Ordonnance N°23/156
N° RG 23/00165 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IW7K
J.L.D. NIMES
16 février 2023
[X]
C/
LE PREFET DU [Localité 4]
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 17 FEVRIER 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet du [Localité 4] portant obligation de quitter le territoire national en date du 13 février 2023 notifié le 14 février 2023, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 14 février 2023 , notifiée le même jour à 09h04 concernant :
M. [Y] [X]
né le 10 Septembre 1988 à [Localité 3] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 15 février 2023 à 14h00, enregistrée sous le N°RG 23/818 présentée par M. le Préfet du [Localité 4] ;
Vu l'ordonnance rendue le 16 Février 2023 à 12h17 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [Y] [X];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 16 février 2023 à 09h04,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [Y] [X] le 16 Février 2023 à 17h10 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [G] [W], représentant le Préfet du [Localité 4], agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu la comparution de Monsieur [Y] [X], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Abdelghani MERAH, avocat de Monsieur [Y] [X] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [Y] [X] a reçu notification le 14 février 2023 d'un arrêté du Préfet du [Localité 4] du 13 février 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans.
A sa levée d'écrou le 14 février 2023 à 9h04, lui a également été notifié son placement en rétention en vertu d'un arrêté pris par la même préfecture le 14 février 2023.
Par requête du 15 février 2023, le Préfet du [Localité 4] a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 16 février 2023 à 12h17, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [Y] [X] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [Y] [X] a interjeté appel de cette ordonnance le 16 février 2023 à 17h10.
Sur l'audience, Monsieur [Y] [X] déclare que :
- il a des papiers italiens qu'il renouvelle tous les deux ans,
- il veut repartir en Italie et il a un récépissé,
- il n'a plus de famille en Algérie,
- il est saisonnier en France, il voudrait récupérer ses affaires,
- il vit mal la situation au centre de rétention, il n'arrive ni à dormir ni à manger.
Son avocat soutient que :
- il n'y a pas de perspective d'éloignement au regard du contexte avec l'Algérie. Cette après-midi, le retenu a une audience devant le TA pour contester son OQTF. En outre, il fait valoir la situation familiale en Italie, avec jusqu'ici une situation régulière, même si elle ne l'est plus aujourd'hui. Il est optimiste sur l'issue de l'audience devant le tribunal administratif.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Le procès verbal de notification est lisible. Enfin, il est trop tôt pour considérer qu'il n'y a aucune perspective d'éloignement.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté Monsieur [Y] [X] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [Y] [X] soulève la notification irrégulière de ses droits en rétention, moyen invoqué en première instance et l'absence de perspective d'éloignement à bref délai. Ces moyens sont recevables.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Sur l'illisibilité du document portant notification des droits en rétention :
Le document versé en procédure, portant notification des droits de la rétention administrative, le 14 février 2023 à 11h25 est parfaitement lisible. Le moyen sera donc rejeté.
Il y a lieu de constater qu'aucune irrégularité portant atteinte aux droits de la personne retenue n'est relevée et il convient dès lors de déclarer la procédure régulière.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [Y] [X] soutient que qu'en l'état des diligences accomplies par l'administration, son éloignement à bref délai est compromis parce que l'Algérie ne délivre plus actuellement de laisser passer. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.
En l'espèce, l'administration a saisi le consulat algérien le 13 février 2023 ; c'est par des motifs pertinents que le juge de première instance a estimé que les difficultés actuelles avec les autorités algériennes n'apparaissent pas définitives mais liées à un contexte diplomatique complexe. A ce stade procédural, il y a lieu de dire que l'administration n'a pas failli dans ses obligations et de rejeter le moyen soulevé.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [Y] [X] :
Monsieur [Y] [X], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [Y] [X] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 17 Février 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 2] à M. [Y] [X].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [Y] [X], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 2],
- Me Abdelghani MERAH, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet du [Localité 4]
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 2],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,