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08/02/1990 | FRANCE | N°86-95208

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 février 1990, 86-95208


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le huit février mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

G. Jean,

S. Bernard,

U. Marie-Hélène,

SOCIETE "EDITIONS DE L'A

VENIR", civilement responsable,

L'UNION NATIONALE DES ASSURES SOCIAUX, civilement respons...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le huit février mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par :

G. Jean,

S. Bernard,

U. Marie-Hélène,

SOCIETE "EDITIONS DE L'AVENIR", civilement responsable,

L'UNION NATIONALE DES ASSURES SOCIAUX, civilement responsable,

contre l'arrêt n° 75-86 de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 25 juin 1986, qui, dans une poursuite exercée contre le premier du chef de d diffamation publique envers un particulier, le deuxième et le troisième du chef de complicité de ce délit, s'est prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Attendu qu'en application de l'article 2-6° de la loi du 20 juillet 1988, les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont amnistiés lorsqu'ils ont été commis avant le 22 mai 1988 ; que l'amnistie ne préjudiciant pas aux droits des tiers, il convient d'examiner le pourvoi au regard des intérêts civils ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 507, 508, 549 et 591 du Code de procédure pénale, 59 de la loi du 29 juillet 1881, excès de pouvoir ; "en ce que l'arrêt attaqué a refusé de statuer sur l'appel que les prévenus avaient formé à l'encontre du jugement avantdiredroit du 12 février 1985 ; "aux motifs que "si les prévenus avaient interjeté appel du premier jugement, la requête prévue à l'article 507 avait été rejetée et que l'appel n'a pas été renouvelé après la seconde décision ; dès lors le premier jugement est devenu définitif par application de l'article 59 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; "alors, d'une part, que les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux voies de recours contre les décisions rendues sur incidents sont applicables en matière de presse ; qu'il en résulte qu'est recevable l'appel contre un jugement avant-dire-droit lorsque cet appel est formé avant qu'ait été rendue la décision sur le fond pourvu seulement que ledit appel contre la décision avant-dire-droit ait été accompagné de la requête prévue par

l'article 507 du Code de procédure pénale tendant à le faire déclarer immédiatement recevable ; que si cette requête est rejetée, l'appel est ensuite jugé, aux termes de l'article 508 du Code de procédure pénale en même temps que l'appel contre le jugement sur le fond ; qu'aucun texte n'impose de réitérer, dans l'hypothèse d'un tel rejet de la requête, l'appel contre le jugement avantdiredroit, lequel a déjà valablement été formé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dès lors refuser de statuer sur l'appel formé par les prévenus contre le jugement avant-dire-droit du 12 février 1985, d en opposant à ces prévenus que leur appel contre ce jugement aurait dû être réitéré après le jugement définitif, alors qu'elle relevait elle-même qu'en formant leur recours, les prévenus l'avaient assorti de la requête prévue par l'article 507 du Code de procédure pénale, ce qui, après le rejet de cette requête, imposait à la Cour d'examiner ledit appel en même temps que celui formé contre le jugement sur le fond sans qu'il y ait eu nécessité de le réitérer ; "alors, d'autre part que, de toute manière, en matière de presse, l'appel contre les jugements avant-dire-droit est par exception immédiatement recevable lorsque ces jugements statuent sur une exception d'incompétence ; que telle était en l'espèce l'exception soulevée par les prévenus qui invoquaient l'incompétence du tribunal correctionnel pour connaître de faits reprochés à un maire dans sa circonscription sans qu'ait été respectée la procédure de l'article 687 du Code de procédure pénale ; d'où il suit que la cour d'appel ne pouvait en tout état de cause reprocher aux prévenus, qui avaient formé immédiatement leur appel contre ce jugement avant-dire-droit ayant statué sur une exception d'incompétence, de ne pas avoir réitéré leur recours après le jugement sur le fond ; que par suite elle devait examiner cet appel à peine de méconnaître l'étendue de sa saisie ; "alors encore que lorsqu'un maire est susceptible d'être inculpé d'un délit qui aurait été commis dans la circonscription où il est territorialement compétent, hors l'exercice de ses fonctions, la chambre criminelle de la Cour de Cassation désigne la juridiction chargée du jugement de l'affaire ; que la juridiction initialement saisie en dehors de cette procédure est incompétente dès l'instant où elle a connaissance que ladite procédure doit être mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel, averti de la qualité de maire de Mme U. lors de son audience du 9 octobre 1984, n'en avait pas moins renvoyé l'affaire à son audience du 18 décembre "afin d'interrompre la prescription" et avait fixé une date pour les débats ; qu'en statuant ainsi, au lieu de se déclarer purement et simplement incompétent, le tribunal avait dépassé l'étendue de ses pouvoirs ; qu'il appartenait dès lors à la cour d'appel de constater la nullité

