COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2023
N° RG 20/02803 -
N° Portalis DBV3-V-B7E-UGJ6
AFFAIRE :
[M] [P]
C/
Association COMITÉ RÉGIONAL D'ILE DE FRANCE DE LA FÉDÉRATION F RANÇAISE DE CYCLISME
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
SELARL PATRICK PRIGENT
Association UNEDIC, DÉLEGATION AGS CGEA IDFO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° Section : AD
N° RG : F 19/00292
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe DEBRAY
Me Martine DUPUIS
Me Sophie CORMARY
Me Arnaud TEISSIER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 06 avril 2023 et prorogé au 11 mai 2023, les parties en ayant été averties, dans l'affaire entre :
Madame [M] [P]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentants : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Isabelle BLATTER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0840
APPELANTE
****************
Association COMITÉ RÉGIONAL D'ILE DE FRANCE DE LA FÉDÉRATION F RANÇAISE DE CYCLISME, FCC
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentants : Me Arnaud TEISSIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020, Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Thomas KABORE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS pris en la personne de Me [K] [J] es qualité mandataire judiciaire de l' association comité régional d'ile de france de la fédération française de cyclisme
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentants : Me Arnaud TEISSIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020, Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Thomas KABORE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. SELARL PATRICK PRIGENT es qualité d'administrateur judiciaire du Comité régional d'ile de france de la fédération française de cyclisme
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentants : Me Arnaud TEISSIER de la SELARL CAPSTAN LMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020, Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Thomas KABORE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC, DÉLEGATION AGS CGEA IDFO
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentants : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substituée par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
L'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme (ci-après l'association), dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 10], dans le département de la Seine-Saint-Denis, est un organisme déconcentré de la fédération française de cyclisme, elle-même composée d'associations sportives. Elle emploie moins de 11 salariés et applique la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006.
Par jugement du 12 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard. La Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maître [J] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl Patrick Prigent a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire.
Après plusieurs poursuites de la période d'observation, le tribunal judiciaire de Versailles a, par jugement du 21mai 2021, arrêté un plan de redressement par continuation et apurement du passif et a désigné la Selarl Patrick Prigent en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Mme [M] [I] épouse [P], née le 13 mai 1961, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein par l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme le 1er juin 1980 en qualité d'employée de bureau.
Le 1er septembre 1994, le contrat de travail de Mme [P] a été modifié en temps partiel à sa demande.
Elle percevait en dernier lieu une rémunération de 3 233,92 euros bruts, moyenne des 12 derniers mois de salaire.
Par courrier daté du 29 novembre 2018, l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme a convoqué Mme [P] à un entretien préalable à licenciement pour motif économique devant se dérouler le 13 décembre 2018, auquel Mme [P] ne s'est pas présentée, étant placée en arrêt de travail le 30 novembre 2018.
Par courrier en date du 14 décembre 2018, l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme a adressé à Mme [P] une proposition de contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Par courrier recommandé en date du 29 décembre 2018, l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme a notifié à Mme [P] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :
'Nous sommes au regret de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour motif économique.
Nous vous avons convoquée le 13 décembre 2018 pour un entretien afin de vous expliquer les motifs qui nous conduisaient à envisager votre licenciement.
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.
Le 14 décembre 2018, nous vous avons donc fait parvenir un courrier dans le but de vous présenter le contrat de sécurisation professionnelle et dans lequel nous vous avons énoncé les raisons économiques qui nous orientent vers une suppression de votre poste de travail.
Celles-ci sont les suivantes :
Depuis 2016, le résultat comptable n'a cessé de baisser, passant d'un résultat positif (+ 31 703 euros) à un montant négatif de 192 142 euros cette année.
Cette variation d'environ 143 000 euros est fortement préjudiciable et ne nous permet pas d'envisager (de) rester dans une telle situation sans mettre en péril l'association dans son ensemble.
Nous avons également subi une baisse de subvention de l'ordre de 30 % en une année.
Ces différents éléments mis en exergue, il nous est impossible de faire face aux divers engagements que nous avions pris les années antérieures.
Notre endettement est considérable, tout comme les charges que nous devons supporter chaque mois. De plus, aucun indicateur actuel ne nous permet d'espérer un changement de situation. C'est pourquoi nous sommes dans l'obligation de supprimer votre poste de travail.
Nous vous rappelons que nous vous avons remis, par courrier recommandé envoyé le 14 décembre 2018, une proposition de contrat de sécurisation professionnelle (CSP), et que vous disposez, depuis cette date, d'un délai de réflexion de vingt et un jours, soit jusqu'au 7 janvier 2019, pour l'accepter ou la refuser.'
Le 2 janvier 2019, Mme [P] a accepté le CSP et son contrat de travail a pris fin le 7 janvier 2019.
Par requête du 10 mai 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de voir condamner l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme à lui payer les sommes suivantes :
- intérêt de retard sur solde de l'indemnité de licenciement : 445,79 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 77 614,08 euros,
- dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, critères d'ordre des licenciements : 155 228,16 euros,
- irrégularité de la procédure : 3 233,92 euros,
- dommages et intérêts en réparation du préjudice subi moral et psychologique résultant de la brutalité de la rupture : 5 000 euros,
- dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de la réponse tardive de l'employeur sur les critères d'ordre des licenciements : 500 euros,
- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros,
- remise de documents de 'n de contrat,
- exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire rendu le 9 novembre 2020, la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Versailles a :
- dit que le licenciement de Mme [P] est bien fondé sur un motif économique,
- débouté Mme [P] de ses demandes liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse, non-respect des critères d'ordre, licenciement irrégulier,
- condamné l'association Comité IDF FFC à payer à Mme [P] la somme de 3 233,52 euros au titre du préjudice moral et psychologique subi par Mme [P] du fait de l'annonce nominative en AG de son licenciement,
- condamné l'association Comité IDF FFC à payer à Mme [P] la somme de 445,75 euros au titre du retard à régler le reliquat dû à l'erreur de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- débouté Mme [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'association Comité IDF FFC de sa demande 'reconventionnelle' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné l'association Comité IDF FFC aux entiers dépens.
Mme [P] a interjeté appel de la décision par déclaration du 10 décembre 2020.
