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15/12/2020 | FRANCE | N°19/03618

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 15 décembre 2020, 19/03618


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 92Z





DU 15 DÉCEMBRE 2020





N° RG 19/03618

N° Portalis DBV3-V-B7D-TGWK





AFFAIRE :



SAS SAINT LOUIS SUCRE

C/

L'ADMINISTRATION DES DOUANES

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :



N° Section :

N° RG : 12/02657



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SCP BUQUET- ROUSSEL-DE CARFORT,



-la SCP MOREAU E. & ASSOCIES











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 92Z

DU 15 DÉCEMBRE 2020

N° RG 19/03618

N° Portalis DBV3-V-B7D-TGWK

AFFAIRE :

SAS SAINT LOUIS SUCRE

C/

L'ADMINISTRATION DES DOUANES

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 12/02657

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SCP BUQUET- ROUSSEL-DE CARFORT,

-la SCP MOREAU E. & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SAINT LOUIS SUCRE

venant aux droits de la SNC SAINT LOUIS SUCRE

prise en la personne de ses représentannts légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334 - N° du dossier 11219

Me Stéphane LE ROY de l'AARPI GODIN ASSOCIES, avocatplaidant - barreau de PARIS, vestiaire : R259

APPELANTE

****************

L'ADMINISTRATION DES DOUANES

prise en la personne du M. Le DIRECTEUR GÉNÉRAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS, agissant par monsieur le chef du bureau FID3 'Contributions Indirectes', sous-direction 'FID' 'Fiscalité Douanière'

[Adresse 1]

[Localité 5]

M. LE RECEVEUR PRINCIPAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS DE L'ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentés par Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20198388

Me Sophie D'ETTORE substituant Me Ralph BOUSSIER de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : P0141

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Octobre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller et Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Coline LEGEAY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

******************************

Vu le jugement rendu le 4 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- rejeté la demande de renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles,

- rejeté la demande d'annulation de la décision de la direction générale des douanes et des droits indirects du 30 septembre 2009 et les demandes de condamnations à paiement subséquentes,

- condamné la société anonyme Saint Louis Sucre à payer à l'administration des douanes, agissant par le chef du bureau F/3 "contributions indirectes", sous-direction des "droits indirects", la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Saint Louis Sucre à supporter les entiers dépens de l'instance ;

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 20 mai 2019 par la société anonyme (SA) Saint Louis Sucre ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2020 par lesquelles la SA Saint Louis Sucre demande à la cour de :

Vu l'arrêt rendu dans l'affaire préjudicielle C-96/15 le 16 juin 2016 par la Cour de justice de l'Union européenne,

- recevoir la SA Saint Louis Sucre en son appel et le dire bien fondé,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 avril 2019 n° 12/02657 en toutes ses dispositions,

Avant dire droit,

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

- renvoyer la cause et les parties devant la Cour de justice de l'Union européenne,

- poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

"sur la base de l'arrêt Saint Louis Sucre du 16 juin 2016 (C-96/15), l'article 15 § 2 du règlement n° 1260/2001 du Conseil du 19 juin 2001 lu en combinaison avec les articles 232 et 134 du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 doit-il être interprété en ce sens que le compte final des cotisations à la production doit être dressé lors de l'entrée en vigueur de l'abrogation des quotas sucriers, le 30 septembre 2017,

"dans l'affirmative, la méthode prévue par l'article 15 § 2 du règlement n° 1260/2001 du Conseil du 19 juin 2001 peut-elle être suivie en ajoutant simplement aux dépenses et recettes comptabilisées au 30 juin 2006 les dépenses de même nature et objet encourues par la suite, sous déduction le cas échéant de la taxe à la production acquittée dans la seule hypothèse où ces dépenses seraient rattachées à la campagne de commercialisation sucrière 2007/2008 au cours de laquelle ladite taxe a été perçue,'

- annuler la décision de rejet de la direction générale des douanes et des droits indirects du 30 septembre 2009,

- condamner l'administration des douanes, direction générale des douanes et des droits indirects à rembourser à la société Saint Louis Sucre la somme de 110 919 751 euros,

