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06/10/1980 | FRANCE | N°79-93802

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 octobre 1980, 79-93802


Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er et 22 de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur responsable des infractions constatées à l'article 1er de la loi susvisée ;
aux motifs que, s'il soutient n'avoir pas exercé en fait les fonctions de président-directeur général de la Scifome, il a participé, en mars 1973, à un conseil d'administration et, précédemment, a signé les procès-ve

rbaux de l'Assemblée générale du 11 octobre 1971 et du conseil d'administration ...

Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1er et 22 de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur responsable des infractions constatées à l'article 1er de la loi susvisée ;
aux motifs que, s'il soutient n'avoir pas exercé en fait les fonctions de président-directeur général de la Scifome, il a participé, en mars 1973, à un conseil d'administration et, précédemment, a signé les procès-verbaux de l'Assemblée générale du 11 octobre 1971 et du conseil d'administration du 31 mai 1971 ; qu'en tout état de cause, en sa qualité de président-directeur général au moins de droit de la Scifome, il était tenu légalement de s'assurer des conditions dans lesquelles cette société fonctionnait ; qu'il admet avoir assisté à une ou deux Assemblées générales et avoir eu connaissance des brochures éditées par la Scifome, alléguant seulement n'avoir pas compris qu'elles réalisaient un appel à l'épargne publique ; qu'enfin, il a reconnu être informé de l'existence des prétendus conseillers financiers qui n'étaient en fait que des démarcheurs ;
alors que l'article 22 de la loi du 31 décembre 1970 punit les dirigeants qui, sciemment, ne se seront pas conformés aux dispositions des articles 1er et 6 ; alors, d'une part, que la qualité de Président de droit d'une société visée par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1970, au sein de laquelle sont commises des infractions, ne suffit pas à établir le caractère du délit ; alors, d'autre part, que la participation sporadique du Président à l'activité des organes de la société, dont un autre était le dirigeant de fait, est insuffisante pour établir sa conscience des infractions commises ; que la Cour n'a pas contredit l'affirmation du demandeur d'après laquelle il n'a pas compris que les brochures réalisaient un appel à l'épargne publique, ce qui n'était pas évident, et qu'elle n'a pas constaté qu'il ait su que les " conseillers financiers " n'étaient que des démarcheurs, ce que la Cour n'avait précédemment démontré qu'au terme d'un raisonnement complexe ; "
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que X... Claude a été président de la " Société anonyme française de magasinage et d'entrepôt " (SAFRAME) dont le dirigeant de fait a été son père X... Roger, frappé de l'interdiction de gérer des sociétés et également président de la société civile immobilière et foncière pour le magasinage et l'entrepôt (SCIFOME), créée en 1970 et animée également par son père ; que l'objet de cette société civile a été de rechercher des capitaux donnant droit à des parts sociales par tranche de 10 000 francs, de les investir dans des constructions et entrepôts, de donner ces biens en location et, avec le produit des loyers, de rétribuer les souscripteurs sur la base d'un intérêt de 14 % payable mensuellement ; que grâce à la publicité, le capital de la société civile qui était à l'origine de 3 200 000 francs, s'est élevé en octobre 1978 à 10 700 000 francs ;
Que, selon l'arrêt, à la suite de la dénonciation au Parquet par la commission des opérations de Bourse (COB) des agissements des dirigeants de cette société civile, il a été établi que la SCIFOME, pour faire appel à l'épargne, a fait paraître de la publicité par la voie de la presse, a diffusé des brochures destinées à faire connaître des modes d'investissements et a surtout utilisé le service de démarcheurs appelés " conseillers financiers " alors qu'en raison de son activité réelle, qui n'était pas celle prévue par les statuts, elle n'entrait pas dans la catégorie des sociétés civiles qui, exceptionnellement, ont été autorisées par l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, à faire appel publiquement à l'épargne ; qu'en effet, selon les juges, l'actif de ladite société n'était constitué que de droits mobiliers résultant de baux commerciaux que la SAFRAME avait obtenus de propriétaires d'immeubles bâtis et de terrains et dont celle-ci a rétrocédé le bénéfice à la société civile et non point, comme l'exige le texte précité, de l'acquisition d'immeubles pour la location ;
Attendu que, pour déclarer X... Claude, en sa qualité de président du conseil d'administration de la SCIFOME, coupable de l'infraction à l'interdiction pour les sociétés civiles de faire publiquement appel à l'épargne, prévue et réprimée par l'alinéa 1 de l'article 1er et par l'article 22 de ladite loi, la Cour d'appel, répondant aux conclusions du prévenu reprises au moyen et alléguant que sa désignation est le résultat d'un faux commis par son père, énonce que si ce document falsifié ne peut faire preuve de sa nomination régulière de président, il n'en demeure pas moins vrai que par son comportement ultérieur il a manifesté son acceptation des responsabilités qu'il encourait ; que, notamment, il a pris part en mars 1973 à un conseil d'administration et qu'il a reconnu être informé de l'existence des démarcheurs et de leur activité et de la diffusion des brochures de publicité ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui caractérisent en tous ses éléments l'infraction précitée retenue à la charge du demandeur, la Cour d'appel a, sans insuffisance, justifié sa décision ; Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 24 de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de répartition de dividendes fictifs ;
