LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société MAMITANK SHIPPING ENTERPRISES, société anonyme, société de droit grec, dont le siège est au Pirée, Athènes (Grèce), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 février 1988 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre), au profit de la société SHELL FRANCAISE, société anonyme, dont le siège social est à Paris (8e), ...,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 31 octobre 1989, où étaient présents :
M. Defontaine, président, Mme Loreau, rapporteur, MM. Z..., C..., X..., A...
B..., MM. Plantard, Vigneron, Grimaldi, conseillers, Mlle Y..., M. Le Dauphin, conseillers référendaires, M. Montanier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de Me Roger, avocat de la société Mamitank Shipping enterprises, de Me Pradon, avocat de la société Shell française, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; J E E J d d Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 février 1988) que la société Shell française, actuellement société des pétroles Shell, ayant constaté un manquant dans la livraison d'une cargaison de fioul transportée par le navire M/V Irini "M", a assigné en indemnisation du préjudice subi la société Mamitank Shipping enterprises ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande aux motifs qu'en l'absence d'en-tête concernant le transporteur sur le connaissement, le propriétaire du navire, en l'occurrence la société Surena Delmares navigation, était présumé responsable de la marchandise, mais qu'il résultait des documents versés aux débats la preuve de l'absence totale d'autonomie de personnalité morale de la Surena Delmares Navigation et de l'existence d'une seule et même entité économique, Mamitank Shipping enterprises, laquelle devait répondre des conséquences de la responsabilité du transporteur, alors selon le pourvoi que, d'une part, en statuant ainsi, bien que la société de droit grec Mamitank Shipping enterprises et la société de droit panaméen Surena Delmares Navigation fussent des personnes morales distinctes, la cour d'appel a violé l'article 1842 du Code civil ; alors que, d'autre part, l'existence d'un groupe de sociétés constituant une entité économique ne saurait caractériser l'existence
de sociétés de façade ; qu'en énonçant le contraire, par ces motifs d'ordre général, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1842 du Code civil ; alors qu'en outre, en statuant ainsi sans préciser les obstacles qui s'opposaient aux poursuites de la société Shell Fançaise à l'encontre du transporteur présumé responsable de la marchandise, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors qu'enfin, en statuant ainsi sans préciser les documents commerciaux sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à la justifier ; Mais attendu que l'arrêt a constaté que la société Mamitank Shipping Enterprises était inscrite au registre du Lloyd comme étant l'exploitant du navire M/V Irini "M" dont la société Surena Delmares Navigation était propriétaire, que la société Mamitank London Limited, courtier, a organisé l'affrètement du navire et en a fait encaisser le coût par la S.A. Styga Compagnie Naviera ainsi que l'indiquait une lettre du courtier du 7 décembre 1984 ; que selon les indications résultant des listes des conseils d'administration et des représentants légaux de ces sociétés, celles-ci étaient dirigées par les mêmes personnes, avec les mêmes capitaux, détenus par M.K. Mamikadis, la même adresse et les mêmes références commerciales ; que la cour d'appel, qui a ainsi analysé les documents versés aux débats, a considéré que les différentes opérations liées à l'exploitation du navire ont été dissociées à l'initiative de la société Mamitank Shipping enterprises par l'intermédiaire de son courtier pour réaliser un montage juridique qui lui soit avantageux et qu'en conséquence les autres sociétés n'étaient que des sociétés de façade sans réelle autonomie ; qu'ainsi, et sans avoir à effectuer d'autres recherches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;