- condamner l'administration des douanes, direction générale des douanes et des droits indirects à payer à la société Saint Louis Sucre les intérêts moratoires sur les sommes restituées et ce à compter de leur paiement initial conformément à l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales renvoyant à l'article 1727 nouveau du code général des impôts,

- condamner l'administration des douanes, direction générale des douanes et des droits indirects au paiement à Saint Louis Sucre de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2019 par lesquelles l'administration générale des douanes, prise en la personne de la directrice générale des douanes et droits, et le receveur inter régional des douanes et droits indirects d'Ile-de-France demandent à la cour de :

- recevoir l'administration des douanes, prise en la personne de la directrice générale des douanes et droits indirects et du receveur inter régional des douanes, en leurs conclusions et les y dire bien fondés,

- constater l'absence de droit à remboursement des cotisations à la production acquittées sur des quantités de sucre sous quotas A et B qui étaient encore stockées le 30 juin 2006,

- confirmer la décision de la direction générale des douanes de rejet de la demande de remboursement, en date du 30 septembre 2009,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 4 avril 2019,

- débouter la société Saint Louis Sucre de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Saint Louis Sucre à payer aux défendeurs la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

FAITS ET PROCÉDURE

La société Saint Louis Sucre SA exerce l'activité de producteur de sucre, laquelle relève du règlement communautaire portant organisation commune des marchés du sucre, dit OCM. Elle était soumise à ce titre au paiement de cotisations à la production sur les sucres, selon le mécanisme établi notamment par les règlements n° 1785/81 du 30 juin 1981 et n° 1260/2001 du 19 juin 2001.

Le recouvrement de ses cotisations a été opéré, par application du code général des impôts, selon les modalités prévues en matière de contributions indirectes par la direction des douanes et droits indirects, et centralisé par la recette principale des douanes et droits indirects de [Localité 6].

La société Saint Louis Sucre a formé le 28 décembre 2008 une réclamation contentieuse auprès de la direction générale des douanes et droits indirects. Elle a estimé avoir dû s'acquitter, à tort, au titre de la campagne 2005-2006, des cotisations pour financer les restitutions à l'exportation (subventions communautaires accordées à l'exportation) du sucre, à concurrence des quantités de sucre en stock non exportées à la date d'expiration de l'OCM qui régissait ces cotisations et restitutions, le 30 juin 2006. La société Saint Louis Sucre a donc sollicité la restitution d'une somme de 158 982 544 euros. L'administration a rejeté cette demande par un courrier du 30 septembre 2009.

Par acte d'huissier du 19 novembre 2009, la société Saint Louis Sucre a fait assigner la direction générale des douanes et droits indirects en contestation de la décision de rejet du 30 septembre 2009, demandant au tribunal de grande instance de Nanterre, avant dire droit, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes de neuf questions préjudicielles concernant l'interprétation du règlement n° 1260/2001 du 19 juin 2001, du règlement n° 218/2006 intégré dans le règlement n° 1234/2007 du 22 octobre 2006, et sur la validité du règlement de la Commission n° 493/2006 du 27 mars 2006 et du règlement n° 164/2007 du 19 février 2007.

Saisie à titre préjudiciel à l'occasion d'une instance précédente devant le tribunal de grande instance de Nanterre concernant les campagnes 2001-2002 à 2003-2004, la Cour de justice des Communautés européennes a, par un arrêt du 8 mai 2008, invalidé les règlements de la Commission pour ces campagnes, précisant la méthode de calcul qu'il convenait de retenir en application de l'article 15 du règlement n°1260/2001. Par ordonnance du 3 novembre 2009, elle a, dans les mêmes termes, invalidé le règlement n°1686/2005 de la Commission relatif à la campagne 2004-2005.

Le 3 novembre 2009, la Commission a adopté le règlement 1193/2009 rectifiant les règlements n°1762/2003, 1775/2004, 1686/2005, 164/2007 et fixant les montants des cotisations à la production pour le secteur du sucre pour les campagnes de commercialisation 2002-2003 à 2005-2006.

