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13/07/2022 | FRANCE | N°19/04967

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 13 juillet 2022, 19/04967


N° RG 19/04967 -19/04990 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILX4





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 13 JUILLET 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019





APPELANTE :



Madame [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 7]



représentée par Me Nicolas BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN





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CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] - [Localité 6] - [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 7]



dispensée de comparaître



S.A.S. [8]

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Stéphane SELEGNY, avocat au...

N° RG 19/04967 -19/04990 - N° Portalis DBV2-V-B7D-ILX4

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 13 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 Septembre 2019

APPELANTE :

Madame [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Nicolas BODINEAU, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] - [Localité 6] - [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 7]

dispensée de comparaître

S.A.S. [8]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Stéphane SELEGNY, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Nancy DUBOIS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 01 Juin 2022 sans opposition des parties devant Monsieur POUPET, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur POUPET, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Patrick Cabrelli

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 13 Juillet 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur POUPET, Président et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

La société [8] ([8]) a déclaré le 20 avril 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] un accident du travail, que ladite caisse a pris en charge comme tel, dont Mme [L] [O], sa salariée, disait avoir victime le 1er avril précédent et dont les circonstances étaient ainsi décrites : «'Mme [O], conductrice métro, déclare ne pas se sentir bien à la suite d'un entretien avec son responsable hiérarchique'». Un certificat médical initial établi le 13 avril 2016 par le docteur [H], médecin généraliste, mentionnait principalement «'attaque de panique, crise d'angoisse, idées suicidaires'».

Par jugement 10 septembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Rouen, saisi par Mme [O] d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur à l'origine de cet accident et de demandes annexes, l'en a déboutée après avoir dit que l'origine professionnelle de l'accident n'était pas établie.

Mme [O] a relevé appel de ce jugement et, par conclusions remises le 30 mai 2022, soutenues oralement lors de l'audience, demande à la cour de l'infirmer, de dire que son employeur a commis une faute inexcusable à l'origine de son accident, d'ordonner la majoration à son maximum de la rente qui lui est servie, d'ordonner une expertise médicale aux fins d'évaluation de son préjudice avec la mission qu'elle propose et de condamner la société [8] à lui payer une provision de 5000 euros et la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions remises le 25 mai 2022 et reprises oralement lors de l'audience, la société [8] demande à la cour de confirmer le jugement, subsidiairement d'ordonner une expertise limitée aux postes de préjudice qu'elle énumère, de dire que la majoration de la rente ne pourra porter que sur le taux de 7,5 %, de dire également que Mme [O] devra saisir le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen aux fins de liquidation de son préjudice et de condamner cette dernière aux dépens et à lui payer 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7], par conclusions remises le 18 août 2021 et soutenues lors de l'audience, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice en ce qui concerne l'existence d'une faute inexcusable de la société [8] mais, dans l'hypothèse de la reconnaissance d'une telle faute, de condamner ladite société à lui rembourser le montant des réparations qui pourraient être allouées à Mme [O].

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [O] ayant formé deux déclarations d'appel du même jugement, il y a lieu de joindre les procédures ouvertes en conséquence.

***

Il résulte des articles L 452-1 du code de la sécurité sociale, L 4121-1 et L'4121-2 du code du travail, que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur n'ait pas été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle y ait concouru pour que sa responsabilité soit engagée.

Il incombe à celui qui l'allègue de la démontrer.

Néanmoins, il est constant qu'en défense à une action en recherche d'une faute inexcusable de sa part à l'origine d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur peut contester le caractère professionnel de cet accident ou de cette maladie.

Il appartient alors à la victime ou à ses ayants droit d'établir la preuve de ce caractère professionnel.

La société conteste en l'espèce le caractère professionnel de l'accident censé être survenu le 1er avril 2016.

***

Il résulte des dispositions de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que l'accident du travail consiste en un fait précis qui, survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail, est à l'origine d'une lésion corporelle ou psychologique.

Il appartient à la victime, le cas échéant, d'établir, autrement que par ses propres affirmations, la matérialité de l'accident et sa survenue au lieu et au temps du travail.

Mme [O], dont les conclusions sont particulièrement succinctes sur la question, soutient que lors de l'entretien avec M. [F], directeur des ressources humaines, qui s'est tenu à la demande de ce dernier le 1er avril 2016, elle a été l'objet de propos humiliants et qu'en sortant de cet entretien, elle a fait un malaise suivi de répercussions psychologiques.

Si la société conteste la tenue de propos humiliants lors de cette entrevue, il est constant qu'il n'est pas nécessaire qu'un entretien professionnel ait présenté un caractère «'anormal'» et que le salarié y ait fait l'objet de propos agressifs ou inappropriés pour que ledit entretien soit considéré comme un accident du travail s'il s'en est suivi un malaise ou toute autre lésion.

