La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/1990 | FRANCE | N°89-82951

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 1990, 89-82951


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle DESACHE et GATINEAU et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Jean-Bernard,

Y... Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème

chambre, en date du 13 avril 1989, qui, sur renvoi après cassation, pour entra...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept mars mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de la société civile professionnelle DESACHE et GATINEAU et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

X... Jean-Bernard,

Y... Robert,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 13 avril 1989, qui, sur renvoi après cassation, pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise, les a condamnés à 8 000 francs d'amende chacun ainsi qu'à des réparations civiles ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 431-5, L. 432-1 alinéas 1 et 4, L. 435-2, L. 435-3 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, contradiction et insuffisance de motifs, défaut de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit d'entrave au fonctionnement régulier des comités d'établissement de Gueugnon et ParayleMonial et en répression, les a condamnés à des peines d'amende ainsi qu'à des réparations envers la partie civile ;
" aux motifs que si la mise en location-gérance par contrat du 2 janvier 1985, de ces deux établissements au profit de la société Inter Mode Production a bien été précédée de la consultation du comité central d'entreprise, X..., président-directeur général de la SA X... n'a organisé aucune consultation des comités des deux établissements intéressés ; que pourtant la mise en oeuvre du contrat de location-gérance rendait nécessaire l'élaboration de mesures particulières relevant du chef d'établissement ; que dès le 26 février 1985, Y..., gérant de la société IMP informait X... de son projet d'obtenir une modification du contrat conclu deux mois auparavant par la concentration de l'activité de sa société sur le seul site de Gueugnon ; que cette modification ne pouvait pas ne pas avoir été envisagée comme une des conséquences de la location-gérance dès lors que les données économiques, techniques et financières en présence étaient parfaitement connues des contractants, ce qui explique que la proposition du 26 février 1985 n'ait provoqué chez son destinataire qu'une " certaine surprise " et ait reçu l'accord de principe immédiat de X... exprimé dans sa réponse du 4 mars ; et que d'ailleurs, dès le 26 février 1985, Y... informait le personnel de cette restructuration, bien que le président-directeur général n'ait donné son accord officiel que par lettre du 29 avril 1985 ; qu'il apparait donc que la conclusion du contrat de location-gérance n'a été qu'un moyen de mettre en oeuvre par le biais d'une société de sous-traitance, la réorganisation économique de la société X... ;
" 1°/ alors que le juge de la répression doit caractériser l'élément matériel de l'infraction ; qu'il est constant que la location-gérance portant sur le fonds d'industrie exploité dans les deux établissements de Paray-le-Monial et Gueugnon, et comprenant notamment le droit à l'occupation de chacun des locaux ainsi que le personnel attaché à chacun des ateliers représentant 159 contrats de travail que le locataire-gérant s'engageait à reprendre et à conserver ; que cet ensemble de stipulations qui étaient de rigueur excluaient l'idée d'une modification dans le mode d'exploitation du fonds telle qu'une concentration, mais impliquaient au contraire le maintien de cette exploitation en l'état ; et que pas davantage il n'apparaît que la mise en oeuvre du contrat de location-gérance rendit nécessaire, pour son application, la suppression de l'unité de Paray-le-Monial comprise dans la location au même titre que l'unité de Gueugnon ; et que d'ailleurs, la concentration proposée ne pouvait à la fois constituer une modification du contrat et sa mise en application ; que de ce chef, les motifs de l'arrêt ne justifient pas légalement la condamnation ;
" 2°/ alors en outre que la cour d'appel analyse incomplètement la lettre du 4 mars 1985 répondant à celle du locataire-gérant du 26 février ; que dans cette lettre X... ne se bornait pas à exprimer une " certaine surprise " mais rappelait qu'initialement les parties avaient basé leurs hypothèses de travail sur la location de deux unités et exprimait ses réserves sur les perturbations possibles et les retards de livraisons consécutifs à cette opération, tous éléments que l'arrêt passe sous silence ; " et que si Y... de sa seule initiative, avait cru opportun d'aviser le personnel de Paray-le-Monial de la concentration projetée en même temps qu'il saisissait X..., il ne s'en déduit pas que cette opération ait été décidée lors de la conclusion du contrat de location-gérance dont la modidification était demandée ; " qu'il apparaît finalement que la nécessité d'une consultation des comités d'établissements de Paray-le-Monial et Gueugnon ne découle pas des constatations de l'arrêt, dont les motifs sont insuffisants à caractériser l'élément matériel du délit et ne permettent pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du travail, base de la poursuite, que la société X..., après avoir consulté aux mois de novembre et décembre 1984 le comité central d'entreprise, a, par acte du 2 janvier 1985, donné en location-gérance à une société " Intermode production " ses établissements de Gueugnon et de Paray-le-Monial ; que les contrats de travail des membres du personnel de ces établissements se sont poursuivis avec le locataire-gérant ; que Jean-Bernard X..., président du conseil d'administration de la société, et Robert Y..., chef des deux établissements, ont été poursuivis du chef d'entrave au fonctionnement régulier des comités d'établissement, lesquels n'avaient pas été consultés ;
