ARRÊT N° /2022
SS
DU 05 JUILLET 2022
N° RG 20/02290 - N° Portalis DBVR-V-B7E-EVFQ
Pôle social du Tribunal judiciaire de NANCY
18/00339
13 octobre 2020
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie DEVARENNE ODAERT de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, substitué par Me Hélène MASSIN-TRACHEZ, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉE :
INSTITUT DE CANCEROLOGIE DE LORRAINE - CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Christophe GENIN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président :Monsieur BRUNEAU
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier :Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 11 Mai 2022 tenue par Monsieur BRUNEAU, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Raphaël WEISSMANN, président, et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 05 Juillet 2022 ;
Le 05 Juillet 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS, PROCEDURE, PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES.
L'Institut de Cancérologie de Lorraine (ICL) a fait l'objet de la part de l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (Urssaf) de Lorraine d'une vérification comptable de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires au titre des années 2014 à 2016.
Par lettre du 20 mars 2017, l'Urssaf de Lorraine lui a communiqué ses observations relatives à dix chefs de redressements et a conclu à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires d'un montant total de 81.034 euros se décomposant comme suit :
1 - cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail - condition relative à l'âge du salarié : 6.661 euros,
2 - cotisations - rupture non forcée du contrat de travail - assujettissement (démission, départ volontaire à la retraite) : 6.549 euros,
3 - cotisations - rupture forcée du contrat de travail avec limite d'exonération (hors journaliste et VRP) : 23.424 euros,
4 - cotisations - rupture non forcée du contrat de travail - assujettissement : 3.995 euros,
5 - CSG/CRDS - rupture du contrat de travail - limite d'exonération - indemnités pour licenciement irrégulier : 2.365 euros,
6 - Régime spécial - activité accessoire - dispense de cotisation ouvrière vieillesse : 35.358 euros,
7 - Réduction générale des cotisations - règles générales : 3.496 euros,
8 - Rémunérations servies par des tiers - cotisations de droit commun : 1.669 euros,
9 - Modulation des taux assurance chômage - embauche en CDD - assiette, taux et majoration : - 33 euros,
10 - Modulation des taux assurance chômage - embauche en CDI - assiette, taux et majoration - salariés concernés - condition d'âge : - 2.450 euros.
Par courrier du 20 avril 2017, l'ICL a contesté le redressement au regard des chefs de redressement n° 1, 2, 4, 5 et 6.
Par courrier du 29 juin 2017, l'Urssaf a fait droit à sa contestation au regard du point n°1 et a maintenu les autres points contestés, ramenant le montant initial des régularisations de 81.034 euros à 74.373 euros.
Par courrier du 14 septembre 2017, l'Urssaf a mis en demeure l'ICL de lui régler la somme de 84.111 euros (74.419 euros de cotisations et 9.738 euros de majorations de retard).
Par courrier du 3 novembre 2017, l'ICL a maintenu sa contestation des points 2, 4, 5 et 6 devant la Commission de Recours Amiable (CRA) de l'Urssaf.
Le 27 décembre 2017, l'ICL a versé à l'Urssaf la somme de 26.106 euros en règlement des chefs de redressement non contestés.
Par décision du 12 mars 2018, la CRA a maintenu le redressement et rejeté la contestation de l'ICL.
Par courrier reçu au greffe le 6 juin 2018, l'ICL a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Nancy, alors compétent, d'un recours à l'encontre de cette décision.
Au 1er janvier 2019, cette affaire a été transférée en l'état au pôle social du tribunal de grande instance - devenu tribunal judiciaire - de Nancy.
Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal a :
- infirmé la décision de rejet du 12 mars 2018 de la CRA de l'Urssaf de Lorraine saisie par l'ICL par courrier du 3 novembre 2017 en ce qu'elle a maintenu le chef de redressement n° 6 "régime spécial - activité accessoire : dispense de cotisation ouvrière vieillesse " et l'a confirmée pour le surplus,
- condamné l'ICL à verser à l'Urssaf de Lorraine la somme de 12.909 euros à titre de cotisations et la somme de 645,45 euros à titre de majorations, outre les majorations de retard complémentaires qui devront être liquidées à compter du 1er février 2015 sur la somme de 3.995 euros du 1er février 2016 sur la somme de 6.549 euros et du 1er février 2017 sur la somme de 2.365 euros,
- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés,
- débouté l'ICL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'Urssaf de Lorraine de sa demande au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par acte du 13 novembre 2020, l'Urssaf a interjeté appel de ce jugement limité au chef de jugement portant sur le chef de redressement n° 6.