Par ordonnance d'incident en date du 15 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a :
- rejeté la demande de l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme, de la Selarl Patrick Prigent, ès qualités, et de la Selarl ML Conseils ès qualités, tendant à voir dire irrecevable la demande de Mme [P] visant à solliciter le paiement d'un rappel de préavis et de congés payés afférents,
- déclaré recevable la demande de condamnation de l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme à verser à Mme [P] un rappel de salaire au titre du préavis ainsi que des congés payés afférents,
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par dernières conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 11 janvier 2023, Mme [P] demande à la cour, après avoir infirmé le jugement du 9 novembre 2020, de :
1/ A titre principal : juger que le licenciement est intervenu au mépris des critères d'ordre de licenciement,
En conséquence, prononcer l'illégalité du licenciement intervenu et condamner l'association Comité IDF FFC à une juste indemnisation (I),
soit la somme de 155 228,16 euros,
2/ A titre subsidiaire : juger que le licenciement de Mme [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse (II), pour les raisons suivantes :
- le licenciement est verbal en ce qu'il a été annoncé publiquement et de façon irrévocable bien avant la tenue de l'entretien préalable (2.1),
- le motif est insuffisant pour permettre à la salariée d'être informée sur la réalité et le sérieux de ce motif, l'employeur n'ayant pas précisé les conséquences de ce motif sur l'emploi de Mme [P] (2.2),
- le poste de Mme [P] n'a pas été supprimé (2.3),
- les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement ne résultent que d'une faute commise par l'employeur, allant au-delà de simple manquement de dirigeants ou des seules erreurs de gestion (2.4),
- des irrégularités de procédures ont été commises produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (2.5) à savoir :
. l'absence de recherche préalable de reclassement (2.5.1),
. l'absence de pouvoir du président (2.5.2),
En conséquence, condamner l'association Comité IDF FFC à verser à Mme [P], à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement une indemnité égale à 20 mois de salaire :
- soit la somme de 64 678,40 euros,
- ainsi que 2 mois de salaire au titre du préavis de 2 mois, soit 6 467,84 euros,
- et les congés payés y afférents : 646,78 euros,
Débouter l'association Comité IDF FFC de sa demande d'irrecevabilité de l'indemnité de préavis et congés y afférents,
Débouter l'association Comité IDF FFC de son appel incident,
3/ A titre infiniment subsidiaire : constater que le licenciement de Mme [P] est entaché d'irrégularités (III) :
- par une réponse tardive de l'employeur sur les critères d'ordre des licenciements (3.1),
- et par le non-respect de la procédure conventionnelle (3.2),
En conséquence, condamner l'association Comité IDF FFC à verser à Mme [P], à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, la somme de (1 mois de salaire) 3 233,92 euros,
4/ En tout état de cause : condamner l'association Comité IDF FFC à verser à Mme [P], à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice moral de la réponse tardive de l'employeur sur les critères d'ordre des licenciements, la somme de 500 euros,
5/ En tout état de cause : juger que la rupture du contrat de travail est intervenue avec brutalité,
En conséquence, condamner l'association Comité IDF FFC à verser Mme [P], à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral et psychologique résultant de cette brutalité, la somme de 5 000 euros,
6/ En tout état de cause : constater que le solde de l'indemnité de licenciement a été versé avec plus d'un an de retard,
En conséquence, condamner l'association Comité IDF FFC à verser à Mme [P] la somme de 445,79 euros au titre des indemnités de retard,
7/ En conséquence : condamner l'association Comité IDF FFC à la régularisation des documents de fin de contrat,
8/ En tout état de cause : juger que les AGS CGEA IDF OUEST sont mis en cause,
9/ En tout état de cause, déclarer les condamnations opposables aux AGS CGEA IDF OUEST,
10/ En tout état de cause, débouter l'association Comité IDF FFC de l'ensemble de ses demandes,
11/ En tout état de cause, débouter les AGS CGEA IDF OUEST de l'ensemble de leurs demandes,
12/ En tout état de cause, condamner l'employeur aux dépens et au versement, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de la somme de 5 600 euros.
Par dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 11 janvier 2023, l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme demande à la cour de :
1/ Déclarer irrecevable et à titre subsidiaire mal fondée la demande nouvelle de Mme [P] en cause d'appel visant (à) solliciter le paiement d'une somme de 6 467,84 euros au titre de rappel de préavis et de congés payés afférents et 646,78 euros de congés payés afférents (si le point n'a pas été tranché par le conseiller de la mise en état),
2/ Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme [P] était bien fondé sur un motif économique,
- débouté Mme [P] de ses demandes liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse, non-respect des critères d'ordre, licenciement irrégulier,
- débouté Mme [P] de sa demande (formée) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
A titre subsidiaire réduire les demandes de Mme [P] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du prétendu non-respect des critères d'ordre à de plus justes proportions, à savoir trois mois de salaires soit 9 701,76 euros,
3/ Infirmer le jugement du 9 novembre 2020 en ce qu'il a :
. condamné l'association à verser la somme de 3 233,52 euros à Mme [P] au titre du préjudice moral et psychologique subi du fait de l'annonce nominative en assemblée générale de son licenciement,
. condamné l'association à verser à Mme [P] la somme de 445,75 euros au titre du retard à régler le reliquat dû à l'erreur de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. débouté l'association de sa demande au titre de l'article 700 (sic),
. condamné l'association aux entiers dépens,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident partiel formé par les concluantes,
Et, y faisant droit :
- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes,
4/ En tout état de cause :
- débouter toutes demandes contraires au présent dispositif,
- déclarer les éventuelles condamnations opposables aux AGS CGEA IDF OUEST,
- condamner Mme [P] à verser à l'association Comité IDF FFC la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [P] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 9 septembre 2021, l'Unedic AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :
- Juger irrecevable car nouvelle en appel la demande d'opposabilité des condamnations à l'AGS CGEA IDF Ouest,
A titre principal
- constater le prononcé du jugement du 12 septembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Versailles arrêtant le plan de redressement du Comité Régional d'Ile de France de la fédération française de cyclisme,
En conséquence,
- ordonner la mise hors de cause de l'AGS au titre de la présente instance,
A titre subsidiaire
- ordonner la mise hors de cause l'AGS au titre des demandes de rappels de salaire pour la période postérieure au 12 septembre 2019,
- juger que le licenciement repose sur un motif économique et qu'il n'y avait pas lieu à établir des critères d'ordre de licenciement,
- débouter Mme [P] de ses demandes,
- réduire les dommages-intérêts à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure et de l'astreinte,
- juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622 28 du code du commerce,
- juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail,
- juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- condamner Mme [P] à verser à l'AGS CGEA d'ORLEANS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance rendue le 25 janvier 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 10 février 2023.