Attendu que, pour déclarer la prévention établie, la juridiction du second degré, après avoir relevé que Robert Y..., était devenu gérant de la société Intermode Production, énonce que celui-ci dès le 26 février 1985 informait X... de son projet de modifier le contrat de location-gérance afin de pouvoir concentrer sur le seul site de Gueugnon les activités des deux établissements précités, ce qui devrait entraîner une modification des locaux des ateliers de Gueugnon et le transfert dans cette localité du personnel employé à Paray-le-Monial ; qu'elle relève que X..., a le 4 mars 1985, donné son accord de principe immédiat ; qu'elle considère que cette modification, fondée sur la disproportion entre l'importance des locaux mis à la disposition d'" Intermode production " et celle des effectifs employés, " ne pouvait pas ne pas avoir été envisagée comme une des conséquences du contrat de location-gérance ", les " données économiques, techniques et financières " justifiant la modification sollicitée étant " parfaitement connues des contractants dès la conclusion du contrat " ; qu'elle observe encore que cette modification n'était pas un simple projet puisque, dans le moment même où il demandait l'accord officiel de son cocontractant, le gérant d'" Inter Mode production " informait les salariés concernés du caractère définitif de la restructuration envisagée et les invitait à faire savoir dans le délai d'un mois s'ils acceptaient leur transfert à Gueugnon ; qu'elle conclut de ses constatations que, même si l'accord définitif de la SA X... n'a été donné que le 29 avril 1985, " il apparaît en réalité que la conclusion du contrat de location-gérance n'a été qu'un moyen de mettre en oeuvre, par le biais d'une société de sous-traitance dirigée par l'ancien directeur technique de la société X..., la réorganisation économique de cette société ; qu'à partir du moment où les deux prévenus n'ignoraient pas... que cette restructuration devait avoir des incidences sur la gestion de l'établissement de Paray-le-Monial et entraîner sur les conditions d'emploi et de travail du personnel des deux établissements des mesures spécifiques relevant de l'autorité propre du chef de ces deux établissements, ainsi qu'il ressort de la correspondance échangée entre les prévenus entre février et avril 1985, la consultation et l'information préalable des comités d'établissement de Paray-le-Monial et de Gueugnon s'avéraient tout aussi indispensables que celles du comité central d'entreprise " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que, sous le couvert d'une prétendue insuffisance ou contradiction des motifs, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine faite par les juges du fond des éléments de preuve soumis au débat contradictoire et d'où ils ont tiré la conviction que la mise en location-gérance des deux établissements de la société X... impliquait leur restructuration et que celle-ci entraînait nécessairement la mise en application de mesures relevant des pouvoirs propres des chefs d'établissement et rendant en conséquence nécessaire la consultation des comités de ces établissements ; Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 431-5, L. 432-1 alinéas 1 et 4, L. 435-2 et L. 435-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit d'entrave au fonctionnement régulier des comités d'établissement de Guegnon et Paray-le-Monial ;
" aux motifs que la modification proposée ne pouvait pas ne pas avoir été envisagée comme une conséquence de la location-gérance, que la conclusion du contrat n'a été qu'un moyen de mettre en oeuvre la réorganisation économique de la société X..., qu'à partir du moment où les prévenus n'ignoraient pas que cette restructuration devait entraîner sur les conditions d'emploi et de travail du personnel des mesures spécifiques relevant du chef de ces deux établissements la consultation et l'information préalables des comités d'établissement étaient aussi indispensables que celles du comité central d'entreprise ;
" alors que le délit d'entrave au fonctionnement d'un comité d'établissement est une infraction intentionnelle ; qu'en l'espèce, l'économie du contrat de location-gérance impliquait le maintien du fond loué tel qu'il existait avec le personnel qui y était employé et que, d'ailleurs, ce n'est qu'au prix d'une modification de ce contrat que le locataire-gérant a pu procéder à la restructuration par lui jugée souhaitable ; que la volonté des prévenus de réaliser cette restructuration ne peut donc s'inférer de la conclusion de ce contrat et que l'arrêt attaqué, qui déduit cette volonté des seuls éléments matériels de l'infraction n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit ;
" et alors en toute hypothèse que les prévenus avaient d'autant moins conscience d'enfreindre les dispositions légales susvisées qu'il est constant que les membres du comité d'établissement de Saône-et-Loire assistaient aux réunions du comité central d'entreprise où ils étaient majoritaires et ont pris une part active à ces réunions ; qu'à tous égards, par conséquent, l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas caractérisé " ;
Attendu, d'une part, qu'en relevant que les deux prévenus avaient conclu un contrat de location-gérance afin de mettre en oeuvre la réorganisation de l'entreprise et qu'ils n'ignoraient pas que cette restructuration allait entraîner sur les conditions d'emploi et de travail du personnel des établissements concernés, des mesures spécifiques relevant de l'autorité propre du chef d'établissement et que cependant les comités d'établissement n'avaient pas été consultés, la cour d'appel a établi, contrairement à ce qui est allégué, le caractère volontaire de cette omission ;
Attendu, d'autre part, que le fait que des membres des comités d'établissement aient participé à la consultation du comité central ne dispense pas l'employeur de consulter les comités d'établissement sur les mesures qui peuvent être prises dans les limites de leurs pouvoirs par les chefs d'établissement ; qu'en constatant le caractère volontaire de l'omission de consulter lesdits comités les juges ont caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction reprochée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Zambeaux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-82951
Date de la décision : 27/03/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Elément matériel - Restructuration de l'entreprise non soumise au comité - Constatations suffisantes.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 13 avril 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 1990, pourvoi n°89-82951


Composition du Tribunal
Président : M. Zambeaux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.82951
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award