AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SURBECO, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mai 1987 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section B), au profit de M. Raymond X..., demeurant ... (10e),
défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 novembre 1989, où étaient présents : M. Cochard, président, Mme Charruault, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guermann, Combes, Ferrieu, conseillers, Mme Beraudo, Mlle Sant, conseillers référendaires, M. Gauthier, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Charruault, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Surbeco, de Me Ravanel, avocat de M. X..., les conclusions de M. Gauthier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 1987), que la société Surbeco, qui employait M. Raymond X... depuis le 1er août 1974 en qualité de chauffeur poids lourds, l'a licencié le 14 mars 1985 pour conduite en état d'ébriété, sans préavis et sans indemnité de licenciement ; qu'elle fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à son salarié une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que l'apparence de réalité et de sérieux du motif allégué par l'employeur suffit à justifier le licenciement, seule la preuve de l'absence de réalité et de sérieux du grief formulé pouvant permettre la condamnation de l'employeur ; que, dès lors, en déclarant que l'absence de preuve, établie par les premiers juges, de la réalité et du sérieux du motif formulé par la société Surbeco justifiait la condamnation de cette dernière à des dommages-intérêts pour licenciement injustifié, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, d'autre part, en toute hypothèse, que lorsque les motifs allégués par l'employeur à l'occasion du licenciement sont en apparence réels et sérieux, il appartient aux juges de former leur conviction et de la motiver, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction ; que, dès lors, pour condamner la société Surbeco à payer à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui s'est bornée à rappeler l'incertitude existant quant à la véracité des griefs formulés par l'employeur et à énoncer que l'administration de la preuve de la réalité des reproches n'était pas faite sans former sa propre conviction, sans la motiver au besoin en ordonnant une mesure d'instruction, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le grief de conduite en état d'ivresse ne reposait que sur les seuls rapports de la direction contestés par M. X..., à l'exclusion de faits précis ou de témoignages des compagnons de travail de ce salarié ;
Que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve que la cour d'appel a estimé que le grief de conduite en état d'ébriété n'était pas établi ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société Surbeco, envers le comptable direct du Trésor, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois janvier mil neuf cent quatre vingt dix.