Mais au cas présent, Mme [O] produit une attestation établie le 6 avril 2019 par laquelle M. [K] [E] déclare avoir assisté à l'entretien litigieux et à une «'avalanche de propos humiliants'» et ajoute «'Je suis ensuite sorti avec ma collègue avant que celle-ci ne fasse un malaise. Mme [O] en est ressorti dans un état déplorable'».

Cependant, d'une part, il ressort des pièces versées aux débats par l'intimée qu'en première instance, Mme [O] a produit une attestation de M. [E] relatant les faits, non datée et non accompagnée d'une pièce d'identité, une autre attestation de M.'[E] datée du 6 février 2016, donc antérieure à «'l'accident'», et accompagnée de sa pièce d'identité, faisant état d'un contexte, mais d'une tout autre écriture que la première, ce qu'ont relevé les premiers juges, enfin deux attestations de la même personne datée du 6 avril 2019, reprenant les termes des précédentes, de l'écriture de la première, dont celle qui est aujourd'hui seule produite ; d'autre part, la société justifie de ce qu'en 2016, M. [E] était opposé à elle dans une procédure pendante devant la cour d'appel. Dans ces conditions, l'attestation produite dans le cadre de la présente instance est dépourvue de valeur probante.

Mme [O] produit également une attestation du [4] ([4]) du C.H.U. de [Localité 7] datée du 2 avril 2016 qui mentionne seulement qu'elle a été examinée ce jour et est donc dépourvue d'intérêt.

Elle verse enfin aux débats :

- une attestation du 8 avril 2016, soit 8 jours après «'les faits'», par laquelle le docteur [V] [H] mentionne : «'Elle arrive en pleurs à la consultation. Elle est très angoissée et agitée. Elle dit qu'elle est dans cet état depuis qu'elle a été convoquée par le directeur des ressources humaines de la [8] le 1er avril 2016. Cet entretien se serait mal passé et aurait eu pour conséquence une consultation urgente auprès du service de psychiatrie du CHU de [Localité 7] avec proposition d'une hospitalisation que la patiente aurait refusée. Il existe une rumination mentale importante avec idées de persécution, idées noires et tendance à l'automutilation (...) Il me semble que son état psychique s'est dégradé depuis la dernière consultation du 23 mars 2016'»';

- le certificat médical initial susvisé du 13 avril 2016 relevant : «'attaque de panique, crise d'angoisse, idées suicidaires, pleurs, rumination mentale, troubles du sommeil aggravés depuis entretien professionnel'»,

- un certificat du 19 avril 2016 par lequel le docteur [B], psychiatre, atteste avoir examiné Mme [O] ledit jour, laquelle présente un état de désarroi psychologique, avec idéation suicidaire, déréalisation, angoisse majeure, vertiges, acouphènes, et ajoute': «'cet état serait apparu au décours d'un entretien professionnel le 1er avril 2016 et aurait entraîné une détresse psychologique ayant nécessité par la suite une admission aux urgences hospitalières'».

C'est à juste titre que le tribunal a relevé que les certificats médicaux produits étaient probants quant à l'état de santé de l'intéressée mais ne l'étaient nullement en ce qui concerne le lien de causalité entre celui-ci et le travail, qu'ils évoquent au conditionnel en se contentant de reprendre les déclarations de la salariée.

Or, le tribunal, qui a retracé l'historique de la relation de travail existant entre celle-ci et la [8] depuis son embauche en 2003, émaillée de difficultés diverses, précise que Mme [O] ne conteste pas les éléments relatifs aux difficultés rencontrées également dans sa vie personnelle et les deuils, de nature à porter atteinte à son équilibre psychique et à justifier un suivi psychiatrique dont elle fait état. Le docteur [H] évoque également un état psychique antérieur avec idées de persécution ; l'existence d'un suivi psychiatrique depuis 2006 est établi par les pièces du dossier.

Mme [O] n'apporte donc pas la preuve autrement que par ses propres déclarations de la matérialité de l'accident du travail litigieux.

Le seul rapport d'expertise, qu'elle produit, établi par le docteur [S] à la demande du praticien conseil de la CPAM à la suite de la reconnaissance par celle-ci de l'accident du travail déclaré, décrivant les séquelles qu'il impute audit accident, n'apporte rien au débat sur la réalité de celui-ci puisqu'il part du postulat qu'il a existé.

C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont écarté le caractère professionnel de l'accident déclaré et débouté par voie de conséquence Mme [O] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur à l'origine de celui-ci et de ses demandes accessoires.

Il appartient à l'appelante, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile et il est équitable, vu l'article 700 du même code, qu'elle indemnise l'intimée des autres frais que celle-ci a été contrainte d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

joint les instances enregistrées sous les numéros 19/04967 et 19/04990 et dit qu'elles seront désormais référencées sous le seul numéro 19/04967,

confirme le jugement entrepris,

déboute Mme [L] [O] de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

la condamne aux dépens et au paiement à la société [8] d'une indemnité de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04967
Date de la décision : 13/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-13;19.04967 ?
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