La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/1989 | FRANCE | N°88-83867

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 octobre 1989, 88-83867


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-sept octobre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD et de Me VINCENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

Y... Adrien
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 1988, qui, sur renvoi après ca

ssation dans la procédure suivie contre lui des chefs de tromperie sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-sept octobre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD et de Me VINCENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :

Y... Adrien
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 1988, qui, sur renvoi après cassation dans la procédure suivie contre lui des chefs de tromperie sur les qualités substantielles du produit et d'escroquerie, a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2, alinéa 1er du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a refusé de dire si le délit d'escroquerie était constitué à l'encontre de Y... ; " aux motifs que " la Cour n'est saisie et ne peut que statuer dans les limites de la cassation intervenue, les dispositions relatives à l'action publique n'ayant pas été remises en cause et étant devenues définitives ; qu'il ne lui appartient donc pas de dire, comme le lui demande Y..., que l'infraction qui est à la base de la poursuite à son encontre n'est pas constituée " ; " alors qu'aucune constitution de partie civile n'étant recevable s'il n'y a pas d'infraction, la Cour, qui a accueilli les actions civiles sans constater les faits constitutifs de l'infraction d'escroquerie, a violé l'article 2 alinéa 1er de Code de procédure pénale ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 alinéa 1er, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... responsable des dommages subis par les parties civiles ; " aux motifs que " la pratique de tout massage est réglementée ainsi que l'a rappelé la Cour de Cassation en son arrêt de renvoi ; qu'il appartenait, en conséquence, à Y... de se conformer, d'une part, aux dispositions légales édictées par les articles L. 487 et suivants du Code de la santé publique, d'autre part, à la réglementation en matière de thermalisme telle qu'elle résulte, en particulier, de la Convention nationale thermale du 26 juin 1972 et des avenants qui y ont été apportés ; que par deux avenants n° 6 en dates des 27 avril et 16 mai 1977, il a été précisé que l'établissement thermal s'engageait à faire exécuter les massages sous l'eau, la piscine de mobilisation, la rééducation respiratoire et le drainage postural des sécrétions bronchiques, dans l'enceinte de l'établissement, par des masseurs-kinésithérapeutes qualifiés au sens de la réglementation de la Santé, et dont le nombre soit en relation avec le volume de ces soins ; que c'est donc à tort que l'appelant prétend tirer de la dualité d'une tarification publique l'affirmation que les massages sous l'eau échappaient à l'application de l'arrêté ministériel et que les organismes sociaux payeurs avaient une connaissance précise des pratiques critiquées, enfin que l'avenant de 1977 serait dépourvu de toute force contractuelle, alors, comme la chambre criminelle l'a relevé que cet avenant " lui rappelait notamment son obligation de faire exécuter les massages sous l'eau par des masseurs-kinésithérapeutes diplômés " ; qu'en conséquence, c'est à bon droit, que les premiers juges ont estimé que Y... avait méconnu tant les dispositions de la Convention nationale que celles des avenants n° 6 de 1977 en laissant se poursuivre la pratique des massages sous l'eau par des auxiliaires thermaux tout en faisant croire aux curistes libres et aux organismes sociaux qu'ils étaient effectués par des masseurs-kinésithérapeutes ; " que dans ces conditions, Y... sera seul déclaré responsable des conséquences dommageables de ses agissements et que le jugement sera confirmé dans cette seule mesure, les parties civiles devant être déboutées de leurs demandes respectives à l'encontre des médecins recherchés " ; " alors que la Cour, qui a ainsi caractérisé une faute contractuelle civile exclusive de toute infraction pénale, ne pouvait accueillir les constitutions de parties civiles des organismes sociaux sans violer l'article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à l'établissement thermal de Gréoux-les-Bains les massages sous l'eau étaient pour la plupart effectués par du personnel auxiliaire sans qualification et non par