13/07/2022
ARRÊT N°535/2022
N° RG 21/04019 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OMN6
AM/MB
Décision déférée du 04 Août 2021 - Juge des contentieux de la protection de FOIX ( )
Hortense ZULIANI Juge placé
[Y] [O]
C/
[C] [T]
S.C.I. BORDAS
APPEL IRRECEVABLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU TREIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [Y] [O]
11 rue Labistour
[Localité 1]
Assistée de l'ASSOCIATION TUTELAIRE DU PAS DE CALAIS
Es qualité de « curatrice » de Mme [Y] [O]
selon ordonnance du juge des Tutelles de [Localité 6] du 16/09/2021
[Adresse 7]
[Localité 6]
Les deux représentées par Me Alessandro PEROTTO de la SCP LAFAYETTE AVOCATS, avocat au barreau D'ARIEGE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.022999 du 15/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEES
Madame [C] [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Assignée le 15/10/2021 à étude, sans avocat constitué
S.C.I. BORDAS
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Odile LACAMP de la SCP LERIDON LACAMP, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat plaidant au barreau de NARBONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
A. MAFFRE, président
O. STIENNE, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- DEFAUT
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MAFFRE, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte sous seing privé du 7 mars 2017, la SCI Bordas a donné à bail à Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] un logement situé[Adresse 4]. Mme [O] l'occupe seule depuis février 2020.
Par actes d'huissier des 18, 21 et 23 décembre 2020, la SCI Bordas a fait assigner Mme [Y] [O], Mme [C] [T] et Mme [X] [D] en sa qualité de curatrice de Mme [O], en vue principalement de leur condamnation solidaire au paiement d'un arriéré locatif et de l'expulsion de Mme [O].
Par jugement dit réputé contradictoire et en premier ressort du 4 août 2021, le tribunal judiciaire de Foix a :
- déclaré la SCI Bordas irrecevable en ses demandes dirigées à l'égard de Mme [X] [D],
- pris acte de ce que la SCI Bordas se désiste de ses demandes en résiliation, expulsion et indemnités d'occupation à l'égard de Mme [Y] [O],
- condamné solidairement Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] à payer à la SCI Bordas la somme de 1.239 euros au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 29 février 2020,
- condamné Mme [Y] [O] à payer à la SCI Bordas la somme de 1.993 euros correspondant aux arriérés de loyers et charges du mois de mars 2020 au ler juin 2021, mois de juin inclus,
- accordé à Mme [Y] [O] la faculté d'apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du mois d'août 2021, en 23 mensualités équivalentes d'un montant de 80 euros, et une 24ème mensualité correspondant au solde de la somme due,
- dit que le défaut de paiement d'un seul règlement à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible,
-rappelé que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourue à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés,
-rejeté le surplus des demandes et les demandes contraires,
- condamné Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] in solidum à payer à la SCI Bordas la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] in solidum aux dépens qui comprendront le coût des deux commandements de payer délivrés à Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] le 8 juillet 2020 et des assignations des 18 et 21 décembre 2020,
-rappelé que les dispositions du présent jugement sont exécutoires de droit à titre provisoire.
Par déclaration en date du 23 septembre 2021, Mme [O] et sa curatrice, Mme [D] ont interjeté appel de cette décision, critiquée en ce qu'elle a :
- condamné solidairement Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] à payer à la SCI Bordas la somme de 1239 € au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 29 février 2020
- condamné Mme [O] à payer à la SCI Bordas la somme de 1993 € correspondant aux arriérés de loyers et charges du mois de mars 2020 au 1er juin 2021, mois de juin inclus,
- accordé à Mme [O] la faculté d'apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois, à compter du mois d'août 2021, en 23 mensualités équivalentes d'un montant de 80 € et une 24ème mensualité correspondant au solde de la somme due,
- dit que le défaut de paiement d'un seul règlement à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible,
- rappelé que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du Code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourue à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés,
- condamné Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] in solidum à payer à la SCI Bordas la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] in solidum aux dépens qui comprendront le coût des deux commandements de payer délivrés à Mme [Y] [O] et Mme [C] [T] le 8 juillet 2020 et des assignations des 18 et 21 décembre 2020.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures en date du 4 janvier 2022, Mme [O], assistée de l'Association tutélaire du Pas-de-Calais, Mme [D] ayant été déchargée de ses fonctions de curatrice, demande à la cour, vu les articles 468, 1103, 1302, 1302-1, 1310, 1352-6 et 1352-7 du Code civil, de':
