COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
Me Elodie LEGROS
CPAM DU LOIRET
EXPÉDITION à :
SAS [6]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS
ARRÊT du : 2 MAI 2023
Minute n°185/2023
N° RG 21/02672 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GOMY
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS en date du 9 Septembre 2021
ENTRE
APPELANTE :
SAS [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Elodie LEGROS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
CPAM DU LOIRET
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Mme [J] [E], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 28 FEVRIER 2023.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 2 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Mme [W] [X], née en 1977 et salariée de la SAS [6] en qualité d'agent de fabrication depuis le 14 septembre 1998, a présenté une déclaration de maladie professionnelle datée du 20 février 2019. Le certificat médical initial, daté du 2 janvier 2019, fait état d'une 'tendinite long fléchisseur du pouce droit (mouvements répétitifs)'.
Après instruction médico-administrative du dossier sous le numéro 190102756, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, ci-après CPAM du Loiret, a pris cette pathologie en charge au titre de la législation professionnelle (tableau n° 57C), selon notification du 11 juillet 2019 à la société référencée sous le numéro de dossier 181220757.
L'employeur a vainement contesté la décision devant la commission de recours amiable de la caisse, qui a rejeté son recours le 31 octobre 2019.
Par requête du 30 décembre 2019, la SAS [6] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans en contestation de l'opposabilité de la décision de la caisse du 11 juillet 2019 à son égard.
Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
Par jugement du 9 septembre 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans a :
- déclaré opposable à la SAS [6] la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits à Mme [X] en lien avec la maladie déclarée le 20 février 2019,
- rejeté l'intégralité de ses demandes,
- condamné la SAS [6] aux dépens.
Selon déclaration du 6 octobre 2021, reçue au greffe le 11 octobre suivant, la SAS [6] a régulièrement relevé appel de ce jugement, qui lui a été notifié le 10 septembre 2021.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 février 2023.
Aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, la SAS [6] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans du 9 septembre 2021 en toutes ses dispositions,
- déclarer inopposables à son endroit la décision de prise en charge du 11 juillet 2019 de la maladie de Mme [X] intervenue au titre du tableau n° 57C et par suite tous les arrêts et soins considérés en lien,
- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la CPAM aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions visées à l'audience et soutenues oralement, la CPAM du Loiret demande à la Cour de :
- débouter la SAS [6] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer la décision entreprise,
- confirmer l'opposabilité à l'égard de la SAS [6] de la prise en charge de la maladie professionnelle 'tendinite long fléchisseur pouce droit' déclarée le 20 février 2019 par sa salariée, Mme [X], ainsi que de l'ensemble de ses conséquences,
- condamner la SAS [6] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures et observations des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur le respect du principe de la contradiction
Les obligations de la caisse primaire d'assurance maladie au cours de l'instruction d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle déclarée avant le 1er décembre 2019 figurent aux articles R. 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige.
Il en ressort que la caisse est tenue d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
La décision de prise en charge ne peut être opposable à l'employeur que si la caisse a respecté à son égard l'obligation d'information ainsi définie.
En l'espèce, l'employeur demande que la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels lui soit déclarée inopposable pour non-respect du principe du contradictoire dans la mesure où il a reçu notification de cette décision pour un dossier référencé n° 181220757, dont il n'a jamais été informée et qui vise une 'tendinite du poignet de la main ou des doigts, droite'datée du 20 décembre 2018 alors que l'instruction médico-administrative a été effectuée pour le dossier n° 190102756. Il conteste que le changement de numéro de dossier soit sans incidence sur son traitement, cette information étant fonction de la date de la maladie professionnelle soulignant que la caisse n'a pas hésité à la modifier, après la clôture de l'instruction du dossier, sans l'en informer.
La caisse soutient pour sa part que l'employeur, en toute hypothèse, a été mis en mesure de consulter le colloque médico-administratif, qui formalise les conclusions administratives auxquelles est parvenu le médecin-conseil, et ne peut arguer de sa méconnaissance de la date de première constatation médicale retenue par le médecin-conseil, dont il pouvait au surplus discuter le bien-fondé lors de la phase contradictoire. Elle se défend par ailleurs d'avoir modifié le numéro de sinistre lors de l'envoi de la lettre de clôture mais admet que ce changement est intervenu au moment de la prise en charge qui entraînera la régularisation du dossier. Elle prétend encore que les références internes portées en marge de ses correspondances ne sauraient porter atteinte au principe du contradictoire, en ce qu'elles ne font pas directement grief à l'employeur, l'instruction ayant été conduite dans le respect du Code de la sécurité sociale.
Il ressort des pièces versées aux débats qu'entre la transmission de la déclaration de maladie professionnelle du 22 mars 2019 suivie du courrier du 31 mai 2019 informant l'employeur d'un délai complémentaire d'instruction sous le numéro de dossier 190102756 et la notification de prise en charge de la maladie professionnelle dans le cadre des tableaux le 11 juillet 2019 sous le numéro de dossier 181220757 avec pour les premiers documents, une date de maladie professionnelle au 2 janvier 2019, et pour le second au 20 décembre 2018, l'employeur n'a aucunement été mis en mesure de faire des observations sur la modification de cette date.
Certes le colloque médico-administratif du 20 juin 2019 porte trace manuscrite du numéro de dossier 181220757 en face de celui dactylographié 190102756 et retient comme date de première constatation médicale le 20 décembre 2018 mais il n'est pas établi que la caisse a informé l'employeur de cet élément susceptible de lui faire grief avant la notification de prise en charge de la maladie professionnelle le 11 juillet 2019, et à tout le moins au plus tard à l'occasion de la notification de son droit de consulter le dossier avant prise de décision. Il s'en déduit que le principe de la contradiction n'a pas été respecté par la CPAM du Loiret, de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, il convient de déclarer la décision de prise en charge de la maladie présentée par Mme [X] inopposable à l'employeur.
- Sur les demandes accessoires
La décision déférée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
La CPAM du Loiret, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS [6] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition en dernier ressort,
Infirme le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans du 9 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à la SAS [6] la décision de prise en charge du 11 juillet 2019 de la maladie de Mme [W] [X] au titre de la législation professionnelle, et par suite des arrêts et soins considérés en lien ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret à payer à la SAS [6] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,