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07/02/2003 | FRANCE | N°84/2003

France | France, Cour d'appel de Pau, 07 février 2003, 84/2003


N 84/2003 ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2003

COUR D'APPEL DE PAU

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Arrêt prononcé en audience publique le 7 FÉVRIER 2003 par Monsieur le Président SUQUET, conformément à l'article 199 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC - D'UNE PART

ET : - X... Y... Ricardo, né le 1er Août 1959 à OTXANDIO (Espagne), fils de Téodoro X... GOICOECHEA et de Maria Victoria Y... BENGOA, de nationalité espagnole, domicilié 39 rue Hapetenia à HENDAYE (64700)

[* sous écrou extraditionnel à

la Maison d'Arrêt de BORDEAUX-GRADIGNAN depuis le 17 Octobre 2002 et remis en liberté sous contrôle judiciair...

N 84/2003 ARRÊT DU 7 FÉVRIER 2003

COUR D'APPEL DE PAU

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Arrêt prononcé en audience publique le 7 FÉVRIER 2003 par Monsieur le Président SUQUET, conformément à l'article 199 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale.

PARTIES EN CAUSE :

- LE MINISTÈRE PUBLIC - D'UNE PART

ET : - X... Y... Ricardo, né le 1er Août 1959 à OTXANDIO (Espagne), fils de Téodoro X... GOICOECHEA et de Maria Victoria Y... BENGOA, de nationalité espagnole, domicilié 39 rue Hapetenia à HENDAYE (64700)

[* sous écrou extraditionnel à la Maison d'Arrêt de BORDEAUX-GRADIGNAN depuis le 17 Octobre 2002 et remis en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la Chambre de l'Instruction en date du 17 Janvier 2003

COMPARANT - assisté de Madame Z..., interprète en langue espagnole inscrite sur la liste des experts de la Cour d'Appel de PAU D'AUTRE PART

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats en audience publique le 17 JANVIER 2003 et du délibéré :

Monsieur SUQUET, Président

Monsieur GRANGER, Conseiller

Madame FORCADE, Conseiller

*] tous trois désignés en application des dispositions de l'article

191 du Code de Procédure Pénale.

Madame A..., Greffière lors des débats et du prononcé de l'arrêt. Madame B..., Substitut Général lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

Vu la demande d'extradition émanant du Gouvernement espagnol concernant Ricardo X... Y... ;

Vu la loi du 10 Mars 1927 et la Convention Européenne d'Extradition du 13 Décembre 1957, complétée par la Convention d'Application de l'Accord de SCHENGEN du 19 Juin 1990 ;

Par arrêt en date du 9 Décembre 2002 la Chambre de l'Instruction a renvoyé l'affaire à l'audience du vendredi 17 Janvier 2003, Ricardo X... Y... devant comparaître sans nouvelle convocation.

Vu les notifications par lettres recommandées adressées à Maîtres ERREA BERGES et PAULUS-BASURCO, conseils de Ricardo X... Y..., en date du 27 Décembre 2002, les avisant que l'affaire serait appelée à l'audience de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de PAU, le 17 Janvier 2003, à 9 heures ;

Vu les réquisitions écrites et signées le 14 Janvier 2003 par Madame le Substitut Général B... ;

[*

Vu le mémoire déposé par Maître PAULUS-BASURCO, conseil de Ricardo X... Y..., le 16 Janvier 2003 à 9 heures, au greffe de la Chambre de l'Instruction, visé par le greffier.

*]

La cause a été appelée à l'audience publique du 17 Janvier 2003 ; le Président a procédé, par procès-verbal distinct, à l'interrogatoire de Ricardo X... Y... assisté de Madame Z..., interprète.

Ou' ensuite :

Monsieur le Président en son rapport.

Ricardo X... Y... en ses observations sommaires par l'intermédiaire de Madame Z... interprète.

Madame B..., Substitut Général, en ses réquisitions.

Maître PAULUS-BASURCO, Avocat à BAYONNE, en ses observations sommaires pour Ricardo X... Y....

Ricardo X... Y... eu la parole en dernier.

[*

Attendu que le Gouvernement espagnol a demandé l'extradition de son ressortissant Ricardo X... Y..., né le 1er août 1959 à OTXANDIO (ESPAGNE), placé sous écrou extraditionnel le 17 octobre 2002, selon ordre du Procureur de la République de BAYONNE pour l'exécution du jugement n° 21/88 du 25 avril 1988 de la IIème Chambre de "l'Audiencia Nacional" le condamnant à 6 ans et 1 jour d'emprisonnement et 150.000 pesetas d'amende.

*]

Ricardo X... Y... a fait l'objet d'un interrogatoire et d'un ordre de consignation à la maison d'arrêt de BORDEAUX-GRADIGNAN, en date du 17 octobre 2002, délivré par le Procureur de la République de BAYONNE, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers.

Les pièces d'extradition lui ont été notifiées, en présence de Madame C...- GARCIA, interprète en langue espagnole, par les soins de Monsieur D..., Substitut Général, le 9 décembre 2002, et il a été procédé, le même jour, à l'interrogatoire prescrit par l'article 13 de la loi du 10 mars 1927.