MOTIFS DE L'ARRET
Il y a lieu à titre liminaire de relever que le conseiller de la mise en état a déjà statué, pour la rejeter, sur la demande de l'association tendant à voir déclarer irrecevable la demande de Mme [P] en paiement d'un rappel de préavis et des congés payés afférents.
Mme [P] expose que le comité régional était géré par un comité directeur composé de 25 membres dont M. [X], ancien président, précédemment secrétaire général et trésorier général ; qu'au moment de son licenciement, l'effectif du comité régional était de 4 salariés soit son mari en qualité de comptable, elle-même et Mme [D] en qualité d'employées de bureau et un entraîneur. Elle relate qu'elle-même et son mari, ayant tous deux 38 ans d'ancienneté et étant âgés respectivement de 57 et 60 ans, ont été poussés vers la sortie au même moment, M. [P] partant à la retraite fin novembre 2018 en soldant ses congés, à la demande pressante du comité, son propre licenciement étant annoncé en assemblée générale du 1er décembre 2018 avant-même qu'elle n'ait reçu sa lettre de convocation à un entretien préalable.
Elle fait valoir que le conseil de prud'hommes a modifié ses demandes de première instance, a fait une mauvaise interprétation des faits, n'a pas pris en compte les éléments du dossier et a injustement qualifié les manquements à la procédure de licenciement.
Elle conteste son licenciement, à titre principal en faisant valoir qu'il est illégal pour avoir été prononcé au mépris des critères d'ordre des licenciements et à titre subsidiaire en soutenant qu'il est sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'illégalité du licenciement
Mme [P] expose que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, qui doit être intégralement réparé selon son étendue, sans être limité à un plafonnement, et qu'il ne s'agit pas d'une irrégularité de procédure comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, ou d'une absence de cause réelle et sérieuse.
Elle soutient qu'elle n'était pas la seule de sa catégorie professionnelle, dès lors que Mme [D] appartenait également à la catégorie des employées de bureau en charge de tâches purement administratives, de même nature, ne requérant pas de compétence ou de technicité particulières, ainsi qu'en atteste son remplacement par des bénévoles, avec une formation de base commune, elle-même n'ayant un coefficient et un salaire supérieurs qu'à raison de sa plus grande ancienneté.
Elle soutient que l'employeur n'a pas établi l'ordre des licenciements et qu'il ne pouvait se déterminer sur un seul des critères prévus par l'article L. 1233-5 du code du travail ; qu'au regard de son ancienneté, de son âge et de ses qualités professionnelles, si l'ordre des licenciements avait été respecté, ce n'est pas elle qui aurait dû être licenciée ; qu'elle subit un préjudice du fait de la perte injustifiée de son emploi, par la privation de 4 années de salaire jusqu'à l'âge de la retraite.
L'association, rejointe par l'Unedic AGS, réplique qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les critères d'ordre des licenciements puisque Mme [P] était seule dans sa catégorie professionnelle, appartenant au groupe 3 de la convention collective tandis que Mme [D] appartenait au groupe 1, leurs fonctions et leurs rémunérations étant totalement différentes.
Elle soutient qu'en tout état de cause, les critères d'ordre ont été correctement appliqués, le critère prédominant ayant été les charges de famille et les seules fonctions supprimées étant celles de Mme [P].
L'Unedic AGS ajoute que Mme [P] ne justifie d'aucun préjudice.
L'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 applicable au litige, dispose : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »
L'article L. 1233-5 du code du travail dispose que "Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.
Ces critères prennent notamment en compte :
1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'employeur peut privilégier un de ces critères à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.
Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.
En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois.
Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret."
L'article L. 1233-7 du code du travail prévoit que "Lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L. 1233-5."
L'article L. 1233-17 du code du travail prévoit enfin que "Sur demande écrite du salarié, l'employeur indique par écrit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements".
Les règles relatives à l'ordre des licenciements ne s'appliquent que lorsque l'employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier. Elles ne sont donc pas applicables lorsque le licenciement concerne tous les salariés d'une entreprise de la même catégorie professionnelle ou lorsque le salarié concerné par le projet de licenciement est le seul de sa catégorie.
Il convient d'apprécier le respect des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements par référence aux catégories d'emplois et aux fonctions réellement exercées. Le juge doit rechercher si l'ordre des licenciements a été respecté dans la catégorie professionnelle dont relevait le salarié au sens de la convention collective.
La catégorie professionnelle qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements concerne l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans qu'il puisse être opéré de distinction au sein de chaque catégorie, entre les salariés à temps plein et ceux à temps partiel. Il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix entre les salariés.
L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Elle constitue une illégalité et le salarié, pour être indemnisé, doit démontrer l'existence d'un préjudice (Cass. Soc., 26 février 2020, n°17-18.136).
En l'espèce, la lettre de licenciement pour motif économique de Mme [P] indique que conformément à l'article L. 1233-17 du code du travail, elle peut demander par écrit les critères qui ont été retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Sur demande de Mme [P] formée en ce sens le 14 janvier 2019, l'association lui a répondu le 25 janvier 2019 que "Les critères pris en compte pour l'ordre des licenciements économiques prévus sont les suivants :
- charges de famille du personnel occupant le même poste,
- suppression du poste due à l'établissement des licences par du personnel bénévole." (pièce 18 de l'appelante).
L'association fait valoir que M. [X], signataire des courriers, non-juriste, n'a pas su s'exprimer.
Il convient, nonobstant les termes de ces courriers, d'apprécier si les critères d'ordre des licenciements trouvaient à s'appliquer, en déterminant si Mme [P] était, ou non, seule salariée de sa catégorie, telle que définie par la convention collective applicable.
Mme [P] a été engagée à effet du 1er juin 1980 en qualité d'employée de bureau. La mise à jour de son contrat de travail au 1er janvier 2009 mentionne qu'elle relève du groupe 3 de la convention collective nationale du sport (pièce 1 de l'appelante). Ses bulletins de paye mentionnent qu'elle exerce un emploi d'employée de bureau, statut technicien, groupe 3.
Mme [O] [D], l'autre employée de bureau salariée de l'association, avait le statut employé, groupe 1, avec une ancienneté au 1er novembre 2016 (pièce 13 de l'intimée).
