La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2017 | FRANCE | N°15/04844

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 février 2017, 15/04844


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 FEVRIER 2017

R.G. No 15/04844

AFFAIRE :

COMITE D'ETABLISSEMENT DE L'ETABLISSEMENT SIEGE DE LA SOCIETE SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

C/

SA SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No chambre : 0

No Section : 0

No RG : 13/06611

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivr

es le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 28 FEVRIER 2017

R.G. No 15/04844

AFFAIRE :

COMITE D'ETABLISSEMENT DE L'ETABLISSEMENT SIEGE DE LA SOCIETE SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

C/

SA SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

No chambre : 0

No Section : 0

No RG : 13/06611

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMITE D'ETABLISSEMENT DE L'ETABLISSEMENT SIEGE DE LA SOCIETE SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

20 avenue Raymond Aron
92160 ANTONY

92160 ANTONY

Représenté par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, et par Me Bénédicte ROLLIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

SA SANOFI WINTHROP INDUSTRIE

No SIRET : 775 66 2 2 57

20 avenue Raymond Aron
92160 ANTONY

92160 ANTONY

Représenté par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES,et par Me Sandrine LOSI de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Janvier 2017, Madame Sylvie BORREL, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCEDURE,

La société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE fait partie du groupe SANOFI AVENTIS, spécialisé dans la fabrication de produits pharmaceutiques, et comprend 12 établissements, dont celui dit du siège situé à La Croix de Berny regroupé avec le site de FLOIRAC (33).

Par accord collectif du 23 juillet 2007, la contribution destinée aux activités sociales et culturelles du comité d'établissement «siège» a été fixée à 1,4% de la masse des salaires bruts.

La direction de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, depuis plusieurs années, calculait les subventions de ce comité d'établissement à partir de la masse salariale brute figurant sur la DADS (déclaration annuelle des données sociales) effectuée auprès de L'URSSAF.

Or, lors d'une réunion du comité d'établissement «siège» en date du 24 octobre 2012, ce dernier décidait de mandater le cabinet d'expertise CE EXPERTISES pour vérifier le compte 641 de 2008 à 2011.

Le rapport d'expertise confirmait que la société ne calculait pas ladite subvention sur la base du compte 641 mais sur les DADS, et qu'en outre la société n'intégrait pas l'intéressement et les sommes versées aux stagiaires dans le compte 641.

Par décision en date du 7 mars 2013 le comité d'établissement «siège»votait une résolution pour agir en justice, afin de fixer la base de calcul de cette masse salariale brute par référence au compte 641 du plan comptable général.

C'est pourquoi, par assignation du 23 avril 2013, le comité d'établissement «siège» de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE faisait citer la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE devant le tribunal de grande instance de NANTERRE, afin d'obtenir à titre principal le versement de diverses sommes à titre de complément des subventions tant de fonctionnement qu'au titre des activités sociales et culturelles pour les années 2009 à 2013, sur la base de la masse salariale comptable issue du compte 641 du plan comptable ; il sollicitait aussi une expertise pour la détermination du reliquat des subventions pour l'année 2008.

Par jugement du 1er octobre 2015, dont le comité d'établissement a interjeté appel, le tribunal l'a débouté de ses demandes, jugeant que le comité ne rapportait pas la preuve que lesdites subventions avaient été minorées et devaient être assises sur la base du compte 641 du plan comptable.

Par écritures signifiées le 12 décembre 2016 et soutenues à l'audience du 3 janvier 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

Le comité d'établissement «siège» de la la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, ci-après le comité, conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

- 97 797 € au titre du reliquat de la subvention de fonctionnement de 2009 à 2014 inclus,

- 678 964 € au titre de la contribution aux activités sociales et culturelles de 2009 à 2014 inclus,

- 284 027 € au titre du reliquat de ces deux budgets consécutif à l'absence de prise en compte de l'intéressement dans les comptes 641 des années 2009 à 2014 inclus,

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte aux droits du comité,

le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Il demande aussi de désigner un expert, aux frais de la société, pour la détermination du reliquat des subventions pour l'année 2008, ainsi que de lui allouer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, ci- après la société, conclut à la confirmation du jugement, estimant que les deux subventions doivent être calculées sur la base de la masse salariale brute mentionnée sur les DADS.

Elle sollicite la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon les articles L.2325-43 et L.2323-86 du code du travail, l'employeur verse au comité d'entreprise respectivement deux subventions :

- une subvention annuelle de fonctionnement d'un montant équivalent à 0,2 % de la masse salariale brute,

- une subvention destinée aux activités sociales et culturelles, laquelle est calculée sur le montant total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise au cours des 3 dernières années, et qui en l'espèce est de 1,4% de la masse des salaires bruts, en application de l'accord d'établissement du 23 juillet 2007.

En application de cet accord, les deux subventions sont calculées sur la même base, qui est la masse salariale brute.

Ces principes de calcul partent de l'idée qu'il faut adapter le montant des sommes allouées à l'évolution de l'effectif des salariés d'une entreprise et donc aux besoins de cet effectif.

Le litige porte sur la détermination de la masse salariale brute, dont dépend le montant des deux subventions.

Deux thèses s'affrontent:

Le comité soutient, sur la base de la jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation (Soc 30 mars 2011, 20 mai et 9 juillet 2014-no13-17.470) que la référence au compte 641 du plan comptable général (intitulé "rémunérations du personnel et des dirigeants") serait la meilleure des bases de calcul de la masse salariale brute, car elle intègre les salaires, les primes et commissions, les congés payés, outre les indemnités de rupture- sauf une partie des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement- les indemnités de mise à la retraite et les indemnités de préavis, qui auraient une nature salariale, mais encore aussi l'intéressement et les gratifications des stagiaires.

Il admet qu'il faut exclure la rémunération des dirigeants non salariés, le remboursement des frais professionnels, et certaines sommes dues lors de la rupture du contrat de travail, ce qui aboutirait au compte 641 «retraité».

La différence entre les deux modes de calcul entraînerait un préjudice total d'environ 1 060 000 € pour les deux comités sur les 6 années, de 2009 à 2014, y compris avec l'intégration de l'intéressement.

La société prétend que la thèse de l'appelant, selon laquelle il faudrait privilégier la masse salariale comptable (compte 641 «retraité») plutôt que la masse salariale déclarée à l'administration (DADS), ne repose sur aucun fondement juridique, et que la référence à une norme purement comptable reviendrait à inverser de manière paradoxale le lien entre le financement du comité et l'importance de la communauté de travail.

Elle estime que, contrairement à la thèse du comité d'entreprise, les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement ainsi que les indemnités transactionnelles n'ont pas à être prises en compte, vu leur nature indemnitaire.

Elle défend la référence aux DADS, laquelle serait la plus sûre et la plus cohérente par rapport aux objectifs recherchés.

Elle considère que l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 30 mars 2011 est un arrêt isolé et contraire à la jurisprudence antérieure qui était constante et qui a été reprise par nombre de tribunaux et cours d'appel depuis 2011 qui ont retenu la référence aux DADS.

Elle fait état d'autres décisions de la Cour de Cassation, laquelle a varié dans sa jurisprudence, et qui, dans un arrêt du 20 mai 2014 a certes fait référence au compte 641 retraité, tout en précisant :

- d'une part, qu'il fallait exclure les rémunérations des dirigeants, les remboursement de frais professionnels et les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail - à l'exception des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, des indemnités de retraite et de préavis- car le législateur a voulu proportionner le montant de la subvention à l'importance numérique de la communauté de travail,

- et d'autre part que la masse salariale brute visée à l'article L.2325-43 du code du travail correspondait au compte 641, à l'exception des sommes non soumises à cotisations sociales.

Dans un autre arrêt du 9 juillet 2014, différent de celui invoqué par l'appelant, la cour suprême fait référence, pour le calcul de la subvention des activités sociales et culturelles, à la notion de masse salariale de travail effectif.

A titre subsidiaire, la société demande que soient exclues du compte 641 toutes les sommes n'ayant pas un caractère salarial, à savoir les sommes versées lors de la rupture, les provisions, les sommes versées au titre de l'intéressement, les gratifications des stagiaires et les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement imposables.

Elle souligne enfin que la référence au compte 641 n'a pas vocation à s'appliquer si la contribution pratiquée est globalement plus favorable, comme en l'espèce, en vertu de l'accord collectif du 23 juillet 2007, lequel se réfère à 1,40 % de la masse des salaires bruts pour le budget des activités sociales et 0,2% de la masse salariale brute pour le budget de fonctionnement.

***

La cour doit déterminer ce que comprend la masse salariale brute servant de base aux deux subventions du comité d'entreprise.

Il n'est pas contesté qu'elle comprend les salaires, primes et commissions, les congés payés et les avantages divers, soit toutes sommes versées en contrepartie d'un travail effectif, outre la part salariale des cotisations de sécurité sociale, à l'exclusion de la part patronale des cotisations, des rémunérations des dirigeants non salariés et des remboursement de frais professionnels.

Les parties divergent sur l'inclusion ou non dans la masse salariale brute de certaines indemnités de rupture, sur les indemnités de départ en retraite, sur les provisions, sur l'intéressement et les gratifications des stagiaires.

Si une jurisprudence s'est dégagée pour retenir comme base de calcul le compte 641 «retraité» (par exclusion de certains postes), la cour estime que la référence aux DADS n'apparaît pas dépourvue de fondement puisqu'elle inclut toutes les sommes versées à titre de salaire et donnant lieu à cotisations sociales, alors que la référence au compte 641 du plan comptable se trouve être une notion comptable et non sociale, et n'est fixée par aucun texte de droit du travail comme une référence pour le calcul de la masse salariale brute.

En outre, le contenu du compte 641 peut être différent selon les sociétés, ce qui ne permet pas de dégager une règle uniforme et facile à appliquer.

Si dans ses deux arrêts des 20 mai et 9 juillet 2014 la chambre sociale de la Cour de Cassation a admis la référence au compte 641, mais "retraité", en soustrayant certaines sommes, à savoir la rémunération des dirigeants sociaux, le remboursement des frais professionnels, outre les indemnités de rupture autres que les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, les indemnités/primes de départ à la retraite et les indemnités de préavis, cette approche est complexe et moins cohérente que la référence aux DADS.

En effet, la référence à la déclaration annuelle des salaires pour le calcul de l'assiette des cotisations sociales (ou DADS) apparaît conforme au principe de l'adéquation du montant des subventions au nombre de salariés présents dans les sociétés et ayant vocation à bénéficier de ces subventions.

Les DADS incluent bien les salaires, primes et commissions, les congés payés, les avantages divers, outre la part salariale des cotisations de sécurité sociale, à l'exclusion de la part patronale des cotisations.

Il n'est pas non plus discutable que les indemnités de préavis sont prises en compte dans la DADS, car elles correspondent à la contrepartie d'un travail.

En effet, elle suppose que le salarié est encore présent dans l'entreprise pendant toute la période de préavis.

Par ailleurs, le salaire est une notion de référence de l'article R 243-14 du Code de la sécurité sociale relatif à la DA.D.S. selon lequel tout employeur de personnel salarié ou assimilé est tenu en règle générale d'adresser au plus tard le 31 janvier de chaque année, à l'organisme ou aux organismes chargés du recouvrement des cotisations dont relève leur établissement, une déclaration faisant ressortir, pour chacun des salariés ou assimilés occupé dans l'entreprise ou l'établissement, le montant total des rémunérations payées au cours de l'année précédente.

Ce document est destiné à permettre le versement des cotisations sur les "rémunérations", telles que définies par l'article L 242-1 du même code qui précise ce qu'il faut intégrer dans ces "rémunérations".

Les cotisations sociales dont l'assiette de calcul est ainsi donnée par l'article L 242-1 du Code de la sécurité sociale, correspondent à une part socialisée du salaire, c'est-à-dire une part collectée par des organismes appelés caisse, afin que les cotisants bénéficient en contrepartie de leur travail, au cours de celui-ci ou de manière différée s'agissant de la retraite de base, d'une couverture partielle ou total de frais divers, engendrés par l'un des grands risques courus au cours de l'exécution du contrat de travail que sont le chômage, la vieillesse, la famille, la maladie et les accidents du travail et maladies professionnelles ; les cotisations sociales sont liées intrinsèquement au salaire au sens légal du terme, puisqu'elles financent des avantages qui en sont un accessoire ; de ce fait, l'assiette de ces cotisations correspond nécessairement à la définition légale du salaire ; la lettre de l'article L 242-1 du Code de la sécurité sociale confirme cette thèse, puisque ce texte dispose que pour la calcul des cotisations de sécurité sociale "sont considérées comme des rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail notamment les salaires, gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes et gratifications ou tous autres avantages en argent, avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire".