de cette décision de renvoi ainsi que celle de la procédure subséquente" ; Attendu que pour refuser de statuer sur l'appel formé par les prévenus contre un jugement d avant-dire-droit du 12 février 1985 qui s'était prononcé sur la validité de la citation introductive d'instance au regard des dispositions de l'article 687 du Code de procédure pénale, la juridiction du second degré énonce que si les prévenus avaient bien interjeté appel de ce premier jugement, la requête prévue par l'article 507 avait été rejetée et que l'appel n'a pas été renouvelé après le jugement au fond ; qu'elle en déduit que le premier jugement est devenu définitif par application de l'article 59 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ; Attendu qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé dèslors que le jugement ne statuait pas sur une exception d'incompétence et que le rejet de la requête déposée conformément à l'article 507 du Code de procédure pénale avait eu pour effet de rendre nul et non avenu cet appel ; qu'ainsi, elle n'aurait pu connaître du jugement avant-dire-droit qu'à condition que celui-ci ait été expressément frappé d'appel en même temps que la décision rendue sur le fond ; que faute d'un appel formé dans ces conditions, le jugement du 12 février 1985 a acquis l'autorité de la chose jugée ; Que le moyen doit dès lors être écarté ; Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 551, 555 et 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les citations délivrées aux prévenus ; "aux motifs que "si la citation introductive d'instance en matière de diffamation obéit à des règles précises édictées par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, il n'en est pas de même de la citation devant la cour d'appel qui obéit aux principes de droit commun ; qu'il suffit que cette citation contienne tous les éléments nécessaires pour que les prévenus soient correctement avisés de la date, du lieu et de l'objet de leur comparution devant cette juridiction ; que tel est le cas en l'espèce" ; "alors, d'une part, que la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de la loi qui le réprime ; qu'en l'espèce, seule la qualification juridique de l'infraction ("diffamation publique", "complicité") était indiquée dans les citations à comparaître devant la cour d'appel délivrées aux d prévenus ; qu'ainsi, ni le fait poursuivi, ni le texte le réprimant n'étaient portés à leur connaissance, d'où il suivait la nullité de ces citations ;

"alors, d'autre part, qu'une copie de l'original de l'exploit doit être délivrée au destinataire de l'acte ; que, tenant lieu d'original à la personne citée, cette copie doit en reproduire toutes les mentions ; qu'étaient, dès lors, nulles les copies délivrées aux prévenus, lesquelles ne comportaient pas l'indication des modalités de la remise de l'acte telles qu'elles figuraient sur l'original" ; Attendu qu'il est vainement fait grief à la cour d'appel de s'être abstenue de prononcer la nullité des citations délivrées aux prévenus et aux civilement responsables, dès lors que le jugement frappé d'appel était précisément identifié et que les actes de citation devant la cour d'appel ont pour seul objet de faire connaître aux parties la date d'audience et sont sans effet sur la saisine de cette juridiction ; Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 32 et 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 591 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a condamné G. du chef du délit de diffamation publique, Mme U. et S. du chef de complicité du même délit ; "aux motifs que "les prévenus ne démontrent pas leur bonne foi et ne sauraient s'en prévaloir, étant donné les conditions déjà ci-dessus exposées dans lesquelles ce tract a été à nouveau publié" ; "alors, d'une part, que toute personne prévenue d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; qu'en imposant aux prévenus de démontrer leur bonne foi pour s'exonérer, quand il appartenait à la partie poursuivante de prouver leur mauvaise foi élément constitutif du délit, pour obtenir leur condamnation, la cour d'appel a interverti le fardeau de la preuve et violé la présomption d'innocence ; "alors, d'autre part, que subsidiairement, est de bonne foi le prévenu d'un délit de diffamation qui n'a publié un tract diffamatoire qu'accompagné de l'arrêt ayant retenu et sanctionné cette qualification d dudit tract, et alors que le contenu du tract diffamatoire en question était par ailleurs déjà introduit intégralement dans l'arrêt de condamnation publié en même temps que lui" ; Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ; "en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme U. et S. du chef de complicité de diffamation publique ; "aux motifs adoptés que "l'éditorial figurant en première page,

