ARRÊT N° /2023
SS
DU 10 JANVIER 2023
N° RG 19/02578 - N° Portalis DBVR-V-B7D-EN6U
Pôle social
Tribunal de Grande Instance de NANCY
17/00132
16 mai 2019
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Mme [I] [G], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation
INTIMÉE :
Société [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandrine BROGARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : M. HENON
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
En présence de Madame COPIN, greffier stagiaire
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 06 Décembre 2022 tenue par M. HENON, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Raphaël WEISSMANN, président et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 10 Janvier 2023 ;
Le 10 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens :
Le 20 mai 2015, M. [O] [L], salarié de la SAS [5], a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, joignant un certificat médical établi le 19 mai 2015 par le Docteur [W] faisant état d'épicondylite droite, avec première constatation médicale le 23 février 2015.
Après avoir diligenté une enquête administrative, la caisse, par courrier du 5 novembre 2015, a informé la société, d'une part, de la saisine d'un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), la demande de M. [L] ayant été examinée dans le cadre de l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale considération prise de ce que la condition relative à la liste limitative des travaux n'était pas remplie et, d'autre part, de sa possibilité de consulter le dossier jusqu'au 24 novembre 2015.
Par avis du 28 septembre 2016, le CRRMP de la région Nancy Nord-Est a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par M. [L].
Par courrier du 18 octobre 2016, la caisse a informé la société de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie « tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit » de M. [L] au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles « affections périarticulaires provoquées par certains gestes ou postures de travail ».
Par courrier du 17 décembre 2016, la société [5] a contesté cette décision devant la Commission de Recours Amiable (CRA) de la CPAM laquelle, par décision du 30 janvier 2017, notifiée le 2 février 2017, a rejeté sa requête.
Par courrier expédié le 28 mars 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy, alors compétent, d'un recours à l'encontre de la décision de la commission.
Au 1er janvier 2019, cette affaire a été transférée en l'état au pôle social du Tribunal de Grande Instance de Nancy, nouvellement compétent.
Par jugement du 15 juillet 2019, ce tribunal a :
- déclaré le recours de la SAS [5] recevable et bien-fondé,
- infirmé la décision de la CRA de la CPAM de Meurthe et Moselle du 30 janvier 2017,
- dit que la décision de la CPAM de Meurthe et Moselle du 18 octobre 2016 de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [O] [L] est inopposable à la SAS [5],
- condamné la CPAM de Meurthe et Moselle aux dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 5 août 2019, la caisse a interjeté appel de ce jugement.
Par un arrêt du 29 septembre 2020, la cour d'appel de Nancy a :
- infirmé en toutes ses dispositions contestées le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Nancy le 15 juillet 2019 ;
Statuant à nouveau,
- dit que les conditions tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie désignée par le tableau n°57 B des maladies professionnelles ne sont pas remplies ;
- désigné, avant dire droit, le CRRMP de Bourgogne Franche Comté sis à la [Adresse 6], afin de déterminer si la pathologie de M. [O] [L] a été directement causée par le travail habituel de l'intéressé ;
- invité la CPAM des Ardennes à lui transmettre le dossier de M. [O] [L] conformément aux dispositions de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, y compris l'avis rendu par le CRRMP de Nancy ;
- rappelé au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bourgogne France Comté qu'il dispose, conformément aux dispositions de l'article D. 461-35 du même code, d'un délai de quatre mois pour adresser son avis motivé au greffe de la chambre sociale ;
- dit que le greffier de la chambre sociale devra transmettre au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la réception, copie dudit avis aux parties et à leurs représentants ;
- désigné le président de la chambre sociale pour contrôler l'exécution de la mesure ordonnée ;
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du mercredi 17 mars 2021 à 13h30 et que cet arrêt vaut convocation des parties ;
- réservé les demandes des parties et les dépens.
L'avis du CRRMP, sans prise de connaissance de l'avis du médecin du travail, a été rendu le 23 février 2021 et reçu au greffe le 5 mars 2021.
Par un arrêt du 6 juillet 2021, la cour d'appel de Nancy a :
- déclaré nul l'avis du CRRMP de la région Bourgogne Franche-Comté rendu le 23 février 2021 ;
- désigné avant dire droit, le CRRMP de la région Hauts de France-Picardie afin de déterminer si la pathologie de M. [O] [L] a été directement causée par le travail habituel de l'intéressé,
- invité la CPAM à lui transmettre le dossier de M. [O] [L] conformément aux dispositions de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale, y compris l'avis rendu par le CRRMP de Nancy-Nord-Est mais non compris l'avis rendu par le CRRMP de la région Bourgogne-Franche-Comté déclaré nul,
- rappelé au CRRMP de la région Hauts de France-Picardie qu'il dispose, conformément aux dispositions de l'article D. 461-35 du même code, d'un délai de quatre mois pour adresser son avis motivé au greffe de la chambre sociale,
- dit que le greffier de la chambre sociale devra transmettre au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la réception, copie dudit avis aux parties et à leurs représentants,
- désigné le président de la chambre sociale pour contrôler l'exécution de la mesure ordonnée
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du mardi 14 décembre 2021 et que cet arrêt vaut convocation des parties,
- réservé les demandes des parties et les dépens.
Le 6 juillet 2022, le CRRMP région Hauts de France, retenant un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle, a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée.