Par arrêt du 27 septembre 2012, la Cour de justice de l'Union européenne a invalidé le règlement n°1193/2009 et un nouveau règlement a été adopté le 2 décembre 2013 fixant les taux de cotisations pour les campagnes de commercialisation 2001-2002 à 2005-2006.

Par jugement du 22 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a posé cinq questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne portant sur l'interprétation de l'article 15 § 2 et 8 du règlement du Conseil n° 1260/2001 du 19 juin 2001 et le droit pour un fabricant de sucre de se faire rembourser les cotisations à la production acquittées à concurrence des quantités de sucre sous quota qui étaient encore stockées le 30 juin 2006, dès lors que ce régime de cotisations n'était pas reconduit après cette date par le règlement du Conseil n° 318/2006 du 20 février 2006, ainsi que sur les modalités de calcul du remboursement en cas de réponse positive à cette question. Le tribunal a sursis à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour.

Par un arrêt du 16 juin 2016, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 15 § 2 et 8 du règlement du Conseil n°1260/2001 du 19 juin 2001 doit être interprété en ce sens qu'il ne confère pas à un fabricant de sucre le droit de se faire rembourser les cotisations à la production acquittées sur les quantités de sucre sous quotas définies par le règlement et encore en stock au 30 juin 2006, dès lors que le régime des cotisations à la production n'a pas été reconduit après cette date par le règlement du Conseil n°318/2006 du 20 février 2006. Elle a également dit pour droit qu'il n'a été révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (UE) n°1360/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré ayant rejeté la demande de la société Saint Louis Sucre de renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, sa demande d'annulation de la décision de la direction générale des douanes et des droits indirects du 30 septembre 2009 et les demandes de condamnations à paiement subséquentes.

MOYENS DES PARTIES

Au soutien de sa demande de remboursement des cotisations afférentes au sucre stocké mais non exporté au 30 juin 2006, la société Saint Louis Sucre fait valoir que l'union européenne a accumulé un stock de 5 669 000 t de sucre sous quota au 30 juin 2006 qui a été comptabilisé comme excédent exportable et non exporté mais qu'aucune restitution n'a été versée à cette date au titre de ces quantités.

Au soutien de sa demande de renvoi préjudiciel, la société Saint Louis fait valoir qu'il était nécessaire d'attendre la fin du mécanisme des restitutions et d'en établir les comptes définitifs. D'après elle, à la fin de la campagne 2005-2006, un calcul devait être établi sur la base de l'ensemble des comptes des campagnes 2001/2002 à 2005/2006 dans le cadre de l'article 15 § 2 du règlement n°1260/2001 Elle fonde sa demande de remboursement sur le fait que les cotisations devaient être affectées au financement des restitutions afférentes aux exportations postérieures au 30 juin 2006 alors qu'il n'y a plus eu de restitution depuis la campagne 2007/2008. Elle ajoute que ces cotisations portaient sur les stocks de sucre qui par définition n'avaient pas été exportés.

Elle soutient que dans son arrêt du 16 juin 2016, la cour de justice de l'union européenne a seulement imposé au juge national de prendre en considération le fait que des restitutions à l'exportation avaient continué à être versées après le 30 juin 2006 dans le cadre de la nouvelle organisation commune de marché.

Elle affirme que la manière dont l'organisation commune de marché du sucre 2001/2006 devait s'achever dans l'esprit de ses concepteurs, montre que le remboursement en fin de période d'application du règlement n'a jamais été exclu. Elle invoque les textes dudit règlement, l'arrêt même de la cour de justice de l'union européenne du 16 juin 2016, les principes du droit communautaire de proportionnalité et de prohibition de l'enrichissement sans cause qui consacrent d'après elle la nécessité de faire les comptes à la fin de l'OCM pour ne pas faire peser sur les fabricants et les planteurs une charge excédent l'obligation d'autofinancement des dépenses à laquelle ils étaient tenus.

Elle reproche au tribunal d'avoir méconnu sa lecture de l'arrêt du 16 juin 2016 qui, d'après elle, est pourtant la seule à lui donner un sens. Elle lui fait grief également d'avoir statué en violation des principes d'autofinancement, de non enrichissement sans cause et de proportionnalité.