signé de Mme U. et de S., est la manifestation de leur volonté consciente et personnelle de participer à la rediffusion de ce tract" ; "alors que la complicité suppose l'existence d'un fait matériel d'aide et d'assistance apporté à l'infraction principale ; qu'en s'en tenant en l'espèce à la constatation d'une simple "volonté" de Mme U. et de S. de participer à la rediffusion du tract litigieux, sans indiquer en quel fait positif d'aide et d'assistance à l'infraction principale cette volonté se serait incarnée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ; Les moyens étant réunis ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que le journal "Profils médico-sociaux", alors dirigé par Jean G., a, de nouveau, publié le 30 mars 1984 un tract déjà jugé diffamatoire dans une précédente décision et auquel était joint un bulletin d'adhésion pour soutenir la campagne de protestation de l'Union nationale des assurés sociaux "contre la théorie socialiste exprimée par Jacques A., conseiller du Président de la République, refusant l'allongement de la vie et proposant l'euthanasie" ; que dans l'éditorial de la première page, sous le titre "nos raisons", signé par eux, les trois prévenus justifiaient la réitération du tract jugé diffamatoire en laissant au lecteur le soin d'apprécier par lui-même la réalité des allégations ; que les juges ajoutent que le tract reproduit qui tend à démontrer que Jacques A. se fait l'apôtre de l'euthanasie des vieillards lui impute un fait précis ; que les prévenus ne démontrent pas leur bonne foi et ne sauraient s'en prévaloir étant donné les conditions dans d lesquelles ce tract a été à nouveau publié ; qu'enfin l'éditorial figurant en première page, signé de Mme U. et de Bernard S. est la manifestation de leur volonté consciente et personnelle de participer à la rediffusion de ce tract ; que les juges en déduisent que les éléments constitutifs de la diffamation et de la complicité de ce délit sont réunis ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui établissent la nature diffamatoire des allégations susvisées, la participation de Bernard S. et de Marie-Hélène U. à la réitération de la diffamation et la mauvaise foi des prévenus, la cour d'appel a caractérisé, en tous leurs éléments, les délits reprochés ; qu'en effet, l'article 35 bis de la loi du 29 juillet 1881 selon lequel toute reproduction d'une imputation sera réputée faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire par son auteur n'est pas incompatible avec la présomption d'innocence visée par l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que les restrictions imposées par la loi sur la liberté de la presse constituent des mesures nécessaires à la protection de la réputation et des droits d'autrui au sens de l'article 10 de la même Convention ; D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne les demandeurs aux dépens ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :

M. Le Gunehec président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, MM. Morelli, de Bouillane de Lacoste, Jean Simon, Blin, Alphand conseillers de la chambre, MM. Louise, Maron conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-95208
Date de la décision : 08/02/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 4e moyen) PRESSE - Diffamation - Allégation ou imputation d'un fait précis - Réitération - Mauvaise foi.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 35 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 juin 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 fév. 1990, pourvoi n°86-95208


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:86.95208
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