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31/05/2024 | FRANCE | N°22/01082

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 31 mai 2024, 22/01082


31/05/2024



ARRÊT N°2024/176



N° RG 22/01082 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OVWG

MD/CD



Décision déférée du 08 Mars 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Foix

( 20/00039)

P.DUTEIL

Section Activités Diverses

















S.A.R.L. R.TECH





C/



[W] [P]







































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée

le 31/5/24

à Me CORRAL, Me GALAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.A.R.L. R.TECH

[Adresse 4]

[Localité 1...

31/05/2024

ARRÊT N°2024/176

N° RG 22/01082 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OVWG

MD/CD

Décision déférée du 08 Mars 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Foix

( 20/00039)

P.DUTEIL

Section Activités Diverses

S.A.R.L. R.TECH

C/

[W] [P]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 31/5/24

à Me CORRAL, Me GALAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.R.L. R.TECH

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Geoffrey CORRAL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM''E

Madame [W] [P]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Agnès GALAN, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.006885 du 02/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM'', présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] [P] a été embauchée le 7 janvier 2019 par la Sarl R.Tech exerçant une activité de conseil pour les affaires et la gestion, en qualité d'assistante de direction suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil (Syntec).

A compter du 13 juillet 2019, les parties ont régularisé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (20 H par semaine) avec reprise d'ancienneté au 7 janvier 2019.

Par avenant du 1er février 2020, la durée de travail de Mme [P] a été portée à 24 H par semaine soit 104 heures par mois, les jours et horaires de travail étant les lundi- mardi-jeudi et vendredi de 8H30 à 14H30.

Par courrier du 4 juin 2020, Mme [P] a sollicité la signature d'une rupture conventionnelle.

Par réponse courrier du 5 juin 2020, la Sarl R.Tech a refusé.

Mme [P] a été placée en arrêt de travail le 9 juin 2020.

Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Foix le 29 juin 2020 pour demander la requalification de son contrat à temps partiel en contrat de travail à temps plein, sa résiliation judiciaire, ainsi que le versement de diverses sommes.

Par courrier du 1er août 2020, Mme [P] a notifié à la Sarl R.Tech une prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Le conseil de prud'hommes de Foix, section activités diverses, par jugement de départage du 8 mars 2022, a:

- condamné la Sarl R.Tech à payer à Mme [P] la somme de 2 468,77 euros au titre des heures complémentaires pour la période du 21 janvier 2019 au 15 mars 2020, outre la somme de 246,88 euros au titre des congés payés afférents,

- requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [P] en contrat de travail à temps complet à compter du 16 mars 2020,

- en conséquence, condamné la Sarl R.Tech à payer à Mme [P] les sommes suivantes:

1 507,24 euros au titre de rappel de salaire, outre la somme de 150,72 euros au titre des congés payés afférents,

217,54 euros au titre des heures supplémentaires de la semaine 12 et 13 de l'année 2020, outre la somme de 21,75 euros au titre des congés payés afférents.

- condamné la Sarl R.Techà payer à Mme [P] la somme de 543,68 euros au titre du maintien du salaire pendant l'arrêt maladie, outre la somme de 54,36 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné la Sarl R.Tech à payer à Mme [P] la somme de 1 807,91 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de loyauté dans l'exécution du contrat de travail et de protection de la santé de la salariée.

- requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur intervenue le 1er août 2020 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamné la Sarl R.Tech à payer à Mme [P] les sommes de :

1 807,91 euros au titre du préavis, outre la somme de 180,79 euros au titre des congés payés,

715,63 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3 615,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamné la Sarl R.Tech à remettre à Mme [P] les documents de fin de contrat (bulletin de salaire, attestation Pôle emploi, certificat de travail) conformes à la présente décision et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement,

- dit n'y avoir lieu pour la présente juridiction de se réserver la liquidation de l'astreinte,

- dit que les intérêts au taux légal sur les sommes mises à la charge de la défenderesse courront à compter de la présente décision,

- condamné la Sarl R.Tech aux dépens,

- condamné la Sarl R.Tech à payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles pour laquelle il sera fait application à l'article 700 2° du code de procédure civile au profit de Me [N],

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- dit que le salaire moyen des trois derniers mois est de 1 807,91 euros.

Par déclaration du 16 mars 2022, la Sarl R.Tech a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 10 mars 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 juin 2022, la Sarl R.Tech demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement.

Et, statuant à nouveau,

- juger que Mme [P] a été payée de l'intégralité de ses heures de travail,

- juger qu'il n'y pas lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

- juger que la prise d'acte de la salariée n'est pas légitime et en conséquence,

- requalifier la prise d'acte de Mme [P] en démission,

- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner Mme [P] au paiement de l'indemnité de préavis soit la somme de 1239,68 euros,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 août 2022, Mme [W] [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la Sarl R.Tech sera condamnée à lui remettre des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conformes à l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard suivant la date de signification de l'arrêt,

- débouter la Sarl R.Tech de ses demandes à son encontre,

- condamner la Sarl R.Tech à verser la somme de 3 000 euros au profit de Maître [G] [N], au titre des dispositions combinées de l'article 700 2° du code de procédure civile et de la loi du 10 juillet 1991, recouvrée conformément à ces dispositions pour la procédure d'appel,

- condamner la Sarl R.Tech aux entiers dépens de la procédure d'appel, dont les frais de signification de l'arrêt.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 15 mars 2024.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [P] ayant procédé à une prise d'acte de rupture du contrat de travail postérieurement à l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, il n'y a pas lieu à statuer sur celle-ci mais uniquement sur la prise d'acte.

La prise d'acte s'analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l'initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l'exécution de ses obligations. Elle ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d'une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.Contrairement au licenciement, la lettre de prise d'acte ne circonscrit pas le litige.

Il incombe au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque.

La lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail est ainsi libellée:

« par la présente, je me vois contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la société R.TECH.

Lorsque j'ai commencé à travailler pour vous, j'étais pleine d'espoir et fière d'intégrer une entreprise telle que la vôtre.

J'ai eu à c'ur d'accomplir mon travail avec sérieux et professionnalisme, j'ai réalisé beaucoup d'heures compte tenu de vos instructions, des différentes missions que vous m'avez confiées et de la charge de travail que cela engendrait pour moi.

J'ai essayé de tenir le coup le plus longtemps possible, je vous ai également demandé plusieurs fois que mon contrat de travail et mon salaire soient mis en conformité avec la charge de travail que j'assumais à votre demande.

Pour autant, je me suis systématiquement heurtée à un refus de votre part, aucun dialogue n'était possible sur mes conditions de travail, de même que la manière dont je recevais vos instructions été très particulière, puisque je devais respecter des « to do lists » que vous remplissiez, au fur et à mesure, me demandant de réaliser de nombreuses tâches, notamment du type « sortir les poubelles », etc.

En mai 2020, vous n'avez donné l'ordre, en plus de toutes les tâches que vous m'aviez assignées, de nettoyer les toilettes deux fois par jour, au motif que je suis office manager, ce qui m'a semblé dégradant et humiliant, car ça n'a pas de lien particulier avec mon poste. J'ai malgré tout consenti à le faire, pour le bien des personnes travaillant dans l'entreprise, tout en me disant que je ne méritais pas ce traitement.

C'est effectivement à cette période que la dégradation de mes conditions de travail s'est accélérée, dans la mesure où j'ai dû porter les réclamations et souhaits des salariés de l'entreprise dans le cadre du déconfinement (les rapports que je vous ai remis), et que manifestement, le fait que nous nous soyons exprimés sur nos conditions de travail, ne vous a pas plu. Or, comment aurions-nous pu faire autrement dès lors qu'aucune représentation du personnel n'a jamais été mise en place dans l'entreprise '

Face à toutes mes difficultés au travail, et voyant que rien ne s'arrangeait, bien au contraire, j'ai essayé de trouver une solution amiable en vous demandant une rupture conventionnelle de mon contrat de travail, ce que vous avez refusé.

Compte tenu de mon mal-être au travail, et ne pouvant plus continuer comme ça, j'ai craqué.

Depuis le 9 juin 2020, mon médecin traitant m'a placée en arrêt de travail pour maladie, et l'a prolongé pour « syndrome anxiodépressif réactionnel à une situation professionnelle ». Je vous ai systématiquement envoyé les avis d'arrêt de travail pour maladie.

C'est dans ce contexte que j'ai saisi le Conseil de prud'hommes pour faire reconnaître mes difficultés au sein de la société, car ce que je subis au travail n'est pas normal.

Je suis toujours restée loyale vis-à-vis de vous malgré mes conditions de travail difficile, et j'ai mis un point d'honneur à le rester, notamment pendant mon arrêt de travail pour maladie, lorsque vous m'avez adressé un courrier recommandé me mettant en demeure de vous restituer le matériel informatique mis à ma disposition, et de vous adresser des éléments qui étaient déjà disponibles dans les locaux de la société, tout en modifiant mes codes d'accès aux bases de données de l'entreprise sans m'en informer.

Je suis fatiguée de devoir faire face à des agissements qui ne font qu'accentuer ma peur de revenir travailler au sein de la société et de subir des représailles de votre part.

N'ayant pas la force de supporter plus longtemps cette situation, ne voyant plus d'issue à mes difficultés professionnelles au sein de l'entreprise, je n'ai d'autre choix que de vous notifier la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de la société R.TECH».

Mme [P] reproche à la société divers manquements continus ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé, tels qu'elle a pris acte de la rupture du contrat de travail, à savoir le non respect des règles relatives au temps partiel et un comportement managérial inadapté.

* Sur le temps de travail

L'article L 3171-4 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

- Sur le rappel de salaires pour heures complémentaires

Mme [P] expose que l'employeur lui a imposé dès son engagement, un temps partiel inférieur au minimum légal de 24 H (article L 3123-27 code du travail) et a refusé de s'y conformer jusqu'au 01 février 2020, alors même qu'elle accomplissait régulièrement un nombre d'heures supérieur de 2 heures hebdomadaires à celles prévues contractuellement, du fait des listes de tâches à réaliser en plus de ses missions 'classiques' d'assistante de direction.

Elle sollicite paiement d'heures complémentaires pour la période du 21 janvier 2019 au 15 mars 2020, selon décompte détaillé avec majorations dans les conclusions.

Mme [P] produit:

. les "timesheets" issus du système informatique (BDI) de l'entreprise permettant aux employés de mentionner leurs heures de travail et précisant le nombre d'heures réalisées quotidiennes et mensuelles et la nature des missions correspondant à ces heures (pièce 5) de janvier 2019 à avril 2020,

. un décompte du nombre d'heures effectuées par semaine ( pièce 6),

. les bulletins de salaire

. diverses pièces concernant les tâches accomplies, des sms et courriels adressés hors temps de travail,

Les éléments versés sont suffisamment précis pour permettent à l'employeur de répondre.

La société s'oppose à la demande. Elle réplique que:

. si la salariée a accompli des heures complémentaires, elle l'a fait sans l'accord de l'employeur qui n'est pas redevable, ce d'autant qu'elles n'étaient pas nécessaires,

. les salariés peuvent modifier à tout moment et sans nécessité de validation de l'employeur les heures de travail sur le logiciel déclaratif BDI, lequel concerne les seuls ingénieurs et Mme [P] y a inscrit des heures fictives,

. le logiciel permet d'établir des graphiques analysant le temps de travail par jour en fonction de l'heure de début de travail et de celle de la dernière tâche effectuée ( pièce 11), sans tenir compte des données complétées par le salarié, ce qui montre l'absence d'heures complémentaires et même un nombre d'heures inférieur à celui conventionnel,

. l'appelante a bénéficié de jours de récupération n'apparaissant pas sur les "timesheets",

. des demandes ont pu être faites en dehors du temps de travail qui étaient occasionnelles.

L'appelante ajoute que Mme [X], laquelle a remplacé Mme [P] à compter du 10 juin 2020, a été engagée à temps partiel de 20 heures par semaine puis a demandé à réduire le temps de travail à 17H30 par semaine comme étant suffisant. Elle atteste de la désorganisation et du retard de l'appelante dans son travail, de même Mme [H], ancienne employée, atteste que les missions d'assistante de direction pouvaient être réalisées sur 24 H par semaine.

Sur ce:

L'employeur ne peut faire grief à l'appelante d'avoir complété les " timesheets " à compter de janvier 2019 alors qu'il a adressé cette demande le 20 mars 2020 à l'attention de " tout le monde " et qu'il n'a pas procédé à un contrôle effectif des horaires mentionnés, les graphiques communiqués ne permettant pas de les écarter.

Outre ses missions d'assistante de direction, Mme [P] était amenée à accomplir diverses tâches sollicitées par l'employeur (gestion des stagiaires - communication sur les réseaux sociaux et mise à jour du site Web - suivi du détachement d'un salarié auprès du CNED - gestion du parc auto - répondre à des demandes familiales du gérant M. [O]).

Le 21 décembre 2019, Mme [P] sollicitait une augmentation de ses horaires, " afin d'arriver à mieux gérer " le poste.

Tel que le relève le premier juge à l'analyse des " timesheets ", si Mme [P] avait indiqué être absente certains jours, elle avait néanmoins partiellement travaillé, tel qu'il résulte d'échanges ou opérations par courriels.

Par ailleurs il s'évince des échanges que l'employeur laissait une certaine liberté d'organisation du temps de travail à la salariée (pouvant compenser des absences le lendemain) et qu'il ne produit pas de récapitulatif signé des journées de récupération permettant de vérifier que certaines (en juillet et août 2019) n'auraient pas été décomptées par l'intéressée.

L'attestation de Mme [X] ayant repris le poste sur un temps partiel de Mme [P], sera considérée avec circonspection, celle-ci étant la compagne du gérant, de même que celle de Mme [H], ayant travaillé de novembre 2016 à novembre 2017, soit avant le début du contrat de travail de Mme [P], rédigées au bénéfice de l'employeur, au regard des témoignages versés par Mme [P]. Ainsi Mme [E], qu'elle a remplacée, a exercé du 19 octobre 2017 au 01 février 2019 des missions nombreuses et détaillées en qualité d'assistante de direction/office manager, tout d'abord en temps partiel puis en temps complet. M. [R], ancien développeur logiciel de juillet 2016 à avril 2020, explique que l'office manager est en charge des opérations administratives, de la liaison avec la comptabilité, de la communication interne et externe et que Mme [P] a amélioré l'image et l'aspect commercial de l'entreprise en remodelant notamment le site Web. Il ajoute que Mme [P] était d'autant plus occupée après le départ de Mme [L], stagiaire.

A défaut de production par la société d'éléments de contrôle établissant de façon précise les heures effectivement réalisées par l'appelante, au regard des missions accomplies de nature diverse, il sera fait droit à la demande de paiement d'heures complémentaires pour un montant total de 2468,77 euros outre les congés payés afférents, par confirmation du jugement déféré.

- Sur la requalification à temps complet à compter du 16 mars 2020

L'article L 3123-9 du code du travail dispose que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale.

Il en résulte alors que le contrat de travail peut être requalifié en temps complet à compter de ce dépassement.

Mme [P] soutient que sa durée du travail, du fait des tâches variées à exécuter ( selon relevé en pièce 32), était supérieure à 35 heures hebdomadaires, ainsi tel qu'il ressort des 'timesheets': 38 heures sur la semaine du 16 au 22 mars 2020 et 46 heures sur la semaine du 23 au 29 mars 2020.

Aussi elle prétend à la requalification du temps partiel en temps complet.

La société objecte qu'à compter de mi-mars 2020, du fait de la crise sanitaire, son activité était réduite et que la salariée ne démontre pas avoir été à sa disposition, alors même qu'à compter de janvier 2020, elle exerçait une activité d'agent immobilier (annonces immobilières publiées le 30-01-2020 - mises à jour le 03-04-2020 - pièce 25) et obtenait la carte professionnelle d'agent immobilier auprès de la CCI de Marseille-Provence le 05 mars 2020.

Sur ce:

Dans le cadre du temps partiel et pendant la période de confinement ayant entraîné une diminution des activités de l'entreprise tel que relevé dans le rapport de la réunion du 06 mai 2020 (difficultés relatives à la situation de la société avec un impact général sur la productivité: 80%), Mme [P] a été en télé-travail.

La seule mention sur les 'timesheets' de la réalisation d'un nombre d'heures au-delà de la durée légale est insuffisante à en établir la réalité. Les tâches listées dans la pièce 32 se déroulaient sur plusieurs mois et si pendant la crise sanitaire, Mme [P] avait pour mission d'établir le guide du protocole sanitaire, d'assurer le suivi administratif du personnel et de l'entretien des surfaces, elle n'explicite pas quelles missions auraient nécessité un temps complet de travail, alors même qu'au mois d'avril 2020, avant la reprise d'activité sur site, elle indiquait avoir effectué sur les 4 semaines: 28 H, 30 H, 24 H et 31 H en avril soit 119 heures. Aucune heure n'est portée pour le mois de mai 2020.

L'employeur ayant sollicité un rapport journalier, par courriel du 17 mars 2020 à 14:54, Mme [P] faisait 'le rapport sur la journée' accomplie qui s'inscrivait dans le mi-temps, sans identifier une charge élargie de travail. Elle ne produit pas d'autres rapports journaliers permettant d'établir qu'elle était à disposition de l'employeur.

Elle ne peut se référer au contrat à temps complet de Mme [E], laquelle listait de façon très complète ses tâches à effectuer, administratives mais aussi commerciales n'incombant pas à Mme [P], dans une période précédente à son engagement n'ayant pas connu la crise sanitaire.

Aussi, à défaut d'éléments suffisamment probants, Mme [P] sera déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail en temps complet et de paiement des rappels de salaires à ce titre et pour heures supplémentaires (pour la période du 16 au 29 mars 2020), par infirmation du jugement déféré.

- Sur le rappel de salaires en l'absence de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail pour maladie et congés payés afférents :

Selon l'article 43 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils, le salarié ETAM a droit à un maintien de salaire après un an d'ancienneté, dès le premier jour d'absence pour maladie : pendant un mois, maintien de salaire à 100%, puis les deux mois suivants maintien de 80% du salaire brut.

Mme [P], classée ETAM, fait valoir qu'elle disposait de plus d'un an d'ancienneté à la date de son arrêt de travail pour maladie le 9 juin 2020 .

Elle a perçu 655,59 € d'indemnités journalières de sécurité sociale pour la période du 9 juin 2020 au 10 juillet 2020 et réclame sur la base d'un salaire à temps complet de 1807,91 euros, un rappel de 543,68 euros outre les congés payés afférents.

Outre que la cour n'a pas procédé à la requalification en temps complet, il s'évince de la lecture du bulletin de salaire de juin 2020 que sur la base du salaire à temps partiel, Mme [P] a perçu un complément de salaire au versement des indemnités journalières.

Elle a donc été remplie de ses droits.

- Sur les manquements de la société à ses obligations de loyauté et de protection de la santé de la salariée

En vertu des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme [P] dénonce avoir accompli de nombreuses heures de travail nécessaires au delà du temps partiel déclaré et qui n'ont pas été rémunérées alors qu'elle réclamait de bénéficier d'un contrat à temps complet.

Elle se réfère aux témoignages de Mme [E] et de M. [R] faisant état d'une surcharge de travail et des pressions du gérant.

Elle indique s'être heurtée au refus de l'employeur d'un dialogue sur les conditions de travail et en janvier 2020 il lui a ajouté la tâche de 's'assurer que la poubelle est sortie' ( notification de tâche nouvelle pièce 29).

Par ailleurs, lors du confinement entre mars et mai 2020, le gérant exigeait un rapport quotidien de tous les salariés, ce que Mme [P] devait vérifier.

Elle explique qu'elle devait faire le lien entre les exigences de l'employeur souhaitant un retour des salariés sur site et les doléances du personnel dans la perspective de revenir travailler sur site et a rédigé les compte-rendus des réunions des 6 et 7 mai 2020.

A cette date, l'employeur lui a demandé de nettoyer les toilettes deux fois par jour.

Face à la dégradation de sa santé physique et mentale, elle a demandé le 04 juin 2020 la conclusion d'une rupture conventionnelle, ce qui lui a été refusé.

Elle a été placée en arrêt maladie pour « syndrome anxio dépressif réactionnel à situation professionnelle », prolongé en juillet 2020.

La société, après avoir reçu la convocation devant le conseil de prud'hommes, lui a demandé de restituer son matériel professionnel.

Aussi elle a été contrainte de notifier le 28 juillet 2020 la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail à la société R.TECH.

La société s'inscrit en faux et remet en cause les témoignages de Mme [E], laquelle a précédé Mme [P] et évoque sa propre situation et de M. [R], licencié en avril 2020, et dont elle conteste également la véracité des propos.

Sur ce:

Les attestations d'anciens salariés communiqués par l'appelante ne font pas état de difficultés relationnelles et expliquent leur départ de l'entreprise pour des raisons personnelles ou professionnelles ce qui tend à contredire les deux témoignages versés au soutien de Mme [P] sur le comportement du gérant, dont celui de M. [R] ayant travaillé dans une période contemporaine à celle de l'intimée.

