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29/09/2022 | FRANCE | N°21/06875

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 29 septembre 2022, 21/06875


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/06875 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3AM



AFFAIRE :



S.N.C. LES LOCATAIRES



C/

S.A. LABINI INVESTMENTS LIMITED











Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Novembre 2021 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 21/01506



Expéditions exécutoire

s

Expéditions

Copies

délivrées le : 29.09.2022

à :



Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF SEP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/06875 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3AM

AFFAIRE :

S.N.C. LES LOCATAIRES

C/

S.A. LABINI INVESTMENTS LIMITED

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 10 Novembre 2021 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 21/01506

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 29.09.2022

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.N.C. LES LOCATAIRES

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2167459

Assistée de Me David CHIJNER et Me Emmanuelle NAULAIS, avocats plaidants au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A. LABINI INVESTMENTS LIMITED

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20211064

Assistée de Me Sandra GRASLIN-LATOUR, avocat plaidant au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La société 'Les Locataires' a une activité de promotion immobilière de logements et est détenue à 99 % par la société Hermitage, elle-même détenue à 100 % par la société holding Hermitage International, société de droit luxembourgeois.

Cette société a pour associé gérant, la société Hermitage, elle-même dirigée par M. [O] [B].

Le Groupe l'Hermitage travaille depuis 2009 sur un projet de réalisation d'un ensemble immobilier de haut standing dans la partie de La Défense située à [Localité 5] constitué notamment de deux tours de 320 mètres de haut à usage mixte d'habitation, de bureaux, d'hôtel et de centre commercial.

Pour financer ces achats et ce projet, la société Hermitage International s'est vue, par un acte du 2 août 2019, accorder, par la société Labini Investments limited (ci-après Labini), un prêt d'un montant en principal de 14 millions d'euros dont le terme était initialement fixé au 2 août 2020.

Par un second acte, également daté du 2 août 2019, la société Hermitage International a accordé un prêt intragroupe à la société Les Locataires, d'un montant maximum en principal de 14 millions d'euros.

Ce prêt accordé par la société Hermitage International est assorti de deux garanties : un nantissement de créance portant sur la créance de prêt intragroupe et une hypothèque portant sur les immeubles détenus par la société Les locataires.

La société Les Locataires a également consenti un pacte commissoire au profit de la société Labini, en ces termes : 'Les parties conviennent que le prêteur pourra, outre les modalités de réalisation stipulées dans le contrat de prêt, choisir, après avoir notifié par acte d'huissier cette intention à l'emprunteur, de devenir propriétaire de tout ou partie des droits immobiliers et des constructions édifiées, conformément aux dispositions de l'article 2459 du code civil, ce que l'emprunteur accepte expressément, déclarant à cet égard avoir parfaite connaissance des dispositions particulières aux hypothèques conventionnelles en la matière'.

Aucune somme, tant en intérêt qu'en capital n'a été remboursée par Hermitage International.

Avant la date où le prêt arrivait à échéance, cette dernière a sollicité l'obtention d'un report de la date d'échéance à 12 mois ainsi qu'un prêt supplémentaire de 13 millions.

Des négociations se sont engagées, l'échéance a été reportée jusqu'au 2 novembre 2020 d'un commun accord des parties.

Première procédure RG 21/6875

Par lettre du 4 mars 2021, signifié par huissier le 12 mars 2021, la société Labini a notifié à la société Les Locataires son intention de devenir propriétaire de ses 'actifs immobiliers' en vertu du pacte commissoire, en ces termes :

'Par la présente, nous vous notifions notre intention de mettre en 'uvre le pacte commissoire et donc notre intention de devenir propriétaire des droits immobiliers et des constructions édifiées données en garantie et visés au point 7 de la convention.

Nous vous informons que nous ferons procéder dans un délai de six (6) mois à compter de la réception de la présente notification par acte d'huissier, à une estimation des immeubles visés au point 7 de la convention, conformément aux dispositions de l'article 2460 du code civil.

Cette estimation devra être effectuée par deux experts désignés selon les modalités convenues au titre de la convention'.

