REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 12 JUIN 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/19744 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIUZI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2023 - tribunal judiciaire de Créteil - 3ème chambre - RG n° 23/03780
APPELANTE
S.A. AMERICAN EXPRESS
[Adresse 5]
[Localité 3]
N°SIRET : B 313 536 898
agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christine BEZARD FALGAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0521, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [B] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non constitué (signification de la déclaration d'appel et de l'assignation à jour fixe en date du 9 janvier 2024 - procès-verbal de dépôt à l'étude en date du 9 janvier 2024)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Vincent BRAUD,président
M. Marc BAILLY, président
Madame Laurence CHAINTRON, conseillère chargée du rapport
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
- Par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Vincent BRAUD, président, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
Par acte sous seing privé signé électroniquement le 19 octobre 2021, la société anonyme American Express carte France (American Express) a consenti à M. [B] [N], gérant de la société à responsabilité limitée KLP distribution, la mise à disposition d'une carte de paiement à débit différé 'carte pro Air France KLM ' American Express Gold', délivrée sous le numéro [XXXXXXXXXX02].
À partir du mois de février 2022, M. [N] a cessé de régler les dépenses engagées au moyen de sa carte, un prélèvement du 24 février 2022 ayant par ailleurs été rejeté par sa banque le 2 mars 2022.
Le compte entreprise auquel était adossée la carte de paiement à débit différé présentant un solde débiteur de 59 488,50 euros au 20 mai 2022 a été annulé.
A la suite d'une tentative de règlement amiable de la société American Express, M. [N] a adressé des règlements entre les mois de mai et octobre 2022, qui ont ramené sa dette à la somme de 39 473,57 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 décembre 2022, la société American Express a vainement mis en demeure M. [N] de payer cette somme.
En janvier 2023, M. [N] a procédé à un dernier règlement d'un montant de 5 000 euros, le solde restant dû s'élevant alors à la somme de 34 473,57 euros.
Par exploit d'huissier du 30 mai 2023, la société American Express a fait assigner M. [N] devant le tribunal judiciaire de Créteil afin de le voir condamner au paiement de la somme de 34 473,57 euros.
Par jugement contradictoire du 21 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Créteil a :
- déclaré le tribunal judiciaire de Créteil incompétent au profit du tribunal de commerce de Créteil ;
- ordonné en conséquence la transmission du dossier de la présente affaire par le greffe au greffe du tribunal de commerce de Créteil, à défaut d'appel dans le délai légal ;
- réservé les dépens et les frais irrépétibles ;
- rappelé que l'exécution provisoire de cette décision est de droit.
Par déclaration en date du 19 décembre 2023, la société American Express a interjeté appel de cette décision contre M. [N].
Par exploit d'huissier du 9 janvier 2024 délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile, la société American Express a fait assigner à jour fixe M. [N] devant la cour d'appel de Paris pour l'audience du 30 avril 2024.
Elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- réformer le jugement rendu le 21 novembre 2023 par la troisième chambre du tribunal judiciaire de Créteil ;
Et statuant à nouveau,
Condamner M. [N] à lui payer :
- la somme de 34 473,57 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 décembre 2022 ;
- la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [N] en tous les dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la compétence
La société American Express critique le jugement déféré en ce que le tribunal judiciaire de Créteil s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Créteil. Elle fait valoir au visa de l'article L. 721-3 du code civil (en réalité L. 721-3 du code de commerce) que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'utilisation de la carte de paiement par M. [N], en sa qualité de gérant de la société KLP distribution, constituait un acte de commerce au motif qu'il 'avait un intérêt patrimonial à l'opération garantie'. Elle relève que le tribunal a lui même reconnu que M. [N] n'avait pas la qualité de commerçant et qu'il avait régularisé une demande de carte 'pro' qui lui permettait d'effectuer un certain nombre de dépenses. Elle souligne que M. [N] a, par ailleurs, signé le contrat en tant que titulaire de la carte de paiement et était le seul habilité à l'utiliser en tant que représentant légal de la société KLP distribution. Elle soutient que si le tribunal a relevé, en outre, que M. [N] s'est porté personnellement et solidairement responsable avec la société KLP distribution du paiement des débits sur le compte entreprise, il n'en a pas tiré les conséquences qui s'imposaient. Ainsi, M. [N] est partie prenante à l'opération dont résulte son obligation et a donc la qualité de débiteur principal, de sorte que le tribunal judiciaire est seul compétent pour statuer sur ses demandes.
