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02/08/2024 | FRANCE | N°24/00342

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 02 août 2024, 24/00342


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 148/2024 - N° RG 24/00342 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VBPN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel transmis par lettre simple postée le 24 Jui

llet 2024, recue au greffe de la Cour le 25 juillet 2024 et formé par :



M. [V] [T], né le 28 Novembre 1990 à [Localité 4]

Chez Mons...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 148/2024 - N° RG 24/00342 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VBPN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Catherine LEON, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assistée de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel transmis par lettre simple postée le 24 Juillet 2024, recue au greffe de la Cour le 25 juillet 2024 et formé par :

M. [V] [T], né le 28 Novembre 1990 à [Localité 4]

Chez Monsieur [R] [T], [Adresse 1],

hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 4]

ayant pour avocat désigné Me Alix LE ROUGE DE GUERDAVID, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 23 Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de QUIMPER qui a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète ;

En présence de Monsieur [V] [T], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Alix LE ROUGE DE GUERDAVID, avocat

En l'absence du représentant du préfet du Finistère, régulièrement avisé,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 26 juillet 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé,

Après avoir entendu en audience publique le 01 Août 2024 à 11 H 00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

A mis l'affaire en délibéré et ce jour, par mise à disposition au greffe, a rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt en date du 26 février 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a notamment, vu les rapports d'expertise psychiatrique du docteur [W] [J] du 29 décembre 2014 et celui des docteurs [L] [M] et [Z] [O] du 07 mai 2015, déclaré qu'il existe des charges suffisantes contre M. [V] [T] d'avoir le 21 octobre 2014 volontairement donné la mort à sa mère, déclaré l'intéressé irresponsable pénalement de ces faits et ordonné par décision distincte du même jour son hospitalisation d'office.

En exécution de cette ordonnance adressée le jour-même par le préfet d'Ille-et-Vilaine au directeur du centre hospitalier [2], M. [T] a été admis en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète en application de l'article 706-135 du Code de procédure pénale.

Cette mesure s'est poursuivie depuis avec un séjour en UMD à [Localité 3] entre le 01 septembre 2022 et le 13 avril 2023, date à laquelle il a été transféré au CHGR.

Par arrêté du 07 septembre 2023, le préfet d'Ille-et-Vilaine a transféré M. [T] au centre hospitalier de [Localité 4] afin de favoriser un rapprochement familial.

Par ordonnance en date du 30 janvier 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper a rejeté la demande de mainlevée des soins psychiatriques formulée par M. [T].

Les différents certificats mensuels depuis janvier 2024 ont constaté une certaine stabilité de l'état de M. [T] mais ont préconisé la poursuite des soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Le 09 juillet 2024, le collège a décrit un patient présentant une psychose dissociative chronique, hospitalisé en SDRE pour antécédent de matricide en 2014, favorisé par des consommations de toxiques. Depuis maintenant plusieurs mois, l'état clinique du patient était stable avec une angoisse moindre, une mise à distance des idées délirantes. Le contact dans le service de M. [T] était bon. Le patient bénéficiait de permissions régulières sur l'extérieur pour faire progresser son projet de réhabilitation psychosociale qui restait pour l'instant flou. Persistaient des demandes repétées du patient sur l'arrêt de ses injections retards témoignant encore de la fragilité de son adhésion au projet de soins.

Le préfet du Finistère a adressé une requête dans le cadre du contrôle à six mois enregistrée le 09 juillet 2024.

Par ordonnance en date du 23 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper a rejeté la demande de double expertise de M. [T], a constaté une irrégularité de la procédure dans la tardivité d'un certificat médical mais ne portant pas une atteinte concrète aux droits du patient et a dit n'y avoir lieu à mainlevée de l'hospitalisation complète.

M. [T] a interjeté appel par courrier du 24 juillet 2024 reçu au greffe de la cour le 25 juillet 2024. L'appelant a mentionné une irrégularité dans les délais de réalisation d'un certificat médical mensuel et a sollicité une double expertise.

L'établissement d'accueil a fait parvenir un certificat de situation en date du 29 juillet 2024 du Dr [A] [X] décrivant une évolution globalement favorable. Les éléments délirants semblent moins prégnants et ne sont plus exprimés spontanément. Il n'y a pas de menace de mort exprimée ou de crainte en ce sens. Le patient est relativement coopérant mais il reste cependant psychorigide et facilement interprétatif. Le patient remet en question son traitement actuel, mettant en avant Ies effets secondaires d'un double traitement sous forme neuroleptyque et antipsychotique.Une réevaluation bénéfice/risque va être faite. A ce stade, et dans la perspective d'une sortie ultérieure sous forme de programme de soins, dans son cadre légal adapté, un traitement sous forme retard reste indispensable pour des raisons d'observance et de prévention. La nature de ce traitement sous forme retard est par contre susceptible d'aménagements et de reévaluations dans le cadre de la relation patient-médecin. Les effets secondaires d'une des molécules est notamment en cours d'évaluation. Actuellement, les conditions d'une levée de l'hospitalisation Temps Plein ne sont pas remplies. Le projet de sortie n'est pas finalisé.

