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11/06/2024 | FRANCE | N°22/01848

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 11 juin 2024, 22/01848


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 11 juin 2024

N° RG 22/01848 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F4GD

-LB- Arrêt n° 267



[F] [C] épouse [V] / [P] [M], [A] [L]



Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de MONTLUÇON, décision attaquée en date du 01 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 22/00114



Arrêt rendu le MARDI ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX

, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du pro...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 11 juin 2024

N° RG 22/01848 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F4GD

-LB- Arrêt n° 267

[F] [C] épouse [V] / [P] [M], [A] [L]

Jugement au fond, origine Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de MONTLUÇON, décision attaquée en date du 01 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 22/00114

Arrêt rendu le MARDI ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [F] [C] épouse [V]

[Adresse 1]

[Localité 14]

Représentée par Maître Charlotte MORIO de la SELARL LEMASSON- DELAHAYE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [P] [M]

et Mme [A] [L]

Chez Mme [V] [F]

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentés par Maître Maryline DIAT, avocat au barreau de MONTLUCON

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 avril 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme [F] [V] est propriétaire sur le territoire de la commune de [Localité 14] lieu-dit « [Localité 10] » d'un ensemble immobilier composé d'un château, de dépendances habitables et non habitables, d'un parc comprenant un poulailler et un potager, des parcelles agricoles et foncières.

Courant 2019, Mme [A] [L] et M. [P] [M], qui souhaitaient s'établir en Auvergne, sont venus rencontrer Mme [V], qui était une connaissance de ce dernier. Il a alors a été évoqué, dans des conditions sur lesquelles les parties divergent, une collaboration quant à un projet de création d'un établissement constituant un centre de relaxation, « post- burnout ». Il a été convenu, dans cette perspective, que M. [M] et Mme [L] pourraient loger au sein de la propriété de Mme [V].

Le 9 novembre 2019, Mme [V] a rédigé un acte prévoyant la mise à disposition de M. [P] [M] et Mme [A] [L] d'une maison d'habitation sise au [Adresse 3], acte qui a été signé par les deux parties et libellé en ces termes :

« Je soussignée Mme [F] [V], domiciliée au [Adresse 1] certifie mettre à la disposition de M. et Mme [P] [M], à partir du 31 mars 2020, une maison d'habitation sise au [Adresse 3], en contrepartie de la remise en état du terrain alentour, dans l'attente de l'établissement d'un acte notarié ».

Selon un écrit signé par Mme [V] le 27 juillet 2020, celle-ci a hébergé M. [P] [M] et Mme [A] [L] à compter du 1er avril 2020 à son domicile principal, situé au 1, [Localité 10], dans l'attente qu'ils puissent occuper la maison du gardien, située au 3 lieu-dit [Localité 10], alors occupée par des locataires.

Le 27 octobre 2020, maître [G] [T], notaire à [Localité 11], a reçu un acte entre Mme [F] [V] et Mme [A] [L] contenant bail rural au profit de cette dernière, conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives, prenant cours le 11 novembre 2020 pour finir le 10 novembre 2029, concernant les parcelles situées commune de [Localité 14] lieu-dit [Localité 9], cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 2], partie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 15] et la parcelle cadastrée section [Cadastre 16] commune de [Localité 12], moyennant le paiement d'un fermage annuel fixé à la somme de 1670 euros.

Par acte sous-seing privé établi le 7 mai 2021, Mme [V] a dispensé Mme [L] du règlement du fermage jusqu'à l'échéance du 11 novembre 2022, compte tenu des « travaux effectués pour la remise en route des terrains » donnés à bail.

Maître [B], notaire à [Localité 13], a établi à la date du 17 juillet 2021 un « contrat de bail » entre Mme [V] et M. [P] [M], concernant « une chambre principale donnant sur une chambre d'enfant, salle de bains-WC », avec mise à disposition du preneur d'un atelier et d'une grange, le tout situé 1 [Localité 10], sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], pour une durée de 12 mois à compter du 17 juillet 2021 devant prendre fin le 16 juillet 2022, renouvelable par tacite reconduction « A défaut de renonciation par l'une ou l'autre des parties notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception avec préavis de Un mois avant l'arrivée du terme », « moyennant un loyer à titre gratuit ».

Cet acte a été signé le 17 juillet 2021 par Mme [V], en l'étude du notaire, et a été transmis par celle-ci à M.[M], qui y a apposé sa signature ultérieurement et en a paraphé toutes les pages à une date qui n'est pas précisée sur l'acte.

Maître [G] [T] a par ailleurs établi un projet d'acte devant être conclu entre d'une part Mme [V], en qualité d'usufruitière, et M. [Z] [W], en qualité de nu-propriétaire, d'autre part M. [P] [M] , relatif à un bail emphytéotique d'une durée de 50 années entières et consécutives portant sur la maison d'habitation et le terrain, le tout situé commune de [Localité 14] lieu-dit 3 [Localité 10], sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 8] et [Cadastre 4] moyennant le paiement d'une redevance annuelle de 1200 euros.