Par acte d'huissier de justice délivré le 29 avril 2021, la société Labini a fait assigner en référé la société Les locataires aux fins d'obtenir principalement de :

- désigner un expert figurant sur la liste des experts agréés auprès de la cour d'appel de Versailles, avec pour mission d'estimer la valeur des biens et droits hypothéqués en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité du 5 août 2019, dont elle fournit la liste, en autorisant l'expert à pénétrer dans les lieux,

- condamner la société Les Locataires à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire rendue le 10 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,

par provision, tous moyens des parties étant réservés,

- rejeté les exceptions d'incompétence et de connexité,

- ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert Mme [V] [K], développé sa mission et fixé la consignation.

Par déclaration reçue au greffe le 18 novembre 20221, la société Les locataires a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf en ce qu'elle a :

- dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

- dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Les locataires demande à la cour, au visa des articles 42 al.1er, 44, 101, 145, R. 211-3-26, 232, du code de procédure civile, 1188, 1191, 2362 et 2363 du code civil et L. 210-1 et L. 721-3 du code de commerce, de :

- déclarer recevable et bien fondé leur appel ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre en date du mercredi 10 novembre 2021, en ce qu'elle a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige, par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

- rejeté les exceptions d'incompétence et de connexité ;

- ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert : Mme [V] [K] qui aura pour mission de :

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission ;

- estimer la valeur des biens et droits hypothéqués en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité du 5 août 2019, situés dans l'immeuble à [Adresse 6], suivant liste figurant dans l'assignation de la société Labini ;

- fixé à la somme de 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par les demandeurs entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal, 179-191 avenue Joliot Curie 92020 Nanterre, dans le délai de 6 semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

- infirmer l'ordonnance rendue le lundi 10 janvier 2022 par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu'elle a :

- dessaisi l'expert, Mme [V] [K], de sa mission et l'a invité à présenter sa note d'honoraires ;

- commis en qualité d'expert, à l'effet de le remplacer : M. [I] [E] [Adresse 4] ;

- dit que l'expert remplaçant devra remplir sa mission dans les termes et délais spécifiés

dans la décision du 10 novembre 2021 ;

- dit que l'expert dessaisi transmettra à l'expert remplaçant tout document qui lui aurait été communiqué à ce jour ;

- prorogé jusqu'au 30 septembre 2022 le délai imparti à l'expert pour déposer son rapport ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

en conséquence,

- juger que les articles 44, 145 et R. 211-3-26 du code de procédure civile sont inapplicables au présent litige ;

- juger que l'instance présente un lien de connexité avec l'affaire devant être entendue à l'audience du 2 septembre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;

- joindre en raison de leur connexité l'instance et l'affaire devant être entendue à l'audience du 2 septembre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;

- se déclarer incompétent et se dessaisir au profit du tribunal de commerce de Paris ;

à titre subsidiaire,

en conséquence :

- juger que les articles 145 et 232 du code de procédure civile sont inapplicables au litige ;

- déclarer que la demande d'expertise est mal fondée ;

- juger qu'en raison des contestations sur le fond relatives à la réalisation de l'hypothèque et de l'existence d'un litige, le litige ne doit pas donner lieu à référé ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

- juger, si l'expertise est confirmée, qu'il n'y pas lieu à autoriser l'expert à pénétrer dans les lieux ;

en tout état de cause,

- condamner la société Labini Investments Limited à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Labini demande à la cour, au visa des articles 44 et suivants, 101 et suivants, 145 et 232 du code de procédure civile, R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire et 2459 et 2460 du code civil, de :

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

- dire que la société Les locataires ne justifie pas de moyens sérieux de réformation de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 novembre 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/01506 et de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 janvier 2022 ;

- dire que la société Les locataires est mal fondée en ses demandes, fins et prétentions et l'en débouter ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 novembre 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/01506 en toutes ses dispositions ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 janvier 2022, en toutes ses dispositions ;

à titre surabondant,

- dire que l'expert [I] [E] pourra visiter tous lieux nécessaires à l'accomplissement de sa mission et ce, au besoin, avec l'assistance de la force publique et l'aide d'un serrurier, afin de procéder dans le cadre des opérations d'expertise à l'estimation des biens et droits hypothéqués en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité du 5 août 2019 ;

en tout état de cause,

- débouter la société Les locataires de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Les locataires à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Les locataires aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022.

