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21/05/2024 | FRANCE | N°22/02824

France | France, Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 mai 2024, 22/02824


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2024 DU 21 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02824 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FC63



Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour d'appel de NANCY, statuant sur tierce opposition, R.G.n° 19/03410, en date du 23 novembre 2020,



DEMANDERESSE AU RECOURS EN RÉVISION :

S.A.R.L. [20], prise en la personne de son r

eprésentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 21 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02824 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FC63

Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour d'appel de NANCY, statuant sur tierce opposition, R.G.n° 19/03410, en date du 23 novembre 2020,

DEMANDERESSE AU RECOURS EN RÉVISION :

S.A.R.L. [20], prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

DÉFENDEURS AU RECOURS EN RÉVISION :

Madame [F] [W], née [P], assignée sur recours en révision en sa qualité de veuve et ayant-droit de [D] [W], décédé le [Date décès 7] 2022

née le [Date naissance 9] 1945 à [Localité 12] (49)

domiciliée [Adresse 15]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Denis JEANNEL, avocat au barreau d'EPINAL

Madame [I] [E], épouse [T]

née le [Date naissance 6] 1945 à [Localité 22] (88)

domiciliée [Adresse 1]

Non représentée, bien que régulièrement assignée sur recours en révision par acte de Me [H] [Z], Commissaire de justice à [Localité 18], en date du 15 décembre 2022 remis à sa personne

INTERVENANT FORCÉS

Monsieur [S] [W], assigné en intervention forcée

né le [Date naissance 8] 1955 à [Localité 11] (57)

domicilié [Adresse 10]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Denis JEANNEL, avocat au barreau d'EPINAL

Madame [O] [W], épouse [R],assignée en intervention forcée

née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 23] (57)

domiciliée [Adresse 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Denis JEANNEL, avocat au barreau d'EPINAL

Monsieur [X] [U], assigné en intervention forcée

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 22] (88)

domicilié [Adresse 14]

Représenté par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

La procédure a été dénoncée à Monsieur le Procureur général en date du 1er février 2023 par acte de Me [V] [N], Huissier de justice à [Localité 19], remis à personne habilitée. Le dossier a été régulièrement communiqué au Ministère public qui a fait connaître ses observations écrites le 5 janvier 2024, il est représenté à l'audience par Madame Virginie KAPLAN, Substitut général.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 21 Mai 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur FIRON, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Président, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte passé les 6 et 10 février 1986 devant Maître [M], [D] [W] et Madame [A] [B] [E], vivant alors maritalement depuis mars 1983, ont acquis en indivision pour moitié chacun, un immeuble situé à [Adresse 14] afin d'y créer une [13].

Le fonds a été exploité à partir du 28 septembre 1986 par Madame [E], sous l'enseigne '[13]' suivant bail emphytéotique régularisé le 31 octobre 1986 en l'étude de Maître [M], notaire.

En mars 1990, [D] [W] et Madame [E] se sont séparés.

En 2011, Madame [E] souhaitant sortir de l'indivision a proposé à [D] [W] le rachat de sa part pour la somme de 250000 euros. Ce dernier a refusé en revendiquant la moitié du fonds.

Au mois d'avril 2011, Madame [E] a convenu avec Monsieur [X] [U] de laisser ce dernier occuper et exploiter les lieux, dans la perspective de l'achat du fonds et des murs.

Le 1er janvier 2012, Madame [E] a fait valoir ses droits à la retraite en cessant l'exploitation de [13] et en sollicitant sa radiation au registre du commerce et des sociétés le 7 mai 2012.

Le 2 novembre 2011, Monsieur [D] [W] a fait délivrer à Monsieur [U] une sommation interpellative pour savoir à quel titre il occupait les lieux, avec qui le bail avait été signé et à qui le loyer était payé.

Monsieur [U] lui a déclaré être dans les lieux depuis le 22 avril 2011 après avoir payé 15000 euros à Madame [E] avec un accord de location-vente pour les six premiers mois. Il a précisé être d'accord pour payer un loyer mais a mentionné toutefois que rien n'avait été fait pour le moment.

Par acte du 16 avril 2015, Monsieur [D] [W] et Madame [E], d'une part, et Monsieur [U], d'autre part, ont signé un compromis de vente de l'immeuble situé à [Adresse 14] pour la somme de 300000 euros sous condition suspensive d'obtention du financement par Monsieur [U], l'acte authentique devant intervenir au plus tard le 15 octobre 2015 et l'acquéreur restant redevable à l'indivision, en cas de défaut de réalisation lui incombant d'une indemnité d'occupation de 1600 euros par mois à compter du 1er novembre 2015.

L'acte authentique qui devait être réitéré n'a pas été signé et Monsieur [U] n'a pas versé d'indemnité d'occupation.

Par actes d'huissier délivrés le 25 mai 2016, [D] [W] a fait assigner Madame [E] et Monsieur [U] devant le tribunal de grande instance d'Épinal aux fins d'obtenir l'expulsion de Monsieur [U].

Par jugement contradictoire du 8 février 2018, le tribunal d'Épinal ainsi saisi a :

- débouté [D] [W] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté Monsieur [U] et Madame [E] de leur demande en fixation de l'indemnité d'occupation,

- condamné [D] [W] à verser 600 euros à Monsieur [U] et 600 euros à Madame [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [D] [W] aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses motifs, le tribunal a considéré que, dans l'acte du 16 avril 2015, les parties s'étaient entendues sur la chose et sur le prix et que l'acte devait être entériné devant notaire, cette circonstance n'étant pas un élément constitutif de leur consentement ; l'absence de signature devant seulement servir de point de départ de la mise en cause de la partie défaillante, l'acte du 16 avril 2015 ne peut donc être caduc et vaut vente, ce qui permet à Monsieur [U] de se prévaloir d'un titre pour occuper l'immeuble en cause et ne pas se faire expulser.

Faute d'application de la procédure prévue conventionnellement pour le versement des indemnités d'occupation, le tribunal a débouté Monsieur [D] [W] de sa demande. Le tribunal a également débouté Monsieur [D] [W] de sa demande de paiement de la moitié de la somme versée par Monsieur [U] à Madame [E] en considérant que la somme en cause correspond à une vente d'objets mobiliers appartenant à Madame [E] et équipant l'[13].

Les parties à la convention du 16 avril 2015 ayant fixé un montant d'indemnité d'occupation à hauteur de 1600 euros de manière claire et précise, le tribunal a rejeté la demande de fixation de l'indemnité de Madame [E] et Monsieur [U].

oOo

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 6 avril 2018 et enregistrée le 9 avril 2018, Monsieur [D] [W] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 3 juin 2019, la cour d'appel de Nancy a :

- infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- ordonné l'expulsion de Monsieur [X] [U] ainsi que de tous occupants de son chef, de l'immeuble qu'il occupe sans droit ni titre sis à [Adresse 14], propriété indivise de Monsieur [D] [W] et Madame [E], sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, si besoin est avec l'assistance de la force publique,

- condamné Monsieur [X] [U] à payer à Monsieur [D] [W] en qualité de co-indivisaire, une indemnité d'occupation mensuelle de 375 euros (trois cent soixante-quinze euros) à compter du 25 mai 2016, au titre de l'occupation de l'immeuble à usage de restauration sis à [Adresse 14], ce jusqu'à la complète libération des lieux,

- rejeté les demandes subséquentes en paiement de [D] [W],

- condamné Monsieur [X] [U] à payer à Monsieur [D] [W] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Madame [E] et Monsieur [U] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour prononcer l'expulsion de Monsieur [U], la cour a retenu que ce dernier, en l'absence d'acte de vente valablement signé et réitéré, n'a pas acquis les murs dans lesquels il exerce son commerce, dont il résulte que Monsieur [U] occupe sans droit ni titre d'occupation [13].

oOo

Par acte déposé par voie électronique au greffe de la cour le 18 novembre 2019, la S.A.S. [20] a formé une tierce opposition à l'encontre de l'arrêt du 3 juin 2019.

Par un arrêt contradictoire rendu le 23 novembre 2020, la cour d'appel de Nancy a :

- rejeté la tierce-opposition formée par la S.A.S. [20] contre l'arrêt rendu le 3 juin 2019 par la cour d'appel de Nancy,

- débouté la S.A.S. [20] de toutes ses demandes,

- débouté Madame [E] de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la S.A.S. [20] de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S. [20] à payer à Monsieur [D] [W] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [E] à payer à Monsieur [D] [W] la somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S. [20] aux dépens de la procédure.

Pour statuer ainsi, la cour d'appel a relevé que la tierce-opposition était recevable au motif que la S.A.S. [20] n'était pas partie au litige sanctionné par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 3 juin 2019. Toutefois, elle a considéré que la S.A.S. [20] ne justifiait d'aucun intérêt à agir dès lors qu'elle n'apportait aucun élément permettant de l'identifier comme titulaire d'un droit au bail du fonds de commerce de [13]. Au contraire, elle a constaté que seul Monsieur [X] [U] était présenté comme l'interlocuteur de Madame [E] dans les démarches pour acquérir les lieux et comme exploitant du fonds de commerce.

Le 3 novembre 2020, la S.A.S [20] a formé un pourvoi en cassation contre la décision rendue.

Par un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et condamné la S.A.S [20] aux dépens.

[D] [W] est décédé le [Date décès 7] 2022.

oOo

Par assignation délivrée le 13 décembre 2022 à Madame [F] [W], ès qualité de veuve et ayant-droit de [D] [W], et le 15 décembre 2022 à Madame [E], la S.A.S [20] a formé un recours en révision de la décision rendue le 23 novembre 2020 par la cour d'appel.

Bien que l'assignation lui ait été régulièrement signifiée le 15 décembre 2022 à personne, Madame [E] n'a pas constitué avocat.

Le 16 mars 2023, la S.A.S. [20] a fait assigner Monsieur [X] [U] en intervention forcée.

Par acte d'huissier des 7 et 8 août 2023, la société [20] a fait assigner Madame [O] [W] épouse [R] ainsi que Monsieur [S] [W], ès qualités d'ayants-droit de [D] [W].

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 15 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la S.A.S. [20] et Monsieur [X] [U] demandent à la cour, sur le fondement des articles 593 et suivants du code de procédure civile, de l'article 2224 du code civil ainsi que des articles 131-1 et suivants du code de procédure civile, de :

- surseoir à statuer sur les demandes,

- enjoindre les parties de rencontrer un médiateur,

- désigner tel médiateur il plaira à la cour et après accord des parties le médiateur aura pour mission d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ; la médiation devant se dérouler dans le délai de trois mois, éventuellement renouvelable une fois pour la même durée,

À titre subsidiaire,

- la dire et juger régulière, recevable et bien fondée en son recours en révision,

En conséquence, et statuant à nouveau intégralement sur le fond du litige,

- rétracter en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 23 novembre 2020, RG n° 19/03410,

- faire droit à la tierce opposition qu'elle a formée à l'encontre de l'arrêt RG n° 18/00868 rendu par la cour d'appel de Nancy le 3 juin 2019,

- la juger recevable et bien fondée,

En conséquence,

- dire et juger que Monsieur [U], personne physique, n'est pas l'occupant des lieux,

- dire et juger que l'occupant des lieux depuis avril 2011 est la S.A.S. [20], titulaire d'un bail commercial verbal soumis de plein droit au statut des baux commerciaux eu égard au début de l'exploitation ce qu'a toujours affirmé Madame [E] coindivisaire des murs et qu'admet aujourd'hui l'autre coindivisaire [D] [W],

- suspendre l'exécution de l'arrêt du 3 juin 2019,

- condamner [D] [W] à lui payer une somme de 3000 euros de dommages et intérêts pour application déloyale du contrat et à 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner [D] [W] aux entiers dépens.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les consorts [W] demandent à la cour, sur le fondement des articles 593 à 603 du code de procédure civile, de :

- recevoir Madame [O] et Monsieur [C] [W] en leurs interventions volontaires à la présente instance, ès qualités d'héritiers de [D] [W],

- dire et juger irrecevable et en tous cas mal fondé le recours en révision formé par la S.A.S. [20] à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nancy le 23 novembre 2020,

- débouter la S.A.S. [20] et Monsieur [U] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner la S.A.S. [20] et Monsieur [U], solidairement, à payer à Madame [F] [W] la somme de 4500 euros ainsi qu'une somme de 1500 euros à chacun des intervenants Madame [O] et Monsieur [C] [W], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la S.A.S. [20] et Monsieur [U], aux entiers dépens.