Maître [G] [T] a transmis ce projet d'acte le 20 janvier 2021 à Mme [V], en lui indiquant qu'il avait également été transmis à M. [M] , mais que celui-ci ne souhaitait pas maintenir le rendez-vous fixé au 26 janvier suivant dès lors qu'il n'était pas d'accord sur la nouvelle durée du bail de 50 ans et le montant du loyer.

Par acte d'huissier signifié le 26 août 2021, Mme [V] a fait adresser à M. [M] et Mme [L] un courrier les informant qu'eu égard à « leurs derniers comportements inattendus et inacceptables », elle mettait fin à l'autorisation qu'elle leur avait consentie de loger chez elle à titre gratuit, les sommant de quitter les lieux pour le 25 septembre 2021 et de lui remettre les clés d'une chambre, de divers bâtiments, et d'un tracteur.

M. [M] et Mme [L] ont quitté le domicile de Mme [V], dont ils lui ont remis les clés, et il se sont établis à partir de ce moment-là dans la « maison de gardien » située au 3, [Localité 10].

Par acte d'huissier en date du 2 février 2022, Mme [V] a fait sommation à M. [M] et Mme [L] de libérer de toute occupation la maison, les dépendances, le jardin potager situés dans l'enceinte de sa propriété de [Localité 14] lieu-dit « [Localité 10] » .

Se plaignant de l'évolution conflictuelle des relations avec M. [M] et Mme [L], de l'abandon par ces derniers de tout entretien de la propriété, de leur occupation de biens au-delà de ce qui avait été convenu et de l'accomplissement par ces derniers de travaux qu'elle n'avait pas autorisés, Mme [V], par acte d'huissier en date du 31 mai 2022, a fait assigner ces derniers devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon pour obtenir notamment leur expulsion des lieux, occupés selon elle sans droit ni titre depuis le 26 août 2021, outre la fixation d'une indemnité d'occupation et l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 1er septembre 2022 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon a statué en ces termes :

« -Constate que la demande de « dire et juger » que M. [P] [M] et Mme [A] [L] sont occupants sans droit ni titre est imprécis en ce qu'elle ne précise pas l'adresse exacte du bien concerné ;

-Rejette la demande de constat que M. [P] [M] et Mme [A] [L] sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1], propriété de Mme [F] [V] née [C] ;

-Rejette la demande de condamnation de M. [P] [M] et Mme [A] [L] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle ;

-Rejette la demande de Mme [F] [V] née [C] au titre de la consommation d'eau ;

- Rejette la demande de Mme [F] [V] née [C] au titre d'un préjudice moral ;

-Rejette la demande de Mme [F] [V] née [C] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejette la demande de M. [P] [M] et Mme [A] [L] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens ;

-Rappelle que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire. »

Mme [F] [V] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 16 septembre 2022.

Vu les conclusions en date du 20 février 2024 aux termes desquelles Mme [V] présente à la cour les demandes suivantes :

« -Infirmer dans son intégralité le jugement rendu le 1er septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Montluçon en ce qu'il a :

-Constaté que la demande de « dire et juger » que M. [P] [M] et Mme [A] [L] sont occupants sans droit ni titre est imprécis en ce qu'elle ne précise pas l'adresse exacte du bien concerné ;

-Rejeté la demande de constat que M. [P] [M] et Mme [A] [L] sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1], propriété de Mme [F] [V] née [C] ;

-Rejeté la demande de condamnation de M. [P] [M] et Mme [A] [L] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle ;

-Rejeté la demande de Mme [F] [V] née [C] au titre de la consommation d'eau ;

- Rejeté la demande de Mme [F] [V] née [C] au titre d'un préjudice moral ;

-Rejeté la demande de Mme [F] [V] née [C] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens ;

-Rappelle que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

En conséquence,

Déclarer recevables et bien fondées les demandes, fins et prétentions formulées par Mme [F] [V] à l'encontre des consorts [M]-[L],

-Sur le 1 lieu-dit « [Localité 10] » :

-À titre principal, prononcer la nullité de l'acte du 17 juillet 2021 prétendument signé par M. [P] [M] concernant l'occupation du bien immobilier appartenant à Mme [F] [V] situé au 1 lieu-dit « [Localité 10] » correspondant à une chambre, une salle de bains-WC et deux locaux à usage d'atelier et de grange ;

-À titre subsidiaire, valider le congé délivré en ce qui concerne le contrat à titre gratuit qui lui avait été conclu préalablement sur lesdits biens immobiliers avec toutes conséquences de droit ;

-En tout état de cause, dénier à Mme [A] [L] tous droit sur l'occupation de ce bien immobilier situé 1 lieu-dit « [Localité 10] » à [Localité 14] ;

-Prononcer l'expulsion pure et simple des consorts [M]-[L] si besoin est avec le concours de la force publique, du bâtiment à usage d'atelier situé au sud et de la grange située au nord, figurant sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] ;

-Sur le 3 lieu-dit « [Localité 10] » :

-À titre principal, valider la fin du prêt à usage gratuit compte tenu de la survenance de son terme le 17 juillet 2021 ;

-A titre subsidiaire, valider le congé délivré par Mme [F] [V] à l'encontre de la convention suivant acte sous-seing privé en date du 9 novembre 2019 consacrant un prêt à usage gratuit portant sur la maison d'habitation sis 3 lieu-dit « [Localité 10] commune de [Localité 14] cadastrée section [Cadastre 8] en l'absence de régularisation du projet d'acte notarié établi par Maître [B] ;

