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24/06/2020 | FRANCE | N°18/00740

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 24 juin 2020, 18/00740


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 24 JUIN 2020





N° RG 18/00740



N° Portalis DBV3-V-B7C-SEHS





AFFAIRE :





[E] [N]





C/



SAS SEGULA MATRA AUTOMOTIVE venant aux lieu et place de la société SEGULA MATRA TECHNOLOGIES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 201

8 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : 15/00239



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





- Me Jérôme BORZAKIAN



- Me Anne-Christine PEREIRA





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JUIN 2020

N° RG 18/00740

N° Portalis DBV3-V-B7C-SEHS

AFFAIRE :

[E] [N]

C/

SAS SEGULA MATRA AUTOMOTIVE venant aux lieu et place de la société SEGULA MATRA TECHNOLOGIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : 15/00239

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- Me Jérôme BORZAKIAN

- Me Anne-Christine PEREIRA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant fixé au 20 mai 2020 puis prorogé au 27 mai 2020 et au 24 juin 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 6], de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Comparant et assisté par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242

APPELANT

****************

SAS SEGULA MATRA AUTOMOTIVE venant aux lieu et place de la société SEGULA MATRA TECHNOLOGIES

N° SIRET : 535 318 935

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-Christine PEREIRA de la SELARL DBC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0180

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Maryse LESAULT, Présidente,

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

FAITS ET PROCÉDURE,

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 22 juin 1992, M. [E] [N] a été embauché par la société SODECA en qualité de Projeteur, statut agent de maîtrise.

La société SODECA a été cédée au groupe SEGULA en 2008 de sorte que le contrat de travail de M. [N] a été transféré au sein de la société SEGULA FUTUR CINQ (SF5) puis, au mois de juillet 2010, vers la société SEGULA TECHNOLOGIES AUTOMOTIVE (STA).

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études, dite Syntec.

M. [N] occupe un poste de Coordinateur technique de branche, statut Cadre, moyennant une rémunération mensuelle, pour 2019, de 4 904,5 euros.

M. [N] est titulaire de plusieurs mandats syndicaux et électifs.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre le 29 janvier 2015 aux fins notamment de condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Le bureau de conciliation s'est déclaré en partage de voix quant à une demande de communication de pièces formulée par M. [N].

Par ordonnance de départage du 12 février 2016, le juge départiteur a ordonné à la société SEGULA la communication de diverses pièces et a renvoyé l'affaire devant le Bureau de jugement du 24 octobre 2017.

Par jugement contradictoire du 23 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre, Section Encadrement, a :

- dit et que l'action de M. [N] est irrecevable car prescrite,

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- reçu et débouté la société SEGULA MATRA AUTOMOTIVE de ses demandes reconventionnelles,

- laissé les éventuels dépens à la charge de M. [N].

M. [N] a relevé appel du jugement par déclaration du 25 janvier 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe le 22 janvier 2019, il demande à la Cour de :

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et rappeler que le salarié n'a eu connaissance de la réalité de la discrimination et du comparatif possible avec son panel qu'à compter de la décision rendue par le Conseil des prud'hommes de Nanterre en sa section du départage le 28 novembre 2014.

En conséquence de quoi, statuant de nouveau,

Sur la discrimination à l'encontre du salarié :

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,

- juger qu'il a subi une discrimination, syndicale de la part de la société Segula Matra Technologie depuis la date de sa prise de fonction soit au 1er août 2008 ;

En conséquence':

- condamner la société Segula Matra Technologie à lui payer :

- la somme de 65 744 euros comme correspondant à l'indemnisation et la réparation de son préjudice passé ;

- fixer la rémunération du salarié à la somme de 60 435,72 euros pour l'année 2016 (soit encore la somme de 5 036,31 euros mensuels) et à la somme de 61 463,12 euros annuels soit encore une rémunération mensuelle de 5 121,92 euros pour les années 2017 et suivantes sous réserve des augmentations intervenir ; le versement du différentiel perçu entre la rémunération versée à l'appelant et le montant ordonné par la juridiction sur les années considérées.

- condamner la société Segula Matra Technologie à lui payer :

- la somme de 21 914 euros (soit 30 % de la somme précitée) au titre de son préjudice certain afférent à la perte sur pension de retraite ;

- la somme de 10 000 euros comme correspondant à l'indemnisation de son préjudice moral du fait de la non reconnaissance de ses qualités professionnelles ;

- la somme de 6 574 euros comme correspondant à l'indemnisation de la perte de sa prime de vacances outre lasomme de 657,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- les sommes suivantes au titre de sa perte sur primes exceptionnelles/prime sur objectifs et parts variables : pour l'année 2012 : 836 euros au titre de prime exceptionnelle, outre 3 800 euros au titre de prime sur objectifs et 6 339 euros au titre de la part variable outre la somme de 1 097,50 euros au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2013 : 724 euros au titre de la prime exceptionnelle, 2 339 euros au titre des primes sur objectifs, 7 572 euros au titre de la part variable outre la somme de 1 063,50 euros au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2014 : 813 euros au titre des primes exceptionnelles, 2 400euros au titre des primes sur objectif, 4 917 euros au titre de la part variable outre la somme de 813 euros au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2015 : 1 038 euros au titre de la prime exceptionnelle, 3 976 euros au titre de la prime sur objectif et 4 147 euros au titre de la part variable outre 916 euros au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2016 ordonner le versement au bénéfice de salariés de la somme de 704 euros au titre des primes outre 70,40 euros au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2017 condamner l'entreprise au titre des primes à verser au salarié la somme de 481 euros outre la somme de 48,10 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la société Segula Matra Technologie à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile comme correspondant tout à la fois aux frais nécessaires à la défense du salarié devant la juridiction prud'homale mais aussi devant la cour de céans qu'il a été contraint de saisir au regard de l'inanité de la décision initiale ;