Seconde procédure RG 22/484

Par ordonnance de remplacement d'expert et de prorogation de délai en date du 13 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- dessaisi l'expert Mme [V] [K] de sa mission et l'a invité à présenter sa note d'honoraires,

- commis en qualité d'expert à l'effet de le remplacer : M. [I] [E],

- dit que l'expert remplaçant devra remplir sa mission dans les termes et délais spécifiés dans la décision du 10 novembre 2021,

- dit que l'expert dessaisi transmettra à l'expert remplaçant tout document qui lui aurait été communiqué,

- prorogé jusqu'au 30 septembre 2022 le délai imparti à l'expert pour déposer son rapport.

Par déclaration reçue au greffe le 24 janvier 2022, la société Les locataires a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Les locataires demande à la cour, au visa des articles 42 al.1er , 44, 101, 145, R.211-3-26 et 232, du code de procédure civile,

L. 210-1 et L. 721-3 du code de commerce et 1188, 1191, 2362 et 2363 du code civil, de :

- la déclarer recevables et bien fondés les appels ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre en date du mercredi 10 novembre 2021, en ce qu'elle a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige, par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

- rejeté les exceptions d'incompétence et de connexité ;

- ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert : Mme [V] [K] qui aura pour mission de :

- se rendre en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission ;

- estimer la valeur des biens et droits hypothéqués en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité du 5 août 2019, situés dans l'immeuble à [Adresse 6], suivant liste figurant dans l'assignation de la société Labini ;

- fixé à la somme de 4 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par les demandeurs entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal, 179-191 avenue Joliot Curie 92020 Nanterre, dans le délai de 6 semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

- infirmer l'ordonnance rendue le lundi 10 janvier 2022 par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu'elle a :

- dessaisi l'expert, Mme [V] [K], de sa mission et l'a invité à présenter sa note d'honoraires ;

- commis en qualité d'expert, à l'effet de le remplacer : M. [I] [E] [Adresse 4] ;

- dit que l'expert remplaçant devra remplir sa mission dans les termes et délais spécifiés dans la décision du 10 novembre 2021 ;

- dit que l'expert dessaisi transmettra à l'expert remplaçant tout document qui lui aurait été communiqué à ce jour ;

- prorogé jusqu'au 30 septembre 2022 le délai imparti à l'expert pour déposer son rapport ;

statuant à nouveau,

à titre principal,

en conséquence,

- juger que les articles 44, 145 et R. 211-3-26 du code de procédure civile sont inapplicables au présent litige ;

- juger que l'instance présente un lien de connexité avec l'affaire devant être entendue à l'audience du 2 septembre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;

- joindre en raison de leur connexité l' instance et l'affaire devant être entendue à l'audience du 2 septembre 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;

- se déclarer incompétent et se dessaisir au profit du tribunal de commerce de Paris ;

à titre subsidiaire,

en conséquence :

- juger que les articles 145 et 232 du code de procédure civile sont inapplicables au présent litige ;

- déclarer que la demande d'expertise est mal fondée ;

- juger qu'en raison des contestations sur le fond relatives à la réalisation de l'hypothèque et de l'existence d'un litige, le litige ne doit pas donner lieu à référé ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir et débouter la société Labini de ses demandes ;

à titre infiniment subsidiaire,

- juger, si l'expertise est confirmée, qu'il n'y pas lieu à autoriser l'expert à pénétrer dans les lieux ;

en tout état de cause,

- condamner la société Labini Investments Limited à payer à la société Les Locataires la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Labini demande à la cour, au visa des articles 44 et suivants, 101 et suivants, 145 et 232 du code de procédure civile, R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire et 2459 et 2460 du code civil, de :

- la juger recevable et bien fondée en ses demandes ;

- dire que la société Les locataires ne justifie pas de moyens sérieux de réformation de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 novembre 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/01506 et de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 janvier 2021 ;

- dire que la société Les locataires est mal fondée en ses demandes, fins et prétentions et l'en débouter ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 novembre 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/01506 en toutes ses dispositions ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 10 janvier 2022, en toutes ses dispositions ;

à titre surabondant,

- dire que l'expert [I] [E] pourra visiter tous lieux nécessaires à l'accomplissement de sa mission et ce, au besoin, avec l'assistance de la force publique et l'aide d'un serrurier, afin de procéder dans le cadre des opérations d'expertise à l'estimation des biens et droits hypothéqués en vertu de l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité du 5 août 2019 ;

en tout état de cause,

- débouter la société Les locataires de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Les locataires à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Les locataires aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur la jonction

Les deux déclarations d'appel concernent deux décisions rendues dans le même litige entre les mêmes parties, la seconde ordonnance ayant été rendue par le magistrat chargé du contrôle des expertises afin de remplacer l'expert désigné par la première.