La convention collective nationale du sport contient en son article 9.3 une grille de classification, qui définit les salariés de la façon suivante :
- le groupe 1 - employé : "exécution de tâches prescrites pouvant nécessiter une durée d'adapation à l'emploi n'excédant pas 2 jours", "effectuées sous le contrôle direct d'un responsable", dont la technicité est : "tâches simples et détaillées fixant la nature du travail et les modes du travail à appliquer",
- le groupe 2 - employé : "exécution de tâches prescrites exigeant une formation préalable et une adaptation à l'emploi", exécutées "sous le contrôle d'un responsable, le salarié est capable d'exécuter des tâches sans que lui soit indiqué nécessairement le mode opératoire. Le contrôle des tâches s'effectue en continu", qui ne comporte pas la responsabilité d'autres salariés et "ne peut comporter la programmation des tâches d'autres salariés",
- le groupe 3 - technicien : "exécution d'un ensemble de tâches ou d'une fonction comportant une responsabilité technique ou un savoir-faire technique spécialisé", "sous le contrôle d'un responsable, le salarié effectue des tâches complexes avec l'initiative des conditions d'exécution. Le contrôle du travail s'opère par un responsable au terme d'un délai prescrit", "le salarié n'exerce pas d'encadrement hiérarchique. Le salarié peut exercer un rôle de conseil et/ou de coordination d'autres salariés mais ne peut en aucun cas en assurer le contrôle.", "le salarié peut être chargé d'exécuter un programme défini et/ou un budget prescrit dans le cadre d'une opération." (pièces 14 et 15 de l'intimée).
Ainsi, Mme [P], technicien de groupe 3, ne relevait pas de la même catégorie que Mme [D], employée de groupe 1. Elle ne démontre par aucune pièce que Mme [D] exerçait les mêmes fonctions qu'elle, notamment pour le traitement des demandes de licences et des chèques, alors que l'employeur indique que Mme [D] avait les missions simples de répondre au téléphone, d'ouvrir le courrier et d'accueillir les visiteurs.
Le seul fait que les tâches de Mme [P] puissent être confiées à des bénévoles n'exclut pas leur technicité et ne les rend pas assimilables à celles de Mme [D].
Il convient en conséquence de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu que les critères d'ordre de licenciement n'avaient pas à être appliqués dès lors que Mme [P] était seule dans sa catégorie et qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement.
Sur l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement
Mme [P] soutient à titre subsidiaire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour plusieurs motifs.
1 - sur le caractère verbal du licenciement
Mme [P] relate que le président de l'association l'a appelée le 29 novembre 2018 au soir, au moment où elle quittait son bureau, pour lui faire signer, sans la moindre explication ou discussion préalable, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; qu'elle a demandé que le courrier lui soit envoyé car elle partait, ayant son manteau sur le dos. Elle indique que son licenciement a été annoncé publiquement et de façon irrévocable le 1er décembre 2018, bien avant la tenue de l'entretien préalable, de sorte qu'il s'agit d'un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'association répond que les propos tenus le 1er décembre 2018 constituent de simples échanges internes entre les organes décisionnels de l'association, dans une logique de transparence visant à informer l'assemblée générale de la décision du comité directeur d'initier une procédure de licenciement économique ; que la décision n'était pas définitive puisqu'il en a été une nouvelle fois discuté le 8 décembre 2018.
En application des articles L. 1233-11 et suivants du code du travail, la procédure de licenciement individuel pour motif économique débute par la convocation du salarié à un entretien préalable. Le licenciement est ensuite notifié au salarié par lettre recommandée.
La décision de l'employeur de rompre le contrat de travail se situe à la date d'envoi de la lettre recommandée.
Quand bien même le principe du licenciement est déjà arrêté par les instances dirigeantes, le licenciement ne produit d'effets juridiques à l'égard du salarié que lorsqu'il lui a été notifié.
Néanmoins, lorsque l'employeur annonce publiquement, avant la tenue de l'entretien préalable, sa décision irrévocable de licencier le salarié, il s'en déduit l'existence d'un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la lettre de convocation à un entretien préalable au licencement pour motif économique de Mme [P], fixé au 13 décembre 2018, est datée du 29 novembre 2018. Mme [P] en a refusé la remise en main-propre le 29 novembre au soir. La lettre a été expédiée le lundi 3 décembre 2018 (pièce 7 de l'appelante).
Le samedi 1er décembre 2018, s'est tenue une assemblée générale extraordinaire du comité d'Ile de France de la fédération française de cyclisme, réunissant les associations départementales, destinée à "faire un point exhaustif sur la situation financière du comité régional" (pièce 29 de l'appelante). M. [L] [X], président du comité régional, a tenu les propos suivants : "Le premier sujet que je souhaite aborder avec vous est la décision humainement difficile que nous avons dû prendre, ces derniers jours, au vu de la situation financière de notre comité, de licencier une de nos salariées, [M] [P]. Cette décision n'a pas été prise à la légère ni de gaieté de coeur, mais était rendue absolument nécessaire au vu de la situation laissée par l'ancien Président, afin de sauvegarder l'emploi des trois autres salariés."
Il ressort des échanges Facebook produits en pièce 53 par l'appelante que certains membres du comité ont été informés du licenciement dès le 30 novembre 2018, veille de l'assemblée générale.
En outre, lors de la réunion du comité directeur du 8 décembre 2018, M. [N] [V], trésorier général, a expliqué "que la situation financière du comité justifie le licenciement de Mme [P]. Plusieurs éléments discutés en bureau directeur, ont pesé dans ce choix."
Les comptes-rendus de ces réunions ne font pas part d'échanges internes entre les organes décisionnels de l'association sur le sujet du licenciement de Mme [P]. Il a été uniquement procédé à l'annonce publique de la décision irrévocable de licencier Mme [P], avant la tenue de l'entretien préalable.
Il s'en déduit l'existence d'un licenciement verbal de Mme [P], qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2 - sur le défaut de motivation
Mme [P] soutient que le licenciement n'est pas suffisamment motivé car d'une part le résultat comptable était encore incertain au moment du licenciement, qu'il ne résultait que d'une gestion frauduleuse et passagère du comité et que la procédure de redressement judiciaire n'était pas encore engagée et que d'autre part le comité n'énonce pas les incidences des difficultés économiques sur l'emploi qu'elle occupait.
L'association répond que le motif économique à l'origine du licenciement est avéré, à raison de l'existence de résultats déficitaires sur les exercices 2017 et 2018, du contrôle de l'URSSAF et de la diminution des subventions, et qu'il justifie le licenciement de Mme [P], dont le poste a été supprimé.
L'article L. 1233-16 alinéa 1er du code du travail dispose que "La lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur."