- dire et juger que l'appel formé par Mme [Y] [O] est recevable,
- infirmer le jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Foix en date du 4 août 2021 en ce qu'il a :
. Condamné solidairement Madame [Y] [O] et Madame [C] [T] à payer à la SCI Bordas la somme de 1.239 € au titre des arriérés de loyers et charges arrêtées au 29 février 2020,
. Condamné Madame [Y] [O] à payer à la SCI Bordas la somme de 1.993 € correspondant aux arriérés de loyers et charges du mois de mars 2020 au 1er juin 2021, mois de juin inclus,
. Débouté Madame [Y] [O] de ses demandes reconventionnelles,
. Condamné Madame [Y] [O] à payer à la SCI Bordas, solidairement avec Madame [C] [T], la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. Condamné Madame [Y] [O], solidairement avec Madame [C] [T] aux entiers dépens en ce compris le coût des deux commandements de payer délivrer à Madame [Y] [O] et Madame [C] [T] le 8 juillet 2020 et des assignations des 18 et 21 décembre 2020,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- débouter la SCI Bordas de l'intégralité de ses demandes dirigées contre Madame [O],
- condamner la SCI Bordas à payer à Madame [O] la somme de 2.096,00€ au titre du trop-perçu pour la période allant du 1er avril 2017 au 31 décembre 2020, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
À titre subsidiaire,
- condamner Madame [T] à relever et garantir Madame [O] de toute condamnation solidaire au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêtés au 29 février 2020, date de la résiliation du bail par Madame [T],
- confirmer le jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Foix en date du 4 août 2021, en ce qu'il a assorti toute condamnation pécuniaire de Madame [O] d'un échelonnement des versements en vingt-trois mensualités d'un montant égal, le solde intervenant sur la vingt-quatrième,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement tout succombant au paiement d'une somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 2° du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Mme [O] et sa curatrice précisent que l'appelante est seule locataire du logement loué le 1er avril 2017 initialement avec Mme [T] depuis que celle-ci a donné congé le 24 février 2020. La mesure de curatelle dont elle bénéficie est désormais exercée par l'Association tutélaire du Pas-de-Calais à la suite de Mme [D].
Soulignant que ses demandes formées en première instance et tenant à la contestation de la solidarité entre les colocataires et à l'octroi de délais de paiement sont indéterminées, la locataire soutient que son appel est recevable.
Sur l'absence de solidarité, elle fait valoir que la clause intitulée "clause de solidarité" est un emplacement à compléter si le bailleur souhaite bénéficier d'une solidarité entre les preneurs : elle prévoit la fin de l'engagement solidaire d'un des colocataires et de la caution dans l'hypothèse où une solidarité aurait été expressément stipulée ou résulterait de dispositions légales ; et la partie au-dessous a été laissée vierge et subsidiairement, elle ne précise pas son champ d'application et les sommes concernées.
À défaut, la cour constatera l'accord intervenu entre les locataires et le bailleur : chacune des colocataires devait payer sa propre quote-part du loyer, 215 euros. Mme [T] serait condamnée à la relever et garantir de toute condamnation solidaire au de l'arriéré arrêté au 29 février 2020.
Sur la dette de mars 2020 à juin 2021, Mme [O] considère que, versant 43 euros en sus de l'aide au logement perçue directement par le bailleur, le montant payé s'est élevé de janvier 2018 à février 2020 à 255 euros par mois au lieu de 215 euros, soit un trop-perçu de 2096 euros entre avril 2017 et décembre 2020 : elle n'est donc redevable d'aucune somme, précision faite qu'elle s'acquitte néanmoins de l'échéancier fixé à tort en première instance en sus de ses loyers courants.
À titre reconventionnel, la locataire sollicite paiement de la somme de 2096 euros. Et subsidiairement, elle demande confirmation de la décision déférée en ce qu'elle lui a accordé des délais de paiement de 24 mois compte tenu du désistement du bailleur en ce qui concerne sa demande en résiliation, expulsion et indemnité d'occupation.
Suivant dernières conclusions du 10 janvier 2022, la SCI Bordas prie la cour, vu les articles 34, 39, 122,905 à 905-2 et 907 du code de procédure civile, et les articles L.213-4-4 et R.213-9-4 du code de l'organisation judiciaire, de:
Liminairement et à titre principal,
- constater l'absence d'ouverture de la voie d'appel,
- dire et juger irrecevable l'appel à bref délai interjeté par Madame [O],
Subsidiairement,
- confirmer le jugement du 4 Août 2021 rendu par le Juge des Contentieux de la Protection près le Tribunal Judiciaire de Foix,
- débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
- condamner Madame [O] au paiement de la somme 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La bailleresse explique que chacune des colocataires pouvant percevoir une allocation logement, des décomptes séparés étaient établis, mentionnant la moitié du loyer le temps de l'occupation commune.