En outre, partant du fait que l'administration admet que les cotisations servaient à financer des restitutions, postérieurement au 30 juin 2006, comme l'a jugé la cour, elle observe qu'au vu des montants des restitutions versées en 2006/2007 comparés aux cotisations afférentes aux stocks perçues en trop au 30 juin 2006, il aurait fallu payer ces restitutions pendant les quatre campagnes suivantes après 2006/2007 pour absorber les 1 738 554 103 € dus aux fabricants et aux planteurs de betteraves, ce qui bien évidemment n'a pas été le cas.

En définitive, elle estime un nouveau renvoi préjudiciel nécessaire, non pas pour que la cour de justice de l'union européenne clarifie son arrêt du 16 juin 2016 qui était clair mais pour qu'elle en tire les conséquences pratiques. Elle dit donc ne faire qu'adapter ses demandes à l'évolution du litige qui résulte de la seule décision du 16 juin 2016 et du fait que la cour de justice de l'union européenne n'a pas exclu tout droit à remboursement mais simplement décalé dans le temps la date d'établissement du compte des cotisations.

L'administration des douanes répond que la cour de justice de l'union européenne a validé le règlement n°1360/2013 du 2 décembre 2013 fixant les cotisations à la production depuis la campagne 2001/2002 à la campagne 2005/2006 de sorte qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause le montant des cotisations versées pour la campagne 2005/2006. Elle invoque l'arrêt du 16 juin 2016 suivant lequel le fabricant de sucre n'a pas le droit d'obtenir le remboursement des cotisations à la production acquittées sur des quantités de sucre sous quotas A et B qui étaient encore stockées le 30 juin 2006.

Elle ajoute que la cour a bien pris en compte l'ensemble du système et en particulier la suspension des restitutions depuis septembre 2006 puisque ce point avait été soulevé par la société Saint Louis sucre lors des débats devant la cour. Elle conclut que la cour de justice de l'union européenne a parfaitement tenu compte du fait que les cotisations avaient été perçues afin de financer le système des restitutions et du fait que ces restitutions avaient été suspendues à partir de septembre 2008, pour conclure à l'absence de droit à un remboursement.

Elle réplique que contrairement à ce que soutient la société Saint Louis sucre, les restitutions à l'exportation n'ont pas été financées deux fois de sorte qu'il n'y a pas eu d'enrichissement sans cause de l'union. Elle précise que la réforme de 2006 n'a pas mis fin ni au système des restitutions à l'exportation ni à la possibilité pour les producteurs de reporter leur stock d'une campagne à l'autre. Elle ajoute que des restitutions ont été accordées en 2007 et 2008 et que ce n'est qu'à partir de septembre 2008 qu'elles ont été suspendues de sorte que si des restitutions ont été accordées, il était nécessaire qu'elles soient financées.

Elle insiste sur le fait, rappelé par l'arrêt du 16 juin 2016, que la possibilité pour les producteurs d'exporter le sucre stocké avec restitutions, n'a pas pris fin le dernier jour de la campagne de commercialisation 2005/2006. Elle observe également que la nouvelle taxe à la production mise en place à partir de 2006 n'a été prélevée qu'à partir de la campagne 2007/2008 de sorte qu'une source supplémentaire était nécessaire pour financer les dépenses en 2006/2007.

En définitive, elle objecte que les nouvelles formulations des questions préjudicielles sollicitées par la société Saint Louis sucre visent à obtenir une nouvelle interprétation d'un article qui a d'ores et déjà été interprété par la cour de justice de l'union européenne dans son arrêt du 16 juin 2016 dans un sens défavorable à la société Saint Louis sucre.

Comme le permet l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé détaillé des moyens des parties, il est expressément référé à leurs écritures susvisées.

SUR CE , LA COUR,

La demande de renvoi préjudiciel

L'article 267 du traité de fonctionnement de l'union européenne dispose que :

la Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel :

a)sur l'interprétation des traités,

b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.

Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais.

