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03/04/2012 | FRANCE | N°10/02781

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 avril 2012, 10/02781


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 Avril 2012

(n° 23 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02781



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 09/00364





APPELANT

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Elvira MARTINEZ, avocat au barreau

de PARIS, toque : D.1286







INTIMÉE

Société XL AIRWAYS FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Alain RAPAPORT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122






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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 Avril 2012

(n° 23 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02781

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 09/00364

APPELANT

Monsieur [Y] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Elvira MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D.1286

INTIMÉE

Société XL AIRWAYS FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Alain RAPAPORT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Y] [U], engagé par la société XL AIRWAYS FRANCE le 7 février 1997 en qualité de commandant de bord, alors qu'il allait atteindre le [Date naissance 2] 2008 l'âge limite fixé pour exercer l'activité de navigant, a adressé à son employeur, le 16 juillet 2008, une lettre ainsi rédigée :

«Aux termes des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, je serai dans l'impossibilité légale de poursuivre mon activité de commandant de bord dans le transport public au-delà de 60 ans. Aussi, je vous serais reconnaissant de m'indiquer comment vous envisagez de traiter ma situation au regard des dispositions précitées ».

La société XL AIRWAYS FRANCE lui répondait, par lettre du 11 août 2008 :

« Monsieur,

Nous accusons réception de votre courrier en date du 16 juillet 2008,. dans lequel vous nous informez que vous serez dans l'impossibilité légale de poursuivre votre activité en tant que commandant de bord du fait que vous atteindrez votre 60ème anniversaire le [Date naissance 2] 2008.

Le contexte de la compagnie ne nous permettant pas d'envisager une solution de reclassement au sol, nous sommes contraints par conséquent de procéder à la rupture de votre contrat de travail à compter du 1er novembre 2008 et ce conformément à l'article IX.3 du MPNT. »

Saisi par Monsieur [U] qui contestait le bien-fondé de la rupture, intervenue sans que la compagnie aérienne ait à ses yeux sérieusement satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement, le conseil de prud'hommes de Bobigny, par jugement du 11 mars 2010, déboutait le commandant de bord de toutes ses demandes, estimant que la société XL AIRWAYS FRANCE avait aussitôt et loyalement mis en route le processus obligatoire de recherche de son reclassement.

Monsieur [U] a relevé appel de cette décision. Devant la cour, il soulève, au principal et pour la première fois, sa réintégration, soutenant que la rupture de son contrat de travail était discriminatoire car fondée sur son âge.

La société XL AIRWAYS FRANCE conclut à la confirmation du jugement entrepris, demandant à la cour d'analyser la rupture du contrat de Monsieur [U] en une rupture autonome, telle que prévue par les textes et non comme un licenciement.

Après les plaidoiries à l'audience du 31 octobre 2011, un médiateur a été désigné en la personne de Monsieur [R] par ordonnance du 14 novembre 2011. La cour a cependant été informée que la médiation n'avait pas abouti.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande en nullité de la rupture du contrat de travail de Monsieur [U]

Monsieur [U] invoque les dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qui rappelle qu'aucune personne ne peut être licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière ['] de reclassement, en raison de son âge, cette disposition ayant été adoptée pour la transposition des divers instruments communautaires qui prohibent les discriminations fondées sur l'âge et en particulier la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, le préambule de la convention n°111 de TOIT, les articles 15 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne. Les clauses instituant la rupture automatique d'un contrat de travail en raison de l'âge du salarié seraient donc contraires à l'ordre public.

Il conteste les considérations sécuritaires qui ont pu conduire à légitimer la limite d'âge instaurée pour le personnel navigant, n'admettant pas que la rupture du contrat de travail constitue une mesure appropriée à l'objectif sécuritaire poursuivi ni moins encore une mesure nécessaire, le fait que la loi de finances du 17 décembre 2008 modifiant l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, dans la continuité des actions menées en faveur de l'emploi des seniors, soit intervenue peu de temps après son départ forcé de XL Airways suffisant à le démontrer.

Monsieur [U] insiste sur le fait que lorsqu'il a mis fin à son contrat de travail, le 1er novembre 2008, son employeur ne pouvait ignorer que la disposition sur laquelle il se fondait était illicite et que les navigants seraient autorisés à exercer leur métier au-delà de 60 ans. Il analyse l'empressement mis par la société XL AIRWAYS FRANCE à rompre son contrat de travail comme le signe de sa volonté de se séparer d'un salarié très bien rémunéré à raison de son expérience et de son ancienneté.

Considérant que la société XL AIRWAYS FRANCE fait valoir à juste titre que la loi du 17 décembre 2008 qui a modifié l'article L 421.9 du code de l'aviation civile a été publiée au journal officiel le 18 décembre 2008, avec prise d'effet au 1er janvier 2010, soit plus d'un an ' et non un mois ' après la rupture du contrat de travail de Monsieur [U] ;

Considérant cependant qu'il y a lieu d'examiner les conditions de la cessation du contrat de travail du commandant de bord à la lumière de ces dispositions, la mise en 'uvre de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, directement applicable dans des rapports entre des personnes privées, devant conduire à écarter des dispositions nationales contraires à ses exigences ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, dans sa version applicable aux faits de la cause, « le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans [']. Toutefois, le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : « ... les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires... » ; que la limite d'âge de 60 ans fixée par le texte précité a été prise pour tenir compte de la spécificité des tâches du personnel navigant, ainsi que des sujétions particulières auxquelles celui-ci est soumis du fait de ses fonctions, singulièrement en considération de la sécurité des vols ;

Considérant cependant que l'évolution du texte manifeste que les impératifs liés à la sécurité des vols et du personnel navigant n'imposaient pas le choix d'une limite d'âge infranchissable ; qu'une possibilité de dérogation conditionnelle peut en effet aujourd'hui conduire à différer la cessation des fonctions de pilote jusqu'à l'âge de 65 ans ; que l'employeur n'établit pas que le choix de l'âge de 60 ans répondrait à une véritable nécessité, dès lors que d'autres catégories de pilotes (pilotes d'essai, pilote d'hélicoptère de la sécurité civile, pilotes des compagnies étrangères) ne sont pas soumises à cette limite et que les normes retenues par des organisations internationales ne fixent pas un âge unique de cessation des fonctions de pilote ;

Mais considérant que la limite d'âge fixée par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile ne constitue pas en elle-même la cause de rupture du contrat de travail, l'employeur étant tenu d'une obligation de reclassement dans un autre emploi et ne pouvant mettre fin au contrat que s'il n'est pas en mesure de le faire ; que le texte en cause a pour seul effet d'empêcher le personnel navigant de continuer à exercer une activité en cette qualité dans le transport aérien public au-delà de l'âge qu'il fixe ; qu'en revanche, il ne fait nullement obstacle à ce que les personnels ayant atteint cette limite d'âge continuent à exercer une activité professionnelle après reclassement dans un emploi au sol ; que la dernière phrase de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile pose, elle-même, le principe d'un tel reclassement et n'autorise la rupture du contrat de travail du navigant qu'en cas d'impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou de refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert ;

Considérant que Monsieur [U] n'ayant pas été victime d'une discrimination liée à son âge, il n'y a pas lieu de frapper de nullité la rupture du contrat de travail de Monsieur [U], ni dès lors d'ordonner sa réintégration au sein de l'entreprise et la condamnation de l'employeur à lui verser des salaires à compter du 1er novembre 2008 ;

Sur la tentative de reclassement de Monsieur [U]

Monsieur [U] fait valoir que la société XL AIRWAYS FRANCE n'a formulé aucune proposition d'emploi, les termes mêmes de sa lettre du 11 août 2008 démontrant qu'aucune démarche sérieuse n'avait été effectuée. Il remarque, dans le même esprit, que le registre du personnel mentionne comme cause de rupture de son contrat de travail « départ à la retraite », la formule n'incitant guère à la recherche d'un reclassement. Par ailleurs, la réticence manifestée par l'employeur pour justifier, plus d'un an après les démarches de reclassement tardivement alléguées, enlèverait toute force probante aux documents communiqués. Les fiches ainsi contestées auraient, à supposer qu'elles aient été effectivement transmises aux autres sociétés du groupe, manqué de la précision nécessaire pour favoriser la possibilité d'un reclassement. La compagnie aérienne se serait contentée d'envoyer un un formulaire type pré-rempli à la date du 24 juillet 2008, soit quelques jours seulement après la réception du courrier du commandant de bord l'invitant à le fixer sur ses intentions.

La société XL AIRWAYS FRANCE soutient qu'elle démontre qu'en dépit des diligences réalisées pour tenter de trouver un poste à Monsieur [U], elle n'a pas été en mesure de proposer la moindre offre, dans la mesure où il n'y en avait aucun poste disponible. Elle estime que, les demandes de reclassement, comme les réponses étant datées, il n'y a pas lieu de remettre en cause la date inscrite sur les documents internes à la société produits devant le conseil de prud'hommes après communication, par le demandeur, de ses propres pièces et conclusions. Quant à la rapidité des opérations de recherche, elle tiendrait à ce que la situation du personnel était « évidente », de sorte que les directeurs qui ont répondu aux formulaires de reclassement ont pu apporter une réponse très rapide, connaissant « en temps réel les postes disponibles », comme la situation de leurs équipes et de leurs besoins.

S'agissant du reproche fait à l'employeur de n'avoir pas respecté son obligation en matière de gestion prévisionnelle des emplois, la société XL AIRWAYS FRANCE soutient que la mise en 'uvre de cette obligation serait demeurée sans effet dès lors qu'elle ne dispose que de cinq postes au sol dont la rémunération soit supérieure à 100 000 €, à savoir ceux du président directeur général, du directeur général adjoint, du directeur des opérations aériennes, du directeur technique et du directeur commercial, alors même que la rémunération de Monsieur [U] est largement supérieure à ce niveau, tous ces postes étant au demeurant pourvus.

Considérant qu'il est constant que, pour être né le [Date naissance 2] 1948, [Y] [U] avait atteint, le [Date naissance 2] 2008, la limite d'âge fixée par les textes alors en vigueur pour exercer une activité en qualité de personnel navigant de l'aéronautique civile ; que la rupture qui intervient en application de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, par atteinte de la limite d'âge, ne constitue pas un licenciement, mais s'analyse en un mode de rupture autonome ;

Considérant qu'une telle rupture ne peut cependant intervenir qu'en cas d''impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert, selon les termes mêmes de l'article L. 421-9 dans sa version applicable à la situation de Monsieur [U] ;

Considérant qu'aucune proposition de reclassement n'a été explicitement formulée au profit de Monsieur [U] qui n'a dès lors pu opposer aucun refus ;

Considérant que la nécessaire exécution de bonne foi des obligations de l'employeur conduit à exiger que cette recherche soit menée avec sérieux et exhaustivité parmi l'ensemble des emplois des sociétés du groupe auquel il appartient qui permettent la permutabilité du personnel ;

Considérant que l'examen des éléments du dossier permet de vérifier que la société XL AIRWAYS FRANCE n'a pas recherché sérieusement un emploi susceptible de permettre un reclassement au sol de son commandement de bord ;

Considérant qu'en dépit des quelques documents internes donnant l'apparence d'une tentative de recherche d'un reclassement pour Monsieur [U], qui aurait eu lieu entre le 24 et le 30juillet, tout au plus le 5 août 2008, date de l'ultime réponse, l'employeur avait lui-même indiqué, dans sa lettre du 11 août 2008, que « le contexte de la compagnie ne lui permettait pas d'envisager une solution de reclassement au sol » ;

Considérant que la société XL AIRWAYS FRANCE tout en mentionnant dans le formulaire « demande de reclassement », au chapitre « type de poste » : « tout poste technique ou opérationnel lié au secteur de l'aviation », n'a pas réellement cherché à identifier tous les postes susceptibles d'être confiés à Monsieur [U], fussent-ils moins bien rémunérés que celui qu'il occupait jusqu'alors ; qu'il est symptomatique de remarquer que l'essentiel des réponses apportées par les responsables des sociétés ou services interrogés font référence à la rémunération de Monsieur [U] pour écarter l'idée d'un reclassement ; que direction commerciale et marketing a répondu que « vu le de l'intéressé, le seul département envisageable aurait pu être le programme des vols (après formation conséquente), mais les deux postes sont déjà pourvus en CDI plein temps. Par ailleurs, la rémunération de ce poste est inférieure de 60 % à celle indiquée » ; que société CRYSTAL TO, tour opérateur idans le secteur du tourisme, a fait savoir qu'elle ne comptait que quinze personnes, avec seulement deux salariés ayant un salaire supérieur à 75 000 € par an (le PDG et la directrice technique) » ; que la été VACANCES HELIADES, tour opérateur spécialisé sur la Grèce, a répondu qu'il « n'existait pas de poste de commandant de bord chez Héliades, ni aucun poste disponible; d'autant plus que le salaire proposé est supérieur à celui du directeur général délégué» ; qu'enfin, la sété XLF TRAINING CENTER a répondu qu'il n'existait « pas de poste correspondant à la qualification de Monsieur [U] sur cette toute petite société » ; la réponse apportée ' en anglais ' par la été XL AIRWAYS GERMANY n'a pas été traduite dans le cadre des débats, interdisant à la cour d'en tenir compte ; qu'elle est cependant commentée par l'employeur qui a précisé que le chiffre d'affaires de l'exercice 2007/2008 de cette société était équivalent à la rémunération annuelle de Monsieur [U], ajoutant qu'à de novembre 2008, cette société n'aurait plus d'Airbus 320 dans sa flotte, ce qui lui semblait condamner tout reclassement dès lors que Monsieur était commandant de bord sur un appareil Airbus;

Considérant que Monsieur [U] observe avec pertinence que la preuve de l'envoi postal des demandes de reclassement n'est pas rapportée, ni davantage des réponses qui y ont été apportées, le plus souvent de manière manuscrite et sur le document original ' la forme des réponses excluant toute transmission numérique ', y compris par les sociétés filiales ou s'ur dont rien ne justifie qu'elles aient leur siège au même lieu que celui de la société XL AIRWAYS FRANCE ;

Considérant qu'en toute hypothèse, l'analyse faite par la société XL AIRWAYS FRANCE des réponses apportées par les responsables interrogés démontre que n'ont été recherchés que des postes équivalents ' en termes de rémunération ' à celui que devait quitter Monsieur [U], l'une des filiales ayant cru devoir préciser qu'elle n'avait pas de poste de commandement de bord à proposer, manifestant l'incompréhension par le responsable considéré de la démarche entreprise par l'employeur du commandement de bord qui se trouvait dans l'impossibilité de continuer à voler ;

Considérant que pourtant, la société XL AIRWAYS FRANCE n'avait pas interrogé Monsieur [U] sur le type de postes qu'il accepterait de se voir confier, ni n'avait répondu à sa demande ' sinon par une fin de non-recevoir invoquant le contexte étranger à l'obligation de reclassement de l'employeur ', alors que Monsieur [U] l'avait invitée à lui « indiquer comment elle envisageait de traiter sa situation » ;

Considérant qu'au surplus, l'employeur n'a pas même cru devoir recevoir son commandant de bord pour étudier avec lui les possibilités existantes ; que la société XL AIRWAYS FRANCE fait valoir que « aucune possibilité de reclassement n'ayant été identifiée, en dépit des efforts faits, un tel entretien n'est pas apparu nécessaire » ;

Considérant cependant que l'obligation de reclassement au sens de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile devant s'entendre au sens des dispositions relatives au licenciement pour motif économique et singulièrement de l'article L. 1233-4 du code du travail, la compagnie aérienne avait l'obligation ' sauf à justifier d'un refus de l'intéressé d'occuper de tels emplois ' de proposer à Monsieur [U] des offres de reclassement portant sur des emplois de catégorie inférieure, dès lors qu'il importe essentiellement d'éviter une rupture du contrat de travail lorsqu'il existe un emploi vacant de catégorie inférieure que le salarié est disposé à accepter ; que la société XL AIRWAYS FRANCE ne justifie pas avoir envisagé une telle hypothèse, alors que l'interrogation de Monsieur [U] permettait toutes les ouvertures ;

Considérant que si les postes dont Monsieur [U] estime, dans le cadre de la procédure prud'homale ' faute d'avoir reçu plus tôt des informations sur les postes susceptibles de devenir disponibles lorsqu'il aurait atteint la limite d'âge prévue par les textes d'une profession réglementée ' qu'ils auraient pu lui être confiés supposaient des adaptations ou aménagements ou encore une formation complémentaire que l'employeur n'était pas tenu de lui délivrer, il n'en demeure pas moins que la société XL AIRWAYS FRANCE ne s'est pas souciée du reclassement de Monsieur [U] avant de mettre en 'uvre la procédure de rupture du contrat de travail, tenant pour acquise l'impossibilité de son reclassement, sans même tenter sérieusement ni loyalement d'en rechercher la possibilité, alors surtout que l'atteinte, par Monsieur [U], de la limite d'âge pour exercer des fonctions de personnel navigant constituait un événement parfaitement prévisible permettant une recherche anticipée de reclassement, le législateur ayant explicitement subordonné la rupture du contrat de travail à l'impossibilité de proposer un reclassement au sol ;

