et 23 heures " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs desquels il résulte qu'avant l'interpellation incriminée il existait à l'encontre du demandeur des indices apparents d'un comportement délictueux pouvant révéler l'existence d'une infraction répondant à la définition des crimes et délits flagrants, donnée par l'article 53 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués au moyen, lequel dès lors ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 334 alinéa 4° du Code pénal, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, violation des principes généraux du droit,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de proxénétisme visé à l'article 334 alinéa 1, 4° du Code pénal ;
" alors d'une part que l'article 334 alinéa 1, 4° du Code pénal qui incrimine le fait pour un individu qui est en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, édicte une présomption de culpabilité contraire aux principes généraux du droit et aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que dès lors il ne saurait légalement fonder une déclaration de culpabilité ;
" alors d'autre part que l'arrêt attaqué qui constatait expressément que X... avait différentes dettes au fisc et à la copropriété de son appartement et que par conséquent son train de vie se soldait nécessairement par un déficit qui n'était pas comblé par les produits de la prostitution, ne pouvait en tout état de cause sans contradiction retenir à son encontre la présomption du texte précité,
" alors enfin que dans ses conclusions devant la Cour le prévenu soutenait : " que le redressement fiscal imposé à X... prouve qu'il percevait du bar " Le Femina " des ressources très importantes puisqu'au mois de juin 1985, l'imposition uniquement en matière de taxe sur le chiffre d'affaires ou de contributions indirectes a été fixée à 591 560 francs, ce qui suppose un chiffre d'affaires et des bénéfices très importants et que dès lors, de manière indiscutable, rien dans le train de vie de X... ne pouvait permettre de présumer qu'il percevait des susbsides provenant de la prostitution, et qu'en ne répondant pas au chef péremptoire des conclusions du prévenu l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que sous le couvert de prétendus défaut de motifs, non-réponse à conclusions, manque de base légale et violation des textes et des principes précités, le moyen se borne à tenter de remettre en cause l'appréciation souveraine des preuves par les juges du fond qui ont caractérisé dans tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de proxénétisme visé à l'article 334 alinéa 1, 4° du Code pénal, lequel n'est en rien contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; Que le moyen doit dès lors être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : MM. Le Gunehec président, Guth conseiller rapporteur, Angevin, Diémer, Malibert, Guilloux, Massé, Alphand, Carlioz conseillers de la chambre, M. Pelletier conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Mazard greffier de chambre.