Appelée à l'audience du 7 avril 2021, l'affaire a été évoquée à l'audience du 11 mai 2022, après plusieurs renvois à la demande des parties, lesquelle s'en sont rapportées à leurs conclusions écrites.
*
Suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 28 octobre 2021, l'Urssaf demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- en conséquence, infirmer la décision rendue le 3 octobre 2020 par le Tribunal Judiciaire de Nancy en ce qu'il a infirmé partiellement la décision de la CRA du 12 mars 2018 et annulé le redressement relatif à l'assujettissement de la part ouvrière des cotisations vieillesse du personnel PU-PH,
- confirmer la décision du Tribunal judiciaire de Nancy du 3 octobre 2018 (en réalité 2020) pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que le chef de redressement n° 6 de la lettre d'observations du 20 mars 2017 est parfaitement fondé,
- dès lors, confirmer la décision de sa CRA dans son intégralité,
- condamner l'ICL au paiement de la somme de 35.358 euros de cotisations augmentée des majorations de retard initiales et complémentaires à décompter au jour du paiement intégral des cotisations les ayant générées,
- condamner l'ICL au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
*
Suivant conclusions n° 2 récapitulatives portant appel incident déposées à l'audience du 9 mars 2022, l'ICL demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nancy en ce qu'il a :
- Confirmé la décision du 12 mars 2018 de la commission de recours amiable de l'URSSAF de Lorraine sur le maintien des chefs de redressement n° 2, 4 et 5 ;
- Condamné l'ICL à verser à l'URSSAF de Lorraine la somme de 12.909 euros à titre de cotisations et la somme de 645,45 euros à titre de majorations, outre les majorations de retard complémentaires qui devront être liquidées à compter du 1er février 2015 sur la somme de 3.995 euros du 1er février 2016 sur la somme de 6549 euros et du 1er février 2017 sur la somme de 2.365 euros ;
- Débouté l'ICL de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens.
En conséquence :
- Annuler en tous points le redressement de cotisations sociales tel qu'il résulte de la lettre de mise en demeure du 14 septembre 2017, adressée à l'ICL par l'Urssaf de Lorraine.
- Annuler les chefs de redressement suivants:
- 6.549 euros pour rupture non forcée du contrat de travail (dossier [E]),
- 3.995 euros pour rupture non forcée du contrat de travail (dossier [K]),
- 2.365 euros pour CSG/CRDS sur rupture du contrat de travail (dossier [I]),
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nancy en ce qu'il a infirmé la décision de la Commission de Recours amiable et annulé le chef de redressement n° 6 " régime spécial - activité accessoire : dispense de cotisation ouvrière vieillesse " ;
En conséquence
- débouter l'URSSAF de Lorraine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause
- condamner l'URSSAF de Lorraine au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, auxquelles les parties s'en sont rapportées à l'audience.
SUR CE, LA COUR ,
1 - Sur l'appel principal
L'article L 243-6-3 du code de la sécurité sociale dispose que les organismes mentionnés aux articles L 231-1 et L 752-4 du même code se prononcent de manière explicite sur toute demande d'une personne mentionnée au deuxième alinéa du présent article ayant pour objet de connaître l'application à une situation précise de la législation relative aux conditions d'affiliation au régime général au titre des différentes catégories mentionnées au 1° de l'article L 200-1 ou de la législation relative aux cotisations et contributions de sécurité sociale contrôlées par ces organismes.
L'article D 171-11 du même code dispose que lorsque les fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat exercent une activité accessoire au service de l'Etat, d'un département, d'une commune ou d'un établissement public, aucune cotisation n'est due, au titre de l'activité accessoire par l'administration, la collectivité ou l'établissement employeur, ni par l'intéressé. Ce dernier n'a droit qu'aux prestations prévues par le régime dont il relève du fait de son activité principale. Les accidents survenus dans l'activité accessoire sont réparés comme s'ils étaient survenus dans l'activité principale.
Il ressort des dispositions du décret n° 84-135 du 24 février 1984 modifié que les personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires exercent conjointement des fonctions universitaires et hospitalières ; leur statut, à la date du litige, distingue plusieurs corps et notamment celui des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU- PH) qui, aux termes de l'article 5 dudit décret, peuvent exercer tout ou partie de leurs fonctions hospitalières dans un établissement lié par convention à un centre hospitalier universitaire.
L'Urssaf fait grief aux premiers juges d'avoir retenu la décision de sa commission de recours gracieux du 7 janvier 1985 assimilant l'ICL, lié par une convention d'association au centre hospitalier universitaire, et l'exonérant donc de toute cotisation, alors que l'ICL n'a jamais appliqué cette décision et réglé une partie des cotisations hormis la cotisation vieillesse, et que la législation a évolué depuis cette décision, l'article D 171-4 du code de la sécurité sociale assujetissant depuis le décret du décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015 les fonctionnaires assurant une activité accessoire dans le secteur privé aux cotisations du régime général.
L'ICL précise que les PU-PH exerce une activité universitaire et une activité hospitalière et sont affiliés à la retraite additionnelle de la fonction publique. Il indique qu'il occupe les PU-PH sous le régime des articles L. 6142-1et R. 6142-35 du code de la santé publique qui permet une affectation, par décrets des ministres de l'éducation nationale et de la santé, et non un détachement, des PU-PH au sein d'un centre de lutte contre le cancer qui peut porter sur la totalité de l'activité hospitalière, leur rémunération étant à sa charge ;
Il fait valoir que cette position a été validée par l'Urssaf de Meurthe-et-Moselle en janvier 1985, ainsi que par l'ACOSS, interrogée par l'Urssaf de Meurthe-et-Moselle qui a retenu, s'agissant des PU-PH exerçant au sein de l'Intitut [7], associé par convention au Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 1], ce qui impliquait son assimilation à l'hôpital public et qu'en conséquence, aucune cotisation n'est due au titre de l'activité hospitalière du PU-PH. L'ICL se prévaut enfin de la position d'autres Urssaf, et notamment celle d'Aquitaine qui a fait bénéficier en juillet 2018 le Centre régional de Lutte contre le Cancer de la Région de Nouvelle Aquitaine de la dispense de la part ouvirère vieillesse du personnel PU-PH, analyse également adoptée par l'Urssaf dont relève l'Institut [6], Centre de Lutte contre de Cancer de la Région Parisienne.
L'Urssaf de Lorraine ne conteste pas que les professeurs des universités-praticiens hospitaliers relèvent des dispositions de l'article D. 171-11 du Code de la Sécurité Sociale ;
Elle ne conteste pas davantage que l'Institut de Cancérologie de Lorraine, établissement de droit privé, est lié par une convention d'association au Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 1].
Par lettre du 7 janvier 1985, l'Urssaf de Meurthe-et-Moselle a, sur demande du secrétaire général du Centre [4], aujourd'hui dénommé Institut de Cancérologie de Lorraine, indiqué qu' "un établissement privé à but non lucratif, du fait qu'il se trouvé lié par une convention d'association au Centre hospitalier universitaire, est assimilé à un hôpital public et en conséquence, aucune cotisation n'est due au titre de l'activité hospitalière du personnel médical hospitalo-universitaire...dans la mesure toutefois où les intéressés relèvent effectivement du régime spécial des fonctionnaires au titre de leur activité principale universitaire. "
Les dispositions de l'article D 171-11 du code de la sécurité sociale n'ont été modifiées par le décret 2015-877 du 16 juillet 2015 que pour tenir compte de l'abrogation par ce décret de l'article D 171-10 qui portait sur le bénéfice pour les travailleurs concernés des prestations familiales en cas d'incapacité de travail, dispositions sans impact sur le présent litige.
Il apparaît que c'est par une juste analyse des textes que les premiers juges ont retenu que l'Urssaf ne justifiait pas d'une évolution de la législation concernant les cotisations des PU-PH au sein de l'ICL par le décret n°2015-877 du 16 juillet 2015 ni d'un changement de situation de fait concernant ces personnels, et que la décision du 7 janvier 1985 reste opposable à l'Urssaf de Lorraine, peu important par ailleurs que l'ICL ait par la suite réglé des cotisations au titre des branches maladie et familiale, ces règlements ne pouvant s'analyser en une renonciation à se prévaloir de l'interprétation et de la position prise par la lettre du 7 janvier 1985.
Dès lors, aucune cotisation n'est due par l'ICL au titre de l'activité des PU-PH.
Le redressement sera annulé, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
2 - Sur l'appel incident
Sur les chefs de redressement concernant les indemnités versés à la fin du contrat de travail
Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que toutes les sommes versées au salarié en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités versés lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.
Il convient dès lors de rechercher la nature des indemnités versées par l'ICL à ses salariés.
Sur la nature des indemnités litigieuses
1 - Concernant les indemnités transactionnelles versées suite à démission (chef de redressement n° 2) ;
Il ressort des dispositions des articles L 242-1 et L 242-2 du code de la sécurité sociale et 80 du code général des impôts, dans sa version applicable aux faits de la cause, que toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, à moins que l'employeur démontre que cette indemnité répare un préjudice.
L'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations l'indemnité transactionnelle de 25.000 euros versée en exonération de charges sociales, à l'exclusion de la SSG/CRDS, à M.[C] [E], en février 2015 suite à sa démission par courrier du 28 janvier 2015, reçu le lendemain.
L'ICL reconnaît que par principe, toute les sommes versées au salarié, autre que celles expressément exclues, sont soumises à cotisations, et à l'exclusion des sommes non comprises dans l'article 80 du code général des impôts si l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que toutefois la démission de M. [C] [E] était ambigüe puisqu'elle faisait suite à l'annonce par l'employeur de l'engagement d'une procédure disciplinaire pouvant conduire au licenciement, et que les parties ont conclu une transaction dont les termes ne présentent aucun doute sur le caractère indemnitaire des sommes convenues.
En l'espèce, il ressort des documents produits par l'employeur que :
- M. [C] [E] a été convoqué par " lettre remise en mains propres " du 5 janvier 2015, qui ne comporte pas sa signature, suite à un ensemble de faits, à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, la date étant fixée au 12 janvier 2015, avec mise à pied conservatoire compte tenu de la gravité des agissements fautifs qui lui sont reprochés et suspension de sa rémunération ;
- à l'issu de cet entretien, M. [C] [E] a souhaité que son dossier soit transmis à la Commission Paritaire Médicale de Conciliation (CMPM) prévue par la Convention Collective des Centres de Lutte Contre le Cancer ;
- par courrier daté du 28 janvier 2015 reçu par l'ICL le 29 janvier 2015, M. [C] [E] a démissionné de son poste de praticien spécialisé qu'il occupe depuis le 1er mars 2006, avec demande de dispense de préavis, afin " de se consacrer à son nouveau projet professionnel ",
- par courrier daté du 30 janvier 2015 reçu par l'ICL le 2 février 2015, M. [C] [E] a contesté sa démission, affirmant que celle-ci a été en réalité contrainte par la procédure disciplinaire engagée à son encontre et a indiqué saisir le conseil des prud'hommes,
- le 3 février 2015, un " protocole d'accord valant transaction renonciation à instance et à action " a été signé entre l'ICL et M. [C] [E], moyennant le versement d'une somme de 23.000 euros après précompte du CGS/CRDS.
L'article 2 de ce protocole dispose qu' 'en réparation du préjudice que le Dr [E] prétend avoir subi du fait d'une démission qu'il estime contrainte par une procédure de licenciement vexatoire et sans que cela emporte reconnaissance du bien fondé de ses prétentions, et en contrepartie de la renonciation à toute action ou instance, l'ICL lui verse, à titre d'indemnité transactionnelle globale, forfaitaire et définitive, compensant l'intégralité des préjudices matériels et moraux au titre de la conclusion, de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, une somme de 25000 euros (vingt cinq mille euros) soit un montant de 23000 euros net.'
L'ICL ne produit à hauteur d'appel aucune information supplémentaires sur les faits qualifiés de graves dans son courrier de convocation à entretien préalable remis à M. [C] [E] permettant d'apprécier le caractère vexatoire de la procédure disciplinaire mise en 'uvre.
Il ressort donc de ces élements qu'il existait entre les parties une contestation sur l'imputabilité de la rupture du contrat de travail, et en conséquence l'indemnité versée en exécution de la transaction ne constituait pas un élément de rémunération dû à l'occasion de la démission du salarié mais présentait un caractère indemnitaire, de sorte qu'elle ne doit pas entrer dans l'assiette des cotisations sociales.
Le redressement de ce chef sera annulé et la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné l'ICL à payer à l'Urssaf de Lorraine la somme de 6549 euros.
2 - Concernant les indemnités transactionnelles versées en l'absence de rupture de contrat de travail (chef de redressement n° 4)
L'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations la somme de 3.500 euros versée à M.[F] [K], salarié en CDD du 16 décembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2014 en exonération de charges sociales, en exécution d'une transaction conclue le 5 mai 2015 afin d'éviter un contentieux concernant la requalification de sa relation de travail en CDI, au motif qu'il ne s'agit pas d'une rupture forcée du contrat de travail, qui a pris fin au terme du CDD.
L'ICL s'oppose à cette réintégration dans l'assiette des cotisations, cette somme étant largement inférieure aux sommes auxquelles il aurait pu prétendre dans le cadre de la procédure judiciaire, ou tout le moins demande qu'elle soit limitée à hauteur d''indemnité de requalification". Il soutient que les parties ont clairement qualifié l'indemnité et identifié ce qu'elle venait réparer, à savoir : " le préjudice que M. [F] [K] prétend avoir subi du fait de la violation des normes législatives et réglementaires propres au contrat de travail à durée déterminée " et que ni l'Urssaf ni les premiers juges n'étaient en droit de dénaturer cette intention commune.
En l'espèce, M. [F] [K] a saisi le 6 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Nancy en demandant la requalification de ses CDD successifs en CDI et des sommes en découlant, se décomposant comme suit :
Congés payés afférents au préavis 145,70 euros
Indemnité de préavis brute 1.457,00 euros
Indemnité de licenciement conventionnelle nette 437,10 euros
Indemnité de requalification CDD en CDI nette1.457,00 euros
Article 700 du code de procédure civile 1.000,00 euros
En cours d'instance, les parties sont parvenues à un accord et ont signé le 5 mai 2015 un protocole d'accord valant désistement d'instance et d'action, moyennant le versement par l'ICL d'une indemnités transactionnelle de 3.500 euros après précompte des CSG et CRDS aux termes duquel :
" En réparation du préjudice que M. [F] [K] prétend avoir subi du fait de la violation des normes législatives et réglementaires propres au contrat de travail à durée déterminée, sans que cela emporte reconnaissance du bien fondé de ses prétentions et en contrepartie de son
désistement de toute action et instance, l'ICL lui verse, à titre d'indemnité transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive, compensant l'ensemble des préjudices matériels et moraux au titre de la conclusion, de l'exécution et des ruptures des contrats de travail à durée déterminée, une somme de 3.500 euros après précompte de la CSG et CRDS ".
La société rapporte ainsi la preuve que l'indemnité transactionnelle en litige compense pour l'intégralité de son montant le préjudice subi pour non respect des dispositions relatives aux CDD, de sorte qu'ayant un fondement exclusivement indemnitaire cette indemnité n'entre pas dans l'assiette des cotisations.
Le redressement de ce chef sera annulé, et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné l'ICL à payer à l'Urssaf de Lorraine la somme de 3995 euros.
3 Sur le chef de redressement concernant l'assujettissement à la CSG/CRDS des dommages et intérêts consécutifs à la condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (chef de redressement n° 5)
Il résulte des dispositions de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que sont inclus dans l'assiette de la contribution " les indemnités de licenciement (') et toutes autres sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail pour la fraction qui excède le montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi ".
