LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le quatre novembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MALIBERT, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- B... Jacques,
- X... Sylvaine épouse B...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de CAEN, en date du 24 juin 1987 qui, dans la procédure contre personne non dénommée ouverte sur leur plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux, usage de faux, escroquerie, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à suivre ; Vu le mémoire personnel régulièrement produit ; Vu l'article 575 alinéa 2-3° du Code de procédure pénale ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 150, 151, 405 du Code pénal, 6, 8, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué et de l'ordonnance du juge d'instruction que les époux B... ont donné à bail à Danielle Z... un appartement par acte sous seing privé en date du 24 février 1982 ; qu'était expressément stipulé l'engagement de caution solidaire des époux Y... signé apparemment par chacun d'eux ; que la locataire n'exécutant pas ses engagements et après un premier jugement obtenu contre elle mais non exécuté, les époux B... donnaient assignation aux époux Y... pour le 17 mai 1984 afin d'obtenir d'eux le paiement des sommes dues sur la base de leur engagement ; que leurs protestations faisaient apparaître que la mention de caution était en réalité un faux ; qu'après avoir déposé auprès du procureur de la République une plainte classée sans suite au motif tiré de la prescription de l'action publique, les époux B... se constituaient partie civile le 19 mars 1986 devant le doyen des juges d'instruction des chefs de faux, usage de faux, escroquerie ;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance de non-lieu intervenue et déclarer prescrite l'action publique la chambre d'accusation énonce en ce qui concerne le faux " que l'apposition de fausse signature des époux Y..., imputée à l'inculpée, est contemporaine de l'acte principal du 24 février 1982, si elle ne lui est antérieure ; que le délit de faux, s'il a été commis fut consommé par cette apposition " ; que pour ce qui est de l'escroquerie elle dispose que " si l'usage du faux initial a permis d'obtenir des bailleurs d'entrer en détention de l'immeuble et de ses accessoires lors de la conclusion du bail, aucune remise ultérieure nouvelle pouvant constituer un élément matériel du délit d'escroquerie n'est intervenue " ; Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la chambre d'accusation, qui a ainsi répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; Attendu que pour déclarer également atteints par la prescription triennale les faits d'usage de faux, la chambre d'accusation expose que le seul usage de l'acte imputable à l'inculpée a consisté en la présentation de l'acte aux époux B... pour obtenir le consentement au bail ; que par la suite l'inculpée a joui de l'immeuble donné à bail sans présenter de nouveau le faux engagement de caution des époux Y... ; que cette jouissance ne peut constituer un usage de faux " ; que la chambre d'accusation ajoute que " l'action intentée devant la juridiction civile par les plaignants contre les époux Y... n'avait, de toute évidence, aucun caractère délictueux " ; Que sur ce point également, la chambre d'accusation a justifié sa décision ; qu'en effet l'usage de faux constitue une infraction instantanée pour laquelle la prescription commence à courir du jour du dernier usage délictueux ; que c'est à bon droit que les juges ont déclaré que l'usage du faux par les époux B... dans leur action civile dirigée contre les époux Y... n'a pas constitué une infraction punissable et n'a donc pas été interruptive de prescription à l'égard de Danielle Z... ; Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;