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22/09/2022 | FRANCE | N°22/01006

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 22 septembre 2022, 22/01006


N° RG 22/01006 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBDY





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/00044

Jugement du Juge de l'exécution de DIEPPE du 09 Mars 2022





APPELANTE :



S.A. CREDIT DU NORD

[Adresse 7]

[Localité 8]



représentée et assistée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN





INTIMES :




Monsieur [L] [B]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 17] (75)

[Adresse 12]

[Localité 13]



représenté et assisté par Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de DIEPPE





Madame [W] [M] épouse [B]

née le ...

N° RG 22/01006 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBDY

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00044

Jugement du Juge de l'exécution de DIEPPE du 09 Mars 2022

APPELANTE :

S.A. CREDIT DU NORD

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur [L] [B]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 17] (75)

[Adresse 12]

[Localité 13]

représenté et assisté par Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de DIEPPE

Madame [W] [M] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 16] (92)

[Adresse 12]

[Localité 13]

représentée et assistée par Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de DIEPPE

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et du délibéré :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

GREFFIERE lors des débats et lors de la mise à disposition :

Madame DUPONT,

DEBATS :

A l'audience publique du 04 Juillet 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2022

Rapport oral a été fait à l'audience.

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 22 Septembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière présent à cette audience.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant acte sous seing privé du 7 décembre 2005, une convention de compte courant et de compte titres n°30076 02453 159656 002 00 a été conclue entre la société Crédit du Nord et M. [L] [B] au titre de son activité professionnelle, modifiée par un acte sous seing privé du 21 mai 2010 accordant une facilité de trésorerie commerciale à ce dernier à hauteur de 40 000 euros.

Par acte sous seing privé du 21 mai 2010, Mme [W] [M] épouse [B] s'est portée caution personnelle et solidaire pour le compte de M. [B] auprès de la société Crédit du Nord à hauteur de 52 000 euros en garantie du remboursement de la facilité de trésorerie commerciale accordée à son conjoint.

Suivant acte notarié reçu le 6 août 2010 par Maître [O], M. et Mme [B] ont consenti une affectation hypothécaire sur l'immeuble sis [Adresse 12] cadastré C n°[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 5] et [Cadastre 6], [Localité 14] pour une contenance de 3ha 61a 55ca, aux fins de garantie du solde débiteur du compte courant ouvert par M. [B] dans les livres de la société Crédit du Nord à hauteur de 52 000 euros incluant la somme principale de 40 000 euros.

Par jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 18 janvier 2013, M. [B] a été placé en redressement judiciaire et par courrier recommandé avec avis de réception du 24 janvier 2013, la société Crédit du Nord a mis en demeure Mme [B] en sa qualité de caution, de procéder au paiement de la somme de 41 289,69 euros au titre du découvert du compte courant de son époux.

Par jugement du tribunal de commerce de Dieppe du 15 novembre 2013, M. [B] a été placé en liquidation judiciaire et par acte du 27 novembre 2013,

la société Crédit du Nord a déclaré sa créance entre les mains de Me [H] en sa qualité de mandataire judiciaire à hauteur de 41 289,69 euros à titre hypothécaire et à hauteur de 12 310,56 euros à titre chirographaire.

Par acte du 17 mai 2016, Me [H] a adressé un certificat d'irrecouvrabilité à la société Crédit du Nord au titre de sa créance et par acte du 24 octobre 2018, le greffe du tribunal de commerce de Dieppe lui a adressé un certificat d'admission de sa créance à titre privilégié à hauteur de 41 289,69 euros à l'encontre de M. [B].

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 octobre 2019, la société Crédit du Nord a mis en demeure M. [B] de procéder sous huitaine au paiement de la somme de 41 289,69 euros au titre du crédit n°159 656 002 00 et de la somme de 17 426,30 euros au titre du crédit n°159 656 138.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 octobre 2019, la société Crédit du Nord a mis en demeure Mme [B] en sa qualité de caution hypothécaire, de procéder sous quinzaine au paiement de la somme de 41 289,69 euros au titre du crédit n°159 656 002 00.

Par acte d'huissier du 10 juillet 2020, la société Crédit du Nord a fait délivrer à M. et Mme [B] un commandement de payer valant saisie immobilière relatif à l'immeuble situé à [Localité 13] cadastré C n°[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 11],[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 5] et [Cadastre 6], [Localité 14] pour une contenance de 3ha 61a 55ca au titre d'une créance de 41 289,69 euros relative à la convention de compte courant et de compte titres n°02453 159656 outre les intérêts au taux de 10,25% l'an du 6 décembre 2016 à la date effective de paiement.

Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 15] le 2 septembre 2020, volume 2020 S n°7.

Par acte d'huissier du 19 octobre 2020, la société Crédit du Nord a fait assigner M. et Mme [B] à l'audience d'orientation.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe a :

- déclaré nuls le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 juillet 2020 à M. [L] [B] et Mme [W] [M] épouse [B] par la société Crédit du Nord ainsi que l'ensemble des actes de la procédure de saisie immobilière subséquents ;

- ordonné la mainlevée de la saisie immobilière publiée le 2 septembre 2020 auprès du service chargé de la publicité foncière de [Localité 15], volume 2020 S n°7, aux frais de la société Crédit du Nord ;

En conséquence,

- débouté la société Crédit du Nord de l'ensemble de ses demandes aux fins de vente forcée de l'immeuble saisi ;

- condamné la société Crédit du Nord à payer à M. [L] [B] et Mme [W] [M] épouse [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Crédit du Nord de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Crédit du Nord aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi le juge de l'exécution a rappelé que M. [B] avait fait l'objet d'un jugement de redressement puis de liquidation judiciaire et de clôture pour insuffisance d'actif, qu'aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, qu'il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

Qu'ainsi, une saisie immobilière est suspendue si intervient un jugement de redressement judiciaire et qu'en l'espèce M. [B] a fait l'objet d'une procédure collective survenue en amont de la procédure de saisie immobilière ; qu'au jour où le créancier a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à l'encontre de M. [B] et de son épouse, la procédure collective était toujours en cours et que le jugement de liquidation judiciaire prononcé le 15 novembre 2013 interdisait toutes poursuites durant la procédure collective et que de ce fait le commandement devait être déclaré nul.

Par déclaration du 22 mars 2022, la société Crédit du Nord a relevé appel du jugement rendu, critiquant l'ensemble de ses dispositions.

Par requête déposée au greffe le 22 mars 2022 comportant le projet d'assignation ainsi que la liste des pièces justificatives, le Crédit du Nord a sollicité l'autorisation d'assigner M. [L] [B] et Mme [W] [B] à jour fixe.

Il a été fait droit à la requête, déposée dans le délai de 8 jours de la déclaration d'appel, par ordonnance du 1er avril 2022.

L'assignation à jour fixe a été délivrée à la personne de Mme [W] [B] et à une personne présente à domicile pour M. [L] [B] par acte du 6 avril 2022 et remise au greffe le 19 avril 2022.

Exposé des pretentions des parties

Par conclusions récapitulatives reçues le 27 juin 2022, la société Crédit du Nord demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 9 mars 2022 en toutes ses dispositions ;

- mentionner le montant de la créance du créancier poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessories au jour du 'jugement' à intervenir ;

- ordonner la vente forcée de l'immeuble saisi ;

- condamner les débiteurs au titre de l'article 700 du code de procedure civile au paiement de la somme de 1 500 euros ainsi qu'aux entiers dépens qui seront pris en frais privilégiés de vente.

Par dernières conclusions en réplique reçues le 3 mai 2022, M. et Mme [B] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions ;

- annuler l'affectation hypoyhécaire du 6 août 2010 ;

En consequence,

- annuler le commandement aux fins de saisie-vente ;

- declarer le Crédit du Nord irrecevable et mal fondé en ses demandes tendant à la vente forcée de l'immeuble leur appartenant ;

A titre subsidiaire,

- se faire remettre l'original de l'affectation hypothécaire du 6 août 2010 ;

- declarer que l'affectation hypothécaire du 6 août 2010 ne constitue pas un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;

En conséquence,

- annuler le commandement aux fins de saisie-vente ;

- declarer le Crédit du Nord irrecevable et mal fondé en ses demandes tendant à la vente forcée de l'immeuble leur appartenant ;

A titre infiniment subsidiaire,

- annuler le commandement aux fins de saisie-vente délivré aux époux pris en leur qualité de co-débiteurs solidaires ;

- dans le cas où la cour considèrerait l'affectation hypothécaire donnée par Mme [B] comme garantissant son engagement de caution, annuler le commandement de payer faute de jugement condamnant Mme [B] en sa qualité de caution et faute pour l'affectation hypothécaire de viser l'engagement de caution ;