Par contre l'on peut s'interroger sur la liste des tâches 'To do' ( pièce 32) produite par Mme [P], tendant à une 'infantilisation ' (comme l'écrit M. [R]) et sur la compatibilité avec les missions d'assistante de direction, de devoir à dates précises 's'assurer que la poubelle jaune est sortie y compris les cartons'.

De même lors de l'échange de mails du 07 mai en vue de la reprise du travail sur site pendant la période de crise sanitaire, l'employeur sollicitait de Mme [P] qu'elle 'arrive à 8H15, fasse l'aération et passe un produit sur les portes, toilettes et appareils et la même chose avant 12H avant de partir'.

Si l'on peut entendre que chacun en cette période de crise, nettoie son propre matériel, la salariée a mal vécu la demande de nettoyer les toilettes ce qu'elle exprimait dans sa lettre du 28 juillet 2020 comme 'dégradant et humiliant'.

Si la société est maître de son organisation et peut refuser d'accorder un temps complet à un salarié qui le sollicite, elle doit respecter les règles en matière de temps de travail ce qu'elle n'a pas fait, en appliquant un temps partiel inférieur aux 24 H légales, puis après régularisation, en ne procédant pas une évaluation effective du temps de travail face aux demandes d'augmentation horaire de la salariée et en ne payant pas les heures complémentaires accomplies pour assurer les missions.

Face à cette situation et le contexte particulier de la crise sanitaire faisant émerger des incertitudes chez les salariés, Mme [P] a exprimé un fort malaise et a été placée en arrêt de travail.

Si les manquements retenus ne caractérisent pas un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, ils s'inscrivent dans le cadre d'une exécution déloyale du contrat de travail et sont suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de rupture de la salariée qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation

La cour n'ayant pas retenu un temps de travail complet, sur la base du salaire à temps partiel de 1239,68 euros, la société sera condamnée à verser:

- 1239,68 euros d'indemnité de préavis ( un mois) outre 123,96 euros de congés payés afférents,

- 490,70 euros d'indemnité de licenciement au regard de l'ancienneté de un an et 7 mois y compris le préavis,

- 1239,68 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois de salaire brut) en application de l'article L 1235-3 du code du travail, la salariée ne justifiant pas de sa situation après la rupture des relations contractuelles.

La société sera déboutée de ce fait de sa demande de remboursement du préavis.

Il sera également alloué une somme de 1200€ de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les demandes annexes

La SARL R.TECH devra remettre les documents sociaux conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte,

La SARL R.TECH,partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Mme [P] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure.

Elle sollicite 3000,00 euros au titre de l'article 700 2° du code de procédure civile, étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

La SARL R.TECH sera condamnée à payer à Maître Galan avocat du bénéficiaire de l'aide qui en fait la demande, la somme de 2000,00 euros pour la procédure. Il convient de rappeler qu'en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le Conseil dispose d'un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

La SARL R. TECH est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL R.TECH à payer les heures complémentaires pour la période du 21 janvier 2019 au 15 mars 2020, dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la société aux dépens et aux frais irrépétibles en application de l'article 700 2° du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:

Condamne la SARL R.TECH à payer à Mme [U] [P] les sommes de:

- 1239,68 euros d'indemnité de préavis outre 123,96 euros de congés payés afférents,

- 490,70 euros d'indemnité de licenciement,

- 1239,68 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1200,00euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute Mme [P] de ses autres demandes et la Sarl R TECH de sa demande de remboursement du préavis,

Dit que la SARL R.TECH devra remettre les documents sociaux conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte,

Condamne la SARL R.TECH aux dépens d'appel et à payer à Maître Galan avocat du bénéficiaire de l'aide, au titre des frais irrépétibles d'appel à la somme de 2000,00 euros au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile.

En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, Maître [G] [N] dispose d'un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci.

Déboute la SARL R.Tech de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, Conseillère, pour S. BLUM'', présidente empêchée, et par C. DELVER, greffière.

La Greffière, P/La Présidente,

La Conseillère

C. DELVER M. DARIES

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 22/01082
Date de la décision : 31/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-31;22.01082 ?
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