-Dénier à Mme [A] [M] tous droit sur ledit bien immobilier ;

-En conséquence, prononcer l'expulsion des consorts [M]-[L] desdits biens immobiliers, si besoin avec le concours de la force publique ;

-Les condamner solidairement à payer et porter à Mme [F] [V] une somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi outre une somme de 19'840 euros pour l'occupation de la maison d'habitation située au 3 lieu-dit « [Localité 10] » commune de [Localité 14] pour la période comprise entre le 17 juillet 2021 et le 17 février 2024 ;

-Les condamner également solidairement au paiement d'une indemnité calculée sur la base d'un montant de 640 euros par mois entre la date du 17 février 2024 et celle de la libération effective de ladite maison située au 3 lieu-dit « [Localité 10] » commune de [Localité 14] ;

-Sur les aisances :

Prononcer l'expulsion pure et simple, si besoin est avec le concours de la force publique de M. [U] [M] et de Mme [A] [L] des différents biens complémentaires dont ils se sont accaparé la jouissance, appartenant à Mme [F] [V], qu'il s'agisse de :

-La partie du bâtiment à usage de garage à véhicules situé à l'est, figurant sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] ;

-La parcelle cadastrée [Cadastre 7] à usage de potager et pâtures dans son intégralité : 1 ha 7 a 7 ca ;

-Le château-d'eau situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6] à l'est qui a toujours été à usage exclusif et personnel de Mme [V] ;

-Une partie des aisances non bâties situées autour des bâtiments d'exploitation et du château-d'eau situé au nord de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] ;

-Condamner solidairement M. [U] [M] et Mme [A] [L] au paiement d'une indemnité d'occupation à concurrence d'une somme de 10'000 euros pour les aisances, locaux divers, potager et château-d'eau de la propriété de Mme [V] située commune de [Localité 14] ;

Sur le tout,

-Prononcer une astreinte suffisamment dissuasive de 500 euros par jour de retard au terme d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir jusqu'à la libération effective de l'ensemble de la propriété de Mme [F] [V] dont il sera justifié par les consorts [M]-[L] eux-mêmes ;

En tout état de cause,

-Débouter M. [P] [M] et Mme [A] [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

-Condamner solidairement les mêmes au paiement d'une somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

Vu les conclusions en date du 14 février 2024 aux termes desquelles M. [P] [M] et Mme [A] [L] présentent à la cour les demandes suivantes :

« Vu l'assignation (' )

-Débouter Mme [V] [F] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

En conséquence,

-Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon le 1er septembre 2022,

Reconventionnellement,

-Condamner Mme [V] [F] à porter et payer à M. [M] [P] et Mme [L] [A] 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

À titre subsidiaire,

-S'agissant du bien situé [Adresse 1] :

-Si la cour d'appel devait retenir la validité de l'acte notarié dressé en l'étude de maître [B] le 17 juillet 2021 :

-Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon le 1er septembre 2022 en ce qu'il a constaté que M. [M] [P] et Mme [L] [A] bénéficient du droit d'occuper le bien situé [Adresse 1] ;

Vu l'absence de congé délivré conformément à l'acte notarié du 17 juillet 2021,

-Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon le 1er septembre 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de constat que M. [M] [P] et Mme [L] [A] sont occupants sans droit ni titre des lieux situés [Adresse 1] ;

À titre subsidiaire,

Vu l'attestation dressée par Mme [V] [F] aux termes de laquelle elle atteste héberger gratuitement depuis le 1er avril 2020 M. [M] [P] et Mme [L] [A] à son domicile [Adresse 1],

Vu l'absence de terme ;

Vu la sommation imprécise ;

-Constater que le bail situé [Adresse 1] est toujours en cours ;

En conséquence,

-Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon le 1er septembre 2022 en ce qu'il a rejeté la demande de constat que M. [M] [P] et Mme [L] [A] sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] propriété de Mme [V] [F] ;

-S'agissant du bien situé [Adresse 3] :

Vu la pièce n°2,

Vu le courrier de Mme [V] [F] du 9 novembre 2019 à effet au 31 mars 2020 confirmant la mise à disposition de M. [M] [P] et de Mme [L] [A] d'une maison d'habitation située [Adresse 3] en contrepartie de la remise en état du terrain alentour dans l'attente de l'établissement d'un acte notarié ,

Vu les photos versées aux débats et l'entretien du terrain alentour,

Vu l'absence d'établissement d'un acte notarié, terme prévu par attestation du 9 novembre 2019 resté sans effet,

Vu le contrat de location en cours entre Mme [V] [F] née [C] et M. [M] [P],

Vu le bail d'habitation, vu la loi du 6 juillet 1989,

-Débouter Mme [V] [F] née [C] de sa demande tendant à voir qualifier l'attestation du 9 novembre 2019 en prêt à usage ;

-Confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [V] [F] tendant à voir constater que M. [P] [M] et Mme [A] [L] sont occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 3] ;

-Débouter Mme [V] [F] née [C] de toutes ses demandes ;