L'affaire a été dénoncée au Ministère Public le 1er février 2023 ; il a déposé des conclusions communiquées par voie électronique le 5 janvier 2024 aux termes desquelles, au visa des articles 596 et suivants du code de procédure civile, le recours en révision de la société [20] (SAS) est irrecevable comme n'ayant pas attrait en la cause, toutes les parties à la décision contestée, dans le délai de deux mois ; subsidiairement, il demande à la cour de le déclarer mal fondé.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 février 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 11 mars 2024 et le délibéré au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la S.A.S. [20] et Monsieur [U] le 15 janvier 2024, par les consorts [W] le 6 novembre 2023 et par le Ministère Public le 5 janvier 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 20 février 2024 ;

Sur la recevabilité du recours en révision

La société [20] fonde son recours en révision sur les termes d'une lettre dont elle a été destinataire les 13 et 17 octobre 2022, qui comporte selon elle, aveu judiciaire de l'existence d'un accord avec les consorts [W]-[E], portant sur l'occupation des lieux leur appartenant aux Rouges-Eaux depuis 2011 alors que Monsieur [W] avait toujours affirmé le contraire, revendiquant la moitié de la valeur du fonds de commerce et refusant de signer tout bail commercial, ce qui a permis de tromper la religion de la cour qui a rendu sa décision le 23 novembre 2020 ;

S'appuyant sur les termes des articles 596 à 598 du code de procédure civile, elle indique que l'auteur du recours dispose alors d'un délai de deux mois à compter de la révélation d'un des cas pour saisir la juridiction dont émane la décision litigieuse, en vue d'obtenir sa révision ;

Elle relève qu'à compter de la sommation interpellative qui lui a été délivrée le 2 novembre 2011 par Monsieur [W], il avait la connaissance de ce qu'elle occupait les locaux en litige mais n'a jamais engagé une action en nullité du bail consenti par Madame [E] sans son accord ;

Elle indique avoir acquis le fonds de commerce de Madame [E] selon acte sous seing privé du 31 mars 2017 et s'être acquittée du paiement de l'assurance et de la taxe foncière des lieux ; Madame [E] lui a délivré le 7 novembre 2019, une attestation à cet égard ;

Aussi demande-t-elle à la cour de rétracter son arrêt du 23 novembre 2020 et de faire droit à la tierce-opposition contre l'arrêt rendu le 3 juin 2019 par la cour de ce siège ayant ordonné l'expulsion de Monsieur [X] [U] ainsi que tous occupants de son chef, des lieux sis à [Localité 21] ainsi que le paiement d'une indemnité d'occupation de 375 euros par mois à compter du 25 mai 2016 ;

En dernier lieu, la société [20] fait état de l'existence de discussions entre les parties, afin d'exécuter le compromis de 2015 ainsi que ses suites (indemnité d'occupation, levée d'hypothèques par Madame [E] non obtenue au bénéfice du [17] et souscription d'un second emprunt par Madame [E] auprès de [16] resté impayé) ;

En réponse, les consorts [W] contestent la demande en rappelant qu'il résulte de la sommation interpellative mentionnée par la demanderesse à la révision, que seul Monsieur [U] s'est exprimé en son nom personnel à l'exclusion de la société [20] qui revendique à présent, le droit au bail ; il en est de même pour le compromis de vente sous condition du 16 avril 2017, qui n'a jamais été régularisé ;

S'agissant de la demande en révision de l'arrêt du 23 novembre 2020, ils contestent la valeur d'aveu judiciaire que la société [20] tente de faire constater, s'agissant de la lettre qui lui a été envoyée par Madame [E] et Monsieur [W] le 12 octobre 2022 soit peu de temps avant son décès ;

Ils contestent toute reconnaissance a posteriori des droits de la société [20] dans l'occupation des biens indivis de Monsieur [W] et Madame [E] ; ils dénient l'existence de toute cession de fonds de commerce entre Madame [E] et la société [20] et se réfèrent à la motivation de l'arrêt du 23 novembre 2020 sur ce point ;

Enfin ils affirment l'absence de toute valeur probante des pièces 15, 17 et 10 produites par la société [20] ; de même ils dénient toute valeur à l'attestation datée du 7 novembre 2019 émanant de Madame [E] qui prétend qu'il existerait de fait un bail commercial qui lie Monsieur [W] résultant de sa seule volonté de 'transférer (à son successeur) un droit au bail applicable à la quote-part indivise faisant partie des éléments du fonds vendu par mes soins' (pièce 18 société Origine) ;

Les intimés nient l'existence d'échanges voire d'accord entre les parties au présent litige, visant pour la société [20] à exécuter le compromis de vente de 2015 ainsi que le paiement de l'indemnité d'occupation fixée par la cour d'appel en 2019, pour les cinq années non prescrites ;

Ainsi ils relèvent que mis en demeure par acte de Maître [J], commissaire de justice du 26 juillet 2023, de régulariser le compromis de vente en versant une somme de 300000 euros en paiement des murs le tout sans préjudice de l'indemnité d'occupation de 1600 euros par mois, à liquider, à la demande conjointe de Madame [E] et des consorts [W], Monsieur [U] n'y a pas déféré ; ils concluent à l'irrecevabilité du recours en révision voire à son mal fondé ;

