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07/08/2019 | FRANCE | N°16/03065

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 07 août 2019, 16/03065


PS/AM



Numéro 19/3198





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 07/08/2019









Dossier N° RG 16/03065

N° Portalis DBVV-V-B7A-GJXG





Nature affaire :



Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente















Affaire :



[R] [K] [Y] [D] épouse [K]



C/



LA SA COFIDIS

La SCP [E]










r>











Grosse délivrée le :



à :























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 août 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévue...

PS/AM

Numéro 19/3198

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 07/08/2019

Dossier N° RG 16/03065

N° Portalis DBVV-V-B7A-GJXG

Nature affaire :

Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente

Affaire :

[R] [K] [Y] [D] épouse [K]

C/

LA SA COFIDIS

La SCP [E]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 août 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 mai 2019, devant :

Monsieur SERNY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur SERNY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame BRENGARD, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur SERNY, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [R] [K]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Madame [Y] [D] épouse [K]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentés et assistés de la SELARL GARDACH & ASSOCIÉS, représentée par Maïtre Marina CORBINEAU, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

LA SA COFIDIS, société à directoire et conseil de surveillance, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

représentée par Maître Julie CHATEAU, membre de la SCP SCHNERB - CHATEAU, avocat au barreau de PAU

assistée de la SELARL HAUSSMANN - KAINIC - HASCOET, avocats au barreau de PARIS

La SCP [E], prise en la personne de Maître [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL VIVENCI ENERGIES

[Adresse 3]

[Localité 3]

assignée

sur appel de la décision

en date du 27 JUIN 2016

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Vu l=acte d'appel initial du 30 août 2016 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,

Vu le jugement rendu le 27 juin 2016 par le tribunal de grande instance de BAYONNE,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mars 2019,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 02 avril 2019,

Vu le défaut de comparution de la SARL VIVENCI ENERGIES RCS PARIS 512 644 188 prise en la personne de son liquidateur judiciaire, [U] [E], membre de la SCP [E] désigné par le tribunal de commerce de PARIS le 19 mars 2014.

L=ordonnance de clôture du 03 avril 2019 a été révoquée par ordonnance du 08 avril 2019.

L'affaire a été clôturée le 06 mai 2019 avant ouverture des débats.

Le rapport ayant été fait oralement à l=audience.

Les faits constants

a) les contrats

Selon contrat (bon de commande en date du 19 février 2011 mais signé du seul mari), les époux [R] [K] et [Y] [D], démarchés à leur domicile d'[Localité 6] par un représentant de la SARL VIVALDI aux droits de qui est ensuite venue la SARL VIVENCI ENERGIE, ont passé commande, pour les besoins de leur résidence principale :

- de 16 panneaux photovoltaïques de référence DTC 185 avec une garantie contractuelle de 25 ans,

- d'un onduleur de référence V POWER de type OSCAD-2012 avec une garantie contractuelle 20 ans,

- des travaux nécessaires, garantis 10 ans pour ce qui concerne l'étanchéité,

- l'installation disposant d'une puissance de 2.960 kWatts en crête,

- pour obtenir une production annuelle estimée de 3.757 kWh.

Le contrat est conclu

'- sous réserve d'acceptation du dossier par EDF

- sous réserve d'acceptation d'un contrat de rachat d'une durée de 20 ans à 58 cts / kWh indexé'.

Pour financer cet investissement, les époux [K] [D] ont ensemble déposé une demande de crédit et emprunté, auprès de la banque SOFEMO, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SA COFIDIS, la somme de 21.500 euros à rembourser sur une durée de 15 ans (180 échéances) après un différé d'amortissement de 5 mois, le montant des échéances d'amortissement étant de 181,20 euros par mois hors assurance et de 208,20 euros avec les primes d'assurances fixes de 27 euros.

Le taux financier ni TEG est de 4,99 %.