-Tendant à dire que M. [P] [M] et Mme [A] [L] ne disposent d'aucun droit d'occupation sur le bien situé1 [Localité 10] à [Localité 14], cette demande étant sans objet,

-Tendant à dire que M. [M] [P] et Mme [L] [A] ne disposent d'aucun droit d'occupation sur le bien situé [Adresse 3],

-Tendant à faire constater qu'elle n'a jamais consenti à mettre à disposition à Mme [L] [A] son bien immobilier situé [Adresse 3],

-Tendant à dire que M. [M] [P] et que Mme [L] [A] se trouvent occupants sans droit ni titre et ce depuis le 26 août 2021 ou a minima depuis le 26 septembre 2021,

-D'ordonner la libération des lieux et de prononcer leur expulsion tant au 1 qu'au 3 [Localité 10] à [Localité 14],

-D'ordonner la libération de la propriété close de murs appartenant à Mme [V] [F] née [C] représentant environ 3 ha dont 1 ha de jardin potager,

-De voir condamner solidairement M. [M] [P] et Mme [L] [A] à la somme de 20'800 euros à valoir sur les indemnités d'occupation,

-De voir condamner M. [M] [P] et Mme [L] [A] à restituer les locaux et à restituer les clés,

-De voir condamner solidairement M. [M] [P] et Mme [L] [A] à la somme de 1266 euros au titre de leur consommation d'eau,

-De voir condamner solidairement M. [M] [P] et Mme [L] [A] à la somme de 4000 euros au titre du préjudice moral,

-De voir condamner solidairement M. [V] [P] Mme [L] [M] à la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouter Mme [V] [F] née [C] de ses demandes plus amples ou contraires ;

Vu le bail à ferme dont dispose Mme [L] [A],

-Juger non recevables et mal fondées les demandes concernant les parcelles agricoles à l'égard de Mme [A] [L] référencées C 185, [Cadastre 6], ZA 7, [Cadastre 16], [Cadastre 5] et [Cadastre 2],

Vu le bail rural dont dispose Mme [L] [A],

-Renvoyer Mme [V] [F] à saisir la juridiction compétente,

Vu le préjudice moral subi par M. [M] [P] et Mme [L] [A],

-Condamner Mme [V] [F] née [C] à porter et payer in solidum (sic) à M. [M] [P] et Mme [L] [A] 4000 euros au titre de leur préjudice moral ;

-Débouter Mme [V] [F] de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

-Condamner Mme [V] [F] née [C] à payer et porter in solidum (sic) à M. [M] [P] et Mme [L] [A] 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle n'a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur la portée de l'appel :

Si Mme [V] a relevé appel des dispositions du jugement l'ayant déboutée de sa demande au titre de la consommation d'eau présentée à l'encontre des consorts [M]-[L], elle n'émet dans ses écritures devant la cour aucune critique sur ce point précis. Ce chef du jugement sera en conséquence confirmé.

Les parties sont opposées sur les conditions d'occupation par M. [M] et Mme [L] de certaines parties de la propriété de cette dernière. Mme [V] considère que M. [M] et Mme [L] sont occupants sans droit ni titre des locaux, bâtiments ou terrains occupés par les intimés, qui revendiquent quant à eux des droits reconnus par des actes juridiques.

-Sur l'occupation des lieux sis [Adresse 1], parcelle cadastrée section [Cadastre 6] (deux pièces dans le château, atelier, grange) :

Il convient de préciser en premier lieu que la demande d'expulsion formée par Mme [V] sur cette partie de sa propriété concerne désormais uniquement un bâtiment à usage d'atelier et une grange respectivement situés au sud et au nord sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], dans la mesure où il est acquis aux débats que M. [M] et Mme [L] ont quitté le domicile de Mme [V], situé dans le château, au plus tard début septembre 2021.

Il résulte du document manuscrit rédigé par Mme [V] le 27 juillet 2020, et signé par les parties, que M. [U] [M] et Mme [A] [L] ont dans un premier temps été hébergés à titre gratuit au domicile principal de Mme [V], situé au 1, [Localité 10], dans l'attente qu'ils puissent s'installer dans la maison de gardien, située au 3 lieu-dit [Localité 10], alors occupée par des locataires.

Il ressort des éléments du dossier que les discussions entre les parties quant aux conditions d'occupation qui seraient définies pour la maison de gardien (au 3 lieu-dit [Localité 10] ) se sont compliquées à partir du mois de janvier 2021, de sorte que les modalités de leur occupation au domicile principal de Mme [V] ont été rediscutées et ont été déterminées plus précisément.

En effet , concernant cette partie de la propriété de Mme [V], Maître [B], notaire à [Localité 13] a établi à la date du 17 juillet 2021, initialement en la forme authentique, un contrat désigné comme étant un « contrat de bail », portant sur « une chambre principale donnant sur une chambre d'enfant, salle de bains-WC », avec mise à disposition du preneur d'un atelier et d'une grange, le tout situé 1 [Localité 10], sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6], pour une durée de 12 mois à compter du 17 juillet 2021 devant prendre fin le 16 juillet 2022, ce « moyennant un loyer à titre gratuit ».