Les conclusions des parties sont d'ailleurs identiques dans les deux dossiers.

En conséquence, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction du dossier 22/484 au dossier 21/6875.

sur la compétence géographique du tribunal de Nanterre

La société Les Locataires affirme que l'action engagée par la société Labini, aux fins de désignation d'un expert, est une action personnelle et non une action réelle immobilière.

Elle en déduit que l'article 44 du code de procédure civile prévoyant la compétence de la juridiction du lieu de l'immeuble, n'est pas applicable et que le tribunal qui devait être saisi est celui du domicile du défendeur, soit la juridiction de Paris, en vertu de l'article 42 du même code.

Elle indique que la société Labini a d'ailleurs elle-même saisi le tribunal de commerce de Paris afin de voir inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur des biens immobiliers du dirigeant du groupe Hermitage situés à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine.

L'appelante affirme que la société Labini, qui ne réunit pas les conditions lui permettant de demander des mesures d'instructions sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ne peut en conséquence se prévaloir de l'option de compétence territoriale y afférente : la société Labini ne démontre ni qu'un litige potentiel est en germe, ni que la désignation de l'expert pourrait être une solution à ce litige éventuel, ni que la désignation d'un expert permet d'établir ou de conserver des preuves, ni que l'expertise dont s'agit est de nature judiciaire.

La société Labini conclut au rejet de cette exception, affirmant que les mesures in futurum sollicitées doivent être exécutées dans le ressort du tribunal de Nanterre.

Elle indique au surplus que le tribunal judiciaire de Nanterre serait appelé à connaître de l'éventuel litige sur le fond.

Elle fait valoir que les règles de compétence sont différentes concernant l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire, ce qui explique qu'elle ait saisi le tribunal de commerce de Paris à ce titre.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article 44 du code de procédure civile que le juge territorialement compétent en matière réelle immobilière est celui du lieu où est situé l'immeuble.

Cet article concerne toute action relative à la mise en 'uvre d'un droit immobilier, qu'elles soient de nature possessoires ou pétitoires

En l'espèce, la procédure de désignation d'un expert engagée par la société Labini est relative au transfert de propriété d'immeubles tel que prévu par le contrat.

Il convient en conséquence de dire que le tribunal de Nanterre, lieu de situation des immeubles concernés, était compétent pour en connaître et l'ordonnance attaquée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence géographique soulevée par la sociétés Les locataires.

sur la compétence matérielle du tribunal judiciaire

La société Les Locataires expose que seul le tribunal de commerce est compétent pour connaître de l'action engagée, sur le fondement de l'article L. 721-3 du code de commerce, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une action pétitoire mais d'une assignation aux fins de désignation en justice d'un expert.

La société Labini fait valoir en réponse qu'en vertu des dispositions des articles R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire et 44 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire est compétent lorsque le litige au fond est relatif à un droit réel immobilier, et notamment lorsque l'action consiste pour le créancier hypothécaire à solliciter l'attribution de l'immeuble sur le fondement des articles 2458 et suivants du code civil.

Elle indique avoir tenté sans succès de mettre en place la mesure d'expertise amiable prévue par le pacte commissoire et n'avoir donc pas d'autre choix que de solliciter la désignation judiciaire d'un expert agréé.

Sur ce,

Le juge compétent pour connaître d'une procédure en référé est le président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige.

L'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire dispose notamment que : ' le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans (') les matières suivantes : 5° actions immobilières pétitoires'.

Le tribunal judiciaire est en conséquence seul compétent pour statuer sur les actions touchant à la propriété de l'immeuble, telles les actions en revendication de propriété immobilière comme en l'espèce.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Les locataires.

En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu'à supposer même justifiée l'incompétence matérielle soulevée, elle n'a pas d'incidence sur le litige qui, en application de l'alinéa 2 de l'article 90 du même code, doit être tranché par cette cour, également juridiction d'appel du tribunal de commerce.

Sur la connexité

La société Les locataires indique que la société Labini a été assignée à bref délai par la société Hermitage International devant le tribunal de commerce de Paris afin, notamment, qu'il soit ordonné le report de la date d'échéance de l'ensemble des sommes dues au titre du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

Elle sollicite en conséquence, en raison de la connexité entre les deux litiges, que la cour se dessaisisse au profit du tribunal de commerce de Paris.

La société Labini, pour s'y opposer, fait valoir que cette procédure a été engagée postérieurement à son assignation, que la société Les locataires n'y est pas partie et que les deux procédures sont sans lien entre elles, l'instance parisienne étant une procédure en responsabilité délictuelle engagée par la société Hermitage international contre la société Labini pour rupture brutale des négociations, manquement au devoir de bonne foi et manoeuvres frauduleuses.

Elle affirme que, lorsque deux litiges connexes sont pendants l'un devant le tribunal judiciaire, juridiction de droit commun et l'autre devant une juridiction d'exception dotée de la compétence exclusive, chacune des deux juridictions saisies doit conserver la connaissance de l'affaire qui lui est soumise ce qui est le cas l'espèce, le tribunal judiciaire étant exclusivement compétent pour connaître de la demande de désignation judiciaire d'un expert.

Sur ce,

L'article 101 du code de procédure civile dispose que 's'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction'.

En l'espèce, le dispositif des conclusions de l'appelante fait état d'une 'audience du 2 septembre 2021" et il semble que la procédure soit terminée ou en voie de l'être. Il n'est donc pas démontré qu'une instance connexe serait en cours.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté cette exception.

Sur l'expertise

La société Les locataires soutient que les conditions prévues à l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas remplies.

Sur l'absence d'un litige potentiel en germe, la société Les locataires soutient qu'un litige relatif à l'exercice d'un pacte commissoire, qui est un mode d'appropriation privée, ne se résout pas en l'attribution judiciaire des biens, et que la société Labini n'a pas choisi de mettre en oeuvre l'hypothèque.

Elle expose que la société Labini ne démontre pas que la désignation de l'expert dont s'agit permet d'établir ou de conserver des preuves, ce qui n'est pas le cas puisque le litige porte sur l'exécution d'obligations contractuelles et non sur le fait de conserver des preuves dont il serait à craindre qu'elles disparaissent.

Elle fait valoir que la détermination de l'expert et la mission de celui-ci sont régies par la convention des parties, et notamment par le titre 3 de l'acte d'affectation hypothécaire.

L'appelante expose qu'il existe plusieurs contestations au fond faisant obstacle à l'application de l'article 145, tenant en premier lieu à la disparition de l'hypothèque qui n'a été ni renouvelée ni formalisée à la suite du renouvellement du prêt intervenu le 7 août 2020.

Faisant valoir que la prorogation suppose que les contractants en manifestent la volonté avant son expiration, elle affirme qu'en effet le contrat de prêt a été renouvelé et non prorogé, que ce contrat né du renouvellement est donc un nouveau contrat et que les sûretés se sont éteintes au terme du premier contrat.

La société Les locataires affirme ensuite que la subsidiarité de l'hypothèque à l'égard du nantissement de créance résulte de l'intention des parties et des clauses de la documentation de financement, l'acte notarié prévoyant un mécanisme de réalisation des deux sûretés en deux temps.

Elle en déduit que la société Labini devait en premier lieu faire produire ses effets au nantissement, à savoir solliciter l'attribution de la créance de prêt intragroupe et de ses accessoires, comprenant l'hypothèque.

Elle soutient que l'hypothèque était consentie en garantie du prêt intragroupe, et donc au bénéfice de la société Hermitage international et non au bénéfice de la société Labini, aucune sûreté pour le compte de Labini ne pouvant d'ailleurs être consentie par elle dans la mesure où ses statuts ne lui permettent que d'octroyer des sûretés en garantie de ses propres engagements.

Elle conclut donc à l'exercice illégal du pacte commissoire afférent à l'hypothèque.

La société Les locataires affirme enfin que, malgré les nombreuses discussions engagées par le groupe Hermitage avec Labini afin de mettre en place un avenant au contrat de prêt et de reporter la date d'échéance du prêt, la société Labini a rompu brutalement les discussions, refusant de façon déloyale le report sollicité tout en demandant la mise en place de sûretés totalement disproportionnées avec le montant de sa créance.

