MC/CD
Numéro 19/3314
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/08/2019
Dossier : N° RG 16/01941 -
N° Portalis DBVV-V-B7A-GG4O
Nature affaire :
Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit
Affaire :
URSSAF D'AQUITAINE
C/
Association ADAPEI DES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Août 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Juin 2019, devant :
Madame COQUERELLE, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame COQUERELLE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame THEATE, Présidente
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
URSSAF D'AQUITAINE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par la SCP CB2P AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Association ADAPEI DES PYRÉNÉES-ATLANTIQUES (ADAPEI 64)
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par la SELAS FIDAL, avocats au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 07 MARS 2016
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE PAU
RG numéro : 20140311
FAITS ET PROCÉDURE
L'URSSAF AQUITAINE a procédé au sein de l'association ADAPEI des Pyrénées-Atlantiques à un contrôle sur les années 2010 à 2012, qui a donné lieu à une lettre d'observations datée du 11 juillet 2013 récapitulant divers chefs de redressement.
A la suite de ce contrôle, l'URSSAF AQUITAINE a adressé à la société une confirmation des observations ne donnant pas lieu à redressement.
L'association ADAPEI a saisi, par courrier du 30 octobre 2013, la commission de recours amiable en contestation d'observations exemptes de redressement consécutif et portant sur':
- l'assujettissement et l'affiliation au régime général de certains intervenants';
- le calcul de la réduction Fillon.
Cette contestation a été rejetée par la CRA suivant une décision du 24 juin 2014, notifiée à l'association le 06 août de la même année.
Par requête adressée le 09 septembre 2014, l'association ADAPEI des Pyrénées-Atlantiques a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau afin de faire réformer partiellement la décision prononcée par la CRA quant au calcul de la réduction Fillon.
L'URSSAF a maintenu sa position et a sollicité le versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 07 mars 2016, auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions initiales des parties et des moyens soulevés, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau a :
* déclaré recevable et bien-fondé le recours de l'ADAPEI Pyrénées-Atlantiques ;
* dit n'y avoir lieu à appliquer aux salariés du groupe 1 et du groupe 2 de l'ADAPEI Pyrénées-Atlantiques les dispositions de l'alinéa 6 de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, ces derniers ne pouvant être considérés comme des salariés à temps partiel travaillant à temps partiel ou dont la rémunération contractuelle n'est pas fixée sur la base de la durée légale';
* dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens, rappelant que la procédure est gratuite et sans frais.
Par lettre recommandée adressée au greffe et portant la date d'expédition du 31 mai 2016, l'URSSAF AQUITAINE a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 03 mai 2016.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées au greffe de la chambre sociale sous la date du 15 mai 2018, reprises oralement à l'audience, l'URSSAF AQUITAINE conclut à l'infirmation du jugement déféré, à la confirmation de la décision de la CRA du 24 juin 2014. Elle réclame, en outre, une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par RPVA le 18 avril 2019, reprises oralement à l'audience, l'association ADAPEI des Pyrénées-Atlantiques conclut à la confirmation du jugement déféré, ainsi qu'à la condamnation de l'URSSAF AQUITAINE à lui verser une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
MOTIFS
La réduction Fillon est un dispositif dégressif de calcul du montant de certaines cotisations sociales mises à la charge de l'employeur, qui est prévu par les dispositions de l'article L 241-13 du code de la sécurité sociale.
Les dispositions en litige ont trait à l'un des éléments de la formule de calcul de cette réduction à savoir la valeur du salaire minimum de croissance qui est développée à l'article D. 241-7 du même code, en ces termes':
* dans sa version applicable du 25 septembre 2007 au 31 décembre 2010':
«'Le montant mensuel du salaire minimum de croissance à prendre en compte est égal à la valeur de 151,67 fois le salaire minimum de croissance prévu par l'article L. 141-2 du code du travail. Pour les salariés dont la rémunération contractuelle n'est pas fixée pour l'ensemble du mois considéré sur la base d'une durée hebdomadaire, ou rapportée à la durée du cycle, de 35 heures ou d'une durée annuelle de 1 607 heures, le montant mensuel du salaire minimum de croissance ainsi déterminé est corrigé à proportion de la durée de travail ou de la durée équivalente au sens du cinquième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail, hors heures supplémentaires et complémentaires au sens de l'article 81 quater du code général des impôts, inscrite à leur contrat de travail au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise et rapportée à celle correspondant à la durée légale du travail.
