1ère Chambre
ARRÊT N°202/2019
N° RG 17/03206 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N4VS
M. [I] [W]
Mme [J] [G] épouse [W]
C/
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE BRETAGNE ET DU DÉPARTEMENT D'ILLE ET VILAINE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 MAI 2019
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre,
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Mars 2019 devant Madame Christine GROS, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Mai 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [I] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Pierre COQUENTIN de la SELARL EVOLIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Madame [J] [G] épouse [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pierre COQUENTIN de la SELARL EVOLIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Le Directeur Général des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques d'ile de France et du département de [Localité 8] qui élit domicile en ses bureaux
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Yves BENOIST, Plaidant, avocat au barreau du MANS
M. [I] [W] et Mme [J] [G], épouse [W], ont constitué une société civile immobilière (SCI) [Adresse 7] domiciliée au [Adresse 3] dans le but d'acquérir un immeuble d'habitation garni de mobilier, situé [Adresse 1]).
Le 21 décembre 2009, ils ont acquis en indivision l'usufruit de la maison d'habitation tandis que la SCI acquérait la nue-propriété de cette maison. La vente a été consentie moyennant le prix principal de 1 667 000 euros, s'appliquant à concurrence de 1 607 000 € à l'immeuble et 60 000 € aux biens mobiliers.
Au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, ils ont déposé une déclaration numéro 2725 pour chacune des années 2011 à 2014. Ils y ont déclaré les valeurs suivantes pour l'immeuble : 950 000 euros en 2011-2012 et 880 000 euros en 2013-2014, ils ont par ailleurs déclaré les titres détenus dans la SCI pour une valeur de 1 000 euros.
L'administration a procédé à un redressement et estimé que la valeur de la maison devait être indiquée en pleine propriété pour une valeur de 1 167 000 € pour les années considérées. Elle a fait droit aux réclamations en ce qui concerne le forfait mobilier.
Le 15 avril 2015, l'administration fiscale a adressé aux époux [W] une avis de recouvrement pour les montants ci-après:
ISF 2011: droits rappelés 1668 € ; intérêt de retard 260 € ;total 1928 €.
ISF 2012: droits rappelés 3567 € ; intérêt de retard 428 € ; total 3995 €.
Contribution exceptionnelle sur la fortune 2012 : droits rappelés 8204 € ; intérêt de retard 820 € ; total 9024 €.
ISF 2013 : droits rappelés 11'628 € ; intérêt de retard 837 € ; total 12'465 €.
ISF 2014 : droits rappelés 11'628 € ; intérêt de retard 279 € ; total 11'907 €.
Les contribuables ont présenté une réclamation contentieuse le 4 mai 2015, qui a été rejetée le 3 juin 2015.
Par acte du 31 juillet 2015, ils ont assigné l'état représenté par la direction régionale des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal de grande instance de Rennes.
Par jugement du 6 mars 2017, le tribunal a:
-débouté les époux [W] de leurs demandes;
-confirmé la décision de rejet de leur déclaration;
-condamné le époux [W] aux entiers dépens.
Les époux [W] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2017.
Vu les conclusions du 5 mars 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. et Mme [W] qui demandent à la cour de:
-annuler le jugement du 6 mars 2017 du tribunal de grande instance de Rennes ;
-ordonner la décharge de la totalité des impositions supplémentaires à l'impôt de solidarité sur la fortune et à la contribution exceptionnelle sur la fortune mises à la charge de M. et Mme [I] [W] au titre des années 2011 à 2014, soit la somme de 39.319 €, et donc condamner l'administration fiscale à restituer cette somme ;
-ordonner la décharge de l'excédent d'imposition initiale à l'impôt de solidarité sur la fortune qu'ils ont versé au titre de l'année 2011 et correspondant :
-à la différence, entre d'une part, l'actif net déclaré ;
-et d'autre part, l'actif net corrigé selon la position de M. et Mme [I] [W], c'est-à-dire excluant non seulement l'erreur matérielle relative au forfait mobilier mais aussi le rehaussement de la valeur de la nue-propriété de la maison d'habitation ;
-soit, en droits, la somme de 9.968 €, et donc condamner l'administration fiscale à restituer cette somme.