En application de l'article L. 1233-3 du code du travail susvisé, les difficultés économiques, qui s'apprécient à la date de rupture du contrat de travail, doivent être précises, matériellement vérifiables et avoir un effet direct sur l'emploi du salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement énonce que depuis 2016, le résultat comptable n'a cessé de baisser, passant d'un résultat positif (+ 31 703 euros) à un montant négatif de 192 142 euros ; que la subvention a baissé de l'ordre de 30 % en une année, que l'endettement est considérable, tout comme les charges mensuelles et qu'aucun indicateur actuel ne permet d'espérer un changement de situation, de sorte que le poste de travail de Mme [P] est supprimé.
Sont ainsi énoncées de manière suffisamment précises les difficultés économiques de l'association et leur effet direct sur l'emploi de Mme [P], qui est supprimé aux fins d'alléger les charges.
Mme [P] ne conteste pas les chiffres énoncés dans la lettre de licenciement mais souligne que les comptes 2018 n'avaient pas encore été arrêtés et que lors de l'assemblée générale du 1er décembre 2018, le budget prévisionnel 2017/2018 ne présentait qu'une perte de 33 400 euros et que le budget 2019 était positif de 24 764 euros. Elle soutient que la situation déficitaire n'était que passagère.
Or les difficultés économiques s'apprécient à la date de la rupture du contrat de travail, en l'espèce le 7 janvier 2019. Lors de l'assemblée générale du 1er décembre 2018, le budget prévisionnel 2018 était en déficit de 33 400 euros, des écarts de postes comptables avaient été mis en évidence, notamment une surévaluation des subventions de la région Ile de France provisionnées en 2017 et non encaissées en 2018, une réduction des subventions publiques ou privées, des pénalités de retard URSSAF, des frais financiers et une créance irrecouvrable relative à des photocopieurs (pièce 29 de l'appelante).
Les difficultés étaient réelles et durables puisque après enquête prononcée le 18 avril 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a constaté l'état de cessation des paiements de l'association et a ouvert à son encontre, par jugment du 12 septembre 2019, une procédure de redressement judiciaire. A l'issue des périodes d'observation, un plan de redressement permettant un apurement du passif sur 10 ans a été arrêté par le tribunal par jugement du 21 mai 2021 (pièce 29 de l'intimée).
3 - sur l'absence de suppression du poste
Mme [P] soutient que son poste n'a pas été supprimé puisqu'il a été confié à du personnel bénévole, tandis que l'association souligne qu'aucun salarié n'occupe à ce jour le poste de Mme [P].
La suppression d'emploi doit être effective. En supprimant un poste salarié et en faisant assurer cette fonction par des collaborateurs bénévoles, l'employeur procède à la suppression d'un emploi salarié.
En l'espèce, selon le courrier de l'employeur du 25 janvier 2019 invoqué par l'appelante (sa pièce 18), le poste salarié de Mme [P] a été supprimé et les licences ont été établies par du personnel bénévole.
Mme [P] se réfère aux embauches évoquées lors de la réunion du comité directeur du 11 juillet 2020 (sa pièce 66) :
- Mme [S] en stage d'insertion professionnelle,
- une embauche prochaine d'un agent de développement en contrat d'apprentissage.
Or d'une part M. [Y] [F] a été embauché en contrat d'apprentissage à compter du 14 septembre 2020 pour faciliter l'émergence de projets sportifs de développement du cyclisme, ce qui ne ressortait pas des tâches de Mme [P] (pièce 33 de l'intimée).
D'autre part, Mme [S], qui avait été stagiaire au sein de l'assocation du 23 janvier au 5 juin 2020 dans le cadre de sa formation de contrôleur de gestion, a été embauchée en contrat à durée déterminée de 6 mois, du 3 novembre 2020 au 3 mai 2021, pour remplacer M. [Z] [C] atteint par une forme grave du Covid-19 (pièces 30, 34 et 35 de l'intimée).
Mme [P] n'ayant pas été remplacée par un personnel salarié, la suppression de son emploi a été effective.
4 - sur l'origine fautive des difficultés économiques
Mme [P] fait valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas examiné l'attitude de l'employeur sous l'angle de la faute, comme elle le demandait. Elle soutient que les fautes commises par l'employeur sont de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à la réorganisation de la société ; qu'en l'espèce, la situation comptable de la société n'est due qu'aux agissements frauduleux et intentionnels de l'ancienne direction, révélés au mois de décembre 2017, portant sur la souscription de contrats commerciaux exorbitants pour la location de matériels informatiques (11 photocopieurs et 4 scanners pour 3 salariés, pour un montant de 120 000 euros) et des irrégularités et faits délictueux commis au profit de l'ancien président pour 88 903 euros (frais excessifs de restauration et de déplacement).
L'association réplique que le salarié qui conteste son licenciement économique ne peut invoquer un manquement du dirigeant personne physique à l'origine des difficultés économiques ; que le comité a été la première victime des agissements de M. [E], ancien président, qui ont conduit à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et au dépôt d'une plainte.
Lorsque les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement d'un salarié résultent d'agissements fautifs de l'employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion, le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse. Cet effet n'est toutefois lié qu'à la faute de l'employeur lui-même et non au comportement fautif du dirigeant de la société.
En l'espèce, il n'est pas démontré que l'association elle-même a commis des agissements fautifs allant au-delà d'erreurs de gestion, ayant conduit au licenciement économique de Mme [P].
Le comité d'Ile de France de la fédération française de cyclisme a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles en exposant qu'un audit a mis en évidence de nombreuses irrégularités commises par son ancien président, M. [R] [E] et son ancien trésorier, M. [A] [B] (pièce 9 de l'intimée), qui ont entraîné pour lui des préjudices importants.
Le conseil de prud'hommes, répondant à la demande de Mme [P], a donc justement retenu que la réalité du motif économique ne peut être remise en cause par le fait des manquements d'un dirigeant ayant été à l'origine d'une partie des difficultés économiques.
5 - sur les irrégularités du licenciement
- sur l'absence de recherche préalable de reclassement
Mme [P] fait valoir qu'aucune recherche de reclassement n'a été entreprise par l'employeur et qu'aucune discussion préalable n'a eu lieu avec elle, que l'employeur n'a pas cherché à aménager son poste de travail et à lui proposer une modification temporaire de son contrat de travail.
L'association répond que Mme [P] est de mauvaise foi car elle sait parfaitement qu'aucun poste n'était disponible.
L'article L. 1233-4 alinéa 1er du code du travail dispose que "Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel."
Il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement, dans l'entreprise.
En l'espèce, au moment du licenciement de Mme [P], l'association disposait de 4 postes de salariés :
- un poste d'employé administratif occupé par Mme [P],
- un poste d'employé administratif occupé par Mme [D],
- un poste de contrôleur de gestion occupé par M. [Z] [C],
- un poste d'entraîneur sportif occupé par M. [U] [H].
Faute de poste disponible, elle ne pouvait donc procéder au reclassement de Mme [P] et n'a commis aucune faute à cet égard.
- sur l'absence de pouvoir du président ayant notifié le licenciement
Mme [P] soutient que, M. [X], signataire de la lettre de licenciement, n'avait pas pouvoir pour agir, n'étant pas habilité puisque sa désignation n'avait pas été approuvée par l'assemblée générale conformément aux statuts (articles 14 et 17) et au règlement intérieur (article 5-b).
L'association répond que M. [X] n'est pas une personne extérieure à l'association, qu'il a bien été désigné par le comité directeur en qualité de président par intérim, qu'il n'est pas prévu par les statuts que la personne ainsi désignée perd sa qualité s'il n'est pas procédé à un vote lors de l'assemblée générale suivante, que les assemblées des 10 mars 2018 et 1er décembre 2018 n'ont émis aucune réserve lorsque M. [X] s'est présenté et a siégé en qualité de président de l'association et que sa présidence a été confirmée par le vote de l'assemblée générale du 19 janvier 2019 qui couvre la période du licenciement.
L'absence de pouvoir du signataire d'une lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement de Mme [P] en date du 28 décembre 2018 a été signée par M. [L] [X], président de l'association comité d'Ile de France de la fédération française de cyclisme.
Les statuts de cette association prévoient (pièce 21 de l'appelante) :
- en son article 9 que le comité régional est administré par un comité directeur de 25 membres élus,
- en son article 14 que "Dès l'élection du comité directeur, l'assemblée générale élit le Président du comité régional.
Le président est choisi parmi les membres du comité directeur, sur proposition de celui-ci. Le choix du comité directeur s'effectue dans les conditions suivantes :
- au premier tour, ce choix doit se faire par vote à bulletins secrets à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il en est de même si un second tour s'avère nécessaire ;
- dans le cas d'un troisième tour, le choix est effectué à la majorité relative ;
Le président est élu par l'assemblée générale par vote à bulletins secrets, à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés.
Son mandat prend fin avec celui du comité directeur.
Au niveau de ce poste de président, une limitation de 3 (trois) mandats maximum de quatre ans consécutifs est imposée par les présents statuts."
- en son article 16 que "Le président du comité régional préside les assemblées générales, le comité directeur et le bureau. Il ordonnance les dépenses et représente le comité régional dans tous les actes de la vie civile et devant les tribunaux.
Toutefois, la représentation du comité régional en justice ne peut être assurée, à défaut de président, que par un mandataire agissant en vertu d'un pouvoir spécial."
- en son article 17 que "En cas de vacance du poste de président, pour quelque cause que ce soit, les fonctions de président sont exercées provisoirement par un membre du bureau élu au scrutin secret par le comité directeur.
Dès sa première réunion suivant la vacance définitive dûment constatée et après avoir, le cas échéant, complété le comité directeur, l'assemblée générale élit un nouveau président pour la durée restant à courir du mandat de son prédécesseur."
L'article 5 b) du règlement intérieur de l'association prévoit que le président du comité régional procède à l'embauche ou au licenciement du personnel salarié, avec l'accord du bureau directeur (pièce 35 de l'appelante).
En l'espèce, il ressort du communiqué diffusé par le comité d'Ile de France de la FFC (pièce 27 de l'appelante) que le 11 janvier 2018, M. [R] [E], président du comité, a annoncé au bureau directeur sa démission avec effet immédiat.
Le comité directeur s'est réuni le 20 janvier 2018 et a élu M. [X] en qualité de nouveau président, pour exercer ses fonctions jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée générale.
Lors de l'assemblée générale ordinaire du 10 mars 2018, M. [X] a indiqué que "conformément à l'article 17 des statuts de notre association, le comité directeur s'est réuni le 20 janvier et m'a élu au poste de président, à titre provisoire, jusqu'à la prochaine assemblée générale qui se tiendra l'hiver prochain." (pièce 28 de l'appelante).
Le 1er décembre 2018, l'assemblée générale n'a pas évoqué l'élection de M. [X] au poste de président du comité régional. Il s'agissait cependant, non pas de l'assemblée générale ordinaire, mais d'une assemblée générale extraordinaire réunie pour faire un point sur la situation financière du comité régional.
M. [X] a été élu en qualité de président lors de l'assemblée générale ordinaire du 19 janvier 2019, jusqu'à la fin de la mandature (pièce 32 de l'appelante).
Dans ces conditions, M. [X], régulièrement désigné en qualité de président de l'association à titre provisoire, avait pouvoir de signer la lettre de licenciement de Mme [P] en date du 28 décembre 2018.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le licenciement pour motif économique de Mme [P] doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse uniquement qu'en ce qu'il constitue un licenciement verbal.
La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement de Mme [P] est bien fondé sur un motif économique et qu'elle a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant de nouveau, la cour dira que le licenciement de Mme [P] est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires de Mme [P]
Après le jugement arrêtant le plan de redressement, l'action en paiement engagée contre le débiteur avant le jugement d'ouverture de son redressement judiciaire est poursuivie contre ce dernier, redevenu maître de ses biens, le commissaire à l'exécution du plan n'ayant pas qualité pour poursuivre l'instance.
L'article L. 622-21 du code de commerce interdit cependant la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent. La décision rendue par le conseil de prud'hommes ne peut avoir pour conséquence que la constatation de la créance et la fixation de son montant au passif, même après l'adoption d'un plan de redressement.
1 - sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [P] expose qu'elle a subi un préjudice financier et moral considérable du fait de son licenciement alors qu'elle était âgée de 58 ans et pensait pouvoir rester au poste qu'elle occupait depuis 38 ans jusqu'à 62 ans, âge de la retraite à taux plein. Elle indique, étant âgée de 60 ans, qu'elle est sans emploi, aura des difficultés à retrouver un autre emploi alors qu'elle n'a pas de qualification particulière et a une expérience dans une seule entreprise, que ses indemnités de chômage sont inférieures à son salaire. Elle demande une indemnité équivalente à 20 mois de salaire.
L'association réplique que Mme [P] ne justifie pas d'un préjudice spécifique justifiant d'une somme correspondant au plafond du barème et qu'elle-même se trouve dans une situation économique très précaire. Elle demande que l'indemnité soit limitée à 3 mois de salaire.
L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1987 du 22 septembre 2017, prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, selon un barème fixé par le texte.
Pour une salariée ayant une ancienneté de plus de 30 ans (38 ans en l'espèce), l'indemnité s'élève à 3 mois de salaire minimum et 20 mois maximum.
Mme [P] a perçu au cours des 12 derniers mois précédant son licenciement un salaire brut mensuel moyen de 3 233,92 euros.
Elle a bénéficié d'une allocation de sécurisation professionnelle durant l'année 2019 et a été inscrite à Pôle emploi à compter du 9 janvier 2020, alors qu'elle était âgée de 58 ans (pièces 11 et 45 de l'appelante). Elle a fait l'objet d'un refus de rechargement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi le 29 juillet 2022 (pièce 76 de l'appelante).
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour arrête l'indemnité due à Mme [P] en réparation de la perte de son emploi à 18 mois de salaire soit la somme de 58 210,56 euros, qui sera fixée au passif de l'association.
2 - sur l'indemnité de préavis
Mme [P] fait valoir qu'en l'absence de motif économique, le CSP n'a pas de cause et l'employeur est tenu à l'obligation de préavis de 2 mois et aux congés payés afférents, dont elle demande paiement.
En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées.
Le licenciement pour motif économique de Mme [P] étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, l'association est redevable d'un préavis de 2 mois, soit la somme de 6 467,84 euros, outre 646,78 euros au titre des congés payés afférents, qui seront fixées à son passif.
3 - sur le préjudice réparant l'irrégularité du licenciement
Dès lors qu'il est fait droit à la demande tendant à voir dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée à titre infiniment subsidiaire par Mme [P], en paiement de la somme de 3 233,92 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.
4 - sur le préjudice moral lié à la réponse tardive de l'employeur sur les critères d'ordre des licenciements
Mme [P] fait valoir que l'employeur a répondu avec trois jours de retard à sa demande d'explications sur les critères d'ordre du licenciement, ce qui lui a causé un stress supplémentaire dont elle demande réparation à hauteur de 500 euros.
L'association répond qu'elle n'avait pas en réalité à établir de critères d'ordre et qu'elle a répondu dans les délais.
L'article R. 1233-1 du code du travail prévoit que l'employeur doit répondre à la demande du salarié relative aux critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements dans les dix jours suivant la présentation ou la remise de la lettre du salarié. Le délai expire le dernier jour à 24 heures. Le manquement de l'employeur cause le cas échéant un préjudice au salarié, qui est distinct de celui réparant l'absence de cause réelle et sérieuse.
En premier lieu, il a été retenu que l'association n'avait pas à établir de critères d'ordre pour le licenciement de Mme [P].
En second lieu, Mme [P] a demandé les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements par courrier recommandé daté du 14 janvier 2019 reçu par l'association le 16 janvier 2019. Cette dernière avait jusqu'au 26 janvier 2019 à minuit pour répondre. Si son courrier de réponse est daté du 25 janvier 2019, il n'a été posté que le 28 janvier 2019, soit hors du délai prévu (pièce 18 de l'appelante). Mme [P] ne démontre cependant pas qu'elle en a subi un préjudice, de sorte que sa demande sera rejetée, par confirmation de la décision entreprise.
5 - sur le préjudice moral lié au caractère brutal du licenciement
Mme [P] fait valoir que son licenciement a été particulièrement brutal dans la mesure où elle n'avait reçu aucune alerte sur sa situation et qu'elle s'est vue remettre le 29 novembre 2018 au soir, sans explication, considération ou égard, la convocation en vue d'un licenciement, alors que son mari venait tout juste d'être poussé rapidement vers la sortie et qu'elle avait 38 ans d'ancienneté ; que son licenciement a été annoncé en assemblée générale avant-même qu'elle n'ait reçu sa convocation à l'entretien préalable et avant toute discussion, alors qu'elle effectuait son travail sans reproche et avec dévouement depuis de nombreuses années.
L'association répond que Mme [P] ne démontre pas en quoi "l'annonce" du 1er décembre 2018 lui aurait été préjudiciable et fait valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas précisé le préjudice subi par la salariée et s'est contredit puisqu'il a reconnu que "l'annonce" constituait de simples échanges internes entre les organes décisionnels de l'association. Elle conclut à l'infirmation de la décision sur ce point.
Il est établi que le 29 novembre 2018 au soir, Mme [P] s'est vue proposer la remise d'une convocation à un entretien préalable au licenciement qu'elle a refusée, demandant un envoi postal. Le 1er décembre 2018, alors que l'entretien préalable n'avait pas encore eu lieu, la décision définitive de la licencier pour motif économique a été annoncée publiquement au cours de l'assemblée générale de l'association.
Il ressort des échanges Facebook produits en pièce 53 par l'appelante que certaines personnes se sont demandées s'il y avait eu faute, grave ou lourde, ce qui n'a pu que causer un préjudice à Mme [P], dont il n'est pas établi qu'un quelconque reproche a pu lui être fait sur la qualité de son travail durant ses 38 années de service.
Le licenciement revêt ainsi un caractère brutal et vexatoire. Cependant, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui a été allouée répare le préjudice qui en est résulté. La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a alloué un mois de salaire à Mme [P] en réparation du préjudice subi, d'autant que l'association a été condamnée à verser cette somme, alors qu'une procédure collective était ouverte et Mme [P] sera déboutée de cette demande.
6 - sur l'indemnité de retard pour le versement du solde de l'indemnité de licenciement
Mme [P] fait valoir que le solde de son indemnité de licenciement n'a été versé que le 13 février 2020, soit plus d'un an après la rupture de son contrat de travail intervenue le 7 janvier 2019. Elle réclame le versement des intérêts de retard sur la somme de 5 874,57 euros, soit la somme de 445,79 euros.
L'association demande l'infirmation du jugement qui a alloué cette somme en faisant valoir que Mme [P] sollicitait la somme de 9 258,15 euros au titre de complément d'indemnité de licenciement aux termes d'un calcul faux et qu'elle a modifié ses conclusions le 6 novembre 2019 pour réclamer la somme de 5 874,57 euros proposée par l'employeur ; que la somme n'a été versée qu'après un vote du comité directeur, le relevé de créance et l'envoi du document à l'AGS pour prise en charge.