Elle en déduit que la stratégie de Labini s'apparente à celle d'un prêteur « vautour » et que cette déloyauté est de nature à affecter la validité du contrat de prêt.

La société Labini expose en réponse qu'elle n'a fait que respecter les dispositions des articles du code civil, qui prévoient notamment, dans le cadre d'un pacte commissoire que l'immeuble doit être estimé par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement.

Elle fait valoir que la société Les Locataires a refusé de désigner un expert dans les conditions prévues par le pacte commissoire.

Contestant que l'hypothèque soit subsidiaire par rapport au nantissement, l'intimée affirme que cette interprétation est contraire aux clauses contractuelles, rappelant que les parties étaient chacune assistée d'un avocat lors des négociations et parfaitement à même de défendre leurs intérêts.

Elle indique sur ce point qu'il n'est jamais indiqué que la mise en jeu du pacte commissoire serait subordonnée à l'attribution ou l'appropriation par la société Labini de la créance de prêt intragroupe et de ses accessoires.

La société Labini expose que la prorogation du contrat est intervenue par un accord de volonté des parties repoussant le terme extinctif prévu au contrat, maintenant le contrat dans toutes ses dispositions, y compris dans les sûretés.

Elle affirme que cette prorogation est valable puisqu'elle a été demandée avant l'arrivée du terme, la modification des modalités de remboursement ne constituant pas une novation du prêt.

Enfin, l'intimée soutient qu'il n'existe aucune preuve de la rupture abusive des pourparlers, que le projet de construction est arrêté et qu'il existe un véritable risque pour le recouvrement de sa créance.

Sur ce,

L'article 2458 du code civil, dans sa version alors applicable, dispose que 'à moins qu'il ne poursuive la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les lois sur les procédures civiles d'exécution, auxquelles la convention d'hypothèque ne peut déroger, le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice que l'immeuble lui demeure en paiement'.

L'article 2459 applicable prévoit quant à lui que : 'Il peut être convenu dans la convention d'hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l'immeuble hypothéqué. Toutefois, cette clause est sans effet sur l'immeuble qui constitue la résidence principale du débiteur'.

En vertu de l'article 2460 dans sa version en vigueur, ' dans les cas prévus aux deux articles précédents, l'immeuble doit être estimé par expert désigné à l'amiable ou judiciairement. Si sa valeur excède le montant de la dette garantie, le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence ; s'il existe d'autres créanciers hypothécaires, il la consigne'.

Sur le caractère subsidiaire de l'hypothèque par rapport au nantissement de créance, il ne ressort pas de façon évidente des clauses susmentionnées ou de l'intention des parties et il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour statuant en appel du juge des référés d'interpréter les contrats conclus entre les parties par la société Les locataires.

Au surplus, la société Labini justifie avoir signifié à la société Les locataires la dénonciation d'un acte de nantissement le 26 février 2021, contenant notamment ces indications : 'Aux termes d'un acte de nantissement de créances conclu le 2 août 2019 entre Hermitage international (en qualité de constituant), Labini (en qualité de bénéficiaire) et Les locataires (en qualité de débiteur), Hermitage international a consenti à notre société un nantissement des créances dont vous êtes débiteur envers elle au titre notamment du contrat de prêt intragroupe en date du 2 août 2019. Le contrat est opposable à Les locataires qui y est partie conformément aux dispositions de l'article 2362 du code civil. La présente notification vous est adressée conformément aux stipulations de l'article 13.1 du contrat de prêt intragroupe. (...) Conformément à l'article 6.1 du contrat, Les locataires s'est engagée à s'acquitter des paiements de toute somme due et exigible au titre des créances détenues par Hermitage international à son encontre directement sur le compte de Labini'.

Il n'est pas démontré avec évidence que les statuts de la société Les locataires lui interdiraient de se porter garante pour autrui, alors qu'elle a signé l'acte notarié du 5 août 2019 qui mentionne le contraire.

Dès lors que la société Labini argue de l'existence d'une hypothèque portant sur les immeubles détenus par la société Les locataires à son bénéfice, il lui appartient en conséquence de démontrer qu'elle se trouve dans le cas prévu à l'article 2460 susmentionné pour obtenir la désignation d'un expert, ce qui rend l'argumentation fondée sur l'article 145 du code de procédure civile inopérante, s'agissant d'une expertise obligatoire prévue par un texte spécifique.

