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31/05/2024 | FRANCE | N°22/01784

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 31 mai 2024, 22/01784


31/05/2024



ARRÊT N°2024/177



N° RG 22/01784 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OY22

MD/CD



Décision déférée du 20 Avril 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBI ( F 21/00038)

M.T. CHEVALLIER-JOLIMAITRE

Section Activités Diverses

















[M] [X]





C/



Association MFR [Adresse 1]


































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 31/5/24

à Me FRECHIN, Me TERRIE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANT



Monsieur [M] ...

31/05/2024

ARRÊT N°2024/177

N° RG 22/01784 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OY22

MD/CD

Décision déférée du 20 Avril 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBI ( F 21/00038)

M.T. CHEVALLIER-JOLIMAITRE

Section Activités Diverses

[M] [X]

C/

Association MFR [Adresse 1]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 31/5/24

à Me FRECHIN, Me TERRIE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [M] [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

Association MFR [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thibault TERRIE de la SELARL TERRIE CHACON, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [X] a été embauché le 22 mai 2018 par l'Association de la Maison Familiale Rurale de [Adresse 1] (l'AMFRBA) en qualité de comptable suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des maisons familiales rurales.

Le salarié a été absent pour maladie du 13-05 au 07-06-2019 puis du 24-06 au 07-07-2019.

L'AMFRBA a mandaté le cabinet Pôle Sud pour établir les bulletins de salaires de mai et juin 2019 puis pour réaliser un audit comptable.

En raison de plusieurs anomalies comptables relevées par le cabinet mandaté, l'AMFRBA a convoqué M. [X] par courrier du 5 juillet 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Puis l'AMFRBA a notifié à M. [X] un avertissement le 30 août 2019.

M. [X] a contesté cet avertissement le 4 septembre 2019, mais l'AMFRBA a maintenu sa décision par réponse courrier du 18 septembre 2019.

M. [X] a été élu représentant du personnel suppléant du conseil social et économique en décembre 2019.

M. [X] a été placé en arrêt de travail du 16 mars au 30 avril 2020.

En juillet 2020, l'AMFRBA a mandaté la réalisation d'un second audit comptable, qui a révélé des anomalies.

M. [X] a été placé en arrêt de travail du 2 septembre au 13 décembre 2020.

Par courrier du 11 septembre 2020, l'AMFRBA a convoqué M. [X] à un entretien préalable au licenciement.

Le 25 septembre 2020, M. [X] a demandé la signature d'une rupture conventionnelle. L'AMFRBA l'a refusée à l'occasion d'un entretien s'étant tenu le 5 octobre 2020.

Par courrier du 20 octobre 2020, l'AMFRBA a adressé une demande d'autorisation de licenciement à l'Inspection du travail. Cette demande a été rejetée par notification du 20 novembre 2020, au motif que la procédure de convocation à l'entretien préalable n'avait pas été respectée.

Par courrier du 2 décembre 2020, l'AMFRBA a de nouveau convoqué M. [X] à un entretien fixé au 15 décembre 2020 en vue de négocier la signature d'une rupture conventionnelle.

Par courrier du 5 février 2021, M. [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Albi le 31 mars 2021 pour demander que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul, demander la reconnaissance d'une discrimination syndicale de l'employeur à son encontre ainsi que le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes d'Albi, section activités diverses, par jugement du 20 avril 2022, a:

- dit que M. [X] n'apporte pas la preuve que l'AMFRBA a commis des violations et manquements graves, a exécuté fautivement le contrat de travail, a violé le statut protecteur et s'est rendue coupable de discrimination syndicale.

- dit que la prise d'acte de rupture produit donc les effets d'une démission.

- dit que l'AMFRBA n'a pas à majorer le salaire de M. [X] de 6% au titre de l'ancienneté.

En conséquence,

- débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [X] au paiement de la somme de 2 030,16 euros au titre du préavis non exécuté de l'AMFRBA,

- condamné M. [X] à payer la somme de 1 000 euros à l'AMFRBA au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] au paiement des entiers dépens,

- débouté l'AMFRBA de ses demandes au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 mai 2022, M. [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 27 avril 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 octobre 2022, M. [M] [X] demande à la cour de :

- déclarer recevable et justifié son appel,

- juger que la prise d'acte de la rupture repose sur des violations et manquements graves de la part de l'association et qu'elle doit produire les effets d'un licenciement nul,

- juger que l'AMFRBA a exécuté fautivement le contrat de travail,

- juger que l'association a violé le statut protecteur et s'est rendue coupable de discrimination syndicale,

- juger que l'association devait majorer son salaire de 6% au titre de l'ancienneté

En conséquence, condamner l'AMFRBA à lui payer les sommes suivantes :

Indemnité de préavis : 4 060,32 euros (2 mois) et 406.03 euros de congés payés afférents

Indemnité de licenciement : 2 537,70 euros

Dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 10 000 euros

Dommages-intérêts pour licenciement nul : 73 085,76 euros

Dommages-intérêts pour discrimination syndicale et violation du statut protecteur:

10 000 euros

Rappel de salaire au titre de la majoration d'ancienneté de 6% : 3 536.78 euros

- débouter l'association de sa demande relative à l'application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- ordonner à l'AMFRBA la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 240 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à venir,

- juger que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à la somme de 2 030,16 euros,

- condamner l'AMFRBA à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2022, l'association MFR [Adresse 1] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* dit que M. [X] n'apportait pas la preuve qu'elle avait commis des violations et manquements graves, exécuté fautivement le contrat de travail et violé le statut protecteur et s'était rendu coupable de discrimination syndicale,

* dit que la prise d'acte de rupture produisait donc les effets d'une démission,

* dit qu'elle n'avait pas à majorer le salaire de M. [X] de 6% au titre de l'ancienneté,

En conséquence :

* débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

* condamné M. [X] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [X] au paiement des entiers dépens.

- réformer le jugement rendu en ce qu'il a condamné M. [X] à lui payer la somme de 2.030,16 euros au titre du préavis non exécuté,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile.

En conséquence et statuant à nouveau :

- juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [X] produit les effets d'une démission,

- en conséquence, débouter M. [X] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

- condamner M. [X] à lui verser à la somme de 4.060,32 euros (2 mois) correspondant au montant de l'indemnité compensatrice de préavis de démission non exécuté,

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 15 mars 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

La prise d'acte s'analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l'initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l'exécution de ses obligations. Elle ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d'une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

Contrairement au licenciement, la lettre de prise d'acte ne circonscrit pas le litige.

Il incombe au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque. En l'espèce, ce régime est à combiner avec celui du harcèlement moral et de la discrimination syndicale.

En application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L 1152-3 et L1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de l'article L1132-1 du code du travail que constitue une discrimination syndicale le fait pour l'employeur d'écarter d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, de sanctionner, de licencier, d'exclure un salarié d'avantages accordés à d'autres salariés de l'entreprise placés dans une situation identique, ou de lui faire subir un traitement particulier notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, pour des raisons liées à son appartenance syndicale.

L'article L 2141-5 du code du travail dispose : « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Un accord détermine les mesures à mettre en 'uvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle. »

L'article L.1134-1 précise : « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise où le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article premier dela loi du 27mai2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir donné ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile'.

La démonstration de l'existence de la discrimination suppose qu'il soit établi qu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est ou ne l'aura été dans une situation comparable, sur le fondement de motifs illicites (âge, nationalité, race ethnie, sexe, situation de famille ou grossesse, conviction, handicap, appartenance syndicale, notamment).

Dans ce cadre, le principe ne fait pas toutefois obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

***

La lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail est ainsi libellée:

'J'ai subi des abus de droits répétés, à savoir :

- d'une modification de mon contrat de travail sans mon accord, donc il n'est plus exécuté de bonne foi, art L.222-1 du code du travail,

- n'a pas repris mon ancienneté dans le métier contrairement aux autres salariés,

- m'empêche d'exercer mon mandat de délégué suppléant CSE,

- n'assure pas ma sécurité et ne protège pas ma santé,

- n'a pas assuré d'éventuelles formations afin de rester compétent,

- n'a pas assuré l'entretien d'évolution professionnelle,

- du non paiement de rappel de salaire (litige procédure licenciement refusé par l'inspecteur du travail salarié protégé, reste dû de 6% sur l'année civile 2019).

Lesquels sont prohibés par le code du travail (imposant l'exécution de bonne foi du contrat de travail par les deux parties).

Je considère que ces faits répétés sont constitutifs d'une grave défaillance à vos obligations légales, et je me vois placé dans l'impossibilité de poursuivre mon contrat de travail.

Par la présente je prends donc acte de la rupture de mon contrat de travail, laquelle me libère de mes obligations à votre égard et de toute période de préavis.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me transmettre sans délai les documents obligatoires de fin de contrat.

De plus, je vous informe de la saisine du conseil des prud'hommes d'Albi, afin qu'il soit jugé que cette prise d'acte de la rupture a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.'

M. [X] allègue que la prise d'acte de rupture du contrat de travail est due à des violations de ses obligations par l'employeur, à savoir:

- le refus de reprendre son ancienneté dans le métier contrairement à d'autres salariés,

- le défaut de tenue des entretiens individuels,

- la non inscription à des formations professionnelles,

- un harcèlement disciplinaire

lesquelles s'inscrivent dans le cadre d'une discrimination syndicale et d'une violation du statut protecteur, qui l'ont privé d'une évolution professionnelle et salariale.

Il fait valoir les éléments suivants:

- la non reprise de l'ancienneté avec majoration de 6% et un coefficient de 314 points pour 9 ans d'ancienneté dans le métier a engendré une perte de salaire de 18.086.25 € pour la période de juin 2018 à janvier 2021, outre les congés payés afférents.

Il indique qu'également l'association est redevable d'un rappel de salaire de 6% en raison de l'écart de prélèvement de la cotisation d'assurance maladie-maternité-invalidité-décès à 13% au lieu de 7% soit 1.270,97 euros net.

Si dans les motifs de ses conclusions, le salarié réclame 'paiement de ces sommes', le dispositif par lequel la cour est seulement tenue, comporte une seule demande de rappel de salaire au titre de la majoration de 6% de 3536.78 euros.

- l'absence d'entretien annuel individuel et de point sur sa situation,

- le défaut de formation nécessaire à son adaptation, pour lequel il réclame 10000,00 euros de dommages et intérêts,

- un harcèlement disciplinaire, l'association ayant tenté à 2 reprises de le licencier sans succès, la première fois elle lui a notifié un avertissement qu'il a contesté et la seconde fois, l'autorisation administrative a été rejetée, aussi l'employeur lui a proposé une rupture conventionnelle qu'elle lui avait antérieurement refusée,

- étant élu délégué suppléant au CSE, il se trouvait en grande difficulté pour exercer son mandat.

Il ajoute qu'il a été placé en arrêt maladie du 02 septembre au 13 décembre 2020 et à son retour, il lui a été demandé de ne plus se présenter à son poste.

Il a pris acte de la rupture le 05 février 2021.

L'appelant verse diverses pièces: la convention collective - un mail du 16-10-2018 sollicitant le reprise d'une ancienneté d'exercice professionnel - les procédures de licenciement et avertissement et les audits établis par le cabinet Pôle Sud les 11 juillet 2019 et 13 juillet 2020 - les bulletins de salaire.

***

A l'examen des pièces versées à la procédure, la cour constate que l'appelant ne communique aucun élément pouvant corroborer une entrave à l'exercice de son mandat de suppléant auprès du CSE alors même que M. [C], secrétaire titulaire CSE [Adresse 1], atteste que M. [X] élu suppléant CSE en 2019 et membre titulaire de la commission CSSCT de l'établissement a assisté à plusieurs réunions dont il précise les dates entre février et août 2020.

Si ce grief est écarté, les autres éléments de fait présentés par M. [X], pris en leur ensemble, font supposer l'existence d'un harcèlement et d'une discrimination en raison de l'exercice par lui d'un mandat de représentation du personnel.

Il appartient à l'association de prouver que le défaut d'évolution salariale et professionnelle de l'appelant est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'association réfute tout manquement et toute discrimination en lien avec le mandat représentatif de l'appelante.

Sur l'ancienneté

Tel que l'oppose la société, cette reprise est une faculté et non une obligation de l'employeur, ce qui s'évince des termes de la convention collective: 'les années d'expérience peuvent être prises en compte pour le calcul du salaire'.

Cet élément objectif exclut tout grief. Il sera également relevé que le salarié, lequel ne produit pas de comparatif avec un salarié dans la même situation, avait évoqué cette problématique par courriel du 10 octobre 2018, à laquelle l'association n'a pas fait droit, soit antérieurement à sa désignation en tant que représentant du personnel.

Sur le défaut d'entretien annuel d'évaluation

Aux termes de l'article L6315-1 du code du travail, les salariés bénéficient d'un entretien professionnel, consacré aux perspectives d'évolution professionnelle, notamment en matière de qualification et d'emploi, de manière périodique tous les deux ans sauf périodicité différente prévue contractuellement.

En l'espèce, le contrat de travail prévoit un entretien bi-annuel. M. [X] a été engagé le 22 mai 2018 et disposait de 2 ans et 8 mois d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail.

L'association explique que les entretiens professionnels des salariés se sont déroulés sur la période du 24-11-2020 au 23-01-2021 (selon document récapitulatif en pièce 6), période pendant laquelle l'appelant a été en arrêt de travail du 02-09-2020 au 13-12-2020 puis en dispense d'activité dans l'attente de l'issue de la procédure de rupture conventionnelle.

La cour constate que 2 salariés en situation comparable d'échéance bi-annuelle ont fait l'objet d'évaluation pour l'une le 24-11-2020 et pour l'autre le 13-01-2021, soit postérieurement au délai de deux ans. Outre qu'il n'était pas prévu d'entretien annuel dans le contrat de travail, les périodes successives de crise sanitaire, arrêt-maladie et dispense d'activité ont fait obstacle à la mise en oeuvre dans le délai de 2 ans de l'entretien professionnel de M. [X]. Ces éléments objectifs excluent tout lien à l'exercice du mandat représentatif.

- Sur le défaut de formation

Il est de principe que l'employeur doit assurer l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi et veiller au maintien de son employabilité.

L'association réplique que le salarié avait fait part lors de son recrutement d'une longue expérience professionnelle et que ce dernier 'ayant d'autres projets' a le 11-03-2020 sollicité une formation de brevetu'elle a refusée car trop éloignée de sa profession de comptable.

La cour note le caractère objectif du refus de cette formation sans lien avec l'évolution du poste.

A la suite de l'audit de juillet 2019 et dans la lettre d'avertissement, l'employeur demandait au salarié de lui indiquer s'il avait besoin d'une formation complémentaire.

Or si le salarié peut effectivement émettre une demande, il appartient à l'employeur d'apprécier la nature de la formation utile au développement des compétences dans l'emploi, ce dont l'association ne justifie pas.

En tout état de cause, le défaut de mise en oeuvre d'une formation n'est pas en lien avec l'exercice du mandat représentatif ayant débuté plusieurs mois après l'établissement de l'audit.

Par ailleurs, l'appelant ne démontre pas d'incidence sur son employabilité ni avoir subi un préjudice à hauteur de la somme de 10000,00 euros qu'il réclame, puisqu'il résulte de son profil Lynkedin qu'il a trouvé immédiatement après la prise d'acte, un emploi d'assistant GRH. Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le harcèlement disciplinaire

L'appelant s'appuie sur la chronologie des procédures engagées pour invoquer des agissements de harcèlement moral.

. A la suite de l'audit de juillet 2019 par le cabinet Pôle Sud, l'association a convoqué M. [X] à un entretien préalable à licenciement au terme duquel il était envisagé un licenciement mentionné selon fiche d'entretien et compte-rendu produits par le salarié pour 'faute et insuffisance professionnelle'.

Un avertissement a été prononcé le 30 août 2019 que l'appelant a contesté le 04 septembre 2019, au motif notamment que certaines erreurs étaient pré-existantes à son arrivée.

. Le 22 septembre 2019, une réunion a eu lieu en présence d'un représentant du CHSCT pour clarifier suite à l'audit les missions du comptable et du directeur, tel qu'il ressort du compte-rendu non contesté versé par l'appelant .

M. [X] y fait part d'un certain mal-être et de ce qu'il ne dispose pas de toutes les informations et outils nécessaires pour accomplir son travail, que son bureau a été fouillé en son absence, qu'il n'a plus d'accès au réseau, les mots de passe de certains sites ont été changés.