La SCI Bordas soutient principalement que la voie de l'appel n'était pas ouverte au regard de l'enjeu du litige, inférieur à 5000 euros pour la demande principale comme la demande reconventionnelle : les demandes de contestation de la solidarité du bail et de délais de paiement ne portent que sur les modalités de la condamnation et, faute de relever du fond du droit, elles n'entrent pas dans la détermination du ressort, il ne s'agit pas de demandes indéterminées, quoi qu'il en soit de la qualification inexacte du jugement entrepris.
Subsidiairement, la solidarité entre les colocataires est bien prévue dans le bail signé par Mme [O] : leurs deux noms sont reportés dans la clause de solidarité ; et elle a perduré jusqu'à l'expiration du délai de six mois à compter de la date du départ de Mme [T], soit jusqu''en août 2020, de sorte que Mme [O] était redevable de la totalité des loyers avant et après cette date : l'accord tacite passé ne remet pas cette clause en cause.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les deux colocataires à lui payer la somme de 1239 euros dus au 29 février 2020 et Mme [O] à lui payer celle de 1993 euros pour la période allant de mars 2020 au 1er juin 2021, mois de juin inclus, et débouté Mme [O] de ses demandes de condamnation comme de délais de paiement en l'absence d'éléments sur sa situation.
Mme [C] [T] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
La défaillance de l'intimée n'a pas pour effet d'imposer à la cour d'appel d'accueillir obligatoirement celles des autres parties. La cour ne doit, par application de l'article 472, alinéa 2, du code de procédure civile, faire droit aux demandes que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, et en examinant les motifs accueillis par le jugement, la cour retient les éléments de fait constatés par le premier juge à l'appui de ces motifs.
Sur la recevabilité de l'appel
L'article R213-9-4 du code de l'organisation judiciaire dispose que le juge des contentieux de la protection connaît, en dernier ressort jusqu'à la valeur de 5 000 euros, et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions énumérées aux articles L. 213-4-4, L. 213-4-5 et L. 213-4-6.
Au cas d'espèce, les parties s'accordent sur le fait que le montant des sommes réclamées est inférieur à 5000 euros mais elles s'opposent sur la qualité des demandes de Mme [O] relatives à la contestation de la solidarité entre les colocataires et à l'octroi de délais de paiement, demandes indéterminées selon l'appelante, demandes portant seulement sur les modalités de la condamnation et non sur le fond du droit selon l'intimée.
Les demandes ainsi mises en avant par Mme [O] sont effectivement non chiffrées, ce qui est caractéristique des prétentions considérées comme indéterminées. Il est cependant contesté le fait qu'elles constituent de véritables prétentions.
De fait, pour la détermination du ressort, il convient d'écarter les prétentions considérées comme non autonomes et ne portant que sur des modalités ou conséquences d'une prétention principale : c'est le cas d'une demande de délai de paiement qui ne touche pas au fond du droit et ne tend qu'à un aménagement de la condamnation éventuelle, et il en va de même de la contestation du caractère solidaire de ladite condamnation.
Au surplus, au cas d'espèce, contester la solidarité des colocataires constitue pour Mme [O] essentiellement une défense au fond qu'elle oppose à la demande de paiement et dont elle tire un autre mode de calcul des sommes dues au titre du bail qui la rendrait créancière de la bailleresse. Or, les moyens de défense ne sont pas pris en considération pour la détermination du ressort: leur caractère indéterminé n'a donc pas d'influence sur la détermination du taux de compétence.
Il s'évince de cet examen qu'aucune des demandes soumises au premier juge n'excède une valeur de 5000 euros, ni ne revêt la qualité de demande indéterminée.
Partant, le jugement du 4 août 2021 qui les tranche n'est pas susceptible d'appel, l'erreur de qualification qu'il contient étant sans effet sur le droit des parties à exercer ce recours.
En conséquence, l'appel interjeté par Mme [O] doit être déclaré irrecevable.
Sur les frais et dépens
Mme [O] qui succombe sera condamnée aux dépens et ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande cependant l'octroi à la SCI Bordas d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare irrecevable l'appel interjeté par Mme [Y] [O] assistée de sa curatrice,
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Y] [O] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
I. ANGERA. MAFFRE