LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-cinq avril mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller TACCHELLA, les observations de Me COSSA et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PRADAIN ; Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Maurice-
contre un arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 11 juin 1987 qui, pour fraude fiscale et omission de passation d'écritures comptables, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende, a ordonné des mesures de publication de la décision et fait droit aux demandes de l'administration des Impôts, partie civile ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743-1 du Code général des impôts, L. 230 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les conclusions de X... tendant à avoir déclarer l'action publique éteinte au bénéfice de la prescription, pour les faits qui lui étaient reprochés au cours de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1979 ; " aux motifs qu'en l'espèce, la Commission des infractions fiscales était saisie, le 28 décembre 1983 ; qu'à cette date, la prescription était suspendue jusqu'au 27 mars 1984, date à laquelle elle a rendu son avis ; que la plainte de l'administration Fiscale était du 30 mars 1984, date de l'expiration de la prescription des infractions commises au cours de l'année 1979 ; que le procureur de la République adressait une requête à la Cour de Cassation en vue de la désignation d'une juridiction chargée de l'instruction et du jugement des infractions relevées à l'égard de X... qui avait la qualité d'officier de police judiciaire le 2 avril 1984 ; que les infractions de l'année 1979 et portant sur la déclaration de l'exercice 1978 sont prescrites ; qu'elles sont écartées de la condamnation, n'étant pas visées à la prévention ;
" alors qu'en déclarant qu'étaient écartées de la condamnation, parce que non visées à la prévention, les infractions prescrites de l'année 1979 et portant sur la déclaration de l'exercice 1978, bien qu'en réalité les déclarations de l'exercice 1979 étaient comprises dans la prévention, qui visait toute la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1981, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ; Vu lesdits articles ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; Attendu que X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour les délits prévus et punis par les articles 1741 et 1743 du Code général des impôts pour des faits perpétrés entre le 1er janvier 1979 et le 31 décembre 1981 ; qu'il a été déclaré coupable par les premiers juges qui ont retenu l'intégralité des termes de la prévention ; Attendu que sur appel de toutes les parties au procès, la Cour a été saisie par le prévenu de conclusions tendant à ce que partie des faits poursuivis soit déclarée prescrite ; Que répondant à cette argumentation la cour d'appel énonce qu'en matière de fraude fiscale les plaintes peuvent être déposées jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l'infraction a été commise ; qu'ainsi, pour l'exercice 1979 imputé à X..., l'Administration pouvait le dénoncer valablement jusqu'au 31 décembre 1983 ; que de plus la prescription de l'action publique étant suspendue pour une durée maximum de 6 mois entre la date de la saisine de la Commission des infractions fiscales et celle à laquelle elle émet son avis, cette Commission avait été saisie du cas de ce contribuable le 28 décembre 1983 et avait rendu son avis le 27 mars 1984 ; qu'ainsi l'Administration avait jusqu'au 30 mars 1984 pour saisir le Parquet de faits fiscaux délictueux visant l'exercice 1979 ; qu'elle avait porté plainte le même 30 mars 1984 mais que ce n'était que le 2 avril 1984 que le Parquet compétent, avant de saisir la juridiction d'instruction, avait présenté requête à la chambre criminelle en vue de la désignation d'une juridiction chargée de l'instruction et du jugement en raison de la qualité d'officier de police judiciaire de X... ; Que, de ces énonciations l'arrêt attaqué a déduit, dans ses motifs " que les infractions de l'année 1979 portant sur l'exercice 1978 sont prescrites ; qu'elles sont écartées de la condamnation, n'étant pas visées à la prévention " ;
Mais attendu qu'après pareils motifs, le dispositif de l'arrêt se borne à confirmer " en tous points " le jugement correctionnel, lequel n'avait pas statué sur la prescription partielle de l'action publique ; Que dès lors la cassation est encourue ; Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 11 juin 1987,
Et pour être jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;