LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
les consorts X...
pris en leur qualité d'héritiers de Monsieur Mahfoud X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 novembre 1987 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre civile), au profit de Madame Rahma Y..., prise en sa qualité d'administrateur légal des biens de sa fille mineure S.,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 1989, où étaient présents :
M. Camille Bernard, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Massip, rapporteur, M. Viennois, conseiller, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Massip, les observations de la SCP Rouvière, Lepitre et Boutet, avocat des consorts X..., de la SCP Defrénois et Lévis, avocat de Mme Belaid, les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Rahma M. Belaïd a donné naissance, le 30 mars 1983, à une fille prénommée S. ;
qu'elle a assigné en recherche de paternité les héritiers de Mahfoud X..., décédé peu avant la naissance de l'enfant ;
que l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 10 novembre 1987) a accueili son action ;
Sur le second moyen qui est préalable :
Attendu que les consorts X... font grief à la cour d'appel d'avoir écarté la fin de nonrecevoir qu'ils avaient opposée à l'action intentée par Mme M., tirée de son inconduite notoire, d'une
part, sans répondre à leurs conclusions, d'autre part, sans tirer les conséquences légales de ses propres constations en disant que le fait de se "laisser tripoter" dans un lieu public ne constituait pas une inconduite notoire ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que le seul des 12 témoins cités à comparaître qui se soit présenté devant le magistrat enquêteur a déclaré qu'il avait renconté Mme M. dans des discothéques où elle avait tendance à boire de l'alcool et à se "laisser tripoter", ajoutant toutefois qu'aucun garçon ne lui avait dit avoir eu des relations intimes avec elle
;
que la juridiction du second degré a pu en déduire que ces faits, qui se rapportent au demeurant à une période antérieure à la période légale de la conception de S., n'étaient
pas constitutifs de l'inconduite notoire prévue par l'article 340-1, 1er alinéa, du Code civil, ;
que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que S. était la fille de Mahfoud X..., alors que la paternité naturelle ne peut être déclarée que si elle est certaine, de sorte qu'en retenant seulement que cette paternité était vraisemblable, la cour d'appel se serait tout à la fois décidée par des motifs dubitatifs et aurait violé l'article 340 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond ont retenu que Mahfoud X... et Rahma M. avaient vécu maritalement durant une partie au moins de la période légale de la conception, que la preuve d'une inconduire notoire ou de relations intimes avec un autre homme pendant cette période n'était par rapportée, enfin que plusieurs personnes dignes de foi indiquent dans leurs attestations qu'elles ont connu les deux amants, appris d'eux que la jeune femme attendait un enfant, certaines de ces attestations précisant même que
Mahfoud X... était heureux de cette naissance ;
qu'ils ont ainsi, par des motifs qui traduisent leur intime conviction de la paternité de Mahfoud X... et ne sont pas dubitatifs, légalement justifié leur décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;