Pour répondre aux conclusions d'irrecevabilité du recours en révision déposées par le Ministère Public, la société [20] indique qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 596 du code de procédure civile, comme prétendu, que toutes les parties au jugement attaqué doivent être appelées à la procédure en révision dans le délai de deux mois pour former le recours, à compter du fait qui en constitue la cause ; si la formalité de la communication du recours au Ministère Public est d'ordre public, il ne résulte d'aucun texte que celle-ci doive être réalisée dans le délai de deux mois de la découverte de la cause du recours en révision ; en outre Monsieur [U] n'a aucune opposition d'intérêt avec la société [20], le contentieux n'opposant que cette dernière aux consorts [E]-[W] ;

Enfin toute jurisprudence française contraire se heurterait aux articles 6, 1 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et sa jurisprudence qui proscrit tout formalisme excessif portant atteinte à l'équité du procès ;

Aux termes de l'article 593 du code de procédure civile 'le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit' ;

'La révision ne peut être demandée que par les personnes qui ont été parties ou représentées au jugement' ajoute l'article 594 du même code ;

Aux termes des articles 596 et 597 du code de procédure civile 'le délai de recours en révision est de deux mois. Il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque' ;

'Toutes les parties au jugement attaqué doivent être appelées à l'instance en révision par l'auteur du recours, à peine d'irrecevabilité' ;

Il résulte de la combinaison des articles 596, 597 et 598 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité, l'auteur du recours en révision doit appeler, dans le délai de deux mois, toutes les parties au jugement (Civ 2ème 15 avril 2010, n° 09-10.901, Bull. 2010, II, n° 84) ;

En l'espèce, tel que relevé par le Ministère Public, le recours en révision formé par la société [20] a été signifié à Madame [F] [W], ès qualités d'héritière de [D] [W] le 13 décembre 2022 et à Madame [E] le 15 décembre 2022 ; il porte demande de rétractation en toutes ses dispositions de l'arrêt rendu par cette cour le 23 novembre 2020 (RG n°19/3410);

Il a été introduit dans le délai de deux mois à compter de la notification de la lettre du 12 octobre 2022, les 13 et 17 octobre 2022 portant découverte d'une cause de révision ;

Or l'arrêt concerné par le recours oppose la société [20], à Monsieur [D] [W], Madame [I] [E] et Monsieur [X] [U] ;

Il est constant que ce dernier n'a été attrait à la procédure en révision que par acte du 16 mars 2023, après demande du conseiller de la mise en état ; les autres héritiers de [D] [W] n'ont été attraits dans la cause que les 7 et 8 août 2023 ;

Dès lors il y a lieu de constater que l'ensemble des parties à la décision visée par la demande en révision, n'a pas été attrait à la procédure dans le délai du recours en révision de deux mois ;

l'absence de Monsieur [X] [U] mais aussi de l'ensemble des ayants-droits de [D] [W], emporte irrecevabilité du recours en révision formé par la société [20], en application des dispositions sus énoncées ;

Enfin ces textes permettent d'assurer le respect du principe du contradictoire, en permettant à toutes les parties au litige d'y concourir et de faire valoir leur position, principe qui n'est pas contraire aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme citées par la société [20], quand bien même ils instituent un délai contraint, ce afin d'assurer la sécurité juridique des décisions passées en force de chose jugée comme en l'espèce, de telle sorte qu'aucune atteinte excessive n'a été portée aux droits garantis par les articles 6, 1 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société [20], partie perdante, devra supporter les dépens ; en outre elle sera condamnée à payer à Madame [Y] [P] veuve [W], à Madame [O] [W] épouse [R] et à Monsieur [S] [W] chacun la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en revanche la société [20] sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable le recours en révision formalisé par actes délivrés les 13 et 15 décembre 2022 par la société [20] (SAS) portant demande de rétractation en toutes ses dispositions de l'arrêt rendu par cette cour le 23 novembre 2020 (RG n°19/3410) ;

Y ajoutant,

Condamne la société [20] (SAS) à payer à Madame [Y] [P] veuve [W], à Madame [O] [W] épouse [R] et à Monsieur [S] [W] chacun, la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société [20] (SAS) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [20] (SAS) aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur FIRON, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : J.-L. FIRON.-

Minute en dix pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/02824
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 27/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-21;22.02824 ?
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