. Une seconde procédure de licenciement a été initiée par courrier de convocation à entretien fixé au 21 septembre 2020, au motif de nouvelles anomalies comptables relevées lors d'un nouvel audit du cabinet Pôle Sud.

La demande d'autorisation de licenciement pour fautes et insuffisance professionnelle formée le 21octobre 2020 auprès de l'inspection du travail a été rejetée le 20 novembre 2020 pour non respect du délai de 5 jours ouvrables minimum entre la convocation et la date de l'entretien préalable.

. Par courrier du 2 décembre 2020, l'association proposait à M. [X] de reprendre les discussions sur une éventuelle rupture conventionnelle. Le 14 décembre 2020 elle fixait un entretien au 15 décembre, dispensait d'activité le salarié et lui proposait à l'issue et par courrier une indemnité de 3 mois de salaire avec un délai de réponse au 04 janvier 2021.

A l'examen des pièces, il ne peut être fait grief à l'employeur, dès lors qu'il existe des éléments permettant de révéler des erreurs ou fautes répétées d'un salarié, d'engager une procédure pouvant aller jusqu'à un licenciement.

Lors de la première procédure, l'association s'est fondée sur un audit réalisé en juillet 2019 qui a mis en exergue de multiples anomalies sur les bulletins de paie relatives à des taux de cotisations, décomptes de congés payés et indemnisations lors de périodes de maladie. Tenant compte des explications du salarié mais rappelant qu'il ne pouvait s'exonérer par le fait que des pratiques auraient existé avant son arrivée, alors que de par sa fonction, il avait une obligation de contrôle et de respect des règles légales et comptables, un avertissement a été notifié.

Si M. [X] l'a contesté, il n'en sollicite pas l'annulation.

L'intéressé a été en outre informé qu'un nouvel audit serait réalisé quelques mois plus tard et une réunion a été organisée pour préciser les missions et trouver des solutions aux difficultés évoquées, ce qui ne caractérise pas une volonté de l'employeur de mettre fin à la relation contractuelle.

Ce sont les conclusions du second audit comptable qui ont déterminé l'association, au vu de la persistance des erreurs, à saisir l'inspection du travail. La procédure n'a pas abouti pour cause de vice de procédure et l'association n'a pas réitéré la demande, préférant revenir sur le terrain de la contractualisation d'une rupture conventionnelle précédemment initiée par le salarié par courrier du 25 septembre 2020.

A cette date, il était en arrêt-maladie mais ne faisait part d'aucun grief et motivait cette demande par le souhait de se consacrer à d'autres projets.

Dès lors, la cour considère que les éléments présentés par le salarié ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Le seul grief retenu de défaut de formation, sans qu'il soit établi un préjudice ni un lien avec l'exercice du mandat représentatif, ne peut caractériser une discrimination syndicale.

Aussi, en l'absence de manquement grave du fait de l'employeur, la prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement nul et sera considérée comme produisant les effets d'une démission.

L'appelant dont le salaire mensuel était de 2030,16 euros, n'ayant pas effectué le préavis de 2 mois lui incombant en raison de son ancienneté de plus de 2 ans, tel que prévu par la convention collective nationale, sera condamné à verser à l'association une somme de 4060,32 euros à titre d'indemnité, le jugement étant infirmé sur le quantum.

Sur la demande reconventionnelle de l'association

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'association sollicite la condamnation de l'appelant à verser 3000 euros de dommages et intérêts, considérant la procédure engagée comme abusive.

L'association ne fait pas la preuve, au regard des éléments de discussion, de l'abus d'agir en justice de M. [X], ce qui conduit la cour à confirmer le rejet de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les demandes annexes:

Il n'y a pas lieu à condamnation de l'association à remettre des documents sociaux rectifiés sous astreinte,

M. [X], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Le jugement de première instance est confirmé en ce qu'il a condamné M. [X] aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de la somme due au titre de la non exécution du préavis,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [X] à payer à l'association MFR de [Adresse 1] la somme de:

- 4060,32 euros au titre du préavis non exécuté,

Déboute M [X] du surplus de ses demandes.

Condamne M. [M] [X] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre.

La Greffière, P/La Présidente,

La conseillère,

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/01784
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.01784 ?
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