Le TEG est de 5,37 % l'an,

Le tableau d'amortissement correspond à un crédit de 22.504,15 euros (et non de 21.500 euros) et ne fait pas état du différé d'amortissement d'un an qui semble avoir été prévu si l'on en juge par les écrits postérieurs de la banque.

Leur demande de crédit est datée du 19 février 2011 ; elle est signée par les deux époux contrairement au bon de commande.

Elle a donc été formée en même temps qu'était établi le bon de commande, au domicile des acquéreurs emprunteurs.

Le 21 mars 2011, les époux [K] [D] ont déposé une demande de raccordement n° 359320.

Le 04 mai 2011, [Y] [K] a attesté sous sa seule signature que le matériel avait été livré et avant de signer a apposé sur l'acte, par écrit et de sa main, la mention 'Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés.

En conséquence je demande à SOFEMO de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d'en verser directement le montant entre les mains de la SARL VIVALDI.'

B) Chronologie postérieure et l'absence de mise en service

Par courrier daté du 25 juillet 2011, les époux [K] [D] sont rendus destinataires d'un courrier d'EDF qui, visant leur demande de raccordement du 21 mars 2011, leur indique qu'il sont tenus de vendre la totalité de leur production d'électricité pour la puissance demandée de 2,96 KWc rémunérée au tarif de 46 centimes par kWatts/heures, tarif garanti sur 20 ans si le raccordement intervient avant le 21 septembre 2012.

Les époux [K] [D] vont alors rappeler la teneur de leur contrat qui était basé sur un prix de rachat de 58 centimes/kWh et ont manifesté leur intention de résoudre le contrat par courrier du 24 novembre 2011 (LRAR) réitérée le 04 décembre 2011 après réponse négative de la SARL VIVALDI. Ils ont refusé de contracter avec EDF aux conditions financières que l'établissement public leur proposait. Ils ont mis la SARL VIVENDI en demeure de se manifester et de reprendre le matériel faute de proposer un arrangement.

Le 22 décembre 2011, les époux [K] [D] ont fait constater par huissier des fuites d'eaux apparues en toiture à la suite de la formation d'une fissure.

En mai 2012, la SARL VIVALDI refusait définitivement toute discussion.

N'ayant pas été payée des échéances du crédit contracté, la SOFEMO a prononcé la déchéance du terme et a assigné les emprunteurs devant le tribunal d'instance.

C) les procédures judiciaires et la dualité actuelle de procédures

Le 11 février 2013, préalablement à la saisine du tribunal de grande instance, la SOFEMO avait saisi le tribunal d'instance de BAYONNE d'une action en paiement contre les époux [K] [D].

Par assignation du 22 mai 2013 ayant saisi le tribunal de grande instance de BAYONNE de la procédure achevée par le jugement dont appel, et bien que le juge de l'action soit aussi le juge de l'exception de nullité, les époux [K] [D] ont actionné la SARL VIVENCI ENERGIES devant le tribunal de grande instance de BAYONNE pour obtenir l'annulation du contrat de fourniture de biens et de services pour l'ensemble des vices du consentement prévus par le code civil et pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle.

Ils y ont appelé en cause la SOFEMO par assignation du 23 juillet 2013, créant les conditions d'une litispendance.

La société VIVENCI ENERGIES qui avait pris la suite de la SARL VIVALDI a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de PARIS rendu le 19 mars 2014.

Par courrier recommandé du 30 avril 2014 adressé au liquidateur judiciaire désigné, les époux [K] [D] y ont déclaré à titre provisionnel une créance en principal de 21.500 euros correspondant au montant du prêt inutilement conclu, augmentée de 5.000 euros de dommages-intérêts ; ils y ont ajouté une somme de 2.696,747 au titre d'une 'indemnité de procédure'.

Par décision du 08 octobre 2014, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce.

Par ordonnance du 04 décembre 2014, le juge de la mise en état a rejeté l'exception de litispendance et de connexité soulevée par la banque pour obtenir le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce ; l'ordonnance qualifie néanmoins l'opération d'acte de commerce.