Ce contrat était renouvelable par tacite reconduction « A défaut de renonciation par l'une ou l'autre des parties notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception avec préavis de Un mois avant l'arrivée du terme ».

Les parties sont opposées sur la qualification de cet acte, analysé comme un contrat de bail par les intimés et comme un contrat de mise à disposition à titre gratuit par l'appelante. Celle-ci sollicite cependant en premier lieu le prononcé de la nullité de l'acte, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été signé.

-Sur la demande de nullité de l'acte du 17 juillet 2021 :

Cet acte établi par Maître [B] a été signé le 17 juillet 2021 par Mme [V], en l'étude du notaire puis a été transmis à M. [M], qui a quant à lui apposé sa signature sur l'acte ultérieurement, hors la présence du notaire, et en a paraphé toutes les pages à une date qui n'est pas précisée sur le document.

Il en résulte que, si ce contrat a bien été rédigé par un notaire, il n'a pas été « reçu » par lui, alors que l'échange de volontés des parties n'est pas intervenu en sa présence.

Toutefois, en application des articles 1369 et suivants du code civil, cette situation a pour effet de faire perdre à l'acte son caractère authentique mais n'entache pas l'acte juridique dont il est le support dans la mesure où l'authenticité de l'acte n'est pas érigée au rang de condition de validité de l'opération juridique concernée, qu'il s'agisse d'un contrat de bail ou d'un contrat de mise à disposition à titre gratuit. La convention signée entre les parties conserve ainsi la valeur d'un acte sous-seing privé.

La demande présentée par Mme [V] tendant au prononcé de la nullité de l'acte en date du 17 juillet 2021 sera en conséquence rejetée.

-Sur la qualification de la convention :

Aux termes de l'article 1709 du code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

Mme [V] fait valoir à juste titre qu'en application de ces dispositions, l'existence d'un bail est subordonnée à celle d'une contrepartie onéreuse à la mise à disposition du bien, qui en l'espèce fait défaut alors qu'il est expressément indiqué au paragraphe intitulé « loyer » : « La présente location est acceptée et consentie moyennant un loyer à titre gratuit ».

Il en résulte qu'au-delà de la qualification de l'opération telle qu'elle est mentionnée dans l'acte, la convention conclue entre les parties porte en réalité sur un contrat de prêt à usage, au sens des dispositions prévues par les articles 1875 et suivants du code civil.

-Sur la fin du prêt à usage conclu par acte du 17 juillet 2021 :

Aux termes de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée.

La convention signée par les parties prévoyait en l'espèce que le contrat était « conclu pour une durée de 12 mois à compter du 17 juillet 2021 pour prendre fin le 16 juillet 2022 » et encore une possibilité de cessation anticipée du contrat, en ces termes :

-« L'une des deux parties pourra mettre fin audit bail, après notification, durant la période en cours de bail, avec notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, avec préavis de Un mois » (sic).

Par acte d'huissier signifié le 26 août 2021, Mme [V] a fait adresser à M.[M] et Mme [L] un courrier les informant qu'eu égard à « leurs derniers comportements inattendus et inacceptables », elle mettait fin à l'autorisation qu'elle leur avait consentie de loger chez elle à titre gratuit, les sommant de quitter les lieux pour le 25 septembre 2021 et de lui remettre les clés d'une chambre, de divers bâtiments, et d'un tracteur.

M. [M] et Mme [L] contestent la validité de la rupture anticipée du contrat, alors d'une part que le courrier adressé par Mme [V] était selon eux trop imprécis, d'autre part qu'il n'a pas été délivré dans les formes prévues à l'acte, à savoir par lettre recommandée avec accusé de réception .

Toutefois, il ne peut être considéré que la notification de la fin anticipée du contrat par Mme [V] ait été affectée d'une irrégularité pour avoir été délivrée par acte d'huissier, et non par lettre recommandée, alors que le recours à un commissaire de justice constituait une modalité de rupture plus contraignante pour elle, mais de nature à assurer plus certainement l'information des emprunteurs.

Force est de constater par ailleurs que M. [M] et Mme [L] ont effectivement quitté la maison d'habitation suite à cette notification, acceptant ainsi nécessairement la rupture anticipée de la convention s'agissant au moins de la partie habitation. Il sera observé en outre que la mise à disposition de la grange et de l'atelier, était, selon les termes du contrat, liée à celle des locaux d'habitation.

Il résulte de ces explications que, contrairement à ce que soutiennent M. [M] et Mme [L], et à ce qu'a retenu le premier juge, la convention conclue le 17 juillet 2021 a pris fin un mois après la signification par Mme [V] de la rupture anticipée, de sorte que ces derniers, qui ont libéré la partie habitation, demeurent occupants sans droit ni titre du bâtiment à usage d'atelier et de la grange.

-Sur l'occupation de l'immeuble situé [Adresse 3] (maison de gardien sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] ) :

Préalablement à l'installation de M. [M] et Mme [L] au domicile de Mme [V], dans le château, les parties s'étaient accordées sur la mise à disposition de ces derniers de la maison de gardien, située [Adresse 3], aux termes d'un acte signé le 9 novembre 2019 libellé de la façon suivante :

« Je soussignée Mme [F] [V], domiciliée au [Adresse 1] certifie mettre à la disposition de M. et Mme [P] [M] (sic), à partir du 31 mars 2020, une maison d'habitation sise au [Adresse 3], en contrepartie de la remise en état du terrain alentour, dans l'attente de l'établissement d'un acte notarié ».

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette convention, qui ne comporte aucune contrepartie financière, ne peut être analysée comme un contrat de bail, qui suppose un accord du bailleur et du preneur sur le prix du loyer, prix qui doit être sérieux et déterminé. En l'occurrence, il n'est pas démontré que la contrepartie de la mise à disposition du bien, à savoir « la remise en état du terrain alentour » puisse représenter un « prix sérieux », c'est-à-dire équivalent à la valeur de la mise à disposition.

Il en résulte que la convention conclue entre les parties s'analyse comme un contrat de prêt à usage.

Par ailleurs, il résulte des termes de la convention qu'il était convenu que cette situation serait provisoire en ce qu'elle ne durerait que jusqu'à « l'établissement d'un acte notarié », sans plus de précisions.

Il ressort des éléments du dossier que maître [G] [T] a établi un projet d'acte devant être conclu entre d'une part Mme [V], en qualité d'usufruitière, et M. [Z] [W], en qualité de nu-propriétaire, d'autre part M. [P] [M], relatif à un bail emphytéotique d'une durée de 50 années entières et consécutives portant sur la maison d'habitation et le terrain, le tout situé commune de [Localité 14] lieu-dit 3 [Localité 10], sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 8] et [Cadastre 4], moyennant le paiement d'une redevance annuelle de 1200 euros.

Maître [G] [T] a transmis ce projet d'acte le 20 janvier 2021 à Mme [V], en lui indiquant qu'il avait également été adressé à M. [M], qui toutefois ne souhaitait pas maintenir le rendez-vous fixé au 26 janvier suivant alors qu'il n'était pas d'accord sur la nouvelle durée du bail de 50 ans et le montant du loyer.

Les intimés considèrent que dans la mesure où l'acte notarié, qui devait selon eux encore être discuté, n'a pas été signé, le contrat du 9 novembre 2019 est toujours en cours.

Toutefois, cette analyse ne peut être retenue alors d'une part que la convention ne mentionne pas « la signature » de l'acte notarié comme terme de la convention, mais bien « son établissement », d'autre part que M. [M] et Mme [L] ont fait échec à la signature de l'acte en refusant le rendez-vous qui avait été fixé à cette fin en l'étude du notaire. Une interprétation différente aurait conféré à M. [M] et Mme [L] le pouvoir de différer indéfiniment le terme de la convention.

Par ailleurs, cette interprétation du sens de la convention selon la commune intention des parties ne peut être contestée par M. [M] et Mme [L] alors qu'il résulte des éléments du dossier précédemment exposés qu'à partir du 17 juillet 2021, ces derniers ont occupé une partie de l'habitation principale de Mme [V] en vertu de l'acte notarié préparé cette fois par maître [B], ce qui aurait été inutile si la convention régularisée le 9 novembre 2019 avait toujours été en cours .

Il ressort de ces explications que M. [M] et Mme [V] ne peuvent prétendre bénéficier, en vertu de la convention régularisée le 9 novembre 2019, de l'occupation de l'immeuble situé [Adresse 3] constitué par la maison de gardien du château.

-Sur l'occupation des autres biens immobiliers appartenant à Mme [V] :

Il ressort des pièces communiquées, en particulier des procès-verbaux de constat établis par commissaire de justice le 26 août 2021, le 1er octobre 2021 et le 17 octobre 2022 que M. [M] et Mme [L] occupent également sur la propriété de Mme [V] divers locaux ou aisances, ce que ces derniers ne contestent pas. Il s'agit des biens suivants :

-la partie du bâtiment à usage de garage et le château-d'eau, sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6],

-la partie à usage de potager et le terrain à usage de pâture sur lequel se trouvent les ânes appartenant à Mme [L], sur la parcelle cadastrée [Cadastre 7],

-les aisances non bâties situées autour des bâtiments d'exploitation et du château-d'eau au nord de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6].

Il résulte par ailleurs des constatations effectuées par le commissaire de justice que Mme [V] ne peut accéder à l'ensemble de sa propriété, clôturée en divers accès par un portail ou des portillons, des chaînes et cadenas mis en place par les intimés.

M. [M] et Mme [L] se prévalent, pour justifier l'occupation de certains de ces biens, de l'existence d'un bail rural, qui concernerait selon eux l'intégralité des terres appartenant à Mme [V].

Ils soutiennent en premier lieu que, s'agissant de parcelles agricoles et d'une contestation relative à l'existence d'un bail rural, les demandes formulées relèvent de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux. Sans conclure expressément à l'incompétence de la cour d'appel, ils demandent à celle-ci de « Juger non recevables et mal fondées les demandes concernant les parcelles agricoles cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 2], section [Cadastre 15] et section [Cadastre 16] » et de renvoyer de Mme [F] [V] à saisir la juridiction compétente.