Il en résulte en premier lieu que les décisions du tribunal de grande instance de Nanterre puis de cour d'appel de Versailles auxquels ont été soumises les questions litigieuses étant susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, la saisine de la cour de justice de l'union européenne sur renvoi préjudiciel suppose qu'une décision de celle-ci soit nécessaire pour rendre leur décision qui est de statuer au fond sur le refus de l'administration des douanes de faire droit à la demande de la société Saint Louis en remboursement des cotisations acquittées sur le sucre dans le cadre de l'organisation commune du marché du sucre.

La société Saint Louis fait en substance valoir que bien que dans son arrêt du 16 juin 2016, rendu sur les premières questions préjudicielles posées par le tribunal de grande instance de Nanterre, la cour de justice de l'union européenne ait dit pour droit que le règlement n°1260/2001 du conseil du 19 juin 2001 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ne conférait pas aux producteurs de sucre un quelconque droit au remboursement des cotisations à la production acquittées à concurrence des quantités de sucre stockées au 30 juin 2006, la seule interprétation possible de cet arrêt suppose qu'un compte soit fait à la fin de ladite organisation commune de marché et qu'il incombe que la cour de justice de l'union européenne précise comment. Elle rappelle que le système devait être financé par anticipation mais que depuis 2008, il n'y a plus eu de restitutions à l'exportation, le système n'ayant pas été reporté en 2006 de sorte qu'un recalcul doit être fait, le système mis en place au 30 juin 2006 étant totalement différent de celui issu du règlement n°1260/2001 qui n'a d'ailleurs pas exclu le remboursement au terme de la période prévue pour l'OCM 2001-2006. Elle ajoute que dans son arrêt du 16 juin 2016, la cour de justice de l'union européenne décrit bien le mécanisme postérieur. Elle en déduit que si la cour a pris le soin de se projeter dans ce système, c'est qu'il convient d'en tirer des conséquences. D'après elle, l'arrêt rendu le 16 juin 2016 valide le droit à remboursement bien que sur des modalités différentes de celles qu'elle propose. Elle estime que toute interprétation contraire violerait le principe d'autofinancement, conduirait à un enrichissement sans cause de l'union dépourvu de base légale et violerait le principe de proportionnalité en méconnaissant l'objectif poursuivi.

Toutefois, il y a lieu en premier lieu de rappeler que la première question posée par le tribunal de grande instance de Nanterre était la suivante :

L'article 15, paragraphes 2 et 8, du règlement no 1260/2001, appliqué à la lumière de ses considérants 9 et 11, et des arrêts du 8 mai 2008, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C-5/06 et C-23/06 à C-36/06, EU:C:2008:260), ainsi que du 27 septembre 2012, Zuckerfabrik Jülich e.a. (C-113/10, C-147/10 et C-234/10, EU:C:2012:591), et les principes généraux du droit communautaire de prohibition de l'enrichissement sans cause, de proportionnalité et de liberté d'entreprendre doivent-ils être interprétés en ce sens qu'un fabricant de sucre est en droit de se faire rembourser les cotisations à la production acquittées à concurrence des quantités de sucre sous quota qui étaient encore stockées le 30 juin 2006, dès lors que le régime des cotisations à la production n'était pas reconduit après cette date par le règlement n° 318/2006 '

Question à laquelle la cour de justice de l'union européenne répond :

L'article 15, paragraphes 2 et 8, du règlement (CE) no 1260/2001 du Conseil, du 19 juin 2001, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, doit être interprété en ce sens qu'il ne confère pas à un fabricant de sucre le droit de se faire rembourser les cotisations à la production acquittées sur des quantités de sucre sous quotas A et B qui étaient encore stockées le 30 juin 2006, dès lors que le régime des cotisations à la production n'a pas été reconduit après cette date par le règlement (CE) no 318/2006 du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

La première conséquence immédiate et logique de cette réponse sans appel est qu'il n'y a pas de compte à faire à la fin du système. Quand bien même la cour prend le soin d'expliquer le mécanisme mis en place en 2006 pour motiver la réponse donnée, à aucun moment donné l'arrêt n'indique qu'un compte serait à faire et n'invite le juge national en ce sens, contrairement à ce que soutient la société Saint Louis.

Plus précisément, la cour se fonde en premier lieu sur la lettre de l'article 15 § 2 sous a) au terme duquel il devait être constaté cumulativement pour les campagnes de commercialisation de 2001 à 2006 l'excédent exportable. Elle poursuit en indiquant que conformément à l'article 6, paragraphe 4, du règlement n°314/2002, tel que modifié par le règlement n°1140/2003, aux fins du calcul dudit excédent exportable, la quantité de sucre, d'isoglucose et de sirop d'inuline écoulée pour la consommation à l'intérieur de la Communauté était établie sur la base de la somme des quantités de ces denrées stockées en début de campagne, produites sous quotas A et B, importées en l'état ainsi que contenues dans les produits transformés importés, déduction faite des quantités de ces mêmes denrées exportées en l'état, contenues dans les produits transformés exportés, stockées à la fin de la campagne ou ayant fait l'objet d'un titre de restitution à la production.

Elle en déduit que l'exclusion, dans le cadre du calcul de l'excédent exportable pour les campagnes de commercialisation 2001/2002 à 2005/2006, des quantités de sucre, d'isoglucose et de sirop d'inuline stockées à la fin de la campagne 2005/2006 serait contraire tant à l'article 6, paragraphe 4, du règlement no 314/2002, tel que modifié par le règlement n°1140/2003, qui prévoit expressément la prise en compte de ces quantités stockées, qu'à l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n°1260/2001, qui se réfère également à l'excédent exportable et non pas exporté, lequel englobe nécessairement, ainsi qu'il ressort notamment du considérant 15 de ce dernier règlement, les quantités se trouvant sur le marché au terme de la campagne concernée, telles celles stockées.

Elle souligne ensuite que même après l'ajustement prévu à l'article 15, paragraphe 2 et 3, du règlement n° 1260/2001, celui-ci continue à se référer à une perte globale " prévisible ", ce qui implique que la perte peut ne pas avoir encore été subie dans sa totalité. Elle rappelle qu'elle a d'ailleurs jugé que la méthode de calcul de la perte globale prévisible tend à établir de manière prospective et conventionnelle les pertes dues à l'écoulement des excédents de production communautaire alors que de plus la réforme mise en place par le règlement n° 318/2006 n'a pas mis fin au système des restitutions à l'exportation.

En définitive, elle estime qu'il existait un chevauchement entre l'OCM établie par le règlement n° 1260/2001 et celle établie par le règlement n° 318/2006 à partir de la campagne 2006/2007.

Elle rappelle qu'il a d'ailleurs été procédé à une adjudication permanente au titre de la campagne de commercialisation 2006/2007 pour la détermination de restitutions à l'exportation du sucre blanc de sorte que la possibilité pour les producteurs d'exporter le sucre stocké, avec restitution, n'a pas pris fin le dernier jour de la campagne de commercialisation 2005/2006.

Enfin, elle relève qu'une taxe à la production n'a été instaurée qu'à partir de la campagne de commercialisation 2007/2008, cette taxe ayant un objectif de contribuer au financement des dépenses intervenant dans le cadre de l'OCM et non pas de financer intégralement, à l'instar de la cotisation à la production prévue par le règlement n°1260/2001, les charges à l'écoulement des excédents résultant du rapport entre la production de la communauté et sa consommation.

En résumé, il en résulte que les mécanismes se sont chevauchés et qu'il était nécessaire de financer les restitutions à l'exportation encore après le 30 juin 2006, des restitutions ayant été au demeurant versées jusqu'à la campagne de commercialisation 2006/2007, l'avocat général ayant également souligné que les producteurs, après la réforme de 2006, avaient conservé la possibilité de reporter leur stock d'une campagne à l'autre, lequel devait s'imputer sur la production de l'année suivante.

Il est donc erroné de soutenir que les cotisations perçues sur les quantités stockées au 30 juin 2006 n'ont pas servi à financer des restitutions à l'exportation sur les années suivantes.

Par ailleurs, par la réponse donnée à la question qui visait expressément les principes de liberté d'entreprendre, de proportionnalité et de non enrichissement sans cause, la cour a implicitement répondu que ces principes n'étaient pas bafoués par l'absence de droit à remboursement ceci d'autant plus qu'à la question n°4, elle a répondu que le règlement n°1360/2013, déterminant le dernier mode de calcul des cotisations, qu'aucun élément de nature à affecter sa validité n'avait été révélé alors qu'au contraire par les deux arrêts Julich, la cour avait invalidé par deux fois les modes de calcul successifs des cotisations.

D'ailleurs, de manière explicite, l'avocat général estimait pour sa part que l'argument suivant lequel les quantités stockées à la fin de la campagne 2005/2006 n'avaient pas donné lieu à une dépense de l'union et avaient entraîné un enrichissement sans cause de cette dernière n'apparaissait pas défendable dans la mesure où des restitutions à l'exportation avaient été accordées l'année suivante concernant des excédents par rapport à la demande sur le marché intérieur, ces quantités ayant nécessairement été ajoutées aux quantités stockées et reportées.

Quant au principe de proportionnalité, à la fin de sa démonstration relative au chevauchement des mécanismes, la cour de justice de l'union européenne retient que, dans ces conditions et compte tenu du large pouvoir d'appréciation du législateur de l'union en la matière, le contrôle du juge doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n'est pas entachée d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si l'autorité en question n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation. Elle estime alors qu'il n'apparaît pas qu'en prévoyant que, s'agissant de la campagne de commercialisation 2005/2006, l'excédent exportable existant au terme de cette campagne serait pris en compte, celui-ci incluant nécessairement les quantités de stocks stockées à la fin de la campagne, le législateur de l'union aurait commis une erreur manifeste, un détournement de pouvoir ou un dépassement manifeste des limites de son pouvoir d'appréciation.

En bref, selon l'interprétation donnée par l'arrêt de la cour de justice de l'union européenne du 16 juin 2016, les mécanismes régissant l'organisation commune du marché du sucre se sont chevauchés, la lettre des textes impose de prendre en compte les quantités exportables au 30 juin 2006 sans que le législateur de l'union n'ait commis à cet égard une erreur manifeste, un détournement de pouvoir ou un dépassement manifeste des limites de son pouvoir d'appréciation et ce quand bien même les quotas sucriers ont pris fin en 2017. Il en découle que les producteurs n'ont pas acquis de droit à remboursement des cotisations sur la production stockée au 30 juin 2006 si bien qu'aucun compte n'est à faire à cet égard. D'ailleurs, aucun argument de texte ne permet de supposer qu'un remboursement aurait dû intervenir au terme de la période prévue pour l'OCM 2001-2006, preuve en étant qu'un mécanisme transitoire a été mis en place en 2006 et ne le prévoit pas davantage.

Il n'est donc pas nécessaire de transmettre à la cour les questions supplémentaires susvisées de sorte que le jugement déféré est confirmé.

La demande d'annulation de la décision de rejet de la direction générale des douanes et droits indirects du 30 septembre 2009

Compte tenu de ce qui précède c'est aux termes de justes motifs adoptés par la cour que le jugement déféré a retenu qu'en toute hypothèse, la réclamation contentieuse initiale trouve sa source dans un arrêté des comptes à la date du 30/06/2006 et vise un montant de cotisations liquidé sur la base des stocks à cette date, la société demanderesse échouant à démontrer, sans fondement textuel, l'existence, au-delà de cette date, d'une créance de restitution liée aux évolutions ultérieures du système et néanmoins assise sur les bases de liquidation qui ont précisément été exclues de toute rétrocession par la jurisprudence communautaire. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande et les demandes de condamnation à paiement subséquentes.

Les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En tant que partie perdante et comme telle tenue aux dépens, la société Saint-Louis sucre sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'administration des douanes une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles d'appel de sorte qu'elle sera également déboutée de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Et, y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure

CONDAMNE la SAS Saint-Louis Sucre aux dépens d'appel,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 19/03618
Date de la décision : 15/12/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°19/03618 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-15;19.03618 ?
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