Par jugement du 08 février 2016, le tribunal de commerce a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance.

Le liquidateur judiciaire de la SARL VIVENCI ENERGIES a été appelé en cause le 19 janvier 2015.

Le jugement dont appel

Par le jugement dont appel, le tribunal de grande instance de BAYONNE, visant des conclusions déposées le 16 février 2016 par les époux [K] [D], les a déboutés de leurs demandes d'annulation des contrats.

Répondant aux moyens de nullités développés contre les conventions signées, il a estimé qu'il appartenait aux époux [K] [D] de se renseigner sur le prix du courant électrique avant de s'engager.

S'agissant des dégâts subis par l'immeuble, il a estimé que la preuve du préjudice n'était pas suffisamment établie par le procès-verbal du 22 décembre 2011.

Rejetant l'exception d'incompétence réitérée formée par la banque et répondant aux griefs développés par les emprunteurs contre ladite banque à qui il était reproché d'avoir délivré les fonds de manière précipitée, il a retenu que la faute de la banque n'était pas établie et a condamné les époux [K] [D] à lui payer la somme de 25.574 euros outre intérêts conventionnels à 4,99 % sur la somme de 22.408,40 euros à compter du 08 décembre 2012, tout en rejetant la demande de délais de paiement formée par les emprunteurs.

Prétentions et moyens des parties

Les époux [K] [D], appelants, poursuivent l'infirmation du jugement.

Ils demandent l'annulation du contrat de fourniture de biens et de services en invoquant le dol commis par leur cocontractant, la SARL VIVALDI, en soutenant qu'elle a volontairement donné une fausse information sur le prix de revente du courant électrique, le majorant pour amener les acquéreurs à contracter en ayant la perspective que l'installation s'autofinancerait.

Ils invoquent ensuite l'indivisibilité contractuelle de l'article 1218 du code civil (rédaction antérieure à 2016) pour que le contrat de prêt soit anéanti en raison de la nullité du contrat de vente financé.

A titre de dommages-intérêts, ils réclament à la liquidation judiciaire, par inscription au passif, outre la restitution du prix de 21.500 euros, le paiement d'une indemnité de 5.000 euros pour la réparation des dégâts et 5.000 euros pour la dépose du matériel.

A l'encontre de la société COFIDIS, ils invoquent des fautes ayant consisté :

- à délivrer les fonds de manière précipitée sur la simple prise en compte d'une attestation de livraison signé par la seule épouse,

- à délivrer les fonds sans s'assurer de l'exécution complète des prestations prévues au bon de commande qui selon eux allaient jusqu'à l'installation et jusqu'au raccordement au réseau, contestant que la banque puisse s'abstraire de toute problème relatif au matériel livré,

Ils demandent la condamnation de la société COFIDIS à leur payer les sommes demandées à la liquidation judiciaire soit à titre de restitution du prix, soit à titre de dommages-intérêts pour les dégâts subis par la toiture.

A titre subsidiaire, ils demandent des délais de paiement.

Ils réclament à la banque la somme de 3.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

La SA COFIDIS, intimée, soulève préalablement une irrecevabilité fondée sur les articles 960 et 961 du code de procédure civile qui exigent l'identification précise des parties au procès d'appel.

Sur le fond, elle entend écarter toute application du droit de la consommation en soutenant que l'opération conclue par les époux [K] [D] est un acte de commerce puisque le contrat prévoit la revente de la totalité de l'électricité produite et puisque le tribunal d'instance de BAYONNE l'a jugé le 08 octobre 2014.

Elle demande la confirmation du jugement, et conteste qu'une éventuelle annulation du contrat principal puisse entraîner celle du contrat de crédit.

Pour le cas où la cour anéantirait néanmoins les contrats sur quelque fondement que ce soit, elle demande la condamnation solidaire des deux époux au remboursement du capital de 21.500 euros outre les intérêts conventionnels à compter du 25 octobre 2012.

Elle demande aussi leur condamnation solidaire à payer 3.000 euros de dommages-intérêts pour abus de procédure et 4.000 euros en compensation de frais irrépétibles.

La SARL VIVENCI ENERGIES n'a pas comparu.

MOTIFS

Sur la procédure

a) moyen de recevabilité soulevé par COFIDIS

La société COFIDIS soutient que les époux [K] [D] seraient irrecevables dans leur action au motif que leur identité ne serait pas indiquée comme le prévoient les articles 960 et 961 du code de procédure civile.

Les dernières conclusions donnent les indications demandées, couvrant ainsi l'irrégularité invoquée ; la société COFIDIS connaît l'identité de ses interlocuteurs. Le moyen est donc devenu sans objet et les époux [K] [D] sont recevables dans leur action.

b) les exceptions soulevées en première instance tendant au renvoi devant une autre juridiction.

Le tribunal de grande instance a rejeté une exception d'incompétence réitérée par la société COFIDIS devant lui ; la cour est juridiction d'appel des deux juridictions entre lesquelles l'arbitrage de compétence d'attribution est intervenu ; il n'y a pas lieu de statuer sur cette exception ; la société COFIDIS reconnaît d'ailleurs que cette question ne se pose plus en cause d'appel.

Pour statuer sur la nullité du contrat demandée à titre principal par les époux [K] [D], le tribunal de grande instance était au demeurant compétent puisque la demande, en contestant la validité du contrat, niait l'application du droit de la consommation et donc la compétence exclusive du droit de la consommation ; elle niait également l'application du droit commercial pour se placer sur le terrain juridique de la responsabilité civile quasi délictuelle et sur celui des conséquences d'une nullité contractuelle invoquée par une personne civile.

Par ailleurs, le présent arrêt prive d'objet la procédure pendante devant le tribunal de commerce de BAYONNE car l'action en nullité sur laquelle la cour se prononce l'amène à connaître du bien fondé de l'action en paiement que la SOFEMO porte aussi devant la cour après l'avoir portée devant le tribunal de grande instance par voie reconventionnelle en créant ainsi une litispendance partielle qui résultait des assignations réciproques délivrées en février 2013 (SOFEMO contre les époux [K] [D] devant le tribunal d'instance) et en juillet 2013 (Epoux [K] [D] contre SOFEMO à joindre au dossier du tribunal de grande instance déjà engagé contre la SARL VIVALDI).

Sur le fond

A) sur la qualification civile ou commerciale du contrat qui commande l'application du droit de la consommation

En renvoyant l'affaire devant le tribunal de commerce, le tribunal d'instance, par son jugement du 08 octobre 2014, a reconnu au contrat de prêt un caractère commercial, tranchant ainsi une question de fond dont dépendait la compétence ; cette qualification s'étend donc par accessoire au contrat de prêt ; les époux [K] [D] ont accepté cette décision renvoyant le débat devant le tribunal de commerce, acceptant donc le renvoi devant cette juridiction, sans former de recours contre le jugement du tribunal d'instance.

Par ces seuls motifs, le droit de la consommation ne trouve donc pas à s'appliquer dans la présente espèce.

La nullité ne peut être prononcée que par application des règles du droit civil.

B) sur l'anéantissement du contrat de vente

Les époux [K] [D] ont fait figurer dans le contrat de fourniture de biens et de services qu'ils entendaient n'être liés par le contrat que s'ils obtenaient le prix unitaire de 58 centimes / kWh afin d'assurer sur 20 ans l'équilibre de leur investissement ; ils ont de faibles ressources et ne se sont engagés qu'en considération d'un autofinancement certain de l'investissement sur cette base, proposée par la SARL VIVALDI ; il s'agissait donc d'une condition mise à leur expression de volonté, et cette condition, qui dépendait d'un tiers, n'a jamais été remplie. Dès qu'ils ont été informés de ce que le prix de vente du courant électrique serait de 20% inférieur à celui porté dans leur engagement, ils ont immédiatement manifesté leur refus d'accepter l'installation déjà mise en place et entrepris les démarches pour se dégager des contrats. Ils n'ont signé aucun contrat avec EDF, et, compte tenu de la réserve expresse portée dans le bon de commande, ce refus de contracter avec EDF ne peut pas leur être imputé à faute.

C'est à tort, et en méconnaissance de la condition édictée par le contrat, que la SARL VIVALDI leur a indiqué qu'ils demeuraient engagés et devaient supporter un déficit mensuel lié à un prix inférieur à celui qui était attendu ; ayant cosigné le bon de commande, elle ne pouvait pas soutenir une telle argumentation sans méconnaître la réserve à laquelle elle avait consenti et qui s'interprète nécessairement comme une condition suspensive qui n'a jamais été remplie.

La signature du bon de livraison - indépendamment de toute référence au droit de la consommation - n'équivaut pas à une ratification du prix de 46 centimes proposé par EDF en juillet 2011 puisque ce bon de livraison a été signé par [Y] [D] (qui, pour l'exécution du contrat de vente, était réputée avoir le pouvoir d'engager son mari quel que puisse être le régime matrimonial) avant d'avoir reçu l'information selon laquelle le prix de vente du courant serait fixé à ce niveau et non à celui, bien supérieur, figurant dans le bon de commande ; l'installation s'est donc faite aux risques et périls de leurs deux cocontractants (la banque et la société de fourniture de biens et de services) ; les contestations des époux [K] [D] n'ont d'ailleurs été soulevées que postérieurement au mois de juillet 2011 et ils n'ont jamais accepté le branchement de l'installation qui avait été mise en place en un temps où il n'étaient pas informés de ce que le prix de vente du courant électrique produit, condition essentielle pour eux, n'atteindrait pas le niveau porté dans le contrat et en considération duquel ils s'étaient engagés.

Comme la condition tenant aux prix de revente du courant n'a pas été remplie, le contrat ne s'est pas formé puisque les termes essentiels de l'engagement contractuel n'ont pas été respectés, fut-ce pour une raison étrangère à la société VIVALDI ; les époux [K] [D] sont fondés à se prévaloir d'une absence de consentement valable, et sont fondés à soutenir qu'ils ne sont pas liés par le contrat en raison de l'absence de consentement ; ils visent d'ailleurs dans leurs écritures l'article 1108 du code civil dans sa rédaction en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat.

La cour ne retiendra pas le dol car il n'est pas établi avec certitude, par référence à la réglementation ou par référence à d'autres contrats de fournitures de courant engageant EDF à la même époque, que la SARL VIVALDI ait délibérément 'gonflé' la perspective de rapport financier pour pouvoir vendre son matériel ; l'hypothèse n'est pas à exclure mais elle n'est pas vérifiée.

C) sur l'anéantissement du contrat de prêt

Si l'interdépendance des contrats ne peut être fondée sur le droit de la consommation, inapplicable en l'espèce en raison du caractère commercial de l'opération définitivement jugé, cette indivisibilité découle néanmoins en l'espèce de la volonté commune de toutes les parties ; le rappel du droit de la consommation dans le bon de commande reflète cette volonté contractuelle commune et la qualification commerciale du contrat, ultérieure retenue par le juge d'instance n'autorise pas à estimer que l'indivisibilité convenue

soit inapplicable aux contrats requalifiés en acte de commerce ; cette volonté reste donc certaine même dans le cadre d'un acte désormais qualifié d'acte de commerce ; c'est donc à bon droit que les époux [K] [D] demandent au visa de l'article 1218 du code civil (rédaction antérieure à 2016) que l'anéantissement du contrat de prêt soit prononcé en considération de l'absence de contrat principal ; dans l'esprit des parties, le contrat de fourniture de biens et de services était la cause du contrat de prêt et l'absence de consentement affectant le premier emporte par conséquent l'absence de consentement au second.