Il sera rappelé sur ce point que la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l' appel et investie de la plénitude de juridiction, connaît des appels des décisions tant du tribunal judiciaire que du tribunal paritaire des baux ruraux, et qu'elle est ainsi compétente pour statuer, dès lors que sa compétence territoriale n'est pas contestée.

M. [M] et Mme [L] font valoir encore que Mme [V] a expressément dispensé Mme [L] du règlement des fermages jusqu'à l'échéance du 11 novembre 2022, ce par acte sous-seing privé établi le 7 mai 2021, que cette dernière a ensuite repris le règlement des fermages, et que Mme [V] n'est pas en mesure de démontrer que les biens litigieux ne font pas partie de l'accord résultant de l'attestation du 7 mai 2021.

Il appartient toutefois à celui qui se prévaut de l'existence d'un bail rural de faire la démonstration de l'existence d'une commune intention des parties sur le principe d'une mise à disposition des biens, et du règlement d'un fermage en contrepartie, et d'une manifestation de volonté certaine et non équivoque du propriétaire de consentir un bail rural.

Il apparaît en l'occurrence que l'écrit signé par Mme [V] le 7 mai 2021 fait expressément référence à une dispense de fermages pour les terrains « donnés à bail ». Or , aux termes de l'acte du 27 octobre 2020 reçu par maître [G] [T] contenant un bail rural, les terres données à bail sont uniquement les parcelles situées commune de [Localité 14] lieu-dit [Localité 9], cadastrées section [Cadastre 5] et [Cadastre 2], partie de la parcelle cadastrée section [Cadastre 15] et la parcelle cadastrée section [Cadastre 16], commune de [Localité 12].

Il ressort en outre des pièces versées aux débats que Mme [V] a systématiquement restitué à Mme [L] les sommes versées par celle-ci à partir du mois de janvier 2022 au-delà des fermages dus en vertu de l'acte du 27 octobre 2020, sommes que cette dernière prétendait affecter au règlement du fermage des parcelles cadastrées [Cadastre 7] et [Cadastre 6].

Il résulte de ces explications que Mme [L] ne peut se prévaloir d'un bail rural concernant des parcelles autres que celles visées dans l'acte du 27 octobre 2020 et qu'en outre M. [M] et Mme [L] ne justifient d'aucun titre d'occupation sur l'ensemble des autres biens appartenant à Mme [V] et actuellement occupés par eux.

-Sur la libération des lieux :

Il ressort des développements précédents que M. [M] et Mme [L] occupent sans droit ni titre la propriété de Mme [V].

Ils seront en conséquence condamnés à libérer les lieux, tels qu'ils sont visés dans le dispositif des écritures de l'appelante, ce sous astreinte de 15 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois courant à compter de la signification du présent arrêt.

Il sera fait droit par ailleurs aux demandes formulées par Mme [V] tendant à l'expulsion de M. [M] et Mme [L] des biens lui appartenant occupés sans droit ni titre.

-Sur les demandes au titre des indemnités d'occupation :

-Au titre de l'occupation de la maison située au 3, lieu-dit [Localité 10] :

M. [V] et Mme [L] étant occupants sans droit ni titre de la maison de gardien située 3, lieu-dit [Localité 10] sont redevables d'une indemnité d'occupation.

Mme [V] sollicite la fixation d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois, sur la base d'un prix moyen de 8 euros au mètre carré et produit un justificatif en ce sens (pièce n °23), qui n'est contredit par aucune pièce communiquée par les intimés. L'indemnité d'occupation mensuelle sera en conséquence fixée à 640 euros.

S'agissant de la période à prendre en considération, Mme [V] réclame la condamnation des intimés au paiement de la somme totale de 19'840 euros du 17 juillet 2021 au 17 février 2024. Il ressort toutefois des explications des parties que M. [M] et Mme [L] occupent la maison depuis le 4 septembre 2021, et non depuis le 17 juillet 2021.

M. [M] et Mme [L] seront en conséquence condamnés in solidum au paiement de la somme totale de 18'862 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du 4 septembre 2021 au 17 février 2024 et condamnés en tant que de besoin au paiement des sommes qui seront dues pour l'occupation de cette maison à compter du 17 février 2024 jusqu'à la libération effective des lieux.

-Au titre de l'occupation des aisances et locaux divers, du potager et du château d'eau :

Mme [V] expose avoir été privée de tout usage des lieux pendant une période d'environ deux ans et demi, étant précisé qu'elle a fait délivrer à M. [M] et Mme [L] une sommation de quitter les lieux par acte d'huissier en date du 2 février 2022.

L'appelante réclame à titre d'indemnité d'occupation le versement d'une somme totale de 10'000 euros. Si elle justifie par les pièces communiquées qu'elle a été privée d'accès à certains espaces de sa propriété, elle ne produit toutefois aucun justificatif permettant à la cour de connaître la valeur locative des biens concernés, dont la consistance est variée, étant observé encore qu'elle ne sollicite pas la condamnation des intimés pour l'avenir à ce titre.

M. [M] et Mme [L] seront plus justement condamnés à payer à Mme [V] la somme de 2500 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de jouissance de ses biens.

-Sur les demandes indemnitaires :

Mme [V] réclame la condamnation de M. [M] et Mme [L] à lui payer la somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi du fait du comportement de ces derniers, qui auraient commis à son égard diverses voies de fait, soulignant encore qu'elle est âgée et a été extrêmement perturbée par la situation.