Il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 17 janvier 2003.

À l'audience publique du 17 janvier 2003, le Président de la Chambre

de l'instruction a procédé à l'interrogatoire de Ricardo X... Y..., conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927, et un procès-verbal a été dressé.

Il a donc été satisfait aux prescriptions édictées par la loi susvisée du 10 mars 1927.

* * * *

Ricardo X... Y... a régulièrement produit un mémoire dans lequel il fait valoir que la prescription de la condamnation prononcée contre lui est acquise au regard du droit français dès lors que :

- s'agissant d'un délit la prescription de la peine est de 5 années, - il ne peut être fait application des dispositions de l'article 706-25-1 du code de procédure pénale qui allonge à 20 ans la durée de la prescription pour certains faits de terrorisme puisque, d'une part le délit d'association de malfaiteurs qui lui est reproché ne rentre pas dans cette catégorie et d'autre part l'article 112-2 du code pénal exclut l'application immédiate des lois de procédure qui auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé,

- les actes interruptifs de prescription dont font état les autorités espagnoles ne le concernent pas et le dernier acte interruptif pour lui est en date du 21 octobre 1991.

Ricardo X... Y... demande en conséquence à la Chambre de l'instruction d'émettre un avis défavorable à son extradition.

Le Procureur Général requiert, au contraire, qu'il soit donné un avis favorable à la demande des autorités espagnoles.

* * * * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que son extradition est demandée en exécution d'un jugement prononcé le 25 avril 1988 par la IIème Chambre de "l'Audiencia Nacional" le condamnant à 6 ans et 1 jour d'emprisonnement et 150.000

pesetas d'amende pour des faits de collaboration à une bande armée ; Attendu que ce jugement de condamnation a été confirmé par une décision de la IIème Chambre du "Tribunal Supremo" en date du 28 mai 1990 ;

Attendu que Ricardo X... Y... a été condamné pour avoir, au mois de novembre 1985, fourni de l'aide à des membres de l'E.T.A. qui avaient pris un industriel en otage et d'avoir, avec son frère Ignacio, transporté des colis dans une cache qu'ils avaient construite et dans laquelle ont été trouvés des armes, des câbles électriques et des éléments électroniques ;

Attendu que ces faits constituent en droit français le délit d'association de malfaiteurs prévu par l'article 265 du code pénal en vigueur au moment des faits et par les articles 421-1, 421-2-1 et 421-5 du code pénal en vigueur depuis le 1er mars 1994 qui punissent d'une peine de 10 d'emprisonnement le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un acte de terrorisme ;

- SUR LA DURÉE DU DÉLAI DE PRESCRIPTION :

Attendu que, à l'égard de ces faits qui sont de nature délictuelle, la prescription de la peine est normalement de 5 ans ;

Attendu toutefois que l'article 706-25-1 du code de procédure pénale prévoit une prescription rallongée à 20 ans pour plusieurs infractions, dont le délit de l'article 421-2-1 pour lequel Ricardo X... Y... a été condamné ;

Mais attendu que l'article 706-25-1 a été créé par la loi du 8 février 1995, qui est postérieure aux faits commis par Ricardo X... Y... ;

Attendu qu'en application de l'article 112-2 du code pénal les lois

relatives à la prescription des peines ne sont pas applicables aux infractions commises avant leur entrée en vigueur quand elles auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé ;

Attendu en conséquence que l'allongement de la prescription prévue par l'article 706-25-1 ne peut être appliqué aux faits commis en 1985 par Ricardo X... Y... ;

Attendu que le délai de prescription de la peine à prendre en compte au regard du droit français est donc le délai normal de 5 ans ;

- SUR LES ACTES INTERRUPTIFS DE PRESCRIPTION :

Attendu qu'en application de l'article 62 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 "en ce qui concerne l'interruption de la prescription, seules sont applicables les dispositions de la Partie contractante requérante" ;

Attendu que les autorités judiciaires espagnoles ont indiqué qu'au regard de leur législation étaient interruptifs de prescription les actes suivants :

- en date du 11 janvier 1989 un arrêt de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" relatif au recours en Cassation présenté par les condamnés Ricardo X... Y..., Jesus ASCORBEBEITIA GARAYGORDOBIL, Izaskun IBARGUCHI VEGA et Francisco Javier GARAYGORDOBIL EGUIA contre la sentence prononcée par ladite Chambre Pénale en date du 25 avril 1988,

- en date du 28 mai 1990 un arrêt de la 2ème Chambre de la Cour de Cassation confirmant la décision de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" en date du 25 avril 1988,

- en date du 8 septembre 1990 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" demandant au Centre Pénitentiaire la prison préventive pour les quatre condamnés précités dans le cadre de cette procédure,

- en date du 9 octobre 1990 une résolution de la Chambre Pénale N° 2

de "l'Audiencia Nacional" décidant de procéder à l'exécution de la condamnation de Ricardo X... Y... et de Jesus ASCORBEBEITIA,