*
Suivant ses conclusions reçues au greffe le 22 novembre 2022, la caisse demande à la cour de :
- lui accorder le bénéfice de ses précédentes conclusions et pièces,
- homologuer l'avis du CRRMP des Hauts de France du 06/07/2022,
- déclarer opposable à la société [5] sa décision en date du 18/10/2016 de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie du 19/05/2015 dont est atteint M. [O] [L],
- débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes.
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Suivant ses conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2022, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a déclaré inopposable la décision de la Caisse du 18 octobre 2016, confirmée par la décision expresse de la Commission de Recours Amiable du 02 février 2017, de prise en charge de la pathologie de Monsieur [O] [L] au titre des risques professionnels, pour défaut de motivation de l'avis du CRRMP des Hauts de France,
A titre subsidiaire,
- constater que la motivation de l'avis du CRRMP des Hauts de France repose sur un avis nul,
- lui juger inopposable la décision de la Caisse du 18 octobre 2016, confirmée par la décision expresse de la Commission de Recours Amiable du 02 février 2017, de prise en charge de la pathologie de Monsieur [O] [L] au titre des risques professionnels,
- condamner la CPAM de Meurthe & Moselle aux entiers frais et dépens.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.
Motifs :
Il résulte de l'article L. 461-1du code de la sécurité sociale que lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge figurant dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans ce tableau peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime, après avis d'un CRRMP.
Le juge du contentieux de la sécurité sociale n'est pas lié par les avis des CRRMP dont il apprécie souverainement la valeur et la portée (civ.2e 12 février 2009, pourvoi n° 08-14.637 ; civ.2e., 10 décembre 2009, pourvoi n° 08-21.812 ; civ.2e., 6 mars 2008, pourvoi n° 07- 11.469 ; civ.2e., 4 juillet 2007, pourvoi n° 06-15.741 ; civ.2e., 19 avril 2005, pourvoi n° 03-30.423, Bull. 2005, II, n° 103 ; Soc., 18 mars 2003, pourvoi n° 01-21.357 ; Soc., 31 octobre 2002, pourvoi n°01-20.021).
L'employeur soutient que l'absence de motivation sur les points ayant conduit le CRRMP à rendre son avis doit entrainer l'inopposabilité de la décision prise par la caisse. Il précise que le CRRMP ne précise pas quels éléments l'on conduit à conclure au fait que le salarié est exposé à une gestuelle contraignante et habituelle des muscles épicondyliens susceptibles d'expliquer l'apparition de la pathologie, la seule référence à l'enquête administrative est en soi insuffisante alors qu'il était mis en évidence dans le rapport employeur adressé à la caisse le fait que le salarié était sur un poste très automatisé.
L'avis du CRRMP de Hauts de France relève que le salarié, né en 1959, travaille dans une imprimerie comme conducteur de ligne, puis bobinier receveur et présente en tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens du coude droit en date du 5 mars 2015 chez un droitier. Ce comité constatant l'absence de pièces nouvelles conclut à l'absence d'élément permettre les précédentes analyses faites par CRRMP.
Il résulte de ce qui précède que si les explications données par cet avis sont succinctes, il reste qu'elles permettent de connaitre les raisons qui ont conduit ce dernier CRRMP à émettre un avis d'existence d'un lien direct entre la pathologie présentée par le salarié et le travail de ce dernier.
Pour ce qui concerne, l'existence d'un lien, il convient de relever que le CRRMP de Nancy a considéré que l'enquête administrative fait apparaitre une exposition à une gestuelle contraignante des muscles épicondyliens susceptible d'expliquer l'apparition de la pathologie. Il résulte de ce qui précède que le CRRMP des Hauts de France partage cette analyse.
Il convient de constater que si le rapport de l'employeur met effectivement en avant des conditions de travail se traduisant par l'emploi de dispositif largement automatisés, il n'en demeure pas moins que ce rapport permet de mettre en évidence la réalisation de taches sollicitant muscles épicondyliens tenant à la prise de plaquettes ou le retrait de paquets défectueux de la machine ainsi que des opérations de port de paquet.
S'il est certain que selon ce même rapport ces opérations restent réduites dans le temps et ne permettent précisément pas de les voir correspondre à la liste limitative des travaux du tableau 57 considéré, il n'en demeure pas moins que ces contraintes existent.
Il s'ensuit qu'en l'état de ces constatations, compte tenu des avis convergents des deux CRRMP sus mentionnés et en l'absence d'élément supplémentaire de nature à remettre en cause cette analyse, étant observé que l'employeur ne formule pas d'autre observation que celles susmentionnées portant sur la régularité de l'avis, il convient de retenir que la pathologie présentée par le salarié concerné a été directement causé par le travail habituel de ce dernier, en sorte que la décision de prise en charge de la caisse doit être déclarée opposable à l'employeur.
L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens selon les conditions précisées au dispositif du présent arrêt par application combinée des articles 11 et 17 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Vu les arrêts de cette cour des 20 septembre 2020 et 6 juillet 2021';
Déclare opposable à la société [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle du 18 octobre 2016 de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [O] [L]';
Condamne la société [5] aux dépens dont les chefs sont nés postérieurement au 1er janvier 2019.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par MadameClara TRICHOT-BURTÉ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en six pages