En application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce :
'Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.'
En l'espèce, comme l'a relevé lui-même le tribunal dans la décision déférée, M. [N] n'a pas la qualité de commerçant.
Il ressort de l'acte sous seing privé signé électroniquement le 19 octobre 2021 par M. [N] que la société American Express a mis à sa disposition une carte de paiement 'PRO Air France KLM - American express Gold' dont il était bénéficiaire (pièce n° 1 de l'appelante).
La carte de paiement était adossée au compte de l'entreprise ouvert au nom de la société KLP Distribution dont M. [N] est le gérant.
La convention 'relative à la carte à débit différé American Express' stipule que : 'Le signataire personne physique de la demande de carte est responsable solidairement à titre personnel avec vous - l'Entreprise - du paiement, à la date d'exigibilité, de tous les débits sur le Compte, effectués par vous ou par tout titulaire de Carte supplémentaire. Ce qui signifie que nous pouvons exiger de votre part ou de la part du signataire personne physique de la demande de carte, le paiement de la totalité du solde dû sur une Carte.' (Pièce n° 2 de l'appelante).
Il s'en évince que M. [N] s'est bien engagé personnellement et solidairement avec la société KLP Distribution à payer à la société American Express la totalité des sommes dues au titre de l'utilisation de la carte.
Il est incontestable que, signataire de la demande d'attribution de la carte de crédit, M. [N] tirait un avantage personnel de l'opération puisque son nom figurait sur la carte qu'il était le seul à utiliser pour régler ses frais professionnels, ce dont il se déduit qu'il n'était pas qu'un simple garant.
Il en résulte que c'est à tort que le tribunal judiciaire de Créteil s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Créteil pour connaître du présent litige, le jugement devant être infirmé de ce chef.
Il ressort des dispositions de l'article 88 du code de procédure civile que lorsque la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.
Selon l'article 89 du code de procédure civile, quand elle décide d'évoquer, la cour invite les parties, le cas échéant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à constituer avocat dans le délai qu'elle fixe, si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent cette constitution.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mai 2024, reçue le 7 mai 2024, la cour a indiqué à M. [N] qu'à la suite de l'audience de plaidoirie du 30 avril 2024, elle entendait, en application des dispositions de l'article 89 du code de procédure civile, évoquer le dossier de l'affaire, c'est à dire statuer sur le fond du litige et l'a invité à constituer avocat avant le 30 mai 2024.
M. [N] n'a pas constitué avocat.
En toutes hypothèses, le tribunal de commerce de Créteil au profit duquel le tribunal judiciaire de Créteil s'est déclaré incompétent, comme le tribunal judiciaire de Créteil dont la compétence est alléguée par la société appelante, sont tous deux situés dans le ressort de la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il y a lieu d'évoquer le fond du litige dans un souci de bonne administration de la justice.
Sur les sommes dues
La société American Express produit :
- les relevés de compte Carte Pro Air France KLM - American Express Gold des mois de février à octobre 2022 (pièces n° 3 à 11),
- une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 décembre 2022 reçue le 24 décembre 2022 mettant en demeure M. [N] de lui adresser la somme de 39 473,57euros avant le 31 décembre 2022 (pièce n° 12),
- un décompte de créance arrêté au mois de janvier 2023 à la somme de 34 473,57 euros, déduction faite des versements effectués par M. [N] portés au crédit de son compte, soit 10 000 euros au mois de mai 2022, 10 015,28 euros au mois de juin 2022 et 5 000 euros au mois de juillet et octobre 2022 et au mois de janvier 2023.
Il en résulte que M. [N] reste redevable à l'égard de la société American Express de la somme de 34 473,57 euros à laquelle il convient de le condamner avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2022, date de la mise en demeure.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. M. [N] sera donc condamné aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, M. [N] sera condamné à payer à la société American Express la somme de 2 000 euros.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et évoquant,
CONDAMNE M. [B] [N] à payer à la société American Express la somme de 34 473,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2022 ;
CONDAMNE M. [B] [N] à payer à la société American Express la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [B] [N] aux dépens.
REJETTE le surplus des demandes.
* * * * *
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT