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28/02/2017 | FRANCE | N°15/03980

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 février 2017, 15/03980


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 FEVRIER 2017



R.G. N° 15/03980



AFFAIRE :



[J] [V]





C/

SAS GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Commerce

N° RG : 14/00120



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Pagoundé KABORE



Me Sophie LECRUBIER





Copies certifiées conformes délivrées à :



[J] [V]



SAS GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT FEVRIER D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 FEVRIER 2017

R.G. N° 15/03980

AFFAIRE :

[J] [V]

C/

SAS GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : Commerce

N° RG : 14/00120

Copies exécutoires délivrées à :

Me Pagoundé KABORE

Me Sophie LECRUBIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

[J] [V]

SAS GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me Pagoundé KABORE, avocat au barreau D'ESSONNE

APPELANT

****************

SAS GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] était embauché par la société ABX LOGISTICS, à compter du 26 décembre 2002, en qualité de manutentionnaire, son ancienneté remontant au 3 septembre 2002.

Il devenait préparateur de commandes en 2004 puis ouvrier cariste 2ième degré à compter du 1er mars 2007.

Entretemps son contrat de travail était transféré à la société EWALS CARGO CARE, puis par avenant du 1er décembre 2008, son contrat était transféré à la société GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE, laquelle est spécialisée dans la logistique de pneumatiques de véhicules à moteur.

Son salaire s'élevait en dernier lieu à 1 534,50 € bruts/mois.

A compter de 2008 M. [V] rencontrait des difficultés de santé récurrentes qu'il mettait en lien avec son poste de préparateur de commandes/cariste, ce qui lui occasionnait plusieurs arrêt- maladies.

Le 7 octobre 2008, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail indiquait qu'il était partiellement apte au poste de préparateur de commandes/cariste avec des restrictions pendant un mois.

Le 27 novembre 2008 il était victime d'un accident du travail, étant percuté sur son lieu de travail par un collègue.

Dans le cadre d'une nouvelle visite de reprise, le médecin du travail indiquait qu'il était partiellement apte à son poste avec des restrictions pendant 6 mois.

Le 11 mai 2009, la CPAM était saisie par la société d'une nouvelle déclaration d'accident du travail, mais, suite aux contestations de la société, la CPAM, par décision du 30 juin 2009, refusait de reconnaître la pathologie de M. [V] comme liée au travail, l'accident du travail du 11 mai 2009 ne lui apparaissant pas établi.

Selon une 3ième visite de reprise effectuée le 5 juin 2009, le médecin du travail indiquait que M. [V] était partiellement apte à son poste avec seulement deux restrictions pendant 3 mois, le port de charges de plus de 10 kg et les activités sollicitant les membres supérieurs au dessus de la ligne des épaules.

Une nouvelle visite médicale confirmait l'aptitude partielle avec une seule restriction temporaire d'un mois pour le port de charges de plus de 10 kg.

Une étude de poste était réalisée le 26 novembre 2009, au cours de laquelle le médecin du travail constatait que les tâches de M. [V] avaient été aménagées conformément à ses recommandations.

Le 27 novembre 2009 était déclaré, cette fois par la société, un nouvel accident du travail, à savoir une collision entre le chariot autoporté conduit par M. [V] et le chariot élévateur conduit par un de ses collègues, donnant lieu à un arrêt- maladie puis à une visite de reprise intervenait le 16 décembre 2009, donnant les mêmes indications que précédemment.

Le 2 mars 2010 la société prononçait une mise à pied disciplinaire d'une journée à l'égard de M. [V] pour avoir été agressif et violent à l'égard d'un collègue, mise à pied s'étant déroulée le 19 mars.

M.[V] déclarait un accident du travail le 11 décembre 2012 et se trouvait plus d'un mois en arrêt- maladie, puis 11 jours en février 2013.

Dans le cadre de la visite de reprise, le 21 janvier 2013, le médecin du travail le déclarait apte à son poste, avec restriction de port de charge de 10kg maximum, privilégiant les travaux de préparation de commandes dans conduite d'engin de levage autoporté, privilégiant la conduite de tirepal surtout électrique, privilégiant les horaires fixes type 9h/17h, et ce pendant un mois.

M.[V] était à nouveau en arrêt- maladie du 25 février au 21 mars 2013.

Lors de la visite médicale du 6 mai 2013, le médecin du travail donnait le même avis que le 21 janvier 2013, tout en allongeant la durée des restrictions à 6 mois.

Le 21 mai 2013 la société, après avoir consulté le médecin du travail, proposait verbalement le nouveau poste de contrôleur- flasheur à M. [V], lequel refusait la proposition le 23 mai, souhaitant obtenir une meilleure rémunération avec un coefficient revalorisé.

Le 18 juillet 2013 le médecin du travail validait la proposition de nouveau poste, déclarant M. [V] apte à ce poste.

Par lettre du 31 juillet 2013 la société proposait officiellement le poste de contrôleur- flasheur à M. [V], lequel par lettre du 5 août 2013 reformulait sa demande de revalorisation de son statut, pour devenir agent de maîtrise, ce que la société refusait par lettre du 7 août.

Le 21 août 2013 une nouvelle visite médicale intervenait, puis le 13 août 2013 M. [V] acceptait finalement le nouveau poste.

Le 11 septembre 2013, la société prononçait une mise à pied conservatoire et convoquait M. [V] à un entretien préalable qui se déroulait le 25 septembre, puis le licenciait pour faute grave par lettre du 1er octobre 2013, lui reprochant d'avoir insulté et menacé le directeur du site M. C ainsi que la responsable des ressources humaines.

Le 5 février 2014, M. [V] saisissait le conseil de prud'hommes de MONTMORENCY principalement aux fins de nullité de son licenciement et subsidiairement aux fins de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 6 juillet 2015, dont M. [V] a interjeté appel, le conseil le déboutait de toutes ses demandes, laissant les dépens à sa charge.

Par écriture soutenues oralement par les parties à l'audience du 9 janvier 2017, auxquelles la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu ainsi qu'il suit :

M. [V], maintenant quasiment ses demandes en appel, sollicite à titre principal la nullité de son licenciement, avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et réclame le paiement des sommes suivantes :

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,

- 23 371,04 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, et subsidiairement la même somme à titre de d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 478,55 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 338,72 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 333,87 € au titre des congés payés afférents,

- 767,13 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire du 11 au 30 septembre 2013, outre celle de 76,71 € au titre des congés payés afférents,

- 283,28 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire le 1er octobre 2013, outre celle de 28,32 € au titre des congés payés afférents, soit au total la somme de 1 050,41 €, outre les congés payés afférents,

- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE, ci- après la société, conclut à la confirmation du jugement et au débouté de M. [V], sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le non respect des préconisations du médecin du travail et la nullité du licenciement :

En application de l'article L. 1226- 15 du code du travail, le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte ou apte sous certaines conditions, donne droit, en l'absence de demande de réintégration, à l'allocation d'une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaires.

En l'espèce, M. [V] reproche à la société son inaction pendant 6 mois, tardant à lui proposer un nouveau poste après l'avis du médecin du travail l'ayant déclaré apte le 21 janvier 2013, mais préconisant des restrictions; il estime que cette attente, sans fourniture de travail entre fin mars et septembre 2013, a dégradé ses conditions de travail.

La société soutient avoir respecté les préconisations du médecin du travail, tant en 2009/2010 que fin 2012/2013, se rapprochant même du médecin du travail le 21 mai 2013 pour valider la proposition de nouveau poste de contrôleur- flasheur qu'elle a créé pour M. [V].

Elle fait valoir que le retard dans la mise en oeuvre de cette proposition est due aux tergiversations du salarié qui souhaitait aussi une revalorisation de son statut et de son salaire.

Elle précise qu'elle a toujours fourni du travail au salarié, dans l'attente de ce nouveau poste.

En effet, il apparaît au vu de la chronologie des évènements qu'à la suite des différents arrêt- maladies de M. [V] entre 2008 et 2013, la société a toujours respecté les préconisations du médecin du travail, prenant le soin d'organiser les visites de reprise successives après les arrêt- maladies, de contacter le médecin du travail en cas de doute, comme en février 2010 (courriels échangés le 4 février 2010), mais aussi de s'inquiéter auprès de lui de la situation de M. [V] sujet à de fréquents accidents du travail (dans un courriel du 19 février 2013), les 29 novembre 2009, 11 décembre 2012 et 7 février 2013.