- en date du 17 octobre 1990 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant de procéder à l'exécution de la condamnation de Ricardo X... Y... et de Jesus ASCORBEBEITIA,

- en date du 4 janvier 1991 une résolution de la Chambre Pénale N°2 de "l'Audiencia Nacional" demandant au Centre Pénitentiaire la prison préventive en ce qui concerne les condamnés Francisco Javier GARAYGORDOBIL et Izaskun IBARGUCHI,

- en date du 25 janvier 1991 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" approuvant l'exécution de la condamnation de Francisco Javier GARAYGORDOBIL,

- en date du 21 février 1991 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 demandant la détention et l'emprisonnement des quatre condamnés précités afin d'accomplir la peine qui leur a été imposée,

- en date du 14 octobre 1991 une décision de classement provisoire de cette procédure,

- en date du 21 octobre 1991 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant d'informer le Ministère Public de la localisation de Ricardo X... Y...,

- en date du 25 janvier 1993 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant d'informer les parties que la demande de grâce de Izaskun IBARGUCHI VEGA n'a pas été accordée,

- en date du 23 octobre 1996 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant de procéder à l'exécution de la condamnation de Izaskun IBARGUCHI et d'en informer le Ministère Public pour approbation,

- en date du 29 octobre 1996 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant d'approuver l'exécution de la peine imposée à Izaskun IBARGUCHI,

- en date du 26 novembre 1996 une résolution de la Chambre Pénale N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant d'incarcérer Izaskun IBARGUCHI, - en date du 24 juin 1997 une décision de la Chambre Pénale N° 2 classant provisoirement cette procédure,

- en date du 29 août 2000 une résolution de la Chambre N° 2 de "l'Audiencia Nacional" décidant le "licenciement définitif" (sic) de la condamnée Izaskun IBARGUCHI,

- en date du 7 octobre 2000 une résolution de la Chambre Pénale décidant de procéder à l'emprisonnement du condamné Francisco Javier GARAYGORDOBIL pour l'exécution de la peine imposée, l'intéressé ayant été mis à la disposition de ladite Chambre Pénale,

- en date du 9 octobre 2000 une décision de la Chambre Pénale N 2 de "l'Audiencia Nacional" suspendant l'exécution de la peine imposée au condamné Francisco Javier GARAYGORDOBIL et sa mise en liberté une fois sa demande de grâce résolue ;

Attendu que si les premiers de ces actes seraient effectivement constitutifs d'une interruption de la prescription en droit français à l'égard de Ricardo X... Y..., il n'en va pas de même de ceux postérieurs au 21 octobre 1991 qui ne peuvent être considérés comme des actes d'exécution de la peine à son encontre ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que la législation espagnole est plus sévère que la législation française quant à la définition des actes interruptifs de prescription ;

Attendu qu'en application de l'article 112-2 du code pénal évoqué ci-dessus, l'article 62 de la Convention d'application de l'Accord de Schengen, qui est entrée en vigueur le 26 mars 1995, ne peut s'appliquer aux infractions commises avant cette date, telles que celles pour lesquelles Ricardo X... Y... a été condamné ;

Attendu que c'est donc au regard de la législation française que doit

être apprécié le caractère interruptif des actes invoqués ;

Attendu que, comme indiqué précédemment, aucun des actes postérieurs au 21 octobre 1991 n'a eu d'effet interruptif à l'égard de Ricardo X... Y... ;

Attendu qu'il s'est donc écoulé plus de 5 ans sans acte interruptif entre le 21 octobre 1991 et le jugement de la 2° Chambre de "l'Audiencia Nacional" en date du 29 octobre 2002 demandant l'extradition de Ricardo X... Y... ;

Attendu que sa peine est donc prescrite et il doit être donné un avis défavorable à sa demande d'extradition ;

Attendu, par voie de conséquence, que la mesure de contrôle judiciaire prononcée contre lui par arrêt de la Chambre de l'instruction du 17 janvier 2003 doit être levée.

PAR CES MOTIFS

LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE PAU

Statuant publiquement,

Vu les dispositions de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers et celles de la Convention Européenne d'Extradition du 13 décembre 1957,

Donne un avis défavorable à la demande d'extradition présentée par le Gouvernement espagnol de Ricardo X... Y... pour l'exécution du jugement n° 21/88 du 25 avril 1988 de la IIème Chambre de "l'Audiencia Nacional" le condamnant à 6 ans et 1 jour d'emprisonnement et 150.000 pesetas d'amende,

Ordonne la levée de la mesure de contrôle judiciaire prononcée contre lui par l'arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 17 janvier 2003.

Ordonne que le présent arrêt soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général. LA GREFFIÈRE

LE PRÉSIDENT M. A...

H. SUQUET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 84/2003
Date de la décision : 07/02/2003

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de forme ou de procédure - Définition - Loi relative à la prescription - Délai

En application de l'article 112-2 du Code pénal, les lois relatives à la prescription ne sont pas applicables aux infractions commises avant leur entrée en vigueur quand elles auraient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé


Références :

Code pénal, article 112-2

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2003-02-07;84.2003 ?
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