Là encore, l'existence d'une attestation de livraison du matériel n'est pas probante et ne saurait valoir ratification puisqu'elle a été délivrée en un temps où les époux [K] [D] ignoraient que le prix de rachat du courant électrique ne serait pas celui figurant dans leur contrat d'achat et puisqu'ils ont refusé tout branchement dès qu'ils ont ensuite appris qu'ils ne seraient pas rémunérés au niveau expressément porté dans leur engagement ; cette attestation de livraison ne vaut donc pas renonciation à la réserve expresse figurant dans le contrat de fournitures de biens et de services, condition suspensive jamais remplie.

D) sur la faute commise par la banque

La banque n'a pas commis de faute lors de la conclusion du contrat de prêt car les causes du refus de contracter opposées par les emprunteurs n'étaient alors pas réunies.

Cependant, la banque a entamé le processus contractuel par l'intermédiaire du même mandataire que celui de la société de fourniture de biens et de services qui a aussi proposé le financement à son nom ; la rédaction des contrats ne lui indiquait pas qu'il s'agissait d'actes de commerce ; elle était dans l'obligation d'exercer les contrôles exigés en matière de contrat à la consommation ; par conséquent, elle devait contrôler la teneur du contrat et à cette occasion, elle devait donc avoir connaissance de la réserve expresse tenant à l'exigence des emprunteurs pour obtenir le prix minimum de 58 centimes/kWh. Ainsi, en l'état d'un contrat de vente de fourniture de biens et de services prévoyant sans équivoque ce prix de 58 euros le KWH et en l'état d'une volonté non équivoque des parties de stipuler l'indivisibilité entre contrat de prêt et contrat de fourniture de biens et de services, elle ne pouvait pas se libérer des fonds empruntés, tant au regard du droit civil qu'au regard du droit commercial, sans s'assurer, indépendamment de toute considération du code de la consommation, qu'un contrat de vente de courant avait été conclu auprès D'EDF à ce prix ; la lecture du contrat lui montrait en effet que cette stipulation avait été rédigée comme condition au consentement donné par les acquéreurs emprunteurs. Elle aurait pu, comme l'emprunteur, opposer que l'attestation de livraison ne valait que pour la constatation d'une livraison complète mais restait faite aux risques et périls de l'entreprise fournissant le bien et les services.

En acceptant de libérer les fonds sans procéder à la vérification de la conclusion préalable d'un contrat de fourniture de courant conforme aux exigences des époux [K] [D], la banque a commis une faute quasi délictuelle puisque les contrats sont anéantis, contribuant ainsi à la genèse du préjudice qu'ils subissent et qui font d'elles un coauteur de ce préjudice, obligé à le réparer en entier, sauf son recours contre la SARL VIVENCI ENERGIES à exercer par inscription au passif de sa liquidation judiciaire.

Sur les restitutions résultant de la vente

L'annulation des contrats commande de remettre les parties dans l'état qui était le leur au moment de la conclusion des contrats comme si ces contrats n'avaient pas été conclus.

L'anéantissement du contrat de fourniture de biens et de services emporte de droit :

- restitution de la propriété des biens acquis à la personne en liquidation judiciaire qui les a vendus mais aux frais de celle-ci ou du tiers auquel l'installation sera cédée sur autorisation du tribunal de commerce en charge de la procédure collective de la SARL VIVENCI ENERGIES ;

- obligation (en réalité purement théorique) de la société en liquidation de restituer le prix du matériel vendu qu'elle a encaissé, mais seulement s'il y a eu déclaration de créance des emprunteurs au passif, et dans les limites de la déclaration de créance provisionnelle qui a pu être faite dans l'attente de l'issue de la présente instance ; en présence d'une admission de créance à titre provisionnel, la banque, en ce qu'elle est poursuivie en qualité de coobligée coresponsable de préjudice, ne peut alors opposer l'exception de non subrogation ; en cette qualité de coobligée, elle doit alors indemniser sauf à pouvoir ensuite se prévaloir de la subrogation légale pour bénéficier de la déclaration de créance qu'ont pu faire les acquéreurs emprunteurs au passif ; (sans préjudice de sa propre déclaration de créance si elle a pris la précaution d'en faire une) ;- obligation pour les acquéreurs vendeurs d'entretenir et de tenir à la disposition de la liquidation judiciaire ou de tout repreneur en titre qui se présenterait pour reprendre le matériel ; ils peuvent aussi négocier avec le liquidateur, sous le contrôle de la juridiction consulaire en charge de la liquidation judiciaire et à condition que la procédure collective ne soit pas clôturée prématurément, les conditions d'un abandon de la propriété de l'installation à leur profit s'il se révélait que la liquidation n'ait financièrement pas intérêt à la reprise de ce matériel. Mais les organes de la procédure collective, sous le contrôle du tribunal de commerce, peuvent décider de la céder à une autre personne.

L'impécuniosité de la liquidation ne permet pas de condamner la liquidation judiciaire à payer, ni de l'obliger à reprendre le matériel et à remettre les lieux en état.

Au cas d'espèce, les époux [K] [D] ont effectué une déclaration de créance indemnitaire provisionnelle au passif de la liquidation judiciaire ainsi libellée :

- montant du prix emprunté et payé 21.500,00 euros

- indemnité 5.000,00 euros

- indemnité de procédure 2.696,77 euros

TOTAL 29.196,77 euros.

Sous réserve de la régularité formelle de la déclaration de créance et de ses limites restant à apprécier par le juge commissaire de la liquidation judiciaire, ces sommes sont justifiées en principal ; elles sont à augmenter des intérêts ayant couru depuis l'assignation ayant introduit l'action devant le premier juge sauf à tenir compte de l'arrêt du cours des intérêts moratoires par le jugement d'ouverture de la procédure collective de la SARL VIVENCI ENERGIES dans la mesure où la déclaration les conserve.

b) Sur les conséquences de l'absence de conclusion du prêt

En droit les emprunteurs acquéreurs disposent contre la banque des deux actions :

- l'action en dispense de remboursement du capital prêté pour la réparation du préjudice causé par la souscription d'un prêt sans cause (la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur n'est pas nécessaire, car ce n'est pas le contrat de vente qui est en cause) ;

- l'action en coresponsabilité visant la banque comme coauteur du préjudice causé par le vendeur (la déclaration de créance est indispensable).

C'est la seconde action qui est introduite en l'espèce par les époux [K] [D] puisqu'ils ont formé une déclaration de créance au passif de la liquidation de la SARL VIVENCI ENERGIES pour les montants susdits lesquels sont supérieurs au remboursement du capital du prêt qui leur a été consenti et pour obtenir réparation d'un dommage subi par leur immeuble.

Comme la SARL VIVENCI ENERGIES est en liquidation judiciaire, le prix à restituer par suite de l'annulation de la vente est devenu un élément du préjudice dont ils peuvent demander réparation à la banque en sa qualité de coobligée à la réparation du préjudice causé par la vente annulée. (Si la SARL VIVENCI ENERGIES était solvable,

la banque ne serait obligée qu'à garantir la restitution du prix en cas d'insolvabilité du vendeur).

C) la restitution du montant de l'emprunt après annulation

Les époux [K] [D] doivent restituer à la banque le montant du capital emprunté dans la limite de l'amortissement restant à opérer mais ils doivent obtenir restitution de tous les frais et intérêts liés à l'octroi du prêt ; comme le capital à rembourser est un élément du préjudice qu'ils subissent, ils se libèrent de cette obligation par compensation avec la créance réciproque de dommages intérêts qu'il détiennent sur la banque, coauteur du dommage.

Les comptes relatifs à l'annulation du prêt devront être dénoués à la date du présent arrêt ; la cour ne dispose pas des pièces pour procéder aux rétablissements comptables ; elles ne peut pas faire droit à la mise en demeure du 25 octobre 2012 et la déchéance du terme qui s'en est suivie car ce décompte se fonde sur un contrat valable et applique un taux d'intérêt contractuel qui ne peut s'appliquer du fait de son annulation ; tous les intérêts conventionnels effectivement payés, et toute part du capital effectivement payée sont restituables, ainsi que tous les frais de dossier et l'indemnité conventionnelle de résiliation anticipée n'est pas due ; la banque ne peut réclamer le montant des rémunérations et indemnisations contractuelles qu'au coresponsable et à titre de réparation, si elle a pris la précaution de faire une déclaration de créance provisionnelle complétant celle des emprunteurs dans les droits desquels elle est légalement subrogée.

Il appartiendra au service contentieux de la banque de présenter des comptes précis sur ce point ; ce décompte devra :

- restituer les intérêts conventionnels effectivement payés (encore qu'il semble que les époux [K] [D] n'aient rien payé),

- restituer les frais de dossier et de sûreté,

- ne pas comporter de créance au titre d'une résiliation anticipée,

- restituer du montant des primes d'assurance groupe qui sont sans cause pour les emprunteurs,

- imputer ces restitutions sur le capital restant à récupérer (mais l'amortissement semble ne pas avoir commencé) en expliquant comment le capital à rembourser s'élève selon la mise en demeure du 25 octobre 2012 à un montant supérieur au montant figurant dans le contrat,

- opérer compensation à la date du présent arrêt avec la créance indemnitaire ci-dessus fixée.

Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des époux [K] [D] mais uniquement au préjudice de la banque SOFEMO ; ils seront déboutés de leur demande qu'ils forment en application de ce texte pour obtenir l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VIVENCI ENERGIES de la somme de 2.696,77 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :

* rejette la fin de non-recevoir soulevée par COFIDIS du chef d'un défaut d'identification des demandeurs principaux,

* déclare l'arrêt commun à la SARL VIVENCI ENERGIES prise en la personne de Me [U] [E], liquidateur judiciaire,

* infirme le jugement dont appel,

* statue à nouveau,

* par application de l'article 1108 du code civil dans sa rédaction antérieure à 2016, annule les deux contrats de fourniture de biens et de services passés par les époux [K] [D] d'une part avec la SARL VIVALDI aux droits de qui vient la SARL VIVENCI ENERGIES, d'autre part avec la SA SOFEMO aux droits de qui vient la SA COFIDIS,

* sur le fondement de l'article 1240 du code civil, déclare la SA COFIDIS et la SARL VIVENCI ENERGIES coresponsables in solidum du préjudice subi par les époux [K] [D],

* en considération de l'insolvabilité de la SARL VIVENCI ENERGIES condamne la SA COFIDIS à payer aux époux [K] [D] :

- une indemnité de 21.500 euros correspondant au prix payé et au montant emprunté,

- une indemnité de 5.000 euros compensant les désordres matériels,

* fixe aux mêmes montants la créance indemnitaire des époux [K] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VIVENCI ENERGIES,

* condamne les époux [K] [D] à restituer à la BANQUE COFIDIS le montant du capital emprunté,

* prononce la compensation judiciaire,

* dit que l'installation mise en place redevient la propriété de la SA COFIDIS,

* condamne la SA COFIDIS, venant aux droits de la société SOFEMO, à payer aux époux [K] [D] une somme de 5.000 euros en compensation de frais irrépétibles et déboute les époux [K] [D] de leur demande tendant à être admis au passif de la liquidation judiciaire de la SARL VIVENCI ENERGIES en application de ce texte,

* la condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, par suite de l'empêchement de Mme Brengard, Président, et par Mme Fittes-Pucheu, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE,

Julie FITTES-PUCHEU Patrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16/03065
Date de la décision : 07/08/2019

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°16/03065 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-08-07;16.03065 ?
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