- déclarer le Crédit du Nord irrecevable en ses demandes tendant à la vente forcée de l'immeuble leur appartenant ;

- débouter le Crédit du Nord de ses demandes tendant à la vente forcée de l'immeuble ;

- enjoindre au Crédit du Nord d'avoir à verser un décompte précis en capital, intérêts et pénalités, ;

- prononcer à l'encontre du Crédit du Nord la déchéance du droit aux intérêts;

- declarer la prescription des intérêts échus plus de 5 ans avant la date du commandement aux fins de saisie-vente ;

Subsidiairement,

- autoriser la vente amiable de l'immeuble objet de la saisie et fixer la mise à prix sur la base de l'estimation qui sera fournie par les époux [B] ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le Crédit du Nord à payer aux époux [B] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile ;

- condamner le Crédit du Nord à payer aux époux [B] la somme de

3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procedure civile en cause d'appel ;

- le condamner aux entiers dépens qui comprendront le coût des actes de la procédure de saisie immobilière.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIVATION

Sur la validité de l'affectation hypothécaire

M. et Mme [B] prétendent que l'affectation hypothécaire du 6 août 2010 est nulle, dans la mesure où elle ne permet pas de déterminer la cause de l'engagement hypothécaire pris par Mme [B], dès lors qu'elle ne vise pas l'engagement de caution du 21 mai 2010.

Ils soutiennent que si l'affectation hypothécaire est nulle à l'égard de Mme [B], celle de M. [B] devient également nulle, faute d'avoir été consentie par Mme [B].

En réplique la société Credit du Nord soutient que M. et Mme [B] sont tous les deux intervenus à l'acte portant affectation hypothécaire et que Mme [B] est intervenue à l'avenant de la convention de compte courant et qu'elle a d'ailleurs régularisé un acte de caution personnel et solidaire, tandis que M. [B] est intervenu à l'acte de cautionnement donné par son épouse. Elle soutient que l'acte d'affectation hypothécaire et l'acte de cautionnement portent sur une même créance dont l'origine et le montant indiqués sont parfaitement identiques.

Aux termes de l'article 2421 du code civil, l'hypothèque peut être consentie pour sûreté d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures. Si elles sont futures elles doivent être déterminables.

La cause en est déterminée dans l'acte.

Par ailleurs selon l'article 220 du même code 'chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.

La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.

Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage'.

En l'espèce l'acte d'affectation hypothécaire passé devant Me [O] le 6 août 2010, indique la cause de l'acte puisqu'il précise que 'M. [B] est titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque [la société Credit du Nord], que les conditions de fonctionnement ont été arrêtées aux termes d'une convention sous seing privé du 7 décembre 2005 ayant fait l'objet d'un avenant en date du 21 mai 2010.

Il est précisé en outre que ' dès que le compte courant aura été clôturé pour quelque cause que ce soit, le reliquat en sera immédiatement exigible et, au cas où la balance ferait apparaître un solde débiteur à la charge du titulaire, ce solde serait productif de plein droit jusqu'à règlement définitif, d'intérêts calculés au taux de base de la Banque majoré de 3 points, soit actuellement 10,25% l'an. Ces intérêts sont capitalisés s'ils sont dus au moins pour une année entière.( ...)

L'hypothèque garantira au profit de la Banque la somme globale accessoires compris de 52 000 euros incluant la somme principale de 40 000 euros '.

Cet acte ne vise nullement l'engagement de caution de Mme [B], mais la solidarité des époux résultant de l'article 220 du code civil, puisqu'il rappelle le regime matrimonial des époux mariés sous le régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts et précise que M. et Mme [B] sont solidaires entre eux et qu'ils hypothèquent en premier rang, au profit de la Banque, les biens ci-après (en l'occurence l'immeuble situé à [Localité 13] constitutif de leur logement principal).

Ce n'est donc pas en vertu de l'engagement de caution que Mme [B] a consenti à l'acte mais en raison de la solidarité resultant du régime matrimonial des époux et au titre du compte courant ouvert par M. [B] dans les livres du Credit du Nord et de son avenant.

Mme [B] a en outre consenti audit avenant dès lors que le jour même de l'avenant, soit le 21 mai 2010, elle s'est portée caution solidaire de l'engagement de son époux, cet avenant étant par ailleurs paraphé par Mme [B] et l'engagement de caution rappelé aux termes de l'avenant.

De plus M. [B] a également consenti audit engagement de caution.

La solidarité entre époux résultant de leur régime matrimonial, il n'était pas utile de viser l'acte de cautionnement ni de l'annexer à l'acte d'affectation hypothécaire.

Il s'ensuit que l'acte d'affectation hypotécaire remplit les conditions de validité de l'article 2421 du code civil en ce qu'il permet de connaitre la cause et le montant de la créance permettant d'actionner l'hypothèque.

M. et Mme [B] prétendent encore que l'acte d'affectation hypothécaire ne serait pas constitutif d'un acte exécutoire dans la mesure où il se bornerait à fixer le plafond des dettes garanties, sans que soit joint l'engagement de caution de Mme [B] et alors qu'elle n'a jamais été condamnée en qualité de caution à payer quoi que ce soit.

La société Credit du Nord soutient que l'affectation hypothécaire constitue bien un titre exécutoire, l'objet et le montant de la créance étant parfaitement identifiés dans un acte authentique, revêtu de la formule exécutoire.

Ainsi qu'il a été rappellé ci-dessus, l'engagement solidaire de Mme [B] aux termes de l'acte d'affection hypothécaire est fondé sur la solidarité résultant de la combinaison de son régime matrimonial et de l'article 220 du code civil. A cet acte sont annexés la convention de compte courant et son avenant. Il reprend l'identité des débiteurs ainsi que tous les éléments permettant l'évaluation de la créance, de sorte qu'il constitue bien un titre exécutoire permettant l'engagement des poursuites.

Sur l'interdiction des poursuites tirée de l'article 622-21 du code de commerce

M. et Mme [B] soutiennent que dans la mesure où M. [B] a été placé en redressement judiciaire le 18 janvier 2013, puis en liquidation judiciaire le 15 novembre 2013, toute procédure d'exécution est interdite de la part du Crédit du Nord tant sur ses meubles que sur ses immeubles.

Si la cour devait appliquer les dispositions de l'article L643-2 du code de commerce, ils prétendent que ce texte est subordonné à la validité de l'affectation hypothécaire. Celle-ci étant nulle, l'article L. 643-2 ne peut s'appliquer contre M. [B].

S'agissant de Mme [B], dès lors que le commandement de payer a été délivré aux époux [B] considérés comme tenus solidairement et non à Mme [B] seule, le commandement est nul pour avoir été délivré en violation des articles R. 321-4 et R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution.

En réplique la société Crédit du Nord soutient que M. [B] a effectué une déclaration d'insaisissabilité de sa maison postérieurement à la régularisation de l'affection hypothécaire, de sorte que cette déclaration antérieure à la procédure collective et postérieure à l'affectation hypothécaire lui est inopposable.

Elle fait valoir qu'en application de l'article L. 643-2 du code de commerce, et dans la mesure où le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation du bien grevé dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire, elle peut exercer les poursuites sur l'immeuble commun, de sorte que le commandement de payer valant saisie est parfaitement valable et la suspension des actions issues de l'article L. 622-21 du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce.

S'il résulte de l'article L. 622-21 II du code de commerce que le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, l'article L. 643-1 du même code dispose que 'les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire.'

La Cour de Cassation a pu préciser en application de ces dispositions, que les créanciers hypothécaires d'un époux in bonis ne peuvent exercer des poursuites sur l'immeuble commun qu'après justification de ce que le liquidateur de l'autre époux n'a pas entrepris la liquidation du bien grevé dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire ( Cass Assemblée plénière 23 décembre 1994 n° 90-15305).

En l'espèce, par jugement du 15 novembre 2013, le tribunal de commerce de Dieppe a prononcé la liquidation judiciaire de M. [B]. Le 27 novembre 2013 la société Crédit du Nord a déclaré sa créance, laquelle a été admise par le juge commissaire suivant décision du 23 octobre 2018. Le 17 mai 2016, le mandataire liquidateur a délivré à la société Crédit du Nord un

certificat d'irrecouvrabilité en l'absence d'actif disponible et par courrier du 7 novembre 2018 adressé au Crédit du Nord,a rappelé que M. [B] avait fait établir selon acte de Me [T] du mois de mai 2012 postérieur à l'affectation hypothécaire, une déclaration d'insaisissabilité , de sorte qu'il ne pouvait ès qualités appréhender et réaliser l'immeuble.

Il s'ensuit que par application de l'article L. 643-2 précité, et dans la mesure où le liquidateur de M. [B] n'a pas entrepris la liquidation du bien grevé dans les trois mois du jugement de liquidation judiciaire, le Crédit du Nord, créancier de Mme [B] est fondé à exercer des poursuites sur l'immeuble commun en application de l'acte d'affectation hypothécaire du 6 août 2010 précédemment déclarée valable et valant titre exécutoire.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré nul le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 10 juillet 2020.

Sur le montant de la créance, la déchéance du droit aux intérêts et la prescription des intérêts

M. et Mme [B] soutiennent que le décompte joint au commandement de payer contient la mention ' capital restant dû au 15 novembre 2013 :

41 289,69 euros' sans détailler la créance, alors que le découvert autorisé était de 40 000 euros, de sorte que dans cette somme sont inclus des intérêts. Or elle n'a pas été informée annuellement du montant de la créance restant due au 31 décembre de l'année précédente. Cette circonstance ayant pour conséquence la déchéance du droit aux intérêts, ils sont fondés à solliciter le détail de la créance.

Ils font également valoir qu'en l'état des pièces communiquées, il est impossible de déterminer le montant des intérêts de retard inclus dans la créance globale et permettant d'examiner si les intérêts sollicités sont prescrits, ceux-ci se prescrivant dans un délai de 5 ans de la demande de paiement.

En réplique, la société Crédit du Nord soutient que l'affectation hypothécaire a été consentie par M. et Mme [B], que la créance a fait l'objet d'une déclaration de créance le 15 novembre 2013 à hauteur de 41 289,69 euros et a été admise au passif par décision du juge commissaire du 23 octobre 2018 pour le même montant, sans faire l'objet d'un recours, de sorte que la créance est certaine, liquide et exigible. Qu'en tout état de cause elle a informé annuellement la caution du montant de la créance.

Dans la mesure où l'action en paiement n'est pas formée sur le fondement de l'engagement de caution, mais sur l'affectation hypothécaire dont il a été précisé qu'elle-même n'était pas fondée sur l'engagement de caution, la décision du juge commissaire ayant admis au passif de la liquidation de M. [B] la créance telle que déclarée par la société Crédit du Nord à hauteur de 41 289,69 euros, suivant décision non contestée du 23 octobre 2018, a autorité de la chose jugée et s'impose donc à Mme [B] solidairement tenue à la dette de M. [B].

Dès lors le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information de la caution, ainsi que de l'éventuelle prescription des intérêts est inopérant et il convient en conséquence de fixer à la somme de 41 289,69 euros la créance de la société Crédit du Nord, sans qu'il soit besoin d'un décompte détaillé de sa créance arrêtée à la date de sa déclaration de créance.

Sur la vente amiable

M. et Mme [B] sollicitent l'autorisation de vendre l'immeuble objet des poursuites, à l'amiable.

Ils ne justifient cependant d'aucune démarche engagée en ce sens depuis que leur a été délivré le commandement du 10 juillet 2020.

S'ils versent une estimation de l'immeuble, ils ne versent en revanche aucun mandat de vente caractérisant leur volonté de vendre amiablement leur bien immobilier.

Aussi seront-ils déboutés de leur demande de vente amiable et la vente forcée sera-t-elle ordonnée.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront infirmées.

La charge des dépens de première instance et d'appel sera comprise dans les frais de vente soumis à taxe.

En outre il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Crédit du Nord les frais irrépétibles exposés à l'occasion de l'instance de première instance et d'appel.

Aussi M. et Mme [B] seront-ils condamnés à lui verser la somme de

1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du 9 mars 2022 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la vente forcée du bien saisi,

Fixe la créance due à la SA Crédit du Nord arrêtée au 27 novembre 2013 à la somme de 41 289,69 euros

Dit qu'il appartiendra au Crédit du Nord de saisir le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe pour voir fixer la date de l'audience d'adjudication ainsi que les modalités de visite, de publicité et de vente,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe,

Condamne in solidum M.[L] [B] et Mme [W] [B] à verser à la SA Crédit du Nord la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les déboute de leur demande présentée de ce chef.

La greffièreLa présidente

C. DupontE. Gouarin

*

* *


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 22/01006
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.01006 ?
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