Le procureur général, par avis motivé, sollicite la confirmation de l'ordonnance

À l'audience du 1er aout 2024, M. [T] a affirmé qu'il admet avoir développé une schizophrénie, ne conteste pas les soins mais un médicament en particulier dont les risques sont importants, qu'il en a discuté avec le Dr [X] la veille lequel a proposé qu'il prenne de l'abilify en comprimé en conservant l'injection d'haldol, qu'il pense qu'il va accepter cette proposition de traitement. Il a ajouté avoir des permissions de sortir de 48 h qui se déroulent sans problème et qu'il est conscient que grâce à l'hospitalisation il s'est sevré du cannabis.

Le préfet du Finistère, régulièrement avisé, n'était ni présent ni représenté et n'a pas fait connaître d'avis.

Son conseil a soulevé le moyen tiré de la tardiveté du certificat mensuel du 9 avril 2024 estimant que l'état de santé de l'intéressé s'étant amélioré, cela lui a fait grief d'autant que l'hospitalisation l'empêche de faire des démarches en vue de sa recherche de logement.

Elle a estimé que cette amélioration justifie que deux expertises soient ordonnées en vue d'une levée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.

En l'espèce, M. [T] a formé le 25 juillet 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper du 23 juillet 2024.

Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure :

Sur la tardiveté d'un certificat mensuel :

L'article L. 3213-3 du Code de la santé publique dispose en son 1er alinéa que, 'dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre [soins à la demande d'un représentant de l'Etat] ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient .

S'agissant d'une obligation de nature administrative non contentieuse, le premier délai courait à compter du lendemain de l'admission du patient en soins psychiatriques sans consentement et les délais suivants,le lendemain de chaque examen médical, chacun de ces délais expirant le jour du mois suivant portant le même quantième, sans prorogation en cas d'expiration un samedi, un dimanche ou un jour ferié ou chômé (Cass, 1ere civ., 21 novembre 2018, 17-21.184).

En l'espèce, sont versés aux débats les certificats médicaux mensuels concernant M. [T] et il ressort de celui du 9 avril 2024 qu'il a été rédigé plus d'un mois après le précédent daté du 5 mars 2024.

Toutefois ainsi que l'a rappelé le premier juge une irrégularité pour entraîner la levée de la mesure doit avoir causé un grief à la personne concernée.

Or en l'espèce la situation médicale de M. [T] présente une certaine stabilité laquelle est régulièrement rappelée notamment dans les deux certificats dont s'agit.

Il indique avoir bénéficié de permissions d'une durée de 48 h ce qui pouvait le cas échéant lui permettre de faire ses démarches en vue de son relogement.

En conséquence le dépassement du délai n'a porté aucune atteinte concrète aux droits de M. [T].

Ce moyen, inopérant, sera écarté.

Sur la demande de double expertise

Aux termes de l'article L. 3211-12, 'le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens .

Aux termes de l'article L 3212-2 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la main levée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres ll à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.

Le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcée sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix années d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.

Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les Iistes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.

ll se déduit de ces textes que le juge des libertés et de la détention n'est tenu de procéder à la double expertise que préalablement à une décision de levée.

Or en l'espèce les avis médicaux sont concordants en ce que celui du psychiatre qui suit M. [T], le Dr [G] [C] conclut régulièrement et pour la dernière fois le 5 juillet 2024 au maintien des soins sous la forme d'hospitalisation complète mettant en avant certes une stabilisation de son état mais une remise en cause régulière de son traitement notamment du traitement retard.

Le collège mentionné à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique dans son avis du 9 juillet 2024 formule les mêmes conclusions.

Le dernier avis au dossier émanant du Dr [X] en date du 29 juillet 2024 est particulièrement circonstancié, il reprend les critiques du patient quant à son traitement actuel et ses effets indésirables tout en démontrant que les médecins font régulièrement une évaluation du bénéfice/risque des traitements, que si la perspective de travail est un programme de soins, ce mode de prise en charge est actuellement prématuré.

Les propos tenus à l'audience par M. [T] sont en concordance avec ces avis médicaux en ce qu'ils témoignent si ce n'est de l'ambivalence de celui-ci quant aux traitements, une certaine volonté de contrôle.

Au regard de l'ensemble de ces avis médicaux qui constatent certes que les idées délirantes sont mises à distance mais aussi que l'adhésion aux soins de M. [T] est très fragile, il est unanimement estimé qu'une levée est prématurée. En effet seule la bonne observance du traitement est de nature à endiguer le risque de décompensation et de bouffée délirante qui a déjà amené M.[T] à commettre un acte irréparable.

En l'état le maintien de l'hospitalisation complète se justifie au vu de l'état de santé mentale de M. [T] tel que décrit par les certificats médicaux pré-cités.

Dès lors il n'existe aucun élément de nature à mettre en doute ces constatations et à justifier de l'intérêt d'une double expertise en vue d'une levée de la mesure.

Sur le fond :

Il se déduit de ce qui précède notamment des derniers certificats médicaux que si la situation de santé mentale de M. [T] s'est améliorée et qu'un programme de soins pourra s'envisager, néanmoins le consentement aux soins n'est pas totalement acquis et les troubles que présente M. [T] imposent des soins, lesquels dès lors ne peuvent être suivis pour l'instant que sous forme d'hospitalisation complète.

La décision sera en conséquence confirmée.

PAR CES MOTIFS

Catherine LEON, présidente de chambre, statuant publiquement, et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,

Confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Quimper en date du 23 juillet 2024,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rennes, le 02 août 2024 à 11 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Catherine LEON, Présidente

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à M. [V] [T], à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur,

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD,

Le greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00342
Date de la décision : 02/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-02;24.00342 ?
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