En l'espèce, l'acte notarié du 5 août 2019 intitulé 'affectation hypothécaire et cession d'antériorité' conclu entre la société Labini 'créancier du prêt et de la garantie', la société Hermitage international 'débiteur du prêt' et la société Les locataires, 'débiteur de la garantie' prévoit :

- en son article 6.1 intitulé 'contexte de l'opération' cette mention : 'Dans l'acte notarié d'affectation hypothécaire et de cession d'antériorité signé le 5 août 2019 la clause suivante a été insérée: 'Pour sûreté et à la garantie du remboursement des obligations garanties, l'emprunteur a consenti par acte de ce jour un nantissement de créances du prêt intragroupe et de ses accessoires qui a été accepté par le constituant. Le prêteur a exigé de bénéficier in finie (sic), du fait de ce nantissement de l'inscription d'une hypothèque conventionnelle venant en premier rang sur l'immeuble donné en garantie appartenant à la société Les locataires garantissant la dette d'autrui'.

- en son article 6.3 une affectation hypothécaire ainsi rédigée : 'en garantie du remboursement de la somme en principal de quatorze millions d'euros (...), le constituant affecte et hypothèque spécialement au profit du créancier qui accepte, à la sûreté et en garantie des obligations garanties, le ou les immeubles dont la désignation suit (...)'

- en son titre 3 'Pacte commissoire' : ' les parties conviennent que le prêteur pourra, outre les modalités de réalisation stipulées dans le contrat de prêt, choisir, après avoir notifié par acte d'huissier cette intention à l'emprunteur, de devenir propriétaire de tout ou partie des droits immobiliers et des constructions édifiées, conformément à l'article 2459 du Code civil (...) Ainsi, en cas de survenance d'un cas de prononcé de l'exigibilité anticipée du prêt consenti à l'emprunteur défaillant, en application du contrat de prêt visé ci-dessus, l'emprunteur devra faire procéder, dans les six mois de la notification faite par acte d'huissier ci-dessus visée, conformément aux dispositions de l'article 2460 du code civil, à une estimation des biens et droits présentement hypothéqués par deux experts désignés amiablement par l'emprunteur et par le prêteur dans un délai de 14 jours calendaires. Les parties conviennent que les experts seront choisis parmi les experts suivants :

- BNP Paribas REIM,

- Jones Lang LaSalle,

- Cushman & Wakefield

- CBRE.

En cas de refus de désignation d'un expert par l'une ou l'autre des parties, la plus diligente

des parties demandera la nomination d'un second expert qui sera choisi sur une liste d'experts reconnus et figurant sur la liste des experts agrées auprès de la cour d'appel du ressort de l'immeuble à expertiser'.

Par courrier en date du 4 mars 2021, signifié le 12 mars 2021 par remise à l'étude de l'huissier, la société Labini a notifié à la société Les locataires son 'intention de mettre en oeuvre le pacte commissoire et donc de devenir propriétaire des droits immobiliers et des constructions édifiées données en garantie et visées au point 7 de la convention'.

La société Labini indiquait alors à la société Les locataires : 'nous vous informons que nous ferons procéder dans un délai de six mois à compter de la réception de la présente notification par acte d'huissier, à une estimation des immeubles visés au point 7 de la convention, conformément aux dispositions de l'article 2460 du code civil. Cette estimation devra être effectuée par deux experts désignés selon les modalités convenues au titre de la convention.'

Par courriel du 24 mars 2021, la représentante de la société Labini exposait avoir choisi son expert sur la liste figurant dans l'acte notarié du 5 août 2019 et demandait à la société Les locataires de lui indiquer son expert avant le 26 mars 2021 correspondant à l'expiration du délai de 14 jours après la signification, précisant : 'nous vous rappelons qu'à défaut d'avoir reçu cette information dans le délai susvisé, Labini devra demander en justice la désignation du second expert (...)'.

Par courrier recommandé du 26 mars 2021, la société Les locataires a refusé de désigner un expert, affirmant que 'Labini ne peut valablement exercer le pacte commissoire prévu aux termes de la convention sans avoir préalablement réalisé le nantissement de la créance intragroupe.'