3. En cas de suspension du contrat de travail avec maintien partiel de la rémunération mensuelle brute du salarié, le montant mensuel du salaire minimum de croissance pris en compte pour le calcul du coefficient est réduit selon le pourcentage de la rémunération demeurée à la charge de l'employeur et soumise à cotisations'».
* dans sa version applicable du 1er janvier 2011 à l'issue de la période concernée'(codification sous l'article D 242-7 du 07 mai 2012 au 24 septembre 2012) :
«'Sous réserve des dispositions prévues par les alinéas suivants, le montant annuel du salaire minimum de croissance à prendre en compte est égal à 1 820 fois le salaire minimum de croissance prévu par l'article L. 3231-2 du code du travail ou à la somme de douze fractions identiques correspondant à sa valeur multipliée par les 52/12 de la durée légale hebdomadaire.
Pour les salariés travaillant à temps partiel ou dont la rémunération contractuelle n'est pas fixée sur la base de la durée légale ainsi que pour les salariés n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 3242-1 du code du travail, la valeur du salaire minimum de croissance ainsi déterminée est corrigée à proportion de la durée de travail ou de la durée équivalente au sens de l'article L. 3121-9 du code du travail ou de l'article L. 713-5 du code rural et de la pêche maritime, hors heures supplémentaires et complémentaires au sens de l'article 81 quater du code général des impôts, (au sens de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale et complémentaires au sens des articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ' version applicable au 24 septembre 2012) inscrite à leur contrat de travail au titre de la période où ils sont présents dans l'entreprise et rapportée à celle correspondant à la durée légale du travail.
En cas de suspension du contrat de travail avec paiement intégral de la rémunération brute du salarié, la fraction du montant du salaire minimum de croissance correspondant au mois où le contrat est suspendu est prise en compte pour sa valeur déterminée dans les conditions ci-dessus'».
L'ADAPEI soutient qu'il n'y a pas lieu de proratiser cette valeur pour les salariés répartis dans les groupes 1 et 2 définis par accord collectif d'entreprise. Elle approuve le premier juge d'avoir retenu que ces salariés':
- étaient engagés et rémunérés à temps plein';
- effectuaient en moyenne 35 heures par semaine, 151,67 heures par mois ou encore 1607 heures par an.
L'URSSAF AQUITAINE soulève au contraire que l'accord d'entreprise applicable au cas particulier prévoit que les salariés des groupes 1 et 2 ont une durée de travail annuelle inférieure à 1607 heures par an, durée légale de travail. Elle en déduit que le montant du SMIC doit être corrigé en fonction de la durée réellement effectuée au titre de la période où les salariés sont présents dans l'entreprise et non celle rémunérée sur les bulletins de paie, alors que ce montant doit être rapporté à celui correspondant à la durée légale de travail. Elle se réfère à une jurisprudence selon laquelle les congés payés supplémentaires prévus par un accord d'entreprise n'entrent pas dans le calcul de la durée annuelle retenu pour la valeur du SMIC de référence.
Conformément aux dispositions de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale prévisées, la valeur mensuelle ou annuelle du SMIC doit être réduite à due proportion en considération de la durée légale de travail :
- jusqu'au 31 décembre 2010, pour les salariés dont la rémunération contractuelle n'est pas fixée pour l'ensemble du mois considéré sur la base d'une durée hebdomadaire, ou rapportée à la durée du cycle, de 35 heures ou d'une durée annuelle de 1 607 heures,
- après cette date, pour les salariés travaillant à temps partiel ou dont la rémunération contractuelle n'est pas fixée sur la base de la durée légale.
Il apparaît tout d'abord et il n'est d'ailleurs plus contesté par l'appelante, que la proratisation de la valeur mensuelle ou annuelle du SMIC ne procède pas en l'occurrence de la qualification des contrats de travail à temps partiel. En effet, l'association verse aux débats un contrat de travail dont le caractère type n'est pas contesté, or ce contrat précise en son article premier qu'il s'agit d'une embauche à temps complet. Il renvoie dans son article 5 à l'application d'un horaire collectif de travail et aux dispositions de l'accord d'entreprise en date du 28 juin 1999 afférent à l'aménagement et la réduction du temps de travail, lesquelles distinguent la situation des salariés à temps partiel de celle des salariés soumis à la durée collective de travail.