Ce "salaire légal" est matérialisé par la déclaration annuelle des données sociales dite DADS, régie par l'article R 243-14 précité, de sorte que c'est bien le total des sommes figurant sur la D.A.D.S. qui constitue la base de calcul des subventions et rémunérations dues au comité d'entreprise par l'employeur, de la même manière qu'elle sert de base au calcul des cotisations sociales.

Cette conclusion est corroborée par le fait que des éléments qui figurent dans le compte 641 mais non dans la DADS, sont exclusifs de toute rémunération en contrepartie d'un travail fourni.

Tel est le cas, des provisions diverses, de la rémunération non salariée des dirigeants, des indemnités conventionnelles de départ en retraite et de certaines indemnités de rupture en deçà de certains plafonds, de l'intéressement, des salaires des salariés mis à disposition par une autre entreprise, voire des gratifications des stagiaires en deçà de certains plafonds.

Le lien entre la notion de masse salariale brute et l'assujettissement à cotisations sociales apparaît nettement, mais doit être nuancé en raison des décisions administratives, qui distinguent, sans référence à la notion juridique de salaire, pour les indemnités de rupture, les indemnités de départ en retraite et les gratifications des stagiaires, la part non soumise à cotisations sociales jusqu'à un certain seuil de celle soumise à cotisations au delà de ce seuil ; ces décisions ont pour effet de donner à ces trois indemnités une nature mixte, pour partie indemnitaire donc non soumise à cotisations sociales et pour partie salariale soumise à cotisations, cette dichotomie ayant contribué à alimenter les litiges concernant la base de calcul des subventions du comité d'entreprise et le recours au compte 641 de manière artificielle.

C'est pourquoi il est utile d'examiner les différents postes litigieux, qui font partie du compte 641, mais qui ne sont pas nécessairement inclus dans la DADS, ce qui doit conduire à les écarter en se référant uniquement à la notion juridique de salaire, contrepartie d'un travail effectif.

1/les provisions :

L'argumentation du comité d'entreprise conduit à inclure à tort dans la masse salariale brute 11 postes au titre de provisions diverses, notamment au titre des congés payés, de la prime de 13ème mois, du CET (compte épargne temps), de la prime de vacances et d'autres primes.

En effet, s'agissant notamment des provisions sur congés payés, comme toutes les provisions, ce sont des réserves faites en prévision de dépenses attendues pour l'exercice suivant, qui font l'objet de régularisations lors de l'exercice suivant ; elles ne constituent donc pas des dépenses certaines pour l'exercice en cours ; en d'autres termes, les provisions sur congés payés n'ont pas été versées aux salariés lors de l'exercice en cours, ce qui exclut de les prendre en compte au titre des salaires versés ; en outre, elles ne donnent pas lieu à cotisations sociales et ne sont donc pas inclues dans la DADS.

Ces provisions, comme toutes les autres, ne doivent donc pas être prises en compte dans la base de calcul de la masse salariale brute, comme le soutient à raison la société.

2/ les rémunérations non salariales des dirigeants :

Le compte 641 inclut des sommes qui n'ont pas juridiquement un caractère salarial, comme les rémunérations des dirigeants non salariés.

A l'inverse, s'il s'avère qu'une partie de la rémunération des dirigeants constitue un salaire, de par l'existence d'un contrat de travail en parallèle avec leur mandat social, cette partie salariale sera nécessairement mentionnée dans la DADS, d'où l'inutilité de faire référence au compte 641.

3/ Les indemnités conventionnelles de départ en retraite :

Les indemnités de départ à la retraite et les indemnités de pré- retraite, qui sont dans le compte 641, ont une nature plus indemnitaire que salariale, puisqu'elles sont des avantages accordés à titre conventionnel et perçus en capital, le plus souvent sous condition d'une certaine ancienneté et en fonction de cette ancienneté, sans que ces indemnités ne correspondent exactement à la contrepartie d'un travail, ce qui justifie qu'elles ne soient pas soumises à cotisations sociales en deçà d'une certain plafond, qui est égal à 2 PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), soit 78 456 €.

En effet, ces indemnités conventionnelles sont à distinguer des indemnités de retraite de base venant de la sécurité sociale perçues périodiquement, pour lesquelles des cotisations sociales ont déjà été versées chaque mois par le salarié et qui sont, elles, considérées comme du salaire différé.

Ces indemnités conventionnelles, qui sont mentionnées dans le compte 641, ne sont donc pas considérées comme des salaires en dessous de ce plafond, de sorte que la référence au compte 641 n'est pas pertinente.

4/ les indemnités de rupture liées au licenciement et les indemnités transactionnelles.

Il n'y a pas davantage lieu d'inclure dans la base de calcul des subventions la partie indemnitaire des sommes versées au salariés licenciés, ou bénéficiaires d'une rupture conventionnelle ou ayant quitté la société à la suite d'un plan social, qu'il s'agissent d'indemnités de rupture conventionnelle, ou d'indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, ou même des indemnités ou dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui ne peuvent être assimilées à la contrepartie d'un travail mais ont une nature principalement indemnitaire.

Ces indemnités ne sont d'ailleurs soumises que pour partie à cotisations sociales, à savoir que pour leur partie non indemnitaire au delà d'un certain plafond, qui est égal à 2 PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), soit 78 456 € ; or la DADS inclut bien cette partie non indemnitaire au delà de ce plafond, qui est alors considérée comme ayant une nature salariale.

La référence au compte 641 n'est donc pas plus pertinente.

5/ les salaires des salariés mis à disposition :

Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation (soc 31 mai 2016- 148-25042), le salarié mis à disposition est présumé intégré à l'entreprise d'accueil, sauf si la preuve est rapportée que, malgré sa mise à disposition, le salarié est resté intégré de manière étroite et permanente à son entreprise d'origine.

En fonction de ce critère d'intégration étroite et permanente, le salaire du salarié mis à disposition sera ou non intégré à la masse salariale de l'entreprise d'accueil ou de l'entreprise d'origine pour le calcul des subventions et contributions, ce qui suppose d'analyser chaque situation de mise à disposition pour déterminer si le salaire de ce personnel mis à disposition sera pris en compte dans la base de calcul des subventions du comité.

Dans le cas d'espèce, aucun élément précis n'est fourni ni discuté par les parties.

6/L'intéressement :

L'intéressement, qui peut parfois être mentionné dans le compte 641, et qui est versé aux salariés en application d'un accord d'intéressement, est expressément mentionné dans l'article L.3312-4 du code du travail comme n'ayant pas le caractère de rémunération, comme le relève valablement la société ; dans le cas de la société, l'intéressement se trouve, comme la participation, dans le compte 691.

Ce poste n'est donc pas à prendre en compte dans la DADS, de sorte que le comité sera débouté de sa demande au titre du reliquat de ces deux budgets consécutif à l'absence de prise en compte de l'intéressement dans les comptes 641 des années 2008 à 2014 inclus, confirmant ainsi le jugement en ce qui concerne les années 2008 à 2013 inclues, tout en ajoutant son débouté au titre de l'année 2014.

7/Les gratifications des stagiaires :

Selon le rapport d'expertise du cabinet CE EXPERTISES (pièce 8 page 2), la société a certes calculé les subventions pour l'année 2012 sur la base de la masse salariale brute annuelle totale issue de la DADS de 2011, mais a retranché les indemnités versées aux stagiaires et des sommes liées aux salariés expatriés, pour aboutir à la somme de 74 169 990 € au lieu de 74 660 880 €, alors que ces deux postes (stagiaires et salariés expatriés) sont dans la DADS.

Concernant les gratifications des stagiaires, qui ne sont pas des salariés, la société estime qu'il n'y a pas lieu de les prendre en compte, bien qu'elles soient mentionnées dans le compte 641, et qu'une partie de ces gratifications puisse être soumise à cotisations sociales.

La société demande donc à titre subsidiaire (si la cour retenait le compte 641 comme base de calcul) l'exclusion des sommes suivantes versées aux stagiaires :

- 424 005 € en 2009,

- 431 189 € en 2010,

- 439 272 € en 2011.

Par suite d'une recodification comptable des sous- comptes à compter de janvier 2012, certains sous- comptes ne sont plus renseignés dans le tableau récapitulatif, de sorte qu'aucune donnée chiffrée du montant des gratifications des stagiaires n'est donnée pour les années 2012 à 2014.

Le comité, contrairement à la société, estime qu'il faut inclure les gratifications des stagiaires.

Or, selon l'article L242-4-1du Code de la Sécurité sociale (Loi no2006-1640 du 21 décembre 2006): « N'est pas considérée comme une rémunération au sens de l'article L. 242-1 la fraction de la gratification, en espèces ou en nature, versée aux personnes mentionnées aux a, b et f du 2o de l'article L. 412-8 qui n'excède pas, au titre d'un mois civil, le produit d'un pourcentage, fixe par décret, du plafond horaire défini en application du premier alinea de l'article L. 241-3 et du nombre d'heures de stage effectuées au cours du mois considéré...»

L'article L.124-6 du code de l'éducation précise encore que cette gratification n'a pas le caractère d'un salaire.

Toutefois, elle donne lieu pour partie à cotisations sociales, selon son montant.

Les lois intervenues postérieurement (loi du 31 mars 2006, loi du 24 novembre 2009, loi du 10 juillet 2014) n'ont pas modifié ce principe d'exonération de charges sociales en deçà d'un seuil, ce seuil ayant été progressivement augmenté, de même que le montant minimum de la gratification (398,13 € en 2009, 417,09 € en 2010 et 2011).

Par ailleurs, depuis la loi du 24 novembre 2009 la gratification est obligatoire si la durée du stage est supérieure à 2 mois (et non plus 3 mois antérieurement).

Le principe est que la part de la gratification non exonérée de cotisations sociales donc déclarée auprès de l'URSSAF est la part de la gratification du stagiaire dépassant le montant minimum de cette gratification, réévaluée chaque année.

La gratification des stagiaires n'est certes pas un salaire à part entière dans la mesure où la situation de stage constitue à la fois une période de formation et une période de travail, à l'instar de la situation d'apprentissage ; du fait de cette nature mixte du stage, à la fois une formation de manière principale et un travail de manière secondaire, il n'est pas surprenant que la gratification des stagiaires soit assujettie pour partie à des cotisations sociales au delà d'un certain seuil, comme le retrace la DADS.

Le montant de la gratification soumis à cotisation étant donc figé dans la DADS, la référence au compte 641 s'avère inutile.

C'est pourquoi, le comité est bien fondé à demander que le montant des gratifications des stagiaires apparaissant dans la DADS pour leur part supérieure au montant minimum, soit réintégré dans la base de calcul des subventions.

En l'espèce, sur la période concernée (2009 à 2014) se situant après la loi de 2006, il faudrait donc connaître le montant des gratifications mentionnées dans la DADS, élément qui n'est pas indiqué par les parties.

En effet, la société se borne à mentionner le montant total des gratifications versées et seulement pour les années 2009 à 2011 inclues, sans que la part des gratifications donnant lieu à cotisations sociales soit précisée pour 2009 à 2011 mais aussi pour les autres années (2008, 2012, 2013 et 2014).

De son côté, le comité se limite à évoquer, seulement pour l'année 2012, la non intégration des gratifications des stagiaires mais aussi des sommes versées aux salariés expatriés, qui ont été déduites à tort de la DADS, alors qu'elle ne distingue pas le montant déduit pour chacun de ces postes, et qu'elle ne donne pas non plus d'éléments pour les autres années.

C'est ainsi qu'il convient de fixer le montant des subventions du comité par référence à la masse salariale brute figurant sur la DADS des années 2008 à 2014 inclues, tout en enjoignant à la société, avant- dire droit, de communiquer, avec les justificatifs comptables et sociaux, la part des gratifications des stagiaires donnant lieu à cotisations sociales dans les DADS des années 2008 à 2014 inclues, afin que ces sommes soient réintégrées dans la base de calcul des subventions, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, la certification des comptes étant suffisante.

