LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-six septembre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE, et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur les pourvois formés par :
Y... Abdelhamid,
A... Mahmoud,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre correctionnelle en date du 22 juin 1988 qui, pour, coups ou violences volontaires avec arme, a condamné le premier à 2 années d'emprisonnement et 5 années d'interdiction de séjour, et a prononcé sur la responsabilité civile du second, et sur les réparations civiles pour les deux ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le pourvoi de Y...,
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 309 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de coups et violences volontaires commis sous la menace d'une arme à l'encontre de la personne de Mahmoud A... sans que ceux-ci aient entraîné une incapacité de travail personnel supérieure à huit jours et l'a condamné à une peine de deux années d'emprisonnement et à cinq ans d'interdiction du territoire ; " aux motifs, repris du jugement, que le prévenu, qui contestait avoir fait usage d'une arme à feu et avoir ainsi pu perdre les balles de calibre 44 prétendument retrouvées le lendemain des faits, mais reconnaissait seulement s'être muni d'un pistolet d'alarme, a été dénoncé par A... comme porteur d'une arme impressionnante de gros calibre qui se serait enrayée ; " alors que le juge correctionnel ne peut prononcer une condamnation qu'autant qu'il constate les éléments du délit et caractérise les circonstances aggravantes qui accompagnent les faits ; qu'en l'espèce ni l'arrêt attaqué ni le jugement qu'il confirme n'ont précisé les éléments permettant de conclure à la présence d'une arme à feu ayant servi à la commission du délit ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité fondée sur la seule existence de cette arme est privée de base légale " ;
Attendu qu'en relevant qu'Abdelhamid Y... avait tenté de tirer sur Mahmoud A... " avec une arme de gros calibre ", la cour d'appel,
qui n'était pas tenue de spécifier plus amplement la nature de celleci a suffisamment caractérisé la circonstance aggravante du délit reproché ;
Que le moyen doit dès lors être écarté ;
Sur le pourvoi de A...,
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 328 et 329 du Code pénal, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a retenu A... dans les liens de la prévention et a ordonné un partage de responsabilité ; " aux motifs qu'il résulte cependant des déclarations de A... que celui-ci s'est trouvé face à face avec Y... qui avait tenté de tirer sur lui avec une arme de gros calibre mais que cette arme s'est enrayée, qu'au lieu de refermer sa porte et de se barricader chez lui, en appelant les services de police, il est alors entré pour prendre son fusil et, ressortant de son bar, l'a déchargé en direction de Y... qu'il a vu tomber avant de refermer sa porte ; que les violences reprochées à A... n'ont donc pas été commises dans un cas de nécessité actuelle mais alors que le danger n'était pas imminent ; " alors que, d'une part, il n'y a ni crime ni délit lorsque les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de légitime défense de soi-même ; qu'en déduisant l'absence d'imminence du danger du seul fait que l'arme de l'agresseur (revolver à barillet) se serait sembletil enrayée sans autrement s'expliquer sur la persistance de la menace de Y... qui faisait le siège de l'établissement de A... les armes à la main, la Cour a privé sa décision de base légale ; " alors que, d'autre part, le comportement de A... s'inscrivait dans les cas de nécessité actuelle de défense prévus par l'article 329 du Code pénal ; qu'en effet, il repoussait de nuit le forçage de la porte de son établissement opéré avec violence par un individu armé ; que ce contexte seul suffit à caractériser la légitime défense à tort rejetée par la cour d'appel " ;
Attendu que statuant au regard de l'action civile dont ils étaient seulement saisis à l'égard de A..., après avoir exposé qu'Abdelhamid Y... avait tenté de tirer sur Mahmoud A... avec une arme de gros calibre, les juges du second degré précisent que cette arme s'étant enrayée, A..., au lieu de refermer sa porte et de se barricader chez lui en appelant les services de police, était allé chercher un fusil, l'avait chargé et, ressortant de son bar, avait tiré en direction de Y... qu'il avait vu tomber avant de refermer sa porte ; qu'ils en déduisent que " les violences reprochées à A... n'ont pas été commises dans un cas de nécessité actuelle, mais alors que le danger n'était plus imminent " ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision tant au regard des dispositions de l'article 328 du code pénal que de celles de l'article 329 alinéa 1, en écartant par les motifs sus rapportés la présomption simple qu'il édicte ;
Que le moyen dès lors doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents :
MM. Le Gunehec, président, Maron conseiller rapporteur, Tacchella, Gondre, Hébrard, Blin conseillers de la chambre, Louise, Mme Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Bregeon conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Gautier greffier de chambre.