Il est en revanche constant que l'association applique une durée annualisée et conventionnelle de travail, détaillée aux dispositions de l'article 2.1 «'Réduction collective de la durée du travail'». Ainsi dans la mesure où la durée conventionnelle serait inférieure à «'une durée annuelle de 1 607 heures'» (avant le 1er janvier 2011) puis à la «'base de la durée légale'» il conviendrait d'opérer une réduction du montant du SMIC pris en compte dans le calcul du coefficient de réduction Fillon.
Or, l'accord d'entreprise distingue «'une durée annuelle de travail effectif'» déterminée comme suit':
- pour les salariés du groupe 1': 45 semaines x 39 heures = 1755 heures, réduites après l'aménagement du temps de travail à 45 semaines x 33 heures = 1485 heures';
- pour les salariés du groupe 2': 41,4 semaines x 39 heures = 1614,6 heures, réduites après l'aménagement du temps de travail à 41,4 semaines x 35 heures = 1449 heures.
Il se déduit des dispositions combinées des articles L. 3121-10 et L. 3122-4 du code du travail que la durée de travail annuelle de travail effectif à temps plein correspond à 35 heures hebdomadaires et 1607 heures annuelles. L'URSSAF relève donc à juste titre que la durée de travail effectif conventionnelle appliquée aux salariés des groupes 1 et 2 est inférieure à ce seuil.
Pour autant, l'article D 241-7 du code de la sécurité sociale dispose que le montant mensuel du SMIC correspond 151,67 fois sa valeur horaire, après le 1er janvier 2011 cette valeur est multipliée par 12 pour atteindre 1820 fois ce salaire horaire.
Or, le multiple de 1820 correspond à 35 heures hebdomadaires (la durée légale de référence) multipliées par 52 semaines. Ces 52 semaines incluent donc a minima la durée légale correspondante aux périodes de congés payés (5 semaines en application de l'article L. 3141-3 du code du travail). Il n'est donc aucunement fait référence à une durée de travail effectif excluant toute période de suspension du contrat de travail.
Il est d'ailleurs prévu en ce sens dans la version la plus récente de cet article que «'en cas de suspension du contrat de travail avec paiement intégral de la rémunération brute du salarié, la fraction du montant du salaire minimum de croissance correspondant au mois où le contrat est suspendu est prise en compte pour sa valeur déterminée dans les conditions ci-dessus'».
Ainsi pour un salarié travaillant à temps complet soit 35 heures hebdomadaires ou 1607 heures de travail effectif annuel, le SMIC (1820 heures annuelles ou 12 fois 151,67 heures mensuelles) prend en compte la durée légale de 5 semaines de congés payés, il ne peut donc être appliqué qu'un régime dûment proportionnel tel qu'il est prévu par les précédentes dispositions, et non pas défavorable aux salariés travaillant selon une durée conventionnelle de travail moindre à celle fixée par la loi.
Ainsi, il convient d'ajouter aux temps de travail effectif prévus par l'accord collectif pour les salariés des groupes 1 et 2, la durée légale des congés payés soit 5 semaines multipliées par 35 heures, donnant les valeurs suivantes':
- 1485 heures + 175 heures (congés payés) = 1660 heures';
- 1449 heures + 175 heures (congés payés) = 1624 heures.
Il s'ensuit que les contrats de travail des salariés des groupes 1 et 2 renvoyant aux dispositions de l'accord collectif d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail du 28 juin 1999, ne prévoient pas une durée de travail inférieure à une «'durée annuelle de 1607 heures'» ou « à la base de la durée légale de travail » au sens de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, dans ses versions applicables à l'espèce.
Il n'y a donc pas lieu pour ces salariés de procéder, du seul fait de l'application des dispositions de l'accord d'entreprise, à une correction de la valeur du SMIC dans le calcul du coefficient de la réduction Fillon prévue à ce même article.
Ainsi la décision entreprise est confirmée en l'ensemble de ses dispositions.
Il appartient à l'URSSAF AQUITAINE de supporter la charge des dépens et de verser à l'intimée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement dont appel en l'ensemble de ses dispositions';
CONDAMNE l'URSSAF AQUITAINE à verser à l'ADAPEI des Pyrénées-Atlantiques la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
REJETTE la demande de l'URSSAF AQUITAINE présentée sur ce fondement';
CONDAMNE l'URSSAF AQUITAINE aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,