Par ailleurs, afin de lui permettre de mieux identifier le nouveau poste pouvant être proposé à M. [V], la société, par courriel du 21 mai 2013, demandait au médecin du travail de préciser les restrictions relatives à l'aptitude du salarié au poste de préparateur de commandes/cariste ; par courriel du 2 juin 2013 le médecin indiquait alors à la société que l'activité en hauteur était proscrite, de même que le port de charges de plus de 10kg, et que les horaires devaient être fixes de 9h à 17h.

C'est ainsi que la société a pu décider que M. [V] ne pouvait plus travailler sur le poste de préparateur de commandes/cariste, au vu de ces trois restrictions, et s'est trouvée contrainte de lui proposer un nouveau poste, sans que l'on puisse lui reprocher, à ce stade, de tarder à trouver un poste de reclassement.

Il ressort ensuite du courriel de la société en date du 23 mai 2013 que plusieurs entretiens ont eu lieu avec M. [V], auquel a été proposé un poste de contrôleur flasheur; si aucune proposition écrite n'a effectivement été transmise au salarié, l'existence de ces entretiens n'est pas formellement contestée par ce dernier.

Entre le 30 mai et le 8 juin 2013, M. [V] se trouvait en arrêt- maladie.

Certes, l'inspectrice du travail, par lettre du 11 juin 2013 adressée à la société, a demandé à cette dernière de respecter intégralement l'avis d'aptitude du médecin du travail, s'étonnant de l'absence d'adaptation du poste de travail de M. [V].

La société répondait rapidement par lettre du 14 juin 2013, en exposant ses échanges réguliers avec le médecin du travail et faisant état de la proposition de nouveau poste faite en mai 2013 à M. [V], lequel avait refusé.

Par courriel du 5 juillet 2013, la société contactait alors le médecin du travail pour savoir si ce nouveau poste était compatible avec les restrictions médicales, ce qui justifiait qu'elle demande alors une nouvelle visite d'aptitude, qui était indispensable, s'agissant d'un nouveau poste.

Cette visite médicale était organisée le 18 juillet 2013, et concluait à l'absence de contre indication médicale à ce nouveau poste.

C'est ainsi que par lettre du 5 juillet 2013, la société a fait une proposition écrite à M. [V] sur ce nouveau poste, en lui communiquant la fiche de poste.

Sans réponse écrite de ce dernier, la société renouvelait sa proposition par lettre du 31 juillet 2013, précisant que sa rémunération était maintenue.

M. [V] répondait par lettre du 5 août 2013, qu'il souhaitait une évolution de sa rémunération avec un coefficient plus élevé.

Considérant que M. [V] ne donnait pas une réponse à sa proposition de nouveau poste, la société, par lettre du 7 août 2013 renouvelait sa proposition, ce qui donnait finalement lieu à une réponse positive de M. [V] par lettre du 13 août 2013.

Entretemps, dans le souci de trouver une solution adaptée, la société, par courriel du 8 août 2013 adressé au médecin du travail, lui demandait une visite médicale supplémentaire (occasionnelle) pour M. [V], qui était effectivement organisée le 21 août 2013, après une période de congés payés du salarié.

En effet, M. [V] avait pu émettre le souhait le 7 août 2013, devant le directeur du site, le directeur des opérations sites et la responsable des ressources humaines, de continuer comme préparateur de commandes/cariste à condition d'être mieux rémunéré et de devenir agent de maîtrise.

C'est ainsi que le médecin du travail rendait un nouvel avis d'aptitude avec les mêmes restrictions que précédemment sur le poste de préparateur de commandes/cariste.

Au vu de cette chronologie aucun manquement ne peut être reproché à la société quant au respect des préconisations du médecin du travail, du temps étant nécessaire pour trouver une solution adaptée à M. [V], d'autant qu'il acceptait mal le changement de poste nécessité par son état de santé et que la société n'était pas disposée à lui accorder une augmentation.