En conséquence il y a lieu de débouter le comité de sa demande tendant à calculer la masse salariale brute en référence au compte 641 du plan comptable «retraité», comme l'a jugé le tribunal qui sera confirmé.

La Cour précise que la référence aux DADS apparaît plus claire et adaptée pour constituer la masse salariale brute, base de calcul de la subvention de fonctionnement du comité et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité, puisqu'elle permet de mettre en adéquation les subventions avec les effectifs réels de la société, tout en évitant la complexité croissante des «retraitements» du compte 641.

Il sera sursis à statuer, tant sur la demande en dommages et intérêts pour l'atteinte aux droits du comité, que sur celle relative à l'article 700 du code de procédure civile, dans l'attente de l'issue du litige.

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe, et en dernier ressort :

Au fond,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de NANTERRE en date du 1er octobre 2015 en ce que le tribunal a rejeté la demande d'expertise et jugé que la base de calcul des subventions du comité d'entreprise de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE ne devait pas être le compte 641, mais l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que les sommes figurant sur les DADS de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, pour les années 2008 à 2014 inclues, forment l'assiette de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'établissement «siège» de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE,

Déboute le comité d'établissement «siège» de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE de sa demande tendant à la réintégration de l'intéressement dans la masse salariale brute base de calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité pour les années 2008 à 2014 inclues;

Avant dire droit sur la demande en dommages et intérêts du comité pour l'atteinte à ses droits, et sur la demande tendant à réintégrer dans la DADS la part des gratifications des stagiaires assujettie aux cotisations sociales, et sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la réouverture des débats afin que la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE communique au comité d'établissement «siège» de la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE, avec les justificatifs comptables et sociaux certifiés y afférents, la part des gratifications des stagiaires donnant lieu à cotisations sociales dans les DADS des années 2008 à 2014 inclues,

Dit que les parties devront fournir le calcul du reliquat des subventions sur la base des DADS réintégrant la part susvisée des gratifications des stagiaires pour les années considérées,

Enjoint aux parties de conclure, avant le 1er septembre 2017 en ce qui concerne la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE , et avant le 1er décembre 2017 en ce qui concerne le comité d'établissement «siège» de la la société SANOFI WINTHROP INDUSTRIE;

Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoirie du mardi 06 mars 2018 à 9h15 ; en formation collégiale, salle no3 porte H, 5 rue Carnot, Cour d'Appel de Versailles, 78000 Versailles ;

Dit que l'audience de clôture est fixée au mardi 06 février 2018 à 14h00.

Réserve les dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/04844
Date de la décision : 28/02/2017
Sens de l'arrêt : Renvoi à une autre audience

Analyses

Sommaire Arrêt rendu le 28 février 2017 par la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 15/04844 Droit du travail, relations collectives de travail, subvention de fonctionnement du comité d'entreprise, contributions aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise et de la contribution aux activités sociales et culturelles du comité d'entreprise,  mode de calcul, référence à la définition légale du salaire résultant de l’article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale, pertinence de la référence aux déclarations annuelles des données sociales (DADS), référence au compte 641 du plan comptable général jugée inappropriée. La cour retient que la masse salariale qui sert de base au calcul de la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise et de la contribution aux activités sociales et culturelles doit se référer à la définition légale du salaire résultant de l'article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale. Ce “salaire légal” est matérialisé par la déclaration annuelle des données sociales dite DADS, régie par l’article R 243-14 du même code. C'est donc la DADS et non pas le compte 641 du plan comptable général qui doit être retenu comme base de calcul des dites subvention et contribution. A rapprocher : CA Versailles, ch. 6, 27 septembre 2016, n0 15/00883 - CA Versailles, ch. 6, 21 octobre 2014, n0 13/03641 – CA Toulouse, ch.4 10 avril 2015, n0 14/00977 –CA Paris pôle 6 chambre 2, 2 juin 2016, n0 12/14820 En sens contraire : Cassation Sociale, 9 juillet 2014, 13-17.470


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2017-02-28;15.04844 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award