L'article L. 1235-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, précise que " si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge (') octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ".
S'agissant des dommages-intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) porte sur le minimum légal des salaires des six derniers mois fixé par l'article L. 1235-3 du code du travail, peu important que l'indemnisation ait été allouée par le juge sur le fondement de cet article ou sur celui de l'article L.1235-5 du même code, dans leur rédaction alors applicable, antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (Cass Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 17-11.487).
L'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations, la CSG et la CRDS la somme de 29.564 euros correspondant à la fraction excédant le montant représentant six mois de salaire.
L'ICL conteste la lecture des textes faite par l'Urssaf et soutient que cette somme doit être versée intégralement en exonération de CSG/CRDS, aucun texte légal ne permettant de considérer ce minima de six mois comme un plafond social au-delà duquel les dommages et intérêts octroyés dans le cadre de la rupture d'un contrat de travail devrait être soumis à CSG/CRDS ; par ailleurs, l'ICL soutient qu'au regard des dispositions de l'article L1235-1 du code du travail issu de la loi 2015-990 du 6 août 2015, l'indemnité prévue par ces dispositions pour un salarié ayant l'ancienneté de Mme [I] était de 10 mois de salaire.
En l'espèce, Mme [L] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail au 10 janvier 2013 et a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy qui, par jugement du 15 mai 2015, confirmé par la cour de céans par arrêt du 19 octobre 2016, lui a accordé notamment une somme de 80.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le référentiel visé par les dispositions de la loi 2015-990 du 6 août 2015 est indicatif et ne peut donc constituer le montant légal ou conventionnel visé par l'article L 136-2 du code de la sécurité sociale.
Il n'est pas contesté que la rémunération mensuelle de Mme [L] [I] était de 8406 euros ;
C'est donc par une exacte application des dispositions rappelées précédemment que les premiers juges ont constaté que la somme exonérée était de 50436 euros et qu'en conséquence était soumise à cotisations sociales la somme de 29 564 euros.
En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point en ce qu'il a condamné l'ICL à payer à l'Urssaf de Lorraine la somme de 2365 euros.
*
Il sera fait masse des dépens du présent arrêt, qui seront partagés pour moitié entre les parties et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy du 13 octobre 2020 en ce qu'il a infirmé la décision de rejet du 12 mars 2018 de la CRA de l'Urssaf de Lorraine saisie par l'ICL par courrier du 3 novembre 2017 en ce qu'elle a maintenu le chef de redressement n° 6 " régime spécial - activité accessoire : dispense de cotisation ouvrière vieillesse " et l'a confirmée pour le surplus ;
LE REFORME en ce qu'il a condamné l'ICL à verser à l'Urssaf de Lorraine la somme de 12.909 euros (douze mille neuf cent neuf euros) à titre de cotisations et la somme de 645,45 euros (six cent quarante cinq euros et quarante cinq centimes) à titre de majorations, outre les majorations de retard complémentaires qui devront être liquidées à compter du 1er février 2015 sur la somme de 3.995 euros (trois mille neuf cent quatre vingt quinze euros) du 1er février 2016 sur la somme de 6.549 euros (six mille cinq cent quarante neuf euros) et du 1er février 2017 sur la somme de 2.365 euros (deux mille trois cent soixante cinq euros) ,
Statuant à nouveau
ANNULE les chefs de redressement n° 2 et n°4 ;
CONDAMNE l'ICL à verser à l'Urssaf de Lorraine la somme de 2365 euros (deux mille trois cent soixante cinq euros) de cotisations au titre du chef de redressement n° 5 (CSG/CRDS - rupture du contrat de travail - limite d'exonération - indemnités pour licenciement irrégulier) , augmentée des majorations de retard initiales et complémentaires à décompter au jour du paiement intégral des cotisations les ayant générées,
REJETTE tout autre demande plus ample ou contraire,
FAIT MASSE des dépens du présent arrêt et dit qu'ils seront supportés pour moitié par chacune des parties.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Guerric Henon, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
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