aux motifs que le bénéfice comptable n'a pu être obtenu que par l'absence de dotation à l'amortissement des frais d'établissement et des constructions ; que Claude X... sera retenu de ce chef eu égard à sa qualité de dirigeant de droit ; qu'à ce dernier titre il lui incombait de tenir ou de faire tenir sous sa responsabilité la comptabilité sociale et de respecter l'obligation qui lui était faite, par l'article 12 de la loi du 31 décembre 1970, de procéder à des amortissements sur les postes Frais d'établissement et Immobilisations ; alors que l'article 24-1 de la loi du 31 décembre 1970 susvisée punit les membres des organes de gestion, de direction ou d'administration qui auront, sciemment, opéré entre les associés la répartition de dividendes fictifs ; alors que la mauvaise foi du Président de droit d'une société ne peut résulter de sa seule qualité ; "
Attendu que, pour déclarer le demandeur coupable d'avoir, en sa qualité de dirigeant de droit d'une société civile ayant fait publiquement appel à l'épargne, commis l'infraction prévue et réprimée par l'article 24 de la loi du 31 décembre 1970, la Cour d'appel, après avoir énoncé que les dispositions pénales de ladite loi sont applicables à toutes les sociétés civiles qui font publiquement appel à l'épargne, qu'elles y soient ou non autorisées par cette loi, constate que les bénéfices distribués par la SCIFOME au titre de l'exercice de 1972 ont atteint 836 266 francs, mais que ce bénéfice comptable n'a pu être obtenu que par l'absence de dotation à l'amortissement des frais d'établissement et des constructions pour un total de 265 162 francs ; que, dès lors, les sommes réparties ont été prélevées pour ce montant sur le capital social et ne provenaient pas, comme le prévoyaient les statuts, des loyers perçus par la société ;
Que, selon les juges, il incombait à X... Claude de faire tenir la comptabilité sociale et de respecter l'obligation qui est faite par l'article 12 de ladite loi aux dirigeants des sociétés civiles qui ont fait publiquement appel à l'épargne, de procéder aux amortissements pour que le bilan soit sincère et de veiller à ce que les dividendes distribués ne fussent prélevés que sur les bénéfices réels ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels se déduit la mauvaise foi du prévenu, la Cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief d'insuffisance formulé au moyen, lequel doit être également écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le demandeur coupable d'escroquerie ;
aux motifs que la SCIFOME n'était, bien qu'elle ait une existence réelle, qu'une fausse entreprise qui ne poursuivait ses opérations que par des moyens frauduleux : distribution de dividendes fictifs, publicité trompeuse en ce qui concerne l'intérêt distribué et la garantie des immeubles, des placements de capitaux, majoration considérable de la valeur des apports en nature ; que les acteurs principaux de ces manoeuvres frauduleuses sont de toute évidence Roger X... en sa qualité d'animateur et de véritable maître de la SCIFOME, et Claude X... qui, en dépit de son rôle plus effacé, a rempli, pendant la plus grande partie de la vie sociale de la SCIFOME, les fonctions de président-directeur général, en parfaite connaissance de cause ;
alors que la Cour, ayant d'une part constaté que le véritable maître de la société était Roger X... et l'ayant condamné pour avoir imité la signature de son fils sur un grand nombre de documents, ce qui n'aurait pas été nécessaire si ce dernier avait réellement participé à la vie sociale, et n'ayant d'autre part pu établir à la charge du demandeur qu'une participation intermittente aux actes officiels de la vie sociale, ainsi qu'un défaut de surveillance de la comptabilité, n'a pu déclarer, sans contradiction, qu'il a été président-directeur général " en parfaite connaissance de cause " et a eu, sur l'orientation de la politique sociale, la " vue d'ensemble " que la Cour a déclaré pouvoir seule impliquer la culpabilité du chef de l'escroquerie ; "
Attendu que, pour caractériser le délit d'escroquerie au préjudice des porteurs de parts, la Cour d'appel énonce qui si l'activité de la SCIFOME a comporté une réalité qui s'est traduite par de nombreux actes juridiques que l'arrêt énumère, il n'en demeure pas moins qu'elle a été différente de celle prévue dans les statuts et dans la publicité et que, par les manoeuvres frauduleuses des dirigeants, elle est devenue une fausse entreprise au sens de l'article 405 du Code pénal ; qu'en effet, précisent les juges, il a été tout d'abord promis aux souscripteurs un intérêt fixe de 14 %, qui leur donnait en fait le statut d'obligataires, alors qu'en tant qu'associés d'une société civile, ils ne devaient participer aux bénéfices qu'au prorata des résultats de l'exploitation et étaient même tenus des dettes dans la limite fixée par l'article 4 de ladite loi ; qu'à ce sujet, il a été démontré que la rentabilité de la société ne permettait pas de servir régulièrement un intérêt de 14 % ; qu'il a été ensuite constaté que, contrairement aux statuts et aux informations de la publicité, la SCIFOME, à l'exception d'un terrain dont elle était propriétaire, n'a été titulaire que de baux, assortis éventuellement de la propriété commerciale ; qu'ainsi son actif n'était pas constitué, comme il aurait dû l'être, de l'acquisition d'immeubles destinés à la location ; qu'enfin, il a été relevé par l'arrêt que la valeur des apports en nature effectués par la SAFRAME à ladite société a été majorée de 45 % ;
Attendu que pour déclarer le demandeur coupable d'escroquerie, la Cour d'appel énonce que si X... Roger son père a été l'animateur et le maître de la SCIFOME, il a lui-même rempli, en dépit de son rôle plus effacé, les fonctions de président du conseil d'administration, en parfaite connaissance de cause, pendant la plus grande partie de la vie sociale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels se déduit l'intention frauduleuse du prévenu et qui caractérisent en tous ses éléments le délit d'escroquerie retenu à la charge de ce dernier, la Cour d'appel a, sans contradiction, justifié sa décision ; Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE LE POURVOI.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 79-93802
Date de la décision : 06/10/1980
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) SOCIETES - Société civile - Appel public à l'épargne - Conditions.

C'est à bon droit qu'une cour d'appel condamne pour des infractions aux articles 22 et 24 de la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970, le dirigeant d'une société civile dont l'objet n'était pas l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif, mais seulement l'acquisition et la gestion de baux commerciaux et qui n'entrait donc pas dans la catégorie des sociétés civiles autorisées par l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi à faire publiquement appel à l'épargne.

2) ESCROQUERIE - Fausse entreprise - Société civile faisant appel publiquement à l'épargne - Publicité ne correspondant pas aux statuts et à l'activité réelle de la société.

Commet également une escroquerie au préjudice des souscripteurs de parts le même dirigeant de cette société civile qui, en vue d'obtenir des souscriptions, organise une publicité par la voie de la presse et par démarchage comportant des indications qui ne correspondent pas aux statuts ni à l'activité réelle de la société.


Références :

(1)
(2)
Code pénal 405
LOI 70-1300 du 31 décembre 1970 ART. 1 AL. 2, ART. 22
LOI 70-1300 du 31 décembre 1970 ART. 24

Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre 9 ), 12 juillet 1979


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 oct. 1980, pourvoi n°79-93802, Bull. crim. N. 248
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 248

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Pucheus CDFF
Avocat général : Av.Gén. M. Clerget
Rapporteur ?: Rpr M. Guérin
Avocat(s) : Av. Demandeur : SCP Boré Capron Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1980:79.93802
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