De son côté, M. [V] n'établit pas avoir été sans travail entre janvier et septembre 2013, même si parfois il devait rester dans les vestiaires ou le réfectoire quand le nombre d'engins autoportés étaient en nombre insuffisant, ce que la société ne conteste pas formellement.

Il en résulte que la demande de nullité du licenciement pour non respect des préconisations du médecin du travail est mal fondée et sera donc rejetée.

Sur le non respect de l'obligation de sécurité et de santé au travail :

L'article L 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité du travail, des actions d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Cette obligation de l'employeur est méconnue lorsque l'employeur, averti de la situation de danger, s'est abstenu de prendre les mesures adaptées pour y mettre fin.

M. [V] soutient que sa maladie professionnelle et ses accidents du travail seraient liés à l'absence de prévention des risques par l'organisation de formations du personnel technique comme lui, la formation relative aux gestes et posture de sécurité n'ayant été organisée que le 21 septembre 2013.

La société ne produit aucun élément établissant avoir organisé des formations internes sur la prévention des risques professionnels, la simple mention faite par le médecin du travail le 26 novembre 2009 à l'occasion de l'étude de poste de M. [V], selon laquelle des mesures de prévention collective et individuelle sont mises en place dans l'entreprise, est insuffisante pour rapporter la preuve de l'organisation concrète de mesures de formation, la société n'étayant pas ce constat général par des pièces.

Ce n'est que le 21 septembre 2013 qu'une formation sur les gestes et postures de sécurité a été organisée au sein de la société et proposée à M. [V], ce qui est établi.

Au regard des accidents du travail successifs de M. [V] entre 2009 et 2013, la société aurait du lui proposer, et proposer aussi aux autres salariés conduisant des chariots et portant des charges lourdes, des formations régulières sur la prévention des risques liés au poste de préparateur de commandes/cariste, ce que la société ne démontre pas avoir fait, la formation de septembre 2013 étant bien tardive.

Par ailleurs, le poste de préparateur de commandes/cariste expose à des problèmes de santé liés au port de charges lourdes, à la répétition de gestes et aux vibrations des chariots, ce dont les visites médicales passées par M. [V] attestent.

En outre, les certificats médicaux de ses médecins traitants à partir de 2008 démontrent qu'il existe un lien entre son travail et ses problèmes de santé (douleurs des membres supérieurs après 3 ou 4 heures de travail) le médecin du travail préconisant d'ailleurs en 2013 la saisine de la MDPH (maison du handicap) pour reconnaissance d'un handicap.

Le manquement de la société à l'obligation de sécurité et de santé au travail justifie la condamnation de la société à payer à M. [V] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts, cette absence de formation ayant contribué au moins en partie à la dégradation de la santé du salarié.

Sur le licenciement pour faute grave :

L'article L1235- 1 du code du travail dispose que le juge doit apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que la faute grave est celle qui empêche la poursuite de la relation contractuelle et rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la période de préavis de par la perturbation importante qu'elle apporte au fonctionnement de l'entreprise.

Aux termes de la lettre de licenciement, la société reproche à M. [V] d'avoir insulté M. [N], directeur de site, le 10 septembre 2013 à 15h, alors que ce dernier devait lui remettre un avenant à son contrat de travail pour valider à compter du 1er octobre 2013 son changement de poste, que M. [V] avait accepté par lettre du 13 août 2013.

Il est mentionné que ce dernier aurait tenu les propos suivants : « Oui d'accord mais augmentation de salaire, meilleur coefficient agent de maîtrise.», puis M. [N] lui précisait les conditions du poste, c'est alors que M. [V] aurait hurlé en disant : «tu es raciste, tu ne fais évoluer que les blancs...tu es un menteur, un raciste.»

Le lendemain à 9h45 , M. [V] aurait interpelé M. [P] de manière agressive en disant:«sale raciste, menteur, enculé, tu vas voir ce qu'il va t'arriver.».

M.[N] lui demandant de le suivre dans le bureau de Mme [T] la responsable des ressources humaines, M.[V] aurait poussé M. [N] par l'épaule, tout en disant devant Mme [T] : «il va voir ce qu'il va voir», puis s'approchait de cette dernière en lui disant :«toi ta gueule».

Dès le 22 septembre 2013 M.[V] écrivait à Mme [T] la responsable des ressources humaines pour contester son licenciement, qu'il estimait lié à ses réclamations en matière d'évolution de son salaire.

Par lettre circonstanciée du 27 janvier 2014, M.[V] contestait les propos rapportés dans la lettre de licenciement, soutenant que le 10 septembre 2013 M. [N] était venu vers lui pour lui demander ce qu'il faisait comme travail et il avait répondu qu'il aidait le préparateur et qu'il restait dans les vestiaires ou au réfectoire comme son responsable lui avait demandé vu l'absence de tire palettes autoporté ; M. [N] lui aurait alors dit :'» De quoi te plains- tu ' Les autres indiens eux travaillent et sont payés comme toi, alors que toi tu es payé à rien faire ; ils me demandent pourquoi on te paie tes primes.'», et il aurait répondu qu'il ne comprenait pas pourquoi il appelait ses collègues les indiens et qu'il était raciste.

Le lendemain, M. [N] était venu le chercher à son poste de travail pour se rendre dans le bureau de Mme [T] la responsable des ressources humaines, et il avait commencé à se plaindre de lui en criant qu'il l'avait traité de raciste, puis Mme [T] avait crié sur lui en lui disant qu'il était mis à pied.

Les affirmations de M.[V], qui retracent néanmoins une altercation verbale avec M. [N] le 10 septembre 2013, ne sont étayées par aucune pièce, ce qui ne permet pas de les prendre en compte dans leurs détails sur les propos tenus.

A l'appui des griefs, la société verse deux attestations de témoins :

- celle de Mme [Y], comptable dans la société, disant avoir entendu le 11 septembre 2013 des cris venant du bureau de Mme [T], et avoir été rassurée de voir que M. [N] était également dans ce bureau; elle indique avoir entendu M.[V] tenir des propos menaçant et crier des insultes, sans toutefois préciser les propos tenus ; elle précisait qu'elle avait déjà entendu M.[V] crier dans le bureau de Mme M les 23 janvier et 17  juin 2013;

- celle de Mme [M], qui travaille comme assistante de direction dans la  société; elle rapporte avoir entendu M. [V] crier les 17 juin et 11 septembre 2013 dans le bureau de Mme M, ce dernier jour en présence de M. [N].

Les termes de ces deux attestations sont imprécis, car ne donnent pas la teneur des propos insultants.

Cependant, elles établissent que M.[V] a crié devant son supérieur hiérarchique et la responsable des ressources humaines, au point de faire accourir d'autres salariés; cette attitude fautive de M.[V] ne constitue pas toutefois une faute grave, dans le contexte de tensions rappelé plus haut, et vu l'absence de sanctions disciplinaires depuis plus de 2 ans.

La mise à pied étant peu adaptée, il sera fait droit à la demande de rappels de salaire de ce chef, les modalités de calcul n'étant pas contestées.

En conséquence, le licenciement pour faute grave de M.[V] sera requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, ce qui justifie que lui soient allouées les sommes suivantes :

- 3 478,55 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 338,72 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 333,87 € au titre des congés payés afférents,

- 767,13 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire du 11 au 30 septembre 2013, outre celle de 76,71 € au titre des congés payés afférents,

- 283,28 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire du 1er octobre 2013, outre celle de 28,32 € au titre des congés payés afférents,

soit au total la somme de 1 050,41 €, outre les congés payés afférents, outre celle de 105,04 € au titre des congés payés afférents.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014, date de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation.

Sur les demandes accessoires :

La somme de 1 500 € sera allouée à M.[V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de MONTMORENCY en date du 6 juillet 2015, et statuant à nouveau :

Requalifie le licenciement pour faute grave de M.[V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE à payer à M.[V] les sommes suivantes :

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour le manquement à l'obligation de sécurité et de santé au travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- 3 478,55 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 338,72 € à titre d' indemnité de préavis, outre celle de 333,87 € au titre des congés payés afférents,

- 1 050,41 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre celle de 105,04 € au titre des congés payés afférents,ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014 ;

Condamne la société GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société GLOBAL SERVICES AUTOMOTIVE aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03980
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03980 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;15.03980 ?
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