ANNULATION sans renvoi et CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Rennes, contre un arrêt de ladite cour, chambre correctionnelle, du 30 avril 1986, qui a condamné Jacques X..., pour des faits constituant la pratique de prix illicites, à 2 000 francs d'amende mais l'a relaxé du chef d'infraction à la législation sur la publicité des prix.
LA COUR,
I-Sur le pourvoi en ce qu'il a trait à la décision de condamnation :
Attendu qu'aucun moyen n'est proposé à l'appui du pourvoi ;
Mais sur le moyen relevé d'office pris de l'entrée en vigueur le 1er janvier 1987 du titre Ier de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu ledit texte et son décret d'application n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle, même de nature économique, qui abroge une ou des incriminations pénales, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ;
Attendu que le boucher Jacques X... a été déclaré coupable de faits constituant, selon l'article 6 de l'arrêté ministériel n° 82-21 A du 14 juin 1982 et l'article 5 de l'arrêté ministériel n° 82-20 A du 14 juin 1982, la pratique de prix illicites prévue par l'article 36, 4° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et punie par les articles 1er, 2° et 40 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Que l'ensemble de ces textes a été depuis lors abrogé, à compter du 1er janvier 1987, par l'effet conjugué des articles 1er, alinéa 1, 57 et 62 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 et de la publication du décret du 29 décembre 1986 ; que cependant si l'ordonnance spécifie qu'à titre transitoire certains arrêtés énumérés au décret d'application demeureront en vigueur, l'article 33 dudit décret en date du 29 décembre 1986 et l'annexe I de ce même décret ne mentionnent pas comme maintenus en vigueur les arrêtés n° 82-21 A et 82-20 A du 14 juin 1982 ; que dès lors l'arrêt attaqué manque aujourd'hui de tout support légal en ce qui concerne cette infraction de pratique de prix illicites et doit être annulé sur ce point sans renvoi, plus rien ne restant à juger de ce chef ;
Attendu qu'en l'absence de pourvoi de l'Union des consommateurs, partie civile, qui avait été déboutée de toutes ses demandes, l'annulation de l'arrêt qui ne peut concerner que les dispositions pénales doit être limitée à celles-ci ;
II-Sur le pourvoi en ce qu'il a trait à la décision de relaxe :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'arrêté ministériel n° 77-105 du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... était poursuivi notamment pour avoir fait paraître dans un hebdomadaire une annonce publicitaire n'indiquant pas la somme totale devant être payée effectivement par l'acheteur mais mentionnant seulement le prix hors taxe des viandes qu'il offrait à la vente ;
Attendu que pour relaxer le prévenu de cette première infraction à la législation sur la publicité des prix, les juges relèvent que " cette annonce publicitaire essentiellement destinée à des professionnels pouvant récupérer la TVA " était " parfaitement régulière " ;
Mais attendu qu'en énonçant que l'annonce était " essentiellement " destinée à des professionnels, ce qui n'excluait pas qu'elle pût l'être accessoirement à des consommateurs, les juges, faute de s'être suffisamment expliqués à cet égard, n'ont pas donné une base légale à leur décision ;
D'où il suit qu'en l'état des textes applicables lorsque la cour d'appel a statué, la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 2 de l'arrêté n° 81-26 A du 14 avril 1981 relatif à la publicité des viandes de boucherie et de charcuterie et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3 et 6 de l'arrêté n° 25-921 du 16 septembre 1971 relatif au marquage, à l'étiquetage et à l'affichage des prix, 1er de l'arrêté précité du 14 avril 1981, 593 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu en premier lieu qu'il résulte d'une part des articles 2, 3 et 6 de l'arrêté n° 25-921 du 16 septembre 1971 que le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public doit faire l'objet d'un marquage par écriteau et que l'indication du prix doit être accompagnée de l'unité de poids ou de mesure à laquelle ce prix correspond, et d'autre part de l'article 1er de l'arrêté n° 81-26 A du 14 avril 1981 que le marquage par écriteau du prix du kilogramme des produits exposés à la vue du public doit être complété pour les viandes de boucherie et de charcuterie par la dénomination du morceau ou produit concerné ;
Attendu en second lieu qu'aux termes de l'article 2, 1°, de l'arrêté du 14 avril 1981, indépendamment du marquage par écriteau, la publicité des prix de vente au détail est assurée, pour les viandes de boucherie et de charcuterie, par la mention sur un tableau d'affichage exposé en permanence à la vue du public et lisible de l'extérieur, des prix au kilogramme de tous les types de morceaux vendus dans chaque établissement ;
Attendu que selon l'arrêt attaqué X... était également prévenu pour deux autres infractions à la publicité des prix d'avoir, les 18 et 22 mars 1983, d'une part omis de marquer sur un écriteau la dénomination et le prix de vente au kilogramme des morceaux de viande au détail exposés à la vue du public, infraction prévue par les articles 2, 3 et 6 de l'arrêté du 16 septembre 1971 et par l'article 1er de l'arrêté du 14 avril 1981, et d'autre part omis de s'être assuré que le tableau d'affichage apposé dans son " échoppe " était lisible pour le public, infraction prévue par l'article 2, 1° de l'arrêté du 14 avril 1981 ; que X... déclaré par les premiers juges coupable de la première de ces infractions avait été relaxé par eux du chef de la deuxième en raison de son caractère " accidentel " ;
Attendu que pour relaxer X... des chefs de ces deux préventions qu'elle a considérées comme l'unique infraction d'" omission de marque sur tableau et illisibilité de ce tableau ", la cour d'appel a d'abord énoncé que cette illisibilité était accidentelle comme l'avaient constaté les premiers juges, et que ceux-ci, " à défaut de volonté valant intention coupable ", avaient à juste titre relaxé X... ; qu'ensuite, confondant les écriteaux qui doivent être apposés sur les viandes exposées à la vue du public ou à proximité de celles-ci avec le tableau d'affichage général qui doit être exposé en permanence dans toute boucherie indépendamment desdits écriteaux, elle a cru trouver une contradiction dans les deux chefs de prévention sus-énoncés et a inexactement déduit de l'existence du tableau celle des écriteaux ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi les juges d'appel ont méconnu les textes susvisés ;
Qu'en effet, d'une part, ils ne pouvaient considérer comme constituant une infraction unique deux chefs de prévention fondés sur des faits différents ;
Que, d'autre part, ils ne pouvaient, sans s'expliquer autrement, considérer comme accidentel un fait constaté à deux reprises distinctes ni faire état d'un prétendu défaut d'intention coupable alors que l'infraction prévue par l'article 2, 1°, de l'arrêté du 14 avril 1981, est constituée par la seule réunion de ses éléments matériels indépendamment de l'intention de son auteur ;
D'où il suit qu'en l'état de ces textes applicables au moment où la Cour a statué, la cassation est également encourue de ce chef ;
Attendu cependant que l'article 33 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 en vertu duquel ont été pris les arrêtés du 11 septembre 1971 et du 14 avril 1981 et que les articles 1er, 1°, et 59 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 qui punissaient de peines correctionnelles les infractions aux dispositions de ces arrêtés, ont été abrogés par l'entrée en vigueur le 1er janvier 1987 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; que si cette dernière, en son article 28, a maintenu la nécessité pour tout vendeur de produit d'informer le consommateur du prix dudit produit par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre moyen, la sanction pénale désormais applicable est celle qu'édicte l'article 33, alinéa 2, dudit décret, lequel ne prévoit que le prononcé d'amendes contraventionnelles de cinquième classe ;
Que dès lors la législation immédiatement applicable en matière de publicité des prix prévoyant des peines plus douces, il y aura lieu pour le juge de renvoi de procéder à un nouvel examen de la poursuite, de dire si les faits imputés au prévenu constituaient les infractions contraventionnelles sanctionnées par l'article 33 du décret du 29 décembre 1986 et dans cette hypothèse d'apprécier s'il a été commis une ou plusieurs infractions de ce type ;
Par ces motifs :
ANNULE d'une part l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 30 avril 1986 en ses dispositions pénales relatives à la condamnation de X... des chefs de pratique de prix illicites et dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
CASSE ET ANNULE d'autre part ledit arrêt en ses dispositions pénales relatives aux trois infractions pour défaut de publicité des prix, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.