Il est constant que l'association devait un complément d'indemnité de licenciement à Mme [P] d'un montant de 5 874,57 euros, qui produit des intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2019, lendemain de la date de rupture du contrat de travail.
Néanmoins, en vertu de l'article L. 621-48 du code de commerce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de l'association a arrêté le cours des intérêts légaux, jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement.
La somme de 445,79 euros réclamée par Mme [P] représente les intérêts aux taux légal ayant couru sur la somme de 5 874,57 euros du 8 janvier 2019 au 13 février 2020.
Or le jugement du tribunal judiciaire de Versailles rendu le 12 septembre 2019, ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'association, a arrêté le cours des intérêts légaux jusqu'au 21 mai 2021, date à laquelle le tribunal judiciaire de Versailles a arrêté un plan de redressement.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 445,79 euros à Mme [P] et, statuant de nouveau, la cour dira que les intérêts légaux sur la somme de 5 874,57 euros sont dus du 8 janvier 2019 au 12 septembre 2019.
Sur la régularisation des documents de fin de contrat
L'association sera condamnée à délivrer à Mme [P] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.
Sur la garantie de l'Unedic AGS
1 - sur la demande de mise hors de cause
- sur la mise hors de cause fondée sur le caractère nouveau de la demande
L'Unedic AGS fait valoir que Mme [P] l'a mise en cause en première instance et dans ses premières conclusions d'appel sans former de demande contre elle ; que la demande formée à son encontre en cause d'appel est nouvelle et irrecevable.
Mme [P] réplique qu'elle a mis en cause l'AGS dès la première instance, lorsqu'elle a eu connaissance de la procédure collective, pour obtenir sa garantie pour les indemnités liées à la rupture du contrat de travail.
Mme [P] a mis en cause dès la première instance l'AGS, qui a conclu. La décision du conseil de prud'hommes n'a pas repris les demandes de Mme [P] formées à l'encontre de l'AGS ni les prétentions de l'AGS ; les conclusions des parties ne sont pas produites, de sorte que l'AGS n'établit pas qu'aucune demande n'était formée à son encontre et qu'il y a lieu de la mettre hors de cause.
- sur la mise hors de cause fondée sur l'article L. 3253-6 du code du travail
L'Unedic AGS fait valoir que l'association ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire, elle est in bonis de sorte que sa garantie n'est pas due et qu'elle doit être mise hors de cause.
L'article L. 3253-6 du code du travail dispose que "Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l'étranger ou expatriés mentionnés à l'article L. 5422-13 contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire."
En l'espèce, la rupture du contrat de travail de Mme [P] est intervenue le 7 janvier 2019, antérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l'association, de sorte que les sommes qui lui sont dues sont garanties par l'AGS.
Le seul fait qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte le 12 septembre 2019 ne signifie pas que l'association est in bonis, alors qu'un plan de redressement a été établi le 21 mai 2021 sur une durée de 10 ans.
- sur la mise hors de cause fondée sur l'article L. 3253-8 du code du travail
L'Unedic AGS soutient qu'elle ne peut garantir les éventuelles créances de salaire qui seraient dues à Mme [P] postérieurement au jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 12 septembre 2019, en vertu des dispositions de l'article L. 3253-8 1° et 4° du code du travail, en citant les dispositions des 1° et 5° de ce texte.
Mme [P] réplique qu'il est de jurisprudence constante que la garantie de l'AGS s'applique à toutes les créances indemnitaires découlant de la rupture du contrat de travail intervenue avant l'ouverture de la procédure collective.
L'article L. 3253-8 du code du travail dispose que "L'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre :
1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ; (...)
5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
a) Au cours de la période d'observation ;
b) Au cours des quinze derniers jours ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;
d) Pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l'activité. (...)".
La garantie de l'AGS s'applique à toutes les créances indemnitaires, fût-ce pour préjudice moral, découlant de la rupture du contrat de travail intervenue avant l'ouverture de la procédure collective. Elle joue pour le paiement de dommages-intérêts accordés suite à un licenciement notifié avant le jugement d'ouverture, même si la décision ayant condamné l'employeur est postérieure au jugement déclaratif.
En l'espèce, l'AGS doit sa garantie dès lors que les sommes allouées à Mme [P] se rapportent à une rupture du contrat de travail survenue le 7 janvier 2019, avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l'association, intervenue par décision du 12 septembre 2019.
Il convient en conséquence de débouter l'Unedic AGS de sa demande de mise hors de cause.
2 - sur la garantie de l'AGS
La décision sera déclarée opposable à l'Unedic AGS, laquelle devra garantir les créances résultant de la rupture du contrat de travail de Mme [P], hormis celles découlant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt.
Sur les demandes accessoires
La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a condamné l'association aux dépens et confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de l'association.
La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a débouté Mme [P] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles. La somme de 2 500 euros sera fixée au passif de l'association au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d'appel.
L'association et l'Unedic AGS seront déboutées de leurs demandes formées du même chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Versailles sauf en ce qu'il a :
- débouté Mme [M] [P] de ses demandes liées au non-respect des critères d'ordre et au licenciement irrégulier,
- débouté l'association Comité IDF FFC de sa demande "reconventionnelle" au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association Comité IDF FFC aux entiers dépens,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [M] [P] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme au profit de Mme [M] [P] les sommes de :
- 58 210,56 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 6 467,84 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 646,78 euros au titre des congés payés afférents,
Déboute Mme [M] [P] de sa demande en paiement au titre du préjudice moral et psychologique subi du fait de l'annonce nominative en AG de son licenciement,
Dit que les intérêts légaux sur la somme de 5 874,57 euros représentant le complément d'indemnité conventionnelle de licenciement sont dus du 8 janvier 2019 au 12 septembre 2019,
Condamne l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme à délivrer à Mme [M] [P] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt,
Déboute l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest de sa demande de mise hors de cause,
Déclare l'arrêt opposable à l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest,
Dit que l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest devra garantir les créances résultant de la rupture du contrat de travail de Mme [M] [P], hormis celles découlant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, compte tenu du plafond applicable et sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Fixe au passif de l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme les dépens de première instance et d'appel,
Fixe au passif de l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [M] [P] pour les procédures de première instance et d'appel,
Déboute l'association Comité régional d'Ile-de-France de la fédération française de cyclisme et l'Unedic AGS CGEA Ile de France Ouest de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président