Faute de désignation de deux experts amiablement selon la procédure prévue dans le pacte commissoire du 5 août 2019, la société Labini était donc tenue, en application de l'article 2460 du code civil susmentionné, de solliciter une expertise pour pouvoir obtenir la mise en application de la sûreté dont elle bénéficiait.

Il y a lieu de dire que le principe de l'existence d'une hypothèque n'est pas sérieusement contesté au motif que le contrat de prêt aurait été renouvelé, et non prolongé, le 2 août 2020, dès lors que la société Labini verse aux débats plusieurs pièces faisant apparaître que les contractants ont bien manifesté la volonté de prolonger le contrat avant son expiration.

En effet, par courriel du 2 juillet 2020, soit un mois avant le terme du contrat de prêt octroyé par la société Labini à la société Hermitage international, le vice-président exécutif de cette dernière indiquait notamment : 'nous souhaiterions prolonger d'un an le prêt de 14 M€ que vous avez accordé le 2 août dernier à Hermitage international et augmenter son montant, ou y ajouter une seconde tranche de 13 ,5 M€ pour un an également.' (Souligné par la cour).

L'intégralité des discussions entre les parties postérieurement évoquent de 'prolonger' le prêt, l'octroi d'un prêt supplémentaire étant refusé. Le courriel émanant de la société Labini le 7 août 2020 expose 'les conditions de prolongation suivantes ont été convenues (...)' (souligné par la cour) et le représentant de la société Hermitage international a répondu 'je confirme tout sauf le paragraphe 7" [qui concerne un autre point].

Ensuite, la circonstance que la société Labini ait pu rompre abusivement des pourparlers ou commettre des fautes de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Hermitage international est sans incidence sur le présent litige.

Enfin, l'organisation d'une expertise ne prive pas la société Hermitage international de s'opposer au transfert de propriété sollicité par la société Labini.

En conséquence, l'ordonnance du 10 novembre 2021 sera confirmée en ce qu'elle a ordonné une expertise aux fins d'estimer les immeubles visés par le pacte commissoire. L'ordonnance du 10 janvier 2022 sera quant à elle confirmée en ce qu'elle a organisé le remplacement de l'expert.

sur la mission de l'expert

La société Les Locataires soutient que la mission confiée à l'expert n'est pas conforme à la convention des parties puisqu'elle va au delà des stipulations prévues à l'acte d'affectation hypothécaire.

La société Labini expose au contraire que, pour réaliser sa mission, l'expert doit pouvoir se déplacer en tous lieux et pénétrer dans les immeubles à évaluer, ce qu'a indiqué en l'espèce l'expert désigné lors de la première réunion d'expertise.

sur ce,

Il y a lieu de constater que l'ordonnance du 10 novembre 2021 indique explicitement dans la motivation que 'il n'y a pas lieu à ce stade de la procédure d'autoriser l'expert à pénétrer dans les lieux, l'expertise pouvant vraisemblablement se faire sans cela et il appartiendra à l'expert de solliciter ultérieurement une telle autorisation, si l'accès dans les lieux lui paraissant indispensable et qu'il lui était refusé.'

Le magistrat chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Nanterre, dans son courrier du 16 mai 2022, s'est contenté de rappeler ces motifs.

La société Labini verse aux débats deux courriers de l'expert, M. [E], datés des 31 mars et 30 mai 2022, qui indique qu'il estime indispensable pour accomplir sa mission de visiter les immeubles concernés.

Cette demande de l'expert apparaît légitime au regard des dispositions de la charte de l'expertise, dès lors qu'il lui est demandé de donner un avis sur la valeur de plusieurs immeubles.

Il convient en conséquence de modifier la mission de l'expert telle que fixée par l'ordonnance du 10 novembre 2021 et de l'autoriser à entrer dans les immeubles, accompagné si nécessaire d'un serrurier et de la force publique.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Les locataires ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Labini investments limited la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction du dossier 22/484 au dossier 21/6875 ;

Confirme les deux ordonnances querellées sauf sur la limitation de la mission de l'expert ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant ;

Dit que l'expert devra visiter tous les lieux nécessaires à l'accomplissement de sa mission, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Les locataires à verser à la société Labini investments limited la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Les locataires aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06875
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.06875 ?
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