La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/1990 | FRANCE | N°87-16878

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 février 1990, 87-16878


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société automobile de l'Entre-Deux-Mers (SADE), dont le siège est ... (Gironde), agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

en cassation d'un arrêt rendu le 27 avril 1987 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit de la société SHELL FRANCAISE, société anonyme dont le siège est ... (8e),

défenderesse à la cassation ;

La dema

nderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société automobile de l'Entre-Deux-Mers (SADE), dont le siège est ... (Gironde), agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,

en cassation d'un arrêt rendu le 27 avril 1987 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit de la société SHELL FRANCAISE, société anonyme dont le siège est ... (8e),

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 janvier 1990, où étaient présents : M. Defontaine, président, Mlle Dupieux, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Montanier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle le conseiller référendaire Dupieux, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Société automobile de l'Entre-Deux-Mers (SADE), de Me Jacques Pradon, avocat de la société Shell française, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

! - Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 avril 1987) que la société Shell française (société Shell), a vendu, le 28 avril 1980, un fonds de commerce de station-service à la Société automobile de l'Entre-Deux-Mers (société SADE), celle-ci s'étant engagée à s'approvisionner en carburants et lubrifiants exclusivement auprès de sa venderesse qui lui prêtait à usage les matériels de distribution et de stockage et lui consentait trois prêts d'argent ; que, le 17 juin 1982, la société SADE a résilié ces contrats en invoquant la concurrence déloyale exercée par la société Shell avec une société Hurel à laquelle une cuve était réservée dans la station-service pour la distribution des produits pétroliers qu'elle commandait directement à la société Shell ; que, sur assignation de cette dernière, les premiers juges ont constaté la résiliation des conventions aux torts de la société SADE, estimant que la société Shell n'avait commis aucune faute, dès l'instant que le stockage de carburants pour la société Hurel n'avait pas entravé la distibution à la clientèle de la société SADE ; qu'en cause d'appel, les juges ont décidé que les conventions, nulles et caduques, avaient été dénoncées à bon droit mais que la société SADE ne pouvait revendiquer la clientèle de la société Hurel, acune faute n'ayant été commise par la société Shell ;

Attendu que la société SADE fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en dommages-intérêt pour détournement de clientèle, alors que, selon le pourvoi, d'une part, la clientèle est un élément essentiel et indivisible du fonds de commerce ; que la clientèle attachée à un même fonds de commerce ne saurait être démembrée en deux valeurs patrimoniales distinctes, dont la première demeurerait attachée au fonds de commerce, tandis que la seconde serait détachée de ce dernier pour être considérée comme une

clientèle "propre" à l'exploitant du fonds de commerce ; qu'en admettant que la société Shell, propriétaire du fonds de station-service, avait pu retrancher de la clientèle attachée à ce dernier, une clientèle importante à laquelle elle aurait attribué un caractère "personnel", et qu'elle aurait pu conserver à l'occasion de la cession du fonds de commerce à un tiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1 de la loi du 17 mars 1909, alors que, d'autre part, dans l'acte de cession litigieux, la société Shell a vendu à la société SADE un fonds de commerce de station-service de distribution de carburants comprenant notamment "la clientèle et l'achalandage y attachés" ; qu'aucune stipulation contractuelle n'apportait une réserve à l'objet du contrat ainsi défini ; qu'en particulier, dans la détermination du chiffre d'affaires et du prix, aucune déduction n'était faite relativement à une éventuelle réduction de ce dernier pour tenir compte d'une amputation de la clientèle cédée ; qu'en déclarant que, dans cette cession, n'avait pas été comprise une partie de la clientèle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat et par là-même a violé l'article 1134 du Code civil et alors, enfin, que le locataire-gérant d'une station-service n'a pas de clientèle propre ; qu'en admettant que la clientèle de la société Hurel avait pu être détachée du fonds de commerce pour tout ce qui dépassait l'opération de commande, stockage et livraison, et ce, en vertu d'un accord pris avec le locataire-gérant, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 2 de la loi du 20 mars 1956 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de ses conclusions, ni de l'arrêt que la société SADE ait soutenu, devant la cour d'appel, les prétentions contenues dans la troisième branche ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que la société Hurel était la cliente de la société Shell en ce qui concernait le gas-oil et la cliente de la station-service en ce qui concernait le stockage et la manipulation de ce gas-oil, utilisant une partie de l'installation de stockage pour les marchandises qu'elle achetait à la société Shell, tout en faisant son affaire du paiement direct à cette société, que le "litrage" de carburant qui lui était

vendu n'était pas comptabilisé par la station-service et que ce chiffre d'affaires particulier n'était pas entré en ligne de compte pour l'estimation du prix de vente du fonds de commerce, de telle sorte que la société Shell en tant que fournisseur de carburant, n'avait pas, en vendant ce fonds, cédé la clientèle de la société Hurel, qui était la sienne propre ; qu'ainsi, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable en sa troisième branche et mal fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société SADE fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors que, selon le pourvoi, d'une part, en vertu de la clause de non-concurrence insérée dans l'acte de cesion de fonds de commerce, la société Shell s'engageait à ne pas effectuer des opérations de vente de produits pétroliers dans un rayon de 5 kilomètres autour de la station-service, objet de la cession ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société Shell, postérieurement à la cession intervenue, a utilisé la station-service litigieuse pour livrer des carburants à la société Hurel qu'elle considérait comme sa cliente à titre exclusif ; que l'arrêt attaqué ne fait, par ailleurs, état d'aucun acte, même tacite, par lequel la société SADE aurait renoncé au bénéfice de la clause de non-concurrence ; d'où il suit qu'en déboutant la société SADE de son action en dommages-intérêts, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1147 du Code civil, alors que, d'autre part, la cession de fonds de commerce s'était accompagnée d'un contrat de concession exclusive de vente consentie par la société Shell au profit de la société SADE ; qu'il résulte de l'arrêt que la société Shell, en dépit de la clause d'exclusivité, a continué d'approvisionner dans la station-service, objet de la cession, une clientèle importante qu'elle considérait comme lui étant réservée à titre personnel ; d'où il suit qu'en déboutant la société SADE de son action en concurrence déloyale, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'en relevant que la société Hurel avait, pendant deux ans, continué d'exécuter les engagements pris avec le gérant de la station-service, devenu celui de la société SADE, l'arrêt a fait ressortir que cette dernière société avait accepté, en fait, les livraisons directes de la société Shell à la société Hurel, ce qui excluait toute violation de la clause de non-concurrence ainsi que de la concession exclusive de vente prévue au contrat ; que, dès lors, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

! -d! Condamne la Société automobile de l'Entre-Deux-Mers (SADE), envers la société Shell française, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du six février mil neuf cent quatre vingt dix.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 87-16878
Date de la décision : 06/02/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), 27 avril 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 fév. 1990, pourvoi n°87-16878


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:87.16878
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award