-condamner l'administration fiscale aux entiers dépens de l'instance ;
-condamner l'administration fiscale au versement de 4.000€ aux requérants sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 18 septembre 2017 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de l'Etat, représenté par le directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du directeur régional des finances publiques d'île de France et du département de [Localité 8] qui demande à la cour de:
-déclarer non fondé l'appel formé par les époux [W] ;
-confirmer le jugement entrepris ;
-dire et juger non fondée la demande de dégrèvement de M. et Mme [W] ;
-rejeter leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner les requérants à tous les dépens de l'instance dont distraction de ceux d'appel au profit du cabinet d'avocats qui en a fait l'avance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
Au préalable, il ressort des développements compris dans les conclusions des époux [W] que la demande d'annulation du jugement entrepris est en réalité une demande de réformation.
Sur la demande de décharge à hauteur de 39 319 €:
Aux termes de l'article 885 G du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : «Les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire du droit pour leur valeur en pleine propriété. Toutefois, les biens grevés de l'usufruit ou du droit d'usage ou d'habitation sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier ou du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 669 dans les cas énumérés ci-après, et à condition, pour l'usufruit, que le droit constitué ne soit ni vendu, ni cédé à titre gratuit par son titulaire :
a. Lorsque la constitution de l'usufruit résulte de l'application des articles 767,1094 ou 1098 du code civil. Les biens dont la propriété est démembrée en application d'autres dispositions, et notamment de l'article 1094 du code civil, ne peuvent faire l'objet de cette imposition répartie.
b. Lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente d'un bien dont le vendeur s'est réservé l'usufruit, le droit d'usage ou d'habitation et que l'acquéreur n'est pas l'une des personnes visées à l'article 751;
c. Lorsque l'usufruit ou le droit d'usage ou d'habitation a été réservé par le donateur d'un bien ayant fait l'objet d'un don ou legs à l'Etat, aux départements, aux communes ou syndicats de communes et à leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux associations reconnues d'utilité publique»
Les époux [W] soutiennent que la position de l'administration a eu pour effet d'imposer deux fois la nue-propriété de l'immeuble litigieux, dès lors que celle-ci est comprise dans la valeur des parts sociales détenues par la SCI et qui ont été déclarées.
Mais dès lors que le démembrement de la propriété de l'immeuble situé [Adresse 1] ne résulte d'aucun des cas énumérés à l'article 885 G et rappelés ci-dessus, ils demeurent en qualité d'usufruitiers taxables sur la pleine propriété du bien, et ce, quelle que soit leur déclaration relative aux parts sociales de la SCI [Adresse 7].
Sur le fondement des articles L203 et L205 du livre des procédures fiscales, les époux [W] soutiennent que si l'administration effectue une correction à la hausse de la valeur de l'immeuble, en lui ajoutant la valeur de la nue-propriété, elle doit alors effectuer corrélativement une correction à la baisse de la valeur des parts sociales de la SCI [Adresse 7], en retranchant la valeur de la nue-propriété. Ils ajoutent que les deux corrections doivent s'annuler puisqu'elles sont de montant égal et qu'il n'y a pas, finalement, de variation de l'actif net taxable à l'impôt de solidarité sur la fortune.
L'administration fiscale soutient que:
*il est exact que la valeur de la nue-propriété de l'immeuble litigieux étant taxée, en l'espèce dans le cadre de la taxation de la pleine propriété, il ne peut être tenu compte de cette nue-propriété pour l'évaluation des parts de la SCI [Adresse 7].
*si la valeur de la nue-propriété est prise en compte dans la valeur des parts sociales, la demande des requérants ne pourrait porter que sur une révision de la valeur des titres.
*les époux [W] ne démontrent nullement que l'évaluation des titres de la SCI [Adresse 7] à hauteur de 1000 € par année tient compte de la valeur de la nue-propriété de l'immeuble litigieux; les requérants ne versent aux débats aucune copie des bilans de la SCI pour les années en litige, et ne justifient pas de l'existence d'un emprunt du même montant que la nue-propriété litigieuse au jour du fait générateur de l'impôt.
