LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Monsieur Emmanuel, Martin A..., demeurant au Lamentin (Martinique), lotissement "Bellevue Acajou", agissant en son nom propre et en qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs :
- Jean-Noël, Emmanuel,
- Valérie, Dominique,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1986 par la cour d'appel de Fort-de-France, au profit de :
1°/ Monsieur C..., Gilfroy Y..., demeurant à Fort-de-France (Martinique), foyer des jeunes travailleurs, quartier Sainte-Thérèse,
2°/ Madame Lucette E..., demeurant à Fort-de-France (Martinique), ruelle de la Crèche, quartier Sainte-Thérèse,
3°/ F... Jean MARAJO, demeurant au Lamentin (Fort-de-France), lotissement Long Pré,
4°/ la compagnie ASSURANCES GENERALES DE FRANCE (AGF), en son agence de Fort-de-France (Martinique), immeuble La Rocade, Monoprix, Dillon,
5°/ Monsieur Jean-Paul H..., demeurant à La Trinité (Martinique), cité "Bougenot", voie n° 6,
6°/ la compagnie d'assurances MUTUELLE ASSURANCE ARTISANALE DE FRANCE (MAAF), dont le siège est ...,
7°/ la CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA MARTINIQUE, dont le siège est à Fort-de-France (Martinique), jardin Desclieux,
défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 21 mars 1988, où étaient présents :
M. Aubouin, président ; M. Deroure, rapporteur ; MM. X..., Michaud, Devouassoud, Burgelin, Mme Z..., M. Delattre, conseillers ; Mme G..., M. Lacabarats, conseillers référendaires ; M. Bézio, avocat général ; Mme Lagardère, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Deroure, les observations de la SCP Waquet et Farge, avocat de M. A..., de Me Vuitton, avocat de M. D... et des AGF, de la SCP Jean et Didier Le Prado, avocat de M. H... et de la MAAF, les conclusions de M. Bézio, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre Mme E..., M. B... et la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ; Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué que, de nuit, sur une autoroute, l'automobile de M. A..., qui en perdit le contrôle, dérapa et s'immobilisa sur la chaussée ; que Mme A... fut éjectée du véhicule et mortellement blessée, qu'ensuite, l'automobile de M. D..., qui la suivait, heurta celle de M. A..., que les véhicules de M. B... et M. H... entrèrent alors à leur tour en collision avec l'automobile de M. A..., que M. B... et sa passagère, Mme E..., furent blessés ; que M. A..., en son nom et au nom de ses deux enfants mineurs, demanda à M. D... et aux Assurances générales de France (AGF) la réparation de son préjudice, que M. B... et Mme E... et M. H... assignèrent M. A..., M. D... et les AGF pour obtenir l'indemnisation de leurs dommages ; que la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique intervint à l'instance ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. A... alors que le choc entre son automobile et celle de M. D... n'étant pas contesté et l'implication du véhicule de M. D... étant présumée, en décidant que la victime devait encore prouver que ce choc avait provoqué le dérapage de l'automobile de M. A..., la cour d'appel aurait violé l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985 ; Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel retient, au vu des constatations et des témoignages, que le décès de Mme A... était consécutif au seul dérapage de la voiture de son mari d'où elle avait été éjectée ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire que le véhicule de M. D..., qui avait heurté celui de M. A... au travers de la chaussée, n'était pas impliqué dans l'accident où Mme A... a trouvé la mort ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen, en ce qui concerne la demande de Mme E... :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné M. A... à réparer le préjudice de Mme E... alors que, d'une part, en condamnant M. A... sur le fondement de l'article 1384 du Code civil, la cour d'appel aurait, par refus d'application, violé les articles 1 à 6 de la loi du 5 juillet 1985 seuls applicables alors que, d'autre part, en se bornant à constater que la faute de la victime n'était pas invoquée sans rechercher si celle-ci n'avait pas commis une telle faute, la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 4 de la loi susvisée ;
Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que Mme E... était passagère dans le véhicule de M. B..., retient que M. B..., contre lesquel aucune faute de conduite n'est alléguée, découvrant de nuit sur l'autoroute des véhicules accidentés, ne pouvait ni passer ni s'arrêter ni éviter la collision avec le véhicule de M. A... ; Que par application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, seul applicable en matière de collision, l'arrêt se trouve légalement justifié ; Mais sur les deuxième et troisième moyens, en ce qui concerne les demandes de M. B... et M. H... :
Vu l'article 47, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ; Attendu qu'en vertu de ce texte, les dispositions des articles 1 à 6 s'appliquent dès la publication de la loi aux accidents ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication ; Attendu que pour condamner M. A... à indemniser M. B... et M. H... sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, l'arrêt énonce que M. A..., en sa qualité de gardien du véhicule, ne peut s'exonérer de la présomption de responsabilité édictée par ce texte faute de pouvoir prouver le fait du tiers, M. D..., qui aurait fait déraper son automobile après un choc à l'arrière ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date de sa décision la loi du 5 juillet 1985 était entrée en vigueur, la cour d'appel a, par refus d'application, violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :
ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les demandes de M. Y... et de M. H... à l'encontre de M. A..., l'arrêt rendu le 5 décembre 1986, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;