M. [M] et Mme [L] réclament quant à eux la condamnation de Mme [V] à leur payer la somme de 4000 euros en réparation de leur propre préjudice moral, soutenant que cette dernière a été malhonnête envers eux quant aux conditions d'occupation de sa propriété et les a placés dans une situation difficile. Ils expliquent avoir quitté leur région d'origine pour se rapprocher de leur famille et de leurs enfants et qu'ils lui ont fait confiance sur la possibilité qu'elle leur offrait de s'installer sur son domaine de manière pérenne.

Compte tenu de la grande confusion ressortant de l'analyse des pièces du dossier quant aux circonstances dans lesquelles est intervenu l'accord initial, à l'évolution des relations entre les parties et au rôle de chacun dans l'aggravation de la situation, devenue extrêmement conflictuelle, ainsi qu'en témoignent les attestations et les plaintes déposées de part et d'autre, il apparaît que la responsabilité de l'une ou l'autre partie ne peut pas être établie clairement. Les demandes de dommages et intérêts doivent dès lors être rejetées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre. Le premier juge n'ayant pas statué sur la demande indemnitaire de M. [M] et Mme [L], pourtant présentée devant lui, il sera ajouté au jugement et ces derniers seront déboutés de leur demande.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera infirmé sur les dépens et le rejet de la demande formulée par Mme [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M] et Mme [L], qui succombent pour l'essentiel de leurs prétentions, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Mme [V] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés pour les besoins tant de la procédure devant le tribunal judiciaire que devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

-Rejeté la demande de Mme [F] [V] née [C] au titre de la consommation d'eau ;

- Rejeté la demande de Mme [F] [V] née [C] de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral ;

-Rejeté la demande de M. [P] [M] et Mme [A] [L] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

-Déboute Mme [F] [V] née [C] de sa demande tendant au prononcé de la nullité de l'acte établi par maître [B], notaire à [Localité 13], le 17 juillet 2021 concernant le bien situé au [Adresse 1] sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] ;

- Ordonne l'expulsion de M. [P] [M] et de Mme [A] [L], si besoin est avec le concours de la force publique, du bâtiment à usage d'atelier situé au sud et de la grange située au nord, figurant sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] à [Localité 14] ;

- Ordonne l'expulsion de M. [P] [M] et de Mme [A] [L], si besoin est avec le concours de la force publique, de la maison d'habitation sise [Adresse 3] sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] ;

-Fixe à 640 euros le montant de l'indemnité mensuelle due par M. [P] [M] et Mme [A] [L] au titre de l'occupation de la maison d'habitation sise [Adresse 3], sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] ;

-Condamne in solidum M. [P] [M] et Mme [A] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme de 18'862 euros au titre de l'indemnité due pour l'occupation de la maison d'habitation sise [Adresse 3], sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] pour la période du 4 septembre 2021 au 17 février 2024 ;

-Condamne in solidum M. [P] [M] et Mme [A] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme mensuelle de 640 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la maison d'habitation sise [Adresse 3], sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] du 17 février 2024 jusqu'à complète libération des lieux ;

-Rejette la demande présentée par M. [P] [M] et Mme [A] [L] tendant à ce que les demandes de Mme [V] concernant les parcelles cadastrées section [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 5], [Cadastre 2], section [Cadastre 15] et section [Cadastre 16] soient jugées « irrecevables et mal fondées » et tendant au renvoi de Mme [F] [V] à saisir la juridiction compétente ;

-Ordonne l'expulsion de M. [P] [M] et de Mme [A] [L], si besoin est avec l'assistance de la force publique, des autres biens occupés par ces derniers appartenant à Mme [F] [V], soit :

-La partie du bâtiment à usage de garage à véhicules situé à l'est, figurant sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] commune de [Localité 14]  ;

-La parcelle cadastrée [Cadastre 7] à usage de potager et pâtures commune de [Localité 14] ;

-Le château-d'eau situé sur la parcelle cadastrée [Cadastre 6] est commune de [Localité 14] ;

-Les aisances non bâties situées autour des bâtiments d'exploitation et du château-d'eau au nord de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6] commune de [Localité 14] ;

-Condamne in solidum M. [U] [M] et Mme [A] [L] au paiement de la somme de 2500 euros en réparation du préjudice subi par Mme [V] du fait de la privation de la jouissance de ces biens ;

- Dit que l'obligation faite à M. [P] [M] et Mme [A] [L] de libérer la totalité des lieux appartenant à Mme [F] [V] et dont ils sont occupants sans droit ni titre sera assortie d'une astreinte de 15 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois courant à compter de la signification du présent arrêt ;

-Déboute M. [P] [M] et Mme [A] [L] de leur demande de dommages et intérêts ;

- Déboute M. [P] [M] et Mme [A] [L] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du présent arrêt ;

-Condamne in solidum M. [P] [M] et Mme [A] [L] aux dépens de première instance et d'appel ;

-Condamner in solidum M. [P] [M] et Mme [A] [L] à payer à Mme [F] [V] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01848
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;22.01848 ?
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