*même si les requérants rapportaient la preuve de l'existence de l'emprunt en cause contracté par la SCI, sa prise en compte dans l'évaluation des parts de la SCI aurait pour seule conséquence de ramener la valeur de cette dernière à 0 € en lieu et place des 1000 € actuellement déclarés et taxés; dès lors, compte tenu du taux marginal d'imposition des requérants au titre des ISF 2011 à 2014, la réduction d'impôt pour chaque année s'élèverait à 16,50 € (1000 x 1,65 %) pour 2011 et 2012 et 15 € (1000 x 1,5 %) pour les années 2013 2014.
Dans le cadre de son pouvoir général de rectification, il appartient à l'administration fiscale, sous le contrôle du juge de l'impôt, de recalculer l'impôt en appliquant les lois et réglementation applicables, fussent elles en faveur du contribuable.
Aux termes de l'article L203 du livre des procédures fiscales : «Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande»
Aux termes de l'article L205 du même code : «Les compensations de droit prévues aux articles L203 et L204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition»
L'acte de vente précise en page 9 au paragraphe « Déclaration d'origine des deniers»: «les acquéreurs déclarent que la quote-part du prix afférent aux biens immobiliers qu'il viennent de payer au vendeur leur provient à savoir :
-en ce qui concerne M. et Mme [I] [W], d'une partie d'un' «'Prêt CIC IMMO prêt à taux révisable'» numéro 855801072, à raison de la somme de 803'500 €,
-Pour la société SCI [Adresse 7], d'une partie d'un «'Prêt CIC IMMO prêt modulable'», numéro 855801072, à raison de la somme de 803'500 €' (...)»
Les époux [W] produisent aux débats le contrat de prêt du 21 décembre 2006 dont il ressort que la SCI [Adresse 7] a souscrit, pour l'achat en nue-propriété de l'immeuble, un prêt du montant total de 950'000 €. Ils produisent les bilans actifs et passifs de la SCI pour les exercices 2010 à 2013 et le tableau d'amortissement qui démontrent qu'au premier janvier de chacune des années en litige la valeur de l'achat est compensée par un emprunt.
Ainsi, il est démontré que la SCI [Adresse 7] a acquis intégralement la nue-propriété de l'immeuble par un emprunt. Toutefois, la prise en compte de cet emprunt dans la valeur des parts de la SCI n'a pas pour effet de décharger les époux [W] du rappel calculé sur la valeur de l'immeuble en pleine propriété. La conséquence des montants équivalents des bilans actif et passif est de ramener la valeur de la SCI à 0 € en lieu et place des 1 000 € déclarés et taxés.
L'administration fiscale, présente en page 7 de ses écritures la réduction d'impôt des requérants qui résulte de la révision de la valeur des parts et expose, par un calcul auquel les époux [W] n'opposent aucun moyen utile, que celle-ci est de 16,50 € pour les années 2011 et 2012 et 15 € pour les années 2013 et 2014.
Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé. La décision de rejet du 3 juin 2015 sera infirmée et les impositions à l'impôt de solidarité sur la fortune et à la contribution exceptionnelle sur la fortune de M. et Mme [W] au titre des années 2011 à 2014 seront dégrevées à hauteur de 63 €.
Sur la demande de restitution de la somme de 9 968 €:
Le calcul de l'ISF de l'année 2011 était entaché d'une erreur matérielle sur le forfait mobilier que l'administration a corrigée après les observations du 29 janvier 2015 des contribuables. Dès lors que pour le surplus, il résulte de ce qui a été exposé plus haut, qu'il n'y a pas lieu de prononcer un dégrèvement supplémentaire au titre de la valeur de l'immeuble, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [W] de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire;
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [W] de leur demande de restitution de la somme de 9 968 € versée au titre de l'ISF de l'année 2011;
Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions;
Infirme la décision de rejet du 3 juin 2015;
Prononce le dégrèvement des impositions supplémentaires à l'impôt de solidarité sur la fortune et à la contribution exceptionnelle sur la fortune à la charge de M. et Mme [W] au titre des années 2011 à 2014 à hauteur de la somme totale de 63 €, et condamne l'Etat à la restitution de cette somme;
Déboute les époux [W] de leur demande au titre des frais irrépétibles;
Condamne l'Etat aux dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT