AB/AM
Numéro 15/2758
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 01/07/2015
Dossier : 13/04025
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels
Affaire :
[Y] [Z]
C/
[L] [R]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01 juillet 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 04 mai 2015, devant :
Monsieur BILLAUD, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur [I], en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur BILLAUD, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Y] [Z]
né le [Date naissance 1] 1949 à ARCIZANS AVANT (65)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 4]
[Adresse 3]
représenté et assisté de la SCP MAUVEZIN - SOULIE, avocats au barreau de TARBES
INTIME :
Monsieur [L] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
représenté et assisté de Maître Sophie CREPIN, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 17 OCTOBRE 2013
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
Faits et procédure :
M. [Y] [Z] est propriétaire d'un terrain d'environ 2 200 m², cadastré parcelle [Cadastre 2] commune d'Arcizans Avant.
M. [L] [R] est propriétaire de la parcelle voisine située en amont et cadastrée [Cadastre 1].
Les parcelles sont délimitées par un mur situé sur le terrain de M. [R]. Ce mur s'éboule régulièrement sur la propriété de M. [Z].
Dans le cadre d'une procédure de référé, par ordonnance en date du 27 septembre 2011, M. [P] a été désigné comme expert ; il a déposé son rapport le 1er mars 2012.
Par acte d'huissier en date du13 juin 2012, M. [Y] [Z] a fait assigner M. [L] [R] devant le tribunal de grande instance de Tarbes afin d'obtenir sa condamnation à réaliser les travaux préconisés par l'expert sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification de la décision à intervenir et sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 € de dommages-intérêts.
Par jugement en date du 17 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Tarbes a déclaré M. [R] responsable du préjudice subi par M. [Z] à hauteur de 80 %, a condamné M. [R] à effectuer les travaux préconisés par l'expert [P] selon devis de l'entreprise Luz Bâtiment Travaux Publics pour le montant de 106 383 € dans le délai de six mois à compter de la signification de cette décision, a condamné M. [Z] à prendre en charge 20 % du coût des travaux, a débouté M. [Z] de ses autres demandes de dommages-intérêts et astreinte, a dit que chaque partie conserverait la charge de ses frais non compris dans les dépens et a condamné les parties aux dépens dans la même proportion que la répartition de responsabilité.
Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 13 novembre 2013, M. [Z] a relevé appel de cette décision.
Moyens et prétentions des parties :
Par ordonnance en date du 26 novembre 2014, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions remises au greffe de la Cour le 10 juin 2014 par M. [Z].
Par arrêt de la Cour en date du 10 mars 2015 le recours de M. [Z] contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable.
Par conclusions enregistrées au greffe le 9 janvier 2014, M. [Z] demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de dire que M. [R] est entièrement responsable des désordres survenus sur le fondement de l'article 1384 du code civil, subsidiairement sur le fondement de l'article 1386 dudit code, s'il s'agit d'un ouvrage, et plus subsidiairement sur le fondement du trouble anormal de voisinage, il demande à la Cour de condamner M. [R] à réaliser les travaux préconisés par l'expert sous astreinte de 150 € par jour de retard dans le délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, outre 5 000 € à titre de dommages-intérêts et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions enregistrées au greffe le 10 mars 2014, M. [R] demande à la Cour de débouter M. [Z] de ses demandes, d'infirmer le jugement déféré et de dire que M. [Z] est responsable à une hauteur qui ne saurait être inférieure à 70 %, de dire que les travaux consisteront en un « talutage » et traitement végétal ou constructions de murets en pierres sèches, à défaut, d'ordonner un complément d'expertise et de condamner M. [Z] à lui payer 4 000 € pour ses frais irrépétibles.
SUR QUOI
En conclusion de son rapport d'expertise contradictoire du 1er mars 2012 précédé d'un pré-rapport du 20 janvier 2012 aux termes duquel il a été répondu aux dires des parties, M. [P] a notamment précisé, en décrivant objectivement les lieux, que la pente générale de l'ensemble du secteur est particulièrement forte ce qui est normale en zone de montagne au pied du col du Soulor, que les eaux de pluie s'écoulent naturellement sur la montagne avoisinante et ravinent les terrains en suivant cette pente, ce ravinement peut être puissant et entrainer terre et végétaux.
Les éboulements sont survenus sur le terrain [Z] pour des raisons strictement naturelles, le mur de soutènement en pierre sèches, ancien et vétuste n'a pas résisté aux agressions naturelles des eaux, des arbres avaient pu temporairement et ponctuellement contribuer au soutien de la terre et apporter une aide ponctuelle au vieux mur, l'arrachage de ces arbres par M. [Z] a, certes, affecté la longévité du soutènement assuré par ce vieux mur mais cet arrachage n'a pas provoqué l'effondrement du mur.
L'expert a également rappelé que M. [Z] n'a pas véritablement subi de préjudice du fait de l'effondrement du mur. Il n'a chiffré aucun préjudice - en cours d'expertise - n'a pas fait état d'un désir de construction, il a pu jouir normalement de son terrain à usage agricole, en nature de pâturage.
M. [Z] a indiqué à l'expert que son préjudice proviendrait d'une impossibilité de construire sur sa parcelle à cause du mur ; toutefois, l'expert a pu obtenir un certificat d'urbanisme positif pour cette parcelle sans aucune restriction concernant sa constructibilité, contredisant ainsi les affirmations sans fondement de M. [Z].
Par ailleurs, s'agissant d'un terrain nu en nature de pâturage, il n'y a pas lieu de prévoir de préjudice du fait des travaux d'une durée prévisible de deux mois.
Les désordres résultant de l'éboulement n'ont pas en eux-mêmes causé de préjudice à M. [Z].
En ce qui concerne les travaux à faire pour remédier à cette situation particulière, l'expert a proposé trois solutions, pour retenir la construction d'un mur en maçonnerie sur une hauteur de deux mètres avec « talutage 3/2 au dessus » pour le montant sur devis de 106 383,00 €, ce qui est non seulement la solution la moins onéreuse mais aussi celle qui prend en compte le fait qu'un simple enrochement ne suffirait pas à maintenir les terres compte tenu de la pente et du ruissellement.
Le fait pour M. [R] de produire seulement devant la Cour l'avis d'un ingénieur conseil géologue, bien après les rapport et pré-rapport d'expertise contradictoire, ne justifie pas l'organisation d'une nouvelle expertise, cette demande tardive ne permettant pas de remettre fondamentalement en cause les conclusions de M. [P] et ayant un effet dilatoire alors qu'il est nécessaire de procéder à des travaux de confortement avant la prochaine saison hivernale.
L'article 1384 alinéa 1 du code civil qui édicte une présomption de responsabilité prévoit qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
M. [R] est le gardien de la chose à l'origine du dommage occasionné à M. [Z], il ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant l'existence d'un cas fortuit ou d'un cas de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable.
Toutefois, le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exonéré de sa responsabilité s'il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage.
En l'espèce, il n'est pas contesté et il a été relevé par l'expert que l'arrachage d'arbres par M. [Z], a finalement accéléré le processus d'érosion du sol qui était en cours, dans la
mesure où ces arbres confortaient eux-mêmes le mur de soutènement qui s'est effondré de sorte qu'il est établi que M. [Z] a, par cette faute, contribué à la réalisation du dommage dans une proportion justement arbitrée par le premier juge à 20 %.
Par conséquent, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ; la solution technique retenue par l'expert doit être validée, le troisième devis doit servir de fondement à l'évaluation du préjudice qui se limite aux travaux de construction, étant précisé que M. [Z] n'a pas subi de préjudice, les cailloux provenant de l'effondrement ont été enlevés par M. [R], le terrain de M. [Z] fait l'objet d'un certificat d'urbanisme positif, la réalisation des travaux sur de simples pâturages ne causera aucun préjudice.
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'appel de M. [Z] n'étant pas réellement justifié eu égard à la décision rendue en premier ressort, il n'y a pas lieu de condamner M. [R] à lui payer des frais irrépétibles. M. [Z] devra supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.
Cet appel intimant M. [R] a, en revanche, contraint ce dernier à exposer des frais irrépétibles devant la Cour, il convient donc de condamner M. [Z] à payer à M. [R] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarbes le 17 octobre 2013,
Condamne M. [Z] aux entiers dépens de la procédure d'appel et autorise le recouvrement au profit de la SELARL Lexavoué Pau-Toulouse en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le condamne en outre à payer à M. [R] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sandra VICENTE Françoise PONS