- condamner la société Segula Matra Technologie aux éventuels dépens de l'instance en application des dispositions des articles 695 et suivants du code de Procédure Civile ;

Pour sa part, par dernières conclusions reçues au greffe le 4 février 2020, la société SEGULA MATRA AUTOMOTIVE, intimée et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit et jugé l'action de M. [N] irrecevable car prescrite,et l'a en conséquence débouté de l'intégralité de ses demandes.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SEGULA MATRA AUTOMOTIVE de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et, statuant à nouveau,

- condamner M. [N] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [N] n'a subi aucune discrimination syndicale dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail

En conséquence

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes à ce titre,

En tout état de cause

- débouter M. [N] du surplus de ses demandes,

- condamner M. [N] à payer à la société SEGULA MATRA AUTOMOTIVE la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux éventuels dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été reportée au 26 février 2020.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS,

1- Sur la prescription des faits de discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1134-5 du code du travail issu de la loi du 17 juin 2008, l'action en réparation d'une discrimination se prescrit par cinq ans :

« L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. »

Il appartient à celui qui se prévaut de l'absence de révélation d'en rapporter la preuve.

M. [N] indique dans ses écritures avoir subi une discrimination syndicale de la part de la société SEGULA MATRA TECHNOLOGIES dès la date de sa prise de fonction le 1er août 2008.

Il fonde principalement cette discrimination syndicale sur l'absence de son repositionnement.

La cour constate à l'appui des pièces versées aux débats que la connaissance par le salarié de son absence de repositionnement ressort':

- d'une réunion du Comité d'entreprise de SEGULA FUTUR CINQ du 28 août 2008 à l'occasion de laquelle, M. [N] a fait acter et « préciser qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été présentée ».

- d'un comité d'entreprise du 22 janvier 2009, où le salarié a « attiré une nouvelle fois l'attention de la Direction sur le fait qu'il se trouvait systématiquement écarté de la gestion de son équipe, se retrouvant ainsi sans charge, hormis celle liée à ses fonctions d'élu. »

- d'un comité d'entreprise du 6 avril 2009, où le salarié a attiré l'attention de la direction sur le fait que son absence de repositionnement «'durait déjà depuis plus de 8 mois ».

L'ensemble de ces commentaires tous actés comme émanant de M. [N] à l'occasion de ces différents comités d'entreprises et réunions démontrent à eux seuls qu'il avait ainsi pleinement conscience dès 2008 et 2009 de la situation de discrimination qu'il dénonce et qui s'appuie essentiellement sur l'absence de son repositionnement.

Or, la cour constate que M. [N] a intenté une action en discrimination syndicale par saisine du conseil de prud'hommes du 29 janvier 2015.

Il est ainsi établi que plus de cinq années se sont écoulées entre la révélation des faits litigieux et le début de son action en justice.

M. [N] aurait dû intenter son action de ce chef dans la limite des cinq ans après la révélation de la discrimination, qu'il dénonce et qu'il fait remonter au 1er août 2008, date de sa prise de fonction chez SF5.

Le salarié s'est ensuite plaint de discrimination dès le CE du 22 janvier 2009 dans lequel il attire l'attention de la direction sur le fait qu'il est systématiquement écarté de la gestion de son équipe, se retrouvant ainsi sans charge hormis celle liée à ses fonctions d'élus.

Le salarié démontre ainsi qu'il avait pleinement conscience à cette date de ce qu'il ressentait subir une discrimination syndicale dès le 22 janvier 2009.

Son action s'est trouvée dès lors prescrite depuis le 22 janvier 2014, alors que M. [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre le 29 janvier 2015 soit plus d'un an après le 22 janvier 2014.

S'agissant de la prescription applicable M. [N] ne peut contourner la prescription d'un droit en venant solliciter l'indemnisation de sa perte et en affirmant ainsi que l'indemnisation de la discrimination qu'il dénonce n'aurait été rendue possible qu'après comparatif d'un panel à compter d'une décision du Conseil des prud'hommes de Nanterre du 28 novembre 2014, ce qui constitue en soi un contournement des règles de prescription revenant à nier toute prescription.

La cour retient de tout ce qui précède que l'action en discrimination syndicale de M. [N] est irrecevable car prescrite et le déboute de l'ensemble des demandes qui en découlent. Le jugement déféré est confirmé.

2- Sur la demande reconventionnelle de la société Segula Matra Automotive en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat

L'article L.1222-1 du code du travail dispose que « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

Cette obligation d'exécution loyale du contrat de travail s'impose tant à l'employeur qu'au salarié.

L'employeur ne fait pas la démonstration selon laquelle M. [N] aurait fait preuve de mauvaise foi dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, ni en quoi il aurait opposé des refus de repositionnement systématiques à son employeur sans lui permettre de trouver de solution.

Il n'établit pas que l'absence de repositionnement est du seul fait du salarié et aurait causé un préjudice à la société, en la désorganisant et en ne permettant pas un exercice normal de son activité.

Il ne caratérise en tout état de cause aucune faute lourde du salarié, seule susceptible d'engager sa responsabilité pécuniaire.

La société Segula Matra Automotive sera dès lors déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts et le jugement confirmé.

3- Sur les demandes accessoires

M. [N] supportera les dépens, sera débouté de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à ce titre à la été Segula Matra Automotive la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du 23 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [E] [N] à payer à la Segula Matra Automotive la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [E] [N] aux dépens de première instance et d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00740
Date de la décision : 24/06/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 15, arrêt n°18/00740 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-24;18.00740 ?
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