des masseurs-kinésithérapeutes ; qu'Adrien Y..., qui dirigeait cet établissement et demandait aux curistes libres et aux organismes sociaux le règlement de ces soins au tarif prévu pour les actes effectués par les masseurs-kinésithérapeutes diplômés, a été déclaré coupable notamment d'escroquerie ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré fondée l'action civile exercée de ce chef contre le prévenu par les organismes sociaux, la cour d'appel, saisie des seuls intérêts civils, retient, par motifs propres et adoptés qu'Adrien Y... a méconnu tant les dispositions légales que celles de la convention thermale nationale et de ses avenants en continuant à faire pratiquer, contrairement aux engagements qu'il avait pris, les massages sous l'eau par de simples " auxiliaires thermaux " et a fait croire aux curistes et aux organismes sociaux à l'aide des documents qu'il établissait que ces actes étaient effectués par des masseurs-kinésithérapeutes ; qu'elle énonce que, sur le fondement de la prévention retenue contre lui, Adrien Y... doit être déclaré seul responsable des conséquences dommageables de ses agissements ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la CNAMTS.
" aux motifs que Y... soutient que le seul organisme social qui, en l'espèce, ait procédé à des remises de fonds sous forme de remboursement de prestations est la CPAM des Alpes de Haute-Provence et que la CNAMTS est irrecevable en ses prétentions aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, le lien entre le préjudice qu'elle invoque et l'infraction d'escroquerie dont le tribunal correctionnel était saisi étant inexistant ; que si le texte précité confère bien à la victime le droit d'agir en réparation du dommage qu'elle a personnellement subi et qui a été directement causé par l'infraction, l'appelant n'établit cependant pas en quoi la CNAMTS serait privé de ce droit, alors qu'il appartient à celle-ci, selon son régime statutaire et particulièrement les articles 2 et 16 de l'ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967, d'assurer sur le plan national le financement, notamment, de l'assurance maladie et d'en maintenir l'équilibre financier ; qu'à cet effet, la loi lui permet d'attribuer aux caisses primaires des dotations annexes afin de permettre à ces dernières d'assurer le service de leurs prestations, le tout sous la sanction des articles 21 et 22 de cette même ordonnance qui organisent les modalités du strict équilibre financier auquel celles-ci se trouvent astreintes et lui confèrent des pouvoirs d'intervention particuliers auprès des caisses primaires ; qu'il en résulte, en conséquence, que la CNAMTS a effectivement subi un préjudice direct dont elle doit être déclarée recevable à demander réparation comme ont pu l'affirmer les premiers juges " ; " alors que les seules personnes qui éprouvent un préjudice résultant d'une escroquerie étant celles qui, déterminées par les manoeuvres frauduleuses de son auteur, ont versé des fonds, la Cour, en déclarant recevable l'action civile de la CNAMTS dont le préjudice trouvait son origine dans ses obligations légales et statutaires, et non dans l'escroquerie reprochée à Y..., a violé l'article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale et statué par des motifs contradictoires " ;
Attendu que pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) la juridiction du second degré relève que ladite Caisse qui est tenue par la loi d'assurer le financement de l'assurance maladie attribue aux caisses primaires les dotations nécessaires pour leur permettre d'assurer le service de leurs prestations, qu'elle énonce qu'elle a de ce fait subi un préjudice découlant directement de l'infraction ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que la CNAMTS a été appelé à verser aux caisses primaires le montant des prestations frauduleusement perçues par Y..., la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la CCSMA.
" aux motifs que " c'est tout aussi vainement que Y... conteste la recevabilité de l'action civile de cet organisme en soutenant que celui-ci ne saurait exciper d'un préjudice direct, alors qu'il résulte tant de ses propres écritures que des pièces qu'elle produit à la Cour que les règlements ont été effectués par les caisses régionales ; mais que cet organisme, de par son statut légal, administratif et financier, a pu subir un préjudice personnel et direct dont il doit être déclaré recevable à demander la réparation " ; " alors que Cour, en énonçant elle-même que le préjudice de la CCSMA trouvait sa source dans son statut légal, administratif et financier, et non dans l'infraction d'escroquerie reprochée à Y..., a violé l'article 2 alinéa 1er du Code de procédure pénale et statué par des motifs abstraits et contradictoires " ;
Attendu que pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la Caisse Centrale de Secours Mutuels Agricoles (CCSMA) les juges du second degré, constatent que celle-ci a réglé à l'établissement thermal les sommes correspondant aux pratiques litigieuses et retiennent qu'elle a subi un préjudice personnel découlant directement de l'infraction ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, loin de violer l'article 2 du Code de procédure pénale, en a fait l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... à payer à la CNAMTS la somme de 11 940 503 francs ; " aux motifs que " cette Caisse demande réparation du préjudice qu'elle a subi à compter du 27 avril 1977, date de la signature de l'avenant n° 6 au 26 juillet 1978, date de la fin des paiements effectués par la caisse primaire à l'établissement thermal, dans le cadre du régime du tiers payant ; que devant l'impossibilité de procéder à l'examen systématique de quelques vingt mille facture, elle a fait procéder à une enquête réalisée auprès des assurés sociaux en cure courant 1977 à l'établissement dont elle produit les éléments aux débats ; qu'elle a, pour la période considérée de 1978, soumis à la Cour le montant exact et connu des prestations servies ; qu'il doit être précisé, tant que de besoin, que la CNAMTS justifie, en application de l'avenant n° 6 que ces prestations ne concernent pas les suppléments qui en sont expressément exclus et qu'ainsi il ne peut être fait droit à la demande en ce qu'elle porte sur les deux exercices annuels sans qu'il y ait lieu de s'arrêter au fait que des masseurs diplômés pourraient avoir accompli des actes, alors qu'il résulte de l'enquête de police que ce sont indéniablement les auxiliaires thermaux qui en assurent l'intégralité ; qu'à ces sommes il convient d'ajouter, d'une part, les frais de personnel exposés par la Caisse et dont elle justifie, d'autre part, les dommages-intérêts compensatoires qu'elle réclame au titre de l'érosion monétaire qu'elle a subie depuis dix ans ; qu'eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il échet d'allouer à la CNAMTS la somme de 4 700 000 francs à ce titre, soit au total la somme de 11 941 503 francs pour l'ensemble de son préjudice ; qu'il convient, en conséquence, de condamner Y... à lui payer cette somme outre intérêts de droit au taux légal à compter du présent arrêt, par application de l'article 1153-1 du Code civil " ; " alors que la Cour, qui ne précise ni sur quelles " circonstances particulières de l'espèce " elle se fonde, ni à quel titre elle accorde à la CNAMTS la somme de 4 700 000 francs de réparation, ni quelle évaluation elle retient pour chacun des trois chefs de préjudice distincts, se bornant à allouer à la CNAMTS un montant global de réparation sans le justifier, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil " ;
Attendu que les juges d'appel ont alloué à la CNAMTS une indemnité globale correspondant au montant des prestations indûment servies, à des dommages-intérêts compensatoires dont elle a fixer le montant et au remboursement de frais de personnels ; qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel n'a fait qu'exercer son pouvoir d'apprécier souverainement dans les limites des conclusions de la partie civile et sans avoir à préciser en détail les bases de ses calculs le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
MM. Le Gunehec, président, Jean Simon conseiller rapporteur, Morelli, de Bouillane de Lacoste, Blin conseillers de la chambre, Louise, Mme Ract-Madoux, M. Maron conseillers référendaires, M. Rabut avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Nature des manoeuvres - Tromperie - Soins prodigués par un personnel sans qualification - Massages thermaux - Intérêts civils.

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution de partie civile - Organismes de sécurité sociale - Préjudice personnel découlant directement de l'infraction.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 26 mai 1988


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 17 oct. 1989, pourvoi n°88-83867

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 17/10/1989
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 88-83867
Numéro NOR : JURITEXT000007525592 ?
Numéro d'affaire : 88-83867
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1989-10-17;88.83867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award