Considérant que Monsieur [U] en tire la conséquence que, par le manquement à son obligation de reclassement, la société XL AIRWAYS FRANCE lui a imposé une cessation totale d'activité à l'âge de soixante ans, alors qu'il ne disposait pas du nombre nécessaire de trimestres pour liquider sa retraite à taux plein et qu'il aurait pu poursuivre sa carrière dans le groupe au-delà de cet âge en assumant de nouvelles tâches au sol ;

Considérant que l'employeur ayant manqué à son obligation légale de reclassement, la rupture du contrat de travail est intervenue sans cause ; que le licenciement de Monsieur [U] étant privé de cause, il y a lieu de lui allouer une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, par application de l'article L. 1235-3 du code du travail ; que le jugement entrepris est infirmé ;

Considérant que Monsieur [U] expose qu'à soixante ans, il a été contraint d'aller s'inscrire à l'assurance chômage et de faire supporter à la collectivité la négligence de son employeur ; qu'outre le préjudice moral qui en serait résulté, la rupture a également entraîné un préjudice au niveau de l'acquisition de ses droits à retraite qu'il a cessé d'acquérir à compter du jour de son départ de l'entreprise ; qu'au surplus, il s'est trouvé privé de son régime de prévoyance et de santé ; que Monsieur [U] évalue son préjudice à une somme de 176 000, représentant près de quinze mois de salaire en tenant compte d'un salaire de référence de 11 797 € ;

Considérant que Monsieur [U] ne justifie pas avoir subi un préjudice supérieur à la somme de 70 782 € représentant six mois de salaire, la somme allouée étant supérieure aux préjudices économique et moral subi par le salarié, compte tenu notamment du mode d'indemnisation de la rupture de son contrat de travail ;

Considérant que Monsieur [U] sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, au motif que son employeur n'aurait pas respecté ses obligations procédurales en ne mettant pas en place une procédure de licenciement selon les règles de droit commun.; que la société XL AIRWAYS FRANCE soutient que le « préavis » a été effectué par Monsieur [U] qui a été payé jusqu'au 31 octobre 2008 ; que l'appelant ' ni davantage l'employeur ' ne verse aux débats le « règlement intérieur du Règlement du personnel navigant technique » visé à l'article XIV de son contrat de travail ; qu'or, seul un tel document pourrait prévoir un préavis au bénéfice du salarié dans le cadre de ce mode de rupture autonome ; qu'à défaut de justification d'un droit à préavis, la demande du salarié est rejetée ;

Sur les obligations de l'employeur en matière de gestion prévisionnelle des emplois et en matière d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi

Monsieur [U] soutient ' sans être explicitement contredit par son employeur ' que la société XL AIRWAYS FRANCE a adopté un comportement fautif en ne respectant pas ses obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et en matière d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi. Il souligne l'importance dans le secteur du transport aérien de l'obligation faite par l'article L. 2242-15 du code du travail aux entreprises d'au moins cinquante salariés d'être couvertes par un accord sur l'emploi des salariés âgés, au point qu'un avenant spécifique a été publié ; qu'en vertu de l'article 13 de cet avenant n° 2 du 28 juillet 2009 à l'accord du 9 septembre 2004 relatif à la formation professionnelle dans la branche du transport aérien, « les signataires de l'accord de branche ont ainsi prévu parmi les priorités de la branche au titre de l'article 7 et de l'article 8-2 le cas des salariés pour lesquels une action de formation peut faciliter la reconversion notamment ceux exerçant leur activité dans un emploi dont la cessation d'activité est réglementée ».

Considérant que si l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile implique que l'employeur soit tenu d'offrir aux pilotes la formation et l'adaptation nécessaires au reclassement d'un emploi au sol qu'il leur propose, il ne lui fait pas obligation de préparer les pilotes à une reconversion professionnelle nécessitant une formation de base qui leur fait défaut ; que la société XL AIRWAYS FRANCE n'avait notamment pas à prendre en charge une formation de Monsieur [U] aux métiers du tourisme ; que Monsieur [U] est débouté de ce chef de demande présenté pour la première fois devant la cour ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions :

STATUANT À NOUVEAU ET AJOUTANT,

CONDAMNE la société XL AIRWAYS FRANCE à payer à Monsieur [Y] [U] une somme de 70 782 €, par application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

DEBOUTE Monsieur [U] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société XL AIRWAYS FRANCE à payer à Monsieur [U] une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société XL AIRWAYS FRANCE de sa demande à ce titre ;

CONDAMNE la société XL AIRWAYS FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 10/02781
Date de la